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Il est important d’évaluer l’intensité des bouleversements stratégiques à attendre d’une innovation qui s’annonce. Sur ce sujet, la littérature aura fait émerger une ambiguïté qu’il est utile de lever. D’un côté, la littérature relative aux stratégies technologiques a découpé le changement technologique en grandes catégories qui vont de l’incrémental au radical, avec, entre les deux, ce que j’ai proposé de désigner par le micro-radical. La hauteur de la marche d’escalier à franchir pour participer au changement relève pour l’entreprise du faux-plat pour l’incrémental, d’une très haute marche pour le radical, et d’une hauteur intermédiaire pour le micro-radical. [...]

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00:00Il est important d'évaluer l'intensité des bouleversements stratégiques à attendre
00:12d'innovation qui s'annoncent.
00:14Sur ce sujet, la littérature aura fait émerger une ambiguïté qu'il est utile de lever.
00:20D'un côté, la littérature relative aux stratégies technologiques a découpé les
00:25changements technologiques en grande catégorie qui vont de l'incrémental au radical avec
00:32entre les deux ce que j'ai proposé de désigner par le micro-radical.
00:36La hauteur de la marche d'escalier à franchir pour participer au changement relève pour
00:42l'entreprise du faux-plat, pour l'incrémental, d'une très haute marche d'escalier pour
00:46le radical et d'une hauteur intermédiaire pour le micro-radical entre les deux.
00:51Vu du côté des implications stratégiques, l'incrémental technologique c'est du business
00:56as usual dans la continuité sans remise en cause fondamentale des compétences technologiques
01:02de l'entreprise.
01:03C'est un peu plus de la même chose, progressivement améliorée.
01:07En d'autres termes, il ne faut pas en attendre de remise en cause majeure des positions stratégiques
01:12des acteurs en présence.
01:14Ce qui s'annonce cire n'est pas une révolution.
01:19A l'autre bout du spectre, le saut technologique radical, la grande marche d'escalier, c'est
01:23un changement paradigmatique qui rend obsolète le portefeuille des compétences technologiques
01:28requises jusque-là par ce qui va devenir l'ancienne technologie dominante et qui
01:33exige de construire un nouveau portefeuille de compétences technologiques requises par
01:37la nouvelle technologie.
01:38Avec une intensité radicale, ce qui vient va secouer très fortement la dynamique concurrentielle.
01:45C'est une révolution paradigmatique susceptible de faire des perdants et de nouveaux gagnants.
01:50Le changement technologique micro-radical, ni simplement incrémental, ni totalement
01:56radical, dans l'entre-deux, est potentiellement un changement de trajectoire technologique,
02:01mais pas nécessairement de paradigme, au sens que Dozier a donné à ces deux termes
02:05dans un papier fondateur dans Research Policy en 1982.
02:09En d'autres termes, le changement technologique micro-radical va secouer l'arène stratégique,
02:15mais dans des proportions raisonnables, dans la mesure où le portefeuille des compétences
02:19technologiques requises avant le changement n'est que partiellement à renouveler pour
02:24faire face aux exigences de la nouvelle technologie dominante.
02:27Dans cette logique, l'intensité de l'innovation technologique était élevée via la remise
02:33en cause des compétences technologiques sous-jacentes requises pour l'entreprise par les technologies
02:38dominantes successives.
02:40Pourtant, d'un autre côté, Christensen apporte un autre point de vue.
02:46Il semble remettre en cause la catégorisation qui précède.
02:49Il amène deux idées fortes qu'il combine.
02:52D'une part, il observe que nombre d'entreprises leaders sur leur marché ont tendance à focaliser
02:57leurs efforts sur l'amélioration de la performance de leurs technologies dominantes sur une dimension
03:03principale, sinon unique, qu'ils perçoivent comme LE facteur-clé de succession de marché.
03:08Christensen qualifie ces innovations de « sustaining » au sens de « pour rester
03:14dans la course ». Ce faisant, ces leaders bien installés, sans doute aveuglés par
03:20leur succès, ont tendance à aller bien au-delà de la performance attendue par les
03:24clients et les utilisateurs sur le marché.
