Comment gouverner sans majorité claire pour un bloc politique ? C'est la question qui se pose en France depuis les élections législatives anticipées. La réponse est peut-être à chercher chez deux de nos voisins européens : la Belgique et l'Allemagne. Dans un paysage politique très morcelé, la conciliation belge est à l'oeuvre depuis plusieurs mois pour former un exécutif composé de cinq partis. En Allemagne, les coalitions se succèdent depuis 1949 pour faire avancer le pays malgré les divergences entre les partis appelés à gouverner. Culture du compromis, négociations serrées, contrats de coalitions.... LCP Le Mag vous plonge dans les coulisses du Parlement Belge et du Bundestag, où des partis parfois différents tentent de travailler ensemble. Voyage aux pays des coalitions !
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NewsTranscription
00:00Au siège du journal Le Soir, le plus grand quotidien francophone de Belgique,
00:05Bernard Demonti est le chef du service politique.
00:09Depuis trois mois, le pays n'a pas de gouvernement fédéral
00:13et les tractations pour construire une majorité sont en cours.
00:17Pourtant, au moment de la conférence de rédaction,
00:20quand vient le tour de la rubrique politique...
00:23Rien sur les négociations fédérales, rien ne change en fait,
00:27tout est bloqué pour l'instant et donc on n'attend aucune actualité sur ce sujet.
00:31On est loin de la fébrilité des médias et de l'impatience des Français de cet été
00:37avec pour toile de fond comment gouverner son majorité claire.
00:41Et pour cause, ici, mettre du temps pour nommer un gouvernement,
00:45c'est une pratique ordinaire.
00:47On a l'habitude en Belgique que la formation de gouvernement prenne du temps
00:51et ici, les à peu près trois mois qui se sont écoulés
00:55ne sont pas encore considérés comme catastrophiques, surtout qu'il y a deux mois d'été.
00:59Et donc, vous voyez, on s'intéresse même davantage dans ce journal du week-end
01:03au gouvernement français qui vient d'être annoncé
01:06qu'au gouvernement belge qui nous intéresse moins pour l'instant
01:09parce qu'il est en cours de négociations et qu'il ne se passe pas grand-chose
01:12et donc on centre notre attention sur la France.
01:16La Belgique et l'Allemagne, comme presque la totalité des États européens,
01:20sont aujourd'hui gouvernés par des coalitions
01:22car les élections des députés ont lieu au scrutin proportionnel à un tour.
01:27Des pays où le paysage politique est très morcelé,
01:31où il faut s'entendre à plusieurs parties sur un programme.
01:36Je dis toujours cette expression, on fait son lit avec les draps qu'on a.
01:42Donc c'est ça le jeu d'une coalition,
01:45tout le monde met quelque chose dans un grand pot et ça commence à bouillir.
01:50Avec des parties qui ont des perceptions complètement différentes de la mienne,
01:55bien sûr c'est difficile, mais après, on est là pourquoi ?
02:00On veut gouverner, on veut changer quelque chose.
02:04Alors, comment fonctionnent ces coalitions ?
02:07Quels sont les enseignements que nous français pouvons tirer de ces modèles ?
02:11Quel regard portent les habitués des coalitions sur la situation en France ?
02:16Voyage en Belgique et en Allemagne,
02:18pays où on applique la culture du compromis et des négociations serrées.
02:29En Belgique, cela fait plus de trois mois qu'on est en train de chercher à composer un gouvernement.
02:35Depuis le 9 juin dernier, la chambre des représentants,
02:38l'équivalent de notre Assemblée nationale, a été renouvelée.
02:42Et Georges-Louis Boucher est plutôt content des résultats.
02:45À la tête du Parti libéral et conservateur, arrivé en deuxième position,
02:49il prend part aux tractations pour former le gouvernement.
02:53Et il se veut rassurant.
02:57On continue à avancer, bien évidemment il y aura quelques questions encore à résoudre dans les prochaines semaines.
