SANTE - Frédéric Bizard, économiste, est l'invité de Amandine Bégot

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Comment et dans quelles mesures le secteur de la santé va-t-il être impacté par les économies budgétaires ? Remboursement des consultations, arrêts de travail, dotations des hôpitaux... Regardez Frédéric Bizard, économiste spécialiste des questions de protection sociale et de santé, président fondateur de l'Institut Santé, un centre de recherche dédié à la refonte du système de santé français. Il publie "Les itinérants de la santé : quel futur pour notre système de santé", aux éditions Michalon.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot avec Amandine Bégot du 11 octobre 2024.

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Transcription
00:00RTL Matin, avec Amandine Bégaud et Thomas Soto.
00:04Il est 8h15, l'interview d'Amandine Bégaud, et on continue à décortiquer le budget,
00:08à voir ce qui va changer dans nos vies de tous les jours.
00:10Amandine, vous vous arrêtez sur l'une des premières préoccupations des Français, la santé.
00:15Alors vous avez choisi d'inviter ce matin Frédéric Bizarre,
00:18président fondateur de l'Institut Santé et qui publie « Les itinérants de la santé ».
00:21Bonjour et bienvenue.
00:22Bonjour Frédéric Bizarre.
00:23Bonjour.
00:24Ce livre, c'est une fiction futuriste qui est basée d'ailleurs sur des données réelles,
00:28celle de l'Institut Santé, dans laquelle les habitants fuient leur pays
00:33à cause du délitement de leur système de santé pour un autre pays
00:35qui lui a surréformé son système de santé.
00:38Est-ce que c'est ce qui risque vraiment de se passer ?
00:40Est-ce qu'on en est vraiment là aujourd'hui ?
00:43Oui, je pense qu'en effet, si vous avez un système de santé qui se dégrade excessivement,
00:46les gens ont besoin de se soigner.
00:47La santé est quand même le bien supérieur, le plus précieux pour tout le monde.
00:53Peut-être avant d'arriver sur le budget, je voudrais juste objectiver un petit peu la situation
00:56parce que je pense que ce budget pose un vrai problème d'absence totale de réformes de structure.
01:00Il n'y a pas une seule réforme de structure, que ce soit pour l'État, pour la santé,
01:03pour la sécurité sociale.
01:04En revanche, il faut que les Français aient conscience que les 6 points de PIB de déficit
01:09que nous avons, sur 5 ans, il faut les réduire en dessous de 3 points.
01:14En fait, sur les 6 points, vous avez 2 points qui sont liés à la dette
01:16et 4 points à ce qu'on appelle le déficit primaire.
01:18Il faut supprimer ce déficit primaire en 4 points.
01:21Un point, c'est 30 milliards, c'est 180 milliards pour que les Français s'en aillent.
01:24Donc, il faut, sur 5 ans, parce qu'on a 5 ans pour le faire, supprimer ces 4 points-là.
01:29Sinon, ce n'est pas simplement parce que les esprits chagrins avec Bruxelles se rassurent.
01:33Nous le devons parce que sinon, il y a un emballement de la dette.
01:36Donc, il faut prendre des mesures sur 5 ans.
01:38Peut-être qu'on n'est pas obligé, sur un an, de faire ce qui est fait.
01:40La deuxième chose, c'est que ce gouvernement a eu quelques jours pour préparer un budget
01:44qui est quand même le résultat de politiques menées depuis une vingtaine d'années
01:47dont nous sommes tous collectivement responsables parce que nous sommes dans une démocratie.
01:50En plus, corriger des fautes assez récentes,
01:52comme par exemple la hausse de 8 milliards des dépenses à l'hôpital non financées pour le Ségur
01:58et la hausse de 5,3% en janvier 2024 des retraites, alors qu'on avait une inflation autour de 2%.
02:04Donc, il faut corriger ces choses-là.
02:06En revanche, je pense, le problème, c'est la tyrannie de la facilité,
02:10c'est-à-dire qu'on rabote partout sans aucune mesure de structure.
02:13– Sauf que là, il y a urgence et c'est pour ça qu'il faut...
02:15– Et c'est pour ça que ce travail collectif, c'est une démarche immense,
02:20c'est une tâche immense de restructurer le système de santé.
02:22Donc, on a démarré une cinquantaine en 2018, puis plus de 200 pour travailler sur cette refonte.
02:27Je vous prends un exemple, la mesure phare de ce budget,
02:30c'est le déremboursement de la consultation médicale de 70 à 60%.
02:33Ça a été, et apparemment avec l'assentiment du ministre du budget.