03:27Cette surperformance, peu ou pas perçue par le marché, est inutile, coûteuse et déplacée.
03:34D'autre part, il observe que certains concurrents astucieux se démarquent des innovations « sustaining
03:41» pour innover sur d'autres facteurs de succès, ignorés par les leaders qui s'entêtent
03:46sur leur seul critère de performance pour chercher à l'améliorer encore et encore
03:50dans une course folle.
03:51Pour qualifier ces autres innovations, ciblées sur d'autres éléments de l'offre, Christensen
03:57parle d'innovation « disruptive », de « disruption ».
04:03Convenons-nous de retenir que ce sont des innovations de « business model ».
04:07Un exemple vient du monde de la pharmacie avec le traitement du diabète.
04:11Les technologies dominantes successives ont toutes cherché à améliorer le produit administré
04:15aux malades.
04:16Insuline animale, insuline animale lente, insuline animale purifiée, insuline humaine,
04:22avec en ligne une demi-heure la pro-insuline dont la perspective s'est évanouie quand
04:26a été proposé un dispositif bon marché de suivi de la glycémie du diabétique en
04:32temps réel.
04:33Un capteur est placé sur le bras du diabétique et envoie le taux de glycémie et des messages
04:39d'alerte, hypo- ou hyperglycémie, sur le mobile du porteur.
04:42Le confort et la sécurité du malade en ont été transformés.
04:47« Ça m'a changé la vie », disent les diabétiques.
04:50On sent bien que les leaders partis dans leur logique d'innovation sustainée, quitte
04:54à aller trop loin sans même s'en rendre compte, risquent de ne pas voir la menace
04:58des innovations disruptives qui apportent autre chose.
05:02Christensen parle de « faire le job pour le client même si c'est autrement », typique
05:07de l'innovation de business model.
05:09De là, Christensen identifie ce qu'il voit comme le dilemme de l'innovateur, à savoir
05:14le choix entre l'innovation sustaining et l'innovation disruptive.
05:18Sur cette base, il est possible et souhaitable de lever une source de confusion.
05:24En utilisant le terme de « disruptif », Christensen a brouillé les cartes, bien
05:30involontairement, sans aucun doute.
05:31Les mots de « disruption » et de « disruptif » portent en eux l'idée de choc stratégique
05:37majeur.
05:38Or, les innovations disruptives, au sens de Christensen, peuvent ne pas être technologiques
05:42et même lorsqu'elles le sont, peuvent n'être qu'incrémentales, mais avoir un impact
05:47en sortie, très fort sur la dynamique concurrentielle, en transformant le business model et en déplaçant
05:53ainsi les priorités stratégiques.
05:54Au total, l'intensité plus ou moins radicale de l'innovation technologique a été évaluée
06:01selon les compétences sous-jacentes, et cette intensité caractérise le contenu entrant
06:07de l'innovation technologique qui conduira à un impact plus ou moins conséquent sur
06:10la dynamique concurrentielle dans l'arène stratégique, selon l'ampleur des compétences
06:15remises en cause, ce qu'il faut être capable de faire pour jouer le nouveau jeu.
06:20L'innovation sustaining, quant à elle, est plutôt technologique avec une métrique
06:25de performance plutôt technique.
06:27Elle reste dans les mêmes rails encore et encore, et en ce sens, a un impact limité
06:32sur la dynamique concurrentielle, et surtout si elle est déjà bien au-delà de la performance
06:37attendue par les clients.
06:38L'innovation disruptive de Christensen n'est pas nécessairement technologique, et si elle
06:45est, peut-être d'intensité variable, mais elle tire son caractère plus ou moins disruptif
06:50– impact concurrentiel en sortie – moins de son intensité que de la cible sur laquelle
06:55elle est dirigée, parmi les éléments constitutifs du business model.
07:00Évitons ainsi de mélanger innovation technologique et innovation de business model, intensité
07:06d'innovation technologique, à l'entrée et impact concurrentiel en sortie.

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