03:02J'ai bon espoir que nous ayons un gouvernement assez rapidement.
03:06Mais ici, tout est compliqué et on va le retrouver à l'Assemblée.
03:10Le pays, 21 fois plus petit que la France, est composé de Wallons et de Flamands.
03:15Une frontière communautaire traduite politiquement.
03:18Chacun vote de son côté et pour des partis différents.
03:23Ainsi, sept partis francophones et six partis néerlandophones sont représentés au Parlement.
03:29Et voici le nombre de sièges que chaque parti a obtenu aux législatives.
03:33Pas difficile de comprendre que pour avoir la majorité, il faut s'allier.
03:37La coalition en cours de formation rassemble cinq partis, ici en jaune,
03:42allant des conservateurs flamands, aux libéraux francophones, jusqu'aux socialistes flamands.
03:49Autant dire qu'il faut savoir s'entendre.
03:52Et avant de s'allier en Belgique, on se met d'accord sur le programme, les idées.
04:00Au siège du Parti libéral, Georges-Louis Boucher accepte de nous confier le pouvoir.
04:05Boucher accepte de nous confier le dessous des cartes de ses pourparlers.
04:17Voici des images exclusives des négociations actuelles qui n'ont jamais été diffusées.
04:22Dans ces réunions, on retrouve les représentants des cinq partis qui veulent former la coalition.
04:28Celui qui mène la danse, c'est lui, Barts de Wever.
04:32C'est le leader du Parti conservateur et nationaliste flamand, le N-VA, arrivé en tête aux élections.
04:38Mais il a aussi un rôle officiel, celui de formateur.
04:42Un rôle qui ne lui a pas été donné par n'importe qui.
04:48Alors ça, c'est ce que vous n'avez pas fait en France.
04:50C'est-à-dire que nous, en fait, ce qui se passe, c'est qu'au lendemain du scrutin,
04:53le roi désigne un formateur qui, vraisemblablement, est le prochain Premier ministre.
04:57Et ensuite, les différents partis politiques composent des équipes.
05:02Des équipes qui travaillent sur le programme.
05:05En bon libéral et admirateur de Nicolas Sarkozy,
05:08Georges-Louis Boucher veut faire accepter coûte que coûte certaines mesures par ses partenaires.
05:15Faire une réforme en termes du marché du travail, durcir les règles en matière de droit pénal.
05:20Alors il y en a d'autres qui disent « Ok, baisser les impôts, nous, ce n'est pas notre tasse de thé
05:25parce que nous, on veut plutôt renforcer la sécurité sociale.
05:27Donc qu'est-ce qu'on fait ? À un moment donné, sur un aspect de sécurité sociale,
05:31on peut concéder quelque chose.
05:33Et en contrepartie, ils acceptent une baisse d'impôts mais qui est peut-être moins importante ou plus ciblée.
05:39À la fin de la négociation, on laisse les deux, trois éléments de grande divergence.
05:45Parce que chacun, normalement, a déjà engrangé dans sa besace une série de choses.
05:50Et donc là, c'est un choix de se dire « Est-ce que ce que j'ai engrangé est suffisant pour accepter ce niveau-là de compromis ? »
05:58Et ça, c'est tout le temps… Oui, ça demande… Il y a un peu de poker là-dedans.
06:05Les discussions sont bien parties pour aboutir prochainement et former un gouvernement.
06:10Et à cette étape, la politologue Émilie van Root nous décrypte un système beaucoup plus transparent qu'en France.
06:21Donc une fois que les partenaires ont discuté de programme,
06:24ils vont désigner au sein du gouvernement les différents portefeuilles et les personnes qui vont occuper ces portefeuilles.
06:30Et là, les partis vont recevoir un nombre de points proportionnel à leur score électoral.
06:35Premier ministre, valent trois points.
06:37Ministre, deux points.
06:39Secrétaire d'État, un point.
06:40Et puis les partis font leur choix sur cette base-là.