02:38– Juste pour expliquer bien aux auditeurs,
02:40aujourd'hui, la consultation chez un généraliste, c'est 30 euros
02:43et la Sécu en rembourse aujourd'hui 21 euros, reste la mutuelle.
02:48Là, il s'agirait de rembourser seulement 18 euros par la Sécurité sociale.
02:51– Voilà, la mutuelle rembourse 9 euros aujourd'hui, elle va rembourser 12 euros demain.
02:54Est-ce que c'est un problème ?
02:55En fait, c'est un problème majeur. Pourquoi ?
02:58D'abord, quand vous transférez vers de l'argent privé, vers les mutuelles, le remboursement,
03:03ça a été fait en octobre 2023 avec les dentistes.
03:07En fait, ça coûte beaucoup plus cher à qui ?
03:09À ceux qui ont le plus besoin d'un contrat privé,
03:12qui sont en général les retraités, les retraités de la classe moyenne.
03:15Quand vous transférez 1 euro d'argent public vers l'argent privé,
03:20vous avez une hausse d'à peu près 5 euros.
03:22C'est ce qu'on a vu avec, encore une fois, ce transfert de 500 millions d'euros.
03:26– Pourquoi ? Parce que les mutuelles augmentent leur tarif ?
03:27– Parce qu'il y a un effet d'aubaine des mutuelles, 2024,
03:30plus 10% de la cotisation des mutuelles, c'est-à-dire plus 4 milliards d'euros.
03:34Est-ce que c'est de la dépense contrainte ou pas ?
03:35Oui, parce que vous avez besoin de vous protéger et d'avoir ce contrat-là.
03:40Donc là, on voit bien que c'est une mesure qui est très inégalitaire et qui va peser.
03:44La deuxième chose, c'est qu'on a mis des décennies à construire ce modèle universel.
03:48C'est-à-dire que vous, comme moi, comme Thomas Soto,
03:51nous sommes dans le même système de santé.
03:53À partir du moment où vous faites que la porte d'entrée,
03:56qui est la consultation médicale, va demain, parce qu'on en prend le chemin,
03:59être financée majoritairement par les mutuelles.
04:01Mais en fonction de votre contrat et de votre assureur privé,
04:05vous aurez un système de santé qui sera différent à l'américaine.
04:08Donc, si vous voulez, c'est extrêmement…
04:11On sacrifie le long terme pour le contrat.
04:13Alors, vous allez me dire, OK, mais qu'est-ce qu'on fait ?
04:15Que fait-on ?
04:16Sur ce point précis, par exemple.
04:18Eh bien, on fait ce qu'on fait tous les autres pays,
04:20c'est-à-dire qu'on distingue les paniers de soins financés par l'assureur public
04:24des paniers de soins financés par l'assureur privé.
04:26C'est-à-dire, entre ce qui est nécessaire…
04:29Exactement, on réfléchit un peu à ce qui doit être pris en charge
04:32par la collectivité et par l'assureur public.
04:34Pourquoi ? Quel impact budgétaire ?
04:36On a les charges administratives les plus élevées avec ce système à deux étages.
04:4116 milliards d'euros juste de charges administratives.
04:436% des dépenses de santé contre 3% de l'ensemble des pays européens
04:47qui ont fait cette distinction entre l'assureur public.
04:50Vous voyez qu'on est à des milliards d'euros d'économie.
04:53Et on a la chance d'avoir un financeur public puissant
04:55et des financeurs privés puissants.
04:57Utile ? Non, n'en faisons pas.
04:58Un problème, mais une solution.
05:00Les financeurs privés, par exemple, peuvent financer la prévention.
05:04Dans les autres mesures, Frédéric Bizarre, qui sont annoncées sur la table,
05:07il y a la baisse des plafonds de remboursement concernant les arrêts maladie.
05:11Ça, c'est une bêtise aussi ?
05:12Non, mais c'est le même chose.
05:14C'est-à-dire que c'est facile, vous pouvez arrêter de rembourser les arrêts maladie.
05:17Vous allez baisser les dépenses publiques.
05:18Mais attaquons-nous aux causes.
05:20Pourquoi est-ce qu'on a une explosion des indemnités journalières ?
05:22Il y a plusieurs raisons.
05:23Parce qu'il y a plus d'abus qu'avant ou pas ?
05:24Non, mais arrêtons avec cette fraude.
05:26Il y a toujours eu des fraudes.
05:27Il faut lutter imparablement et tout le temps contre la fraude.
05:31Mais c'est parce qu'on a une population plus âgée, active, plus âgée.
