Lucie Prost, invitée de "Nouvelles têtes"

France Inter

Un premier film très remarqué tourné dans le Haut -Jura où elle a grandi, c’est drôle, poétique, surprenant et incarné par la jeune garde du cinéma français ! Si vous aimez les truites, la New-Wave, et la poésie des éléments : la réalisatrice Lucie Prost est la Nouvelle Tête à 9h50 ! Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes/nouvelles-tetes-du-mercredi-23-octobre-2024-1078970

Transcript

00:00Les Nouvelles Têtes, avec vous Mathilde Serrel ce matin, votre invitée est une enfant des

00:04montagnes jurassiennes qui réalise son premier long-métrage, Fario ! Lucie Prost est dans

00:11notre studio.

00:12Vous avez remarqué des choses bizarres avec les truites en ce moment ? Les truites, tu

00:20sais, des animaux très pudiques.

00:22Je viens de voir la grenièce de la mairie, elle m'a dit que tu voulais plus vendre tes

00:26truites.

00:27Il y a plein d'agriculteurs qui sont concernés, ils vont perdre leurs terres.

00:30Tu sais ce qu'ils attendent de nous ? On déverse du purin devant la mairie comme des bousolins,

00:33je leur ferai pas ce plaisir.

00:34Bonjour Lucie Prost ! Bonjour ! Je le disais tout à l'heure, si on aime la New Wave et

00:40les truites, on est servi avec votre film.

00:41Ah bah oui ! Fario, c'est le nom d'une truite d'ailleurs ? Oui, c'est le nom d'une truite,

00:46une truite sauvage, la truite de la vallée de la Loue que je filme.

00:49Alors comment est-ce qu'on prend la température de l'eau quand on sort un premier film ? Qu'est-ce

00:53qui compte ? Les critiques, les retours des gens qui ont vu le film, qui l'ont vu tourner

00:58dans la région ? Oui, alors déjà il y a les sélections en festival qui sont assez

01:02importantes pour nous.

01:03L'Occarno entre autres.

01:04Voilà, l'Occarno, ça c'était super, après on a fait Angoulême et puis quelques autres

01:07festivals en France, donc c'était chouette.

01:09Et après il y a ce qui se passe un peu aux avant-premières et puis qui me permet moi

01:13de me détendre, c'est-à-dire les retours un peu spectateurs, voilà, qui viennent à

01:17la fin, touchés, qui prennent la parole au micro, voilà, ça compte beaucoup.

01:24Et ensuite il y a la presse qui a commencé un petit peu ces dernières semaines et puis

01:29qui va surtout se déployer à partir d'aujourd'hui.

01:33Surtout après Nouvelle Tête sur France Inter.

01:34En tout cas vous êtes très bien reçus chez Libé, chez Télérama entre autres, et dans

01:39les cahiers du cinéma.

01:40Cette truite, donc Fario, on la retrouve dans les rivières de la vallée de la Loue, vous

01:43l'avez dit, dans le Haut-Jura, vous avez grandi là-bas, vous avez tourné ce premier

01:46long-métrage là-bas.

01:47Il y a une réunion de jeunes talents du cinéma français qui sont passés parfois

01:51par Nouvelle Tête.

01:52Mégane Nortam, Andra Nickmanet, Finnegan Oldfield, qui sont excellents.

01:56Alors Andra Nickmanet, il joue le rôle d'un agriculteur gay qui refuse de vendre ses terres

01:59pour un projet d'extraction de minerais précieux.

02:01Et on l'entend dans le bout de bande-annonce qui vient de passer, il ne veut pas leur faire

02:05le plaisir de balancer du fumier dans la mairie.

02:08C'est le film tout entier, moi j'ai l'impression, qui refuse de se conformer à un certain cliché

02:12de la ruralité.

02:14Oui, complètement.

02:15Je pense que ça c'est vraiment un de mes fers de lance, c'est que j'ai grandi dans

02:18le Jura, un département vraiment très rural, on est très peu d'habitants, et il y a toute

02:23une ruralité originale, fantasque, vivante, que je trouve qu'on voit assez peu dans les

02:29représentations à la télé ou au cinéma.