06:42Et puis ils choisissent aussi la nature du portefeuille qu'ils vont occuper en fonction évidemment de leur programme et priorités idéologiques.
06:51Émilie van Root estime que la façon dont le gouvernement a été nommé en France est très loin de ce qu'on connaît en Belgique.
07:03Gouverner en coalition, c'est un exercice bien connu chez un autre de nos voisins, l'Allemagne.
07:10A Berlin, depuis 2021, trois partis se sont associés pour gouverner.
07:14Leur alliance a un surnom, le feu tricolore.
07:18On y trouve des socialistes du SPD, les libéraux du FDP et les Verts écologistes.
07:27Au Bundestag, le Parlement allemand, nous avons donné rendez-vous à trois députés issus de ces trois partis.
07:33Ils vont nous présenter le document qui fonde leur union.
07:37Presque leur contrat de mariage.
07:48Voici le contrat de gouvernement signé en 2021 après les élections fédérales.
07:55C'est ce qu'on appelle la bible de la coalition parce que tout le monde s'y réfère et peut s'y retrouver.
08:03Donc ça donne un peu de l'assurance aux acteurs politiques pour bien savoir ce qu'on peut faire et ce qu'on ne peut pas faire au cours de la législature.
08:14En fait, ce sont les lignes rouges, je dirais, pour chaque parti.
08:18Ça reste un point de référence pour les idées clés de cette coalition.
08:24Vous le lisez tous les jours, toutes les semaines à peu près ?
08:27Mais on ne le connaît pas cœur !
08:30Le fameux document fait 177 pages.
08:34Il détaille les mesures que la coalition entend mettre en œuvre.
08:38Sa rédaction a pris 59 jours.
08:41Des réunions dans des lieux parfois tenus secrets.
08:44Des centaines de collaborateurs mobilisés.
08:47Une vingtaine de groupes de travail.
08:49Pour aboutir à une signature arrachée de Haute Lutz.
08:56Il y a des groupes dans les partis qui ont écrit tout ce qui était négocié le jour.
09:01Et après, dans la nuit, je dirais presque, on a remis ça en papier, en dossier, pour rediscuter le lendemain.
09:09Le but, c'était de voir la base commune, en fait.
09:12Une base commune où chaque parti a placé des mesures.
09:16Augmentation du SMIC pour les socialistes.
09:18Sortie du charbon dès 2030 pour les Verts.
09:21Limitation de l'endettement pour les libéraux.
09:25Mais le document contient aussi des zones grises.
09:27Quand aucun accord n'est trouvé sur un sujet, il est tout simplement éludé.
09:35Par exemple, la question des hausses d'impôts.
09:38Ce n'était pas jouable avec les libéraux qui défrontaient la stabilité fiscale.
09:45Nous, Verts et SPT, on aurait préféré augmenter les impôts pour les hauts revenus.
09:52Mais on n'a pas abordé la question dans ce document.
09:56Signer ce contrat pour les députés de la coalition suppose d'entrer en responsabilité et d'accepter des compromis.
10:04Dans la logique allemande, mieux vaut même contraint participer aux décisions que siéger dans l'opposition.
10:11Là, je dois essayer de convaincre mes partenaires dans la coalition.
10:17Parfois, c'est très difficile de les convaincre, mais c'est possible.
10:21Quand je suis dans l'opposition, c'est plus ou moins impossible de convaincre quelqu'un de prendre ma position.
10:28On est là pour quoi ? On veut gouverner, on veut changer quelque chose.
10:33Et nous sommes très professionnels, normalement.
10:37Et comme ça, on va trouver des solutions, c'est clair.
10:42Une fois le contrat de gouvernement signé, les députés de la coalition ont une boussole qui guidera leur travail législatif.
10:50Mais les discussions entre partenaires sont loin de s'arrêter là.
10:54La coalition, c'est un travail de fournis. Permanent.
