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Claude Ardid est l'invité de France Bleu Berry.

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Transcription
00:00avoir accueilli des enfants placés sans avoir les bons agréments.
00:03Certaines accusées également de maltraitance. Pour en parler, ce matin, notre invité est journaliste.
00:08Il suit ce procès et il écrit un livre sur l'aide sociale à l'enfance, justement.
00:12Bonjour Claude Hardy.
00:13Bonjour, merci de me recevoir.
00:14Avec plaisir. L'aide sociale à l'enfance n'est donc pas poursuivie, on l'a dit, au grand regret des parties civiles.
00:19Mais pourtant, ces enfants étaient sous sa responsabilité.
00:22Pourquoi la justice ne poursuit pas l'aide sociale à l'enfance ?
00:26Alors écoutez, j'en suis à mes douze mois d'enquête sur l'aide sociale à l'enfance.
00:33Je fais un véritable rond de ma vie parce que je suis allé à Toulouse, je suis allé à Clermont-Ferrand, à Marseille, à Nice, à Toulon.
00:38Je suis allé dans des départements ruraux où il y a des dysfonctionnements de l'aide sociale à l'enfance.
00:44Et chaque fois, je me pose le même problème. Pourquoi tout le monde parle ? Les avocats, les victimes ?
00:49Pourquoi les familles parlent ? Pourquoi certains éducateurs, des aides péricultrices,
00:54des gens qui sont en interne à l'ASE et qui veulent dénoncer des scandales, mais de vrais scandales ?
01:00Pourquoi tous ces gens parlent ? Et pourquoi dès que l'on s'approche du sommet de l'aide sociale à l'enfance,
01:05où qu'on soit, dans les 100 départements français, dans les 101, personne ne veut, ne souhaite parler ?
01:11Je pense, si vous voulez, qu'il y a à la fois un problème politique, puisque l'aide sociale à l'enfance
01:16est dirigée par des conseils départementaux et qu'il y a une véritable omerta.
01:20Il y a une loi du silence qui pèse au niveau politique.
01:22Il y a un problème financier, parce que, je ne sais pas si vous le savez, il y a 377 000 enfants qui sont payés en charge par l'ASE.
01:29Ça représente des sommes absolument colossales. On parle de milliards d'euros.
01:32Que ces milliards d'euros coulent sur des associations comme celles qu'on a vues à Châteauroux,
01:37qui souvent sont crapuleuses et qui ne respectent absolument pas les règles fondamentales pour la protection des enfants.
01:43Donc tout ça fait que c'est un scandale d'État et que le procès de Châteauroux met tout ça en lumière.
01:49Et qu'il y aura, grâce à ce procès au correctionnel, un avant et un après.
01:54Et qu'on va comprendre enfin pourquoi ça dysfonctionne et pourquoi il y a une loi du silence qui règne à ce niveau-là.
01:59J'ai un chiffre à vous communiquer. En 2021, il y avait deux tiers des familles d'accueil qui déclaraient n'avoir jamais été contrôlées.
02:09Pourquoi ? Parce qu'elles ne sont pas contrôlées ? Est-ce que c'est juste un manque de personnel ?
02:13Alors ce n'est pas qu'un manque de personnel, tout simplement parce que l'information ne circule pas entre le sommet de l'aide sociale à l'enfant dans les départements.
02:23Les familles, les référents ne font pas leur boulot, les assistantes sociales sont débordées, les éducateurs...
02:31Alors effectivement, il y en a de moins en moins, ils font des burn-out, ils font des tentatives de suite partout où je suis allé.
02:36Systématiquement, il y a des éducateurs qui disent « j'ai arrêté », des puricultrices qui disent « j'ai arrêté », des coordonnatrices qui disent « j'ai arrêté ».
02:43C'est insupportable, je ne peux plus continuer à travailler. Mais il y a surtout une information qui ne circule pas.
02:47Moi, j'ai assisté à Marseille chez des juges pour enfants extraordinaires, des audiences civiles et pénales.
02:53J'ai vu arriver l'ASE, les assistantes sociales, les avocats, les familles, tout ce que représente ce monde-là.
02:59Et je me suis rendu compte que parfois, vous avez des familles qui ne recevaient aucune visite d'éducateurs ou de travailleurs sociaux
03:05pendant des semaines et des semaines et des semaines.
03:07Donc ça veut dire que vous avez des familles, des familles d'accueil qui reçoivent des gamins, qui doivent être suivies par des travailleurs sociaux,
03:13qui n'ont aucun référent. Vous avez des foyers d'accueil dans lesquels ça ne marche pas, les coordonnatrices sont dépassées, les éducateurs ne sont pas là.
03:20La nuit, par exemple, dans les Pouponnières, là je parle de bébés d'enfants entre 0 et 12 mois,
03:26vous avez une aide puricultrice qui est à la charge de 6 enfants, qui est toute seule jusqu'à minuit.
03:31Et elle a parfois 2-3 bébés comme ça, là on a 2 dans les bras, qui pleurent, qui hurlent parce qu'ils ne sont pas bien,
03:36parce qu'ils sont en dehors du contact familial, les autres qui sont en train de pleurer, et elle est seule.
03:41Et la seule personne qui peut les aider à ce moment-là, entre 22h et minuit, c'est le concierge de nuit, le surveillant, qui ne peut pas intervenir.
03:49Et donc l'aide puricultrice que j'ai interrogée du côté de Toulon la semaine dernière m'a dit texto, j'arrête.
03:54C'est scandaleux, un jour il y a un enfant qui va mourir dans les bras, je vais être obligé d'appeler le SAMU et on dira que c'est moi qui est responsable.