02:31Et du coup, c'est vraiment quelque chose, moi, qui guide mon écriture.

02:34Déjà le territoire d'où je suis originaire, et ensuite ces personnalités qui m'ont marqué

02:40dans mon enfance, dans mon adolescence, et maintenant dans ma vie d'adulte.

02:43C'est pas aussi une nature qui est représentée si bien que ça au cinéma.

02:48C'est-à-dire que l'émerveillement pour la nature, dans « Et au milieu coule une rivière »

02:50par exemple, c'est pas ça qui va faire qu'on se sent en lien, on va dire, avec les éléments,

02:54avec le vivant.

02:55C'est ça que vous avez voulu changer aussi dans l'image.

02:56Oui, je voulais pas faire un aplat, je voulais pas faire quelque chose de bucolique, il fallait

03:00que la nature ait quelque chose d'un peu physique, d'un peu organique.

03:04Et c'est vrai que ce film, pour moi, c'est une trajectoire mentale.

03:07Ce qui a guidé la mise en scène, c'est vraiment, je me disais, ce film ça ne pourrait être

03:10que dans sa tête.

03:11Ça ne pourrait être qu'une trajectoire mentale.

03:13Et donc j'ai déréalisé aussi beaucoup, je me suis vraiment écartée du réalisme.

03:17Par le son, par plein de choses.

03:19Le héros Finnegan Oldfield, il vit à Berlin, lui il est ingénieur, il analyse l'eau,

03:24il va se rendre compte qu'il se passe un truc avec les truites qui sont en train de muter.

03:30Vous, vous avez grandi à Lons-le-Saunier, donc dans le Jura, et vous avez fait vraiment

03:34votre culture toute seule.

03:35Vous êtes une enfant un peu, on pourrait dire, de la politique culturelle.

03:38Les équipements culturels, les MJC où vous allez faire du théâtre, le vidéoclub, tout

03:43ce que les acteurs de la culture font en région, en fait vous, vous en êtes l'incarnation.

03:47Ça marche, on se met au cinéma après.

03:50Complètement, complètement.

03:51Franchement, Chantal Beret de la MJC de Lons-le-Saunier, je lui vaux une reconnaissance éternelle.

03:54Casse-bêtis Chantal !

03:55Voilà, représente.

03:56Et puis Yves Courty de l'Option Théâtre de Salin-les-Bains, c'était une des premières

04:00en 1986.

04:01La première de France ?

04:02Oui, franchement.

04:03C'est des militants de la première heure de la culture en milieu rural et ça change

04:07des vies.

04:08Après, j'ai quand même des parents curieux, intéressés, cultivés, qui m'ont aussi

04:15stimulée.

04:16Mais c'est vrai que l'accès à l'art, c'était compliqué et du coup, c'est grâce

04:21à ça.

04:22Vous êtes passé vous-même par les vidéoclubs et puis un jour, vous vous entraînez dans

04:27un festival de courts-métrages.

04:29Vous êtes tombé sur ceci.

04:31C'est le premier court-métrage de Justine Trier.

04:33Ah non, ça c'est Bachelard.

04:37Excuse-moi, tu peux pas faire ton connard longtemps comme ça ?

04:40Ouais, t'as raison, je suis un peu trop tendu.

04:42En plus, tu fais que tripoter les gens tout le temps.

04:44Tu me regardes, je t'intéresse.

04:46Bah oui, parce que t'as pas l'air sympathique et puis en même temps, t'es sympathique.

04:50J'aime pas les gens qui sont sympathiques 100%, tu vois.

04:52Ça m'inquiète.

04:53Toi, non.

04:55Dialogue mythique.

04:56Est-ce que vous aurez reconnu Laetitia Deuch ?

04:58C'est en 2013, bien avant évidemment.

05:00Moi, je l'ai vu en 2012.

05:02Vous l'avez vu en 2012.

05:03C'était bien avant évidemment la