10:59De nouveaux sujets apparaissent chaque jour et des décisions communes doivent être prises sur les moindres détails.
11:08Ce jour-là, le socialiste Neil Schmitt, qui siège à la commission des affaires étrangères,
11:13doit discuter avec ses homologues du Parti libéral et des Verts d'une conférence à organiser sur le colonialisme.
11:30Il faut se mettre d'accord sur le titre à donner à la conférence.
11:35Et même si cela peut paraître anecdotique, ce n'est pas rien.
11:39Le passé colonial a plus de 100 ans en Allemagne, c'est vieux.
11:44Il y a bien sûr des répercussions, mais comparé à d'autres pays, on avait quand même des colonies très petites.
11:53Pour moi, ce n'est pas le sujet.
11:55On ne doit pas parler du cas particulier de tel ou tel pays, mais bien du colonialisme en tant que structure globale qui a des répercussions du passé jusqu'à nos jours.
12:05Oui, pour moi, il est important d'arriver sur la politique étrangère actuelle de l'Allemagne.
12:12Sincèrement, ce titre, à la fin, ça m'est un peu égal.
12:16Ce n'est pas ça qui va détruire notre coalition.
12:21Bon, on répète, les répercussions du colonialisme et du passé colonial allemand sur les relations internationales et la politique étrangère,
12:30allemande actuelle.
12:32Ça me va.
12:33D'accord.
12:34Deal.
12:35Ok.
12:36Ce qu'on vient de faire là, tous les trois, a lieu tous les jours, sur tous les sujets.
12:41Surtout quand on construit des projets de loi.
12:44On travaille pendant des heures pour trouver la bonne formulation.
12:48C'est le quotidien dans une coalition.
12:51En fait, c'est comme si on était à la maison.
12:53Ma sœur veut regarder la première chaîne, mais mes parents la troisième et moi, je veux voir la deuxième.
13:00Tout le monde va discuter et on va trouver un compromis.
13:03Le compromis, ça peut être de regarder la cinquième ou alors de regarder une demi-heure la première, une demi-heure la deuxième.
13:12Les discussions peuvent prendre du temps.
13:14Le record, c'est 16 mois.
13:16Parfois, un partenaire peut bloquer une requête et ça peut faire monter la pression dans la cocotte minute.
13:22Il faut compter entre 4 semaines et 16 mois pour s'accorder sur un texte.
13:26En la moyenne, on va être dans la deuxième ou la troisième semaine.
13:29C'est la même chose pour la troisième semaine.
13:31C'est la même chose pour la quatrième semaine.
13:33C'est la même chose pour la quatrième semaine.
13:35Il faut compter entre 4 semaines et 16 mois pour s'accorder sur un texte.
13:40En la moyenne, on va dire c'est 3 mois.
13:45Mais le travail d'une coalition ne se limite pas à une addition de petits compromis.
13:51Il faut partager une ligne directrice.
13:54Celle de la coalition tricolore, c'est la modernisation de l'Allemagne après les années Merkel.
14:01Exemple sur le logement.
14:03Les trois parties en conviennent, l'Allemagne en manque cruellement.
14:07Sandra Wieser, la députée libérale, voudrait un plan ambitieux de construction de logements neufs.
14:13Mais encore faut-il convaincre les deux autres parties.
14:16Bonjour Kacem, j'ai fait du café, tout est prêt.
14:20Kacem Tahersaleh est un député vert.
14:23Les deux élus ont des divergences de fond sur le sujet.
14:26Il va falloir les surmonter.
14:29Il y a une légère amélioration sur le coût des matériaux de construction,
14:33qui redevient plus acceptable, je suis confiante.
14:36Mais la question, c'est qu'est-ce que nous pouvons mettre en place dans les prochains mois,
14:40d'ici la fin de la mandature ?
14:43Oui, c'est vrai, il faut plus de logements.
14:46Mais nous, on préfère améliorer l'existant, alors que vous, les libéraux,
14:50vous battez pour construire du neuf.