04:00Donc la situation aujourd'hui, elle est gravissime, l'ASE s'effrite dans certains départements,
04:06et dans d'autres départements l'ASE est en train de se casser la gueule, de s'effondrer.
04:11Est-ce que d'une certaine manière, en dehors du manque de personnel, du manque de moyens et de finances,
04:17est-ce que d'un certain côté, est-ce qu'on n'en a un peu rien à faire de ces enfants ?
04:21On sait par exemple qu'en région parisienne, il y en a beaucoup qui vivent tout seuls dans des hôtels,
04:24est-ce qu'au fond, on se dit bon, on regarde à côté ?
04:28Écoutez, il y a trois scandales que j'ai suivis dans trois départements différents,
04:33l'histoire de trois jeunes filles qui se sont suicidées, parce que justement elles étaient placées,
04:37alors on appelle plus ça des hôtels, on appelle ça des hébergements sociaux.
04:41Mais la loi interdit depuis 2002 qu'on ne passe plus d'enfants de mineurs de moins de 15 ans dans les hôtels,
04:47et pourtant on les place. Pourquoi on les place ? Parce qu'il n'y a pas assez de foyers qui sont débordés,
04:51parce qu'il n'y a pas assez de familles d'accueil, donc on met des gamines toutes seules ou des gamins
04:55dans des hébergements où les éducateurs passent une fois par mois, où il n'y a pas de traitement médical,
05:01ou quand il y a un traitement médical, elles ne savent pas, elles ne savent pas comment il faut le prendre, etc.
05:05Est-ce qu'il va y avoir dose sur dose et tout ? Donc ces trois gamines-là, Clermont-Ferrand, Pierredon, Marseille,
05:11se sont suicidées. Donc si vous voulez, il y a des problèmes qui sont gravissimes,
05:17et ce n'est pas juste un problème de dire tiens, il manque des aides-soignants, il manque d'éducateurs,
05:22on manque de professeurs, on manque de magistrats, on manque de greffiers, etc.
05:26Mille fois qu'on a dit ça, on a tout dit et en même temps on n'a rien dit.
05:29Si on ne se met pas au cœur du problème en disant pourquoi ça ne marche pas,
05:34pourquoi les politiques, les politiques ne prennent pas leur responsabilité pour régler les problèmes ?
05:39Parce que le président du conseil départemental, c'est lui le chef de l'ASE.
05:43Mais justement, Claude Hardy, pourquoi ? Pourquoi on ne s'attaque pas à ce problème ?
05:48Je vais vous dire pourquoi. Une société qui ne défend pas ses enfants, comme c'est le cas aujourd'hui,
05:53et quand je dis les enfants, ça part du nourrisson qui vient de naître,
05:56jusqu'aux adolescents qu'on a retrouvés au tribunal Châteauroux,
05:58et une société qui ne défend pas ses anciens avec le scandale des EHPAD qu'on a rencontrés
06:03il n'y a pas très longtemps à travers un livre qui s'appelle d'ailleurs Les Fausses Voyeurs,
06:06ça veut bien dire que c'est une société qui est condamnée.
06:09Et moi, dans toutes mes expériences, parce que je suis les enfants,
06:12j'ai fait des documentaires sur l'affaire Grégory disparue de Lyon,
06:14donc ça fait 30 ans, 35 ans que je m'occupe de ça.
06:17Une société, et là on y est, qui ne défend pas ses bébés, ses enfants, ses adolescents,
06:23et qui ne défend pas, qui ne protège pas ses anciens,
06:27c'est-à-dire les seigneurs, c'est une société pour moi qui est condamnée.
06:31Très rapidement, le budget de l'État prévoit de faire des économies dans les collectivités territoriales,
06:37les départements qui gèrent l'ASE, ça va donc être une situation encore plus compliquée.
06:44Je cherche encore le titre de mon livre,
06:47je voulais dire les ogres, mais ça a été piqué par Victoire Castaner sur les crèches,
06:50donc je vais trouver un autre titre, c'est un scandale d'État.
06:53C'est-à-dire que si le gouvernement, si l'État,
06:57prenne la responsabilité aujourd'hui de diminuer les finances de l'aide sociale de l'enfance,
07:03c'est un scandale.
07:04Quand vous avez Emmanuel Macron, président de la République,
07:06qui dit en 2022 que la priorité des priorités c'est la protection de l'enfance,
07:10et que deux ans plus tard, moins de deux ans plus tard,
07:13on dit qu'on va diminuer les finances de tout ce qui concerne la protection de l'enfance,
07:16c'est un scandale.
07:18Et quand je dis scandale, ça veut dire que c'est un scandale d'État,
07:21ça veut dire qu'on abandonne des enfants dans des familles d'accueil,
07:25dans des foyers, des mineurs non accompagnés,
07:27parce que vous savez ce qu'on appelle les migrants qu'on retrouve,
07:30qui sont des milliers partout en France, il y en a de plus en plus,
07:33ces gamins-là disparaissent complètement des radars, se suicident dans les hôpitaux, etc.
07:37C'est une honte, c'est la honte de la République aujourd'hui,
07:39parce que si on ne s'occupe pas de nos enfants,
07:41ça veut dire que la jeunesse, puis ces adultes, etc., on les abandonne d'ores et déjà.
07:45Merci beaucoup, Claude Hardy, je rappelle que vous êtes journaliste,
07:49vous assistez au procès du scandale de l'ASE,
07:53comme on a l'habitude de l'appeler, au tribunal de Châteaurouge.
07:56Je vous souhaite une bonne journée.
07:57Merci beaucoup, merci de m'avoir invité.
08:007h53, on va respirer avec Chic et Good Times sur France Blueberry.
08:03Très belle journée.

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