05:37Et comme c'est un vieillissement en mauvaise santé,
05:39forcément, il y a plus d'indemnités journalières.
05:41Donc que faire pour régler la situation ?
05:45Redynamisons un petit peu la santé au travail.
05:48Les entreprises payent pour de la santé au travail,
05:52qui est complètement négligée.
05:53Vous savez qu'elle est dans les mains du ministère du Travail
05:55et pas du ministère de la Santé.
05:56Il n'y a aucun suivi des pathologies chroniques.
05:59C'est une profession qui n'est absolument pas attractive.
06:02Si on veut baisser les indemnités journalières,
06:04on s'attaque aux causes et on a une vraie politique de santé publique.
06:07Il n'y a pas de santé publique dans ce budget-là.
06:09Il n'y a aucun mot de santé publique.
06:10D'habitude, on en habille un peu.
06:12On rembourse un peu mieux les préservatifs,
06:14on rembourse un peu mieux le truc,
06:16pour au moins dire qu'on fait un peu de santé publique.
06:17Là, il n'y a pas un mot de santé publique.
06:19Autre mesure, un effort sur la pertinence des prescriptions médicales,
06:22notamment en matière de transport sanitaire de patients.
06:25Ça veut dire que pour prescrire un certain nombre d'analyses
06:28ou de transports de personnes,
06:29le prescripteur devra remplir un formulaire
06:31qui sera transmis à l'assurance maladie.
06:33On se dit, ce n'est pas idiot, ça, sur le papier ?
06:35C'est toujours facile de dire, améliorez-vous, professionnels de santé,
06:38soyez plus pertinents dans votre travail.
06:40Je pense que déjà, encore une fois, l'État, l'assurance maladie,
06:42peut-être peut améliorer sa propre pertinence
06:44sur le plan de la politique menée.
06:45Mais non, mais ça, c'est une bêtise. Pourquoi ?
06:48Parce que le vrai problème de ça,
06:50c'est que vous avez une capacité de prescription
06:52pour à peu près tous les patients souffrant d'infections de longue durée.
06:55Et ce n'est pas basé sur le besoin,
06:56c'est basé sur le fait que vous avez une infection de longue durée.
06:58Mais enfin, quand vous êtes diabétique,
06:59vous n'avez pas besoin forcément d'avoir un transport sanitaire.
07:02Donc, vous voyez, là aussi, c'est une réforme qui n'est pas très compliquée.
07:05Elle est réglementaire, en plus, il n'y a pas besoin de choses.
07:07Vous restreignez la capacité de prescrire
07:10uniquement aux gens qui ont un besoin physique et psychique.
07:14Celui qui ne peut pas marcher, c'est normal qu'il ait du transport.
07:16Ce n'est pas du tout basé sur ce besoin-là.
07:18Donc, vous voyez, encore un autre exemple qu'on a quand même un problème.
07:21Tout dernier mot, très rapidement, de l'hôpital.
07:23A priori, le budget progresse légèrement,
07:26mais le compte n'y est pas.
07:28Non, mais le compte n'y est pas d'autant plus
07:29parce qu'on augmente de quatre points
07:31les charges patronales par rapport à la retraite.
07:34Donc, en fait, on a une hausse d'à peu près 2,5%.
07:38Mais là aussi, le problème, c'est que l'hôpital souffre de plusieurs choses,
07:42mais notamment d'une gouvernance ultra-bureaucratique
07:44qui fait que vous avez une multiplication des intérims,
07:47notamment chez les médecins comme chez les infirmiers.
07:49Là, ce budget dit mais en fait, moi, je vais plafonner
07:50parce qu'il faut limiter cet intérim.
07:52Mais plutôt que de plafonner pour limiter l'intérim,
07:54ce qui va d'ailleurs entraîner beaucoup de démissions chez les infirmiers.
07:58On l'a vu avec les médecins,
07:59mais les infirmiers vont démissionner encore beaucoup plus que les médecins.
08:02Mais essayons de baisser cette bureaucratie.
08:04Comment on fait ? On décentralise.
08:06On revient en positionnant le service
08:08comme le vrai échelon de gestion des ressources financières.
08:12Ce qu'il y avait au XXe siècle, ça marchait.
08:14Donc, vous voyez, là aussi, ce sont des réformes de structure.
08:16– Bon, si je comprends bien, ce n'est pas demain que ça ira mieux.
08:18A priori, en tout cas, quand je vous écoute,
08:21le livre « Les itinérants de la santé »,
08:23il est sorti hier, c'est publié chez Michel Onkel.

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