14:53Ah mais non, pas que le neuf.
14:55Mais ce qui compte aussi en définitive pour nous, c'est l'accès à la propriété.
15:04Oui, alors que nous, on est plus sur la question des locations.
15:08Ça donne parfois des frictions avec vous,
15:10notamment quand on met sur la table l'encadrement des loyers.
15:19Mais le plus important, Sandra, et je pense qu'on est un bon exemple,
15:23c'est de toujours se parler et s'écouter, même si on n'a pas les mêmes positions.
15:29Ça c'est sûr, sinon on serait dans le même parti.
15:36Favoriser l'accès à la propriété sans oublier les locataires,
15:40construire du neuf tout en rénovant l'ancien, le chemin sera long.
15:45Mais ces discussions préalables sont indispensables
15:48pour que les textes soient ensuite votés,
15:51sans en compte par l'Assemblée de la coalition.
15:54Quand il y a une loi qui va se mettre en route,
15:57on est tout le temps dans des rondes de coalition,
16:01en train de discuter qu'est-ce qu'il faut, qu'est-ce qu'il ne faut pas,
16:05où sont les lignes rouges, qu'est-ce qu'on peut faire.
16:08En fait, c'est une communication éternelle.
16:11Et c'est long des fois, mais je pense que c'est très, très important.
16:16Et surtout quand vous avez trois partenaires.
16:20Un subtil équilibre qui dépend aussi du chef d'équipe,
16:23le chancelier en Allemagne et le Premier ministre en Belgique.
16:29À Bruxelles, un homme est le symbole d'un gouvernement de compromis,
16:33un homme que nous allons retrouver au sein du Parlement européen,
16:37où il est désormais élu.
16:39Et là aussi, on est au royaume des coalitions.
16:44Ici, il faut faire beaucoup de compromis.
16:47Elio Di Rupo a été Premier ministre de 2011 à 2014
16:51d'un gouvernement formé après un an et demi d'atermoiement.
16:55Un homme hostile apprécié, avant même d'accéder au pouvoir,
16:59il s'excuse auprès des Belges pour la crise interminable.
17:03Avec humilité, nous voulons leur dire merci pour leur patience.
17:08Contre toute attente, il a tenu la barre durant trois ans
17:11dans un gouvernement composé de six partis,
17:14avec une méthode toute simple.
17:17La condition fondamentale, c'est qu'il faut une relation humaine
17:21entre les leaders de partis et une confiance entre les leaders de partis.
17:28S'il n'y a pas ce flux humain et cette confiance, ça ne peut pas marcher.
17:37C'est l'affrontement jusqu'à des ruptures.
17:42Mais un autre élément explique aussi qu'un gouvernement de coalition
17:46arrive à être stable en Belgique.
17:49Retour à la Chambre avec Georges-Louis Boucher,
17:52le leader du Parti libéral et conservateur,
17:55qui négocie le soutien du parti au futur gouvernement.
17:58Après chaque réunion de négociation, il en réfère à ses 19 parlementaires,
18:03comme Daniel Baclen, qui, comme les autres,
18:06s'engage à respecter une discipline de vote
18:09quand le gouvernement sera formé.
18:12Quand on aura terminé la négociation,
18:15chaque parti qui a participé à cette négociation
18:19devra approuver le programme de gouvernement.
18:22Une fois que le programme de gouvernement a été approuvé par le parti,
18:25ça engage tous les députés du parti.
18:28Une majorité indispensable à obtenir en Belgique,
18:32car le gouvernement ne dispose pas de 49-3,
18:35ce qui exclut tout passage en force.
18:39Si le système des coalitions semble ici bien rôdé,
18:43parfois, la machine se grippe.
18:48Après 3 ans d'exercice du pouvoir,
18:51en Allemagne, la coalition feu tricolore est à la peine.
18:55Selon une enquête de la chaîne de télévision ARD,
18:58seuls 16% des Allemands s'en disent satisfaits.
19:02Traditionnellement, les coalitions allemandes sont composées de 2 parties.
19:06L'actuelle est la première, qui en compte 3.
19:09Et pour beaucoup d'Allemands, c'est trop.
19:12C'est vrai qu'il aurait sans doute été mieux
19:15de n'avoir que 2 parties dans la coalition.
19:18Aujourd'hui, on a une situation plus compliquée, avec des blocages.
19:24Plus il y a de partis dans une coalition, plus c'est difficile.
19:27Le moins de partenaires, le mieux c'est.
19:30C'est grave, ce qu'il se passe. Ils n'aboutissent à aucune mesure.
19:34Ils sont beaucoup trop nombreux à mener des discussions.
19:37Et chacun pense avoir la bonne solution.
19:40Moi, j'aime la diversité, mais là, il y en a trop.
19:45Cette impopularité, les 3 parties de la coalition l'ont payée cash
19:49lors des dernières élections régionales,
19:52avec des résultats très décevants, notamment pour les Verts.
19:56Les compromis permanents,
19:58les difficultés à obtenir des mesures fortes sur le climat
20:01commencent à provoquer la lassitude de la base militante.
20:05A Berlin, ces adhérents ne cachent pas leur frustration
20:08devant cette coalition à 3.
20:12On est arrivés dans cette coalition avec de grandes ambitions.
20:16Mais finalement, on n'avance que par tout petit pas.
20:19Et c'est dur d'expliquer aux militants
20:22l'écart qui existe entre les intentions et les résultats concrets.
20:27Plus il y a de partis, plus ça prend du temps.
20:30Et il faut presque le temps d'une législature
20:33pour que la population voit les résultats concrets de notre action.
20:40Même un aveugle peut voir que les 3 parties de la coalition
20:43sont très différentes.
20:45Avec les crises qu'il y a eu en plus à gérer
20:48après la formation du gouvernement, c'est devenu encore plus compliqué.
20:52Déjà qu'au départ, c'était pas gagné.
20:55C'était déjà pas si facile.
20:58On verra.
21:01Les Verts allemands sont entrés dans une période de crise.
21:04La direction du parti a même démissionné fin septembre.
21:09Pas facile de mener une coalition à 3.
21:12Mais l'effritement des grands partis traditionnels
21:15laisse penser que cette situation va perdurer.
21:18Demain, 4 ou 5 parties seront peut-être nécessaires
21:21pour former une majorité.
21:25Pour Hans-Peter Flick, politologue,
21:28c'est le défi qui attend les futures coalitions.
21:32En Allemagne, on se dirige vers une situation de plus en plus complexe
21:35où des coalitions multiparties ou multifractions parlementaires,
21:39multigroupes parlementaires vont devenir la règle.
21:42Il faut avoir un consensus sur les fondements même
21:45de notre démocratie parlementaire.
21:48Et du moment où, aussi bien par une extrême droite
21:51ou par une extrême gauche,
21:54ces fondements même sont mis en question,
21:57il doit être clair que dans un très large centre républicain,
22:02si on peut dire, on peut appeler la nation en Allemagne,
22:05on peut arriver, on peut faire société.
22:08Il faut garder la conviction que c'est le meilleur
22:11des systèmes gouvernementaux parmi tous
22:14qui sont sans doute pires.
22:20Tous les partis considérés comme républicains
22:23auraient donc vocation à s'allier pour éviter
22:26que les extrêmes ne soient au pouvoir.
22:30Sauf que certains partis, dits de gouvernement,
22:33refusent parfois de participer à la coalition
22:36pour ne pas laisser le statut d'opposition aux seuls extrêmes.
22:42Voilà, bonjour madame, vous allez bien ?
22:45Je vous donne ma petite carte aussi ?
22:48On compte sur vous le 13.
22:51Jean-Paul Magnette est le patron des socialistes francophones.
22:54Nous on fait tout pour la jeunesse,
22:56qu'on puisse faire des études,
22:58qu'on puisse acheter une maison à Charleroi.
23:00Ce jour-là, il est en campagne pour les élections municipales
23:03à Charleroi.
23:05Aux législatives de juin, son parti a un peu reculé.
23:08Avec ses 16 députés,
23:10trois de moins seulement que les libéraux de Georges-Louis Boucher,
23:13il aurait pu participer aux négociations de coalition,
23:16mais il en a décidé autrement.
23:19Merci, bonne journée, au revoir.
23:22On a fait l'évaluation au lendemain du scrutin
23:24et on reconnaît que même si on n'a pas un énorme recul,
23:26on est toujours à 22%,
23:28ce qui pour un parti socialiste européen est pas mal du tout,
23:30mais face à un bloc de droite largement majoritaire au Parlement.
23:33Et donc dans un contexte comme celui-là,
23:35on sait très bien qu'on peut au mieux être la cinquième roue du carrosse
23:38et ne pas vraiment pouvoir peser sur l'action du gouvernement.
23:41Donc dans ce cas-là, il vaut mieux être dans l'opposition.
23:44Bonjour !
23:46Avant de faire de la politique,
23:48Paul Magnette a été, dans une autre vie, politologue.
23:51Et il pose un regard sévère sur la façon
23:54dont le gouvernement français s'est constitué.
23:57Merci à vous, au revoir.
24:01On a le paradoxe d'avoir un gouvernement
24:03qui n'a pas de majorité à l'Assemblée nationale,
24:05mais en plus qui est issu d'éperdants.
24:07Et donc ça, c'est forcément un scénario
24:09qui contribue au désenchantement politique.
24:12La jeunesse en particulier s'est beaucoup mobilisée
24:14pour faire barrage à l'extrême droite.
24:16La gauche est parvenue à convaincre beaucoup de jeunes
24:19d'aller s'inscrire et d'aller voter.
24:21Et puis après, ils ont un gouvernement de droite
24:23soutenu par l'extrême droite.
24:24Donc s'ils ont voté là pour la première fois,
24:26le risque, c'est qu'ils soient à long terme déçus,
24:29voire dégoûtés de la politique.
24:31Et Paul Magnette n'est pas le seul à s'étonner
24:34du processus utilisé en France
24:37pour former un exécutif.
24:41On a d'abord conclu un accord entre personnes
24:45avant de parler du contenu.
24:48Ce qui, dans une logique de consensus,
24:51est vraiment très interpellante,
24:53parce qu'on s'engage sans avoir...
24:56C'est un peu un chèque en blanc,
24:58ce qui est exactement l'inverse de ce qui est fait chez nous.
25:01On ne signe pas n'importe quoi.
25:03On va d'abord négocier, on va d'abord s'assurer
25:05qu'on est bien d'accord sur ce qu'on va faire ensemble.
25:07Et je pense que c'est un élément de fragilité.
25:09On a été extrêmement interpellés
25:11de voir que pour former un gouvernement en France,
25:14on a dû pactiser quelque part avec l'extrême droite,
25:16non pas pour la faire monter au gouvernement,
25:18mais pour pouvoir nommer certains ministres
25:21qui pouvaient être compatibles avec le Rassemblement national.
25:24C'est quelque chose qu'on ne fait pas en Belgique.
25:26On exclut l'extrême droite
25:28et on ne va surtout pas leur demander
25:30si on peut former un gouvernement,
25:32si on peut nommer tel ou tel ministre
25:34parce qu'il pourrait être compatible,
25:36si on a la possibilité de fonctionner
25:38sans qu'il y ait de motion de censure.
25:40Donc c'est un cap qu'on n'a pas passé en Belgique.
25:44Le système des coalitions n'est pas fondamentalement remis en cause,
25:48ni en Allemagne, ni en Belgique.
25:50Depuis les années 60,
25:52tous les gouvernements de ces deux pays
25:54sont issus de ces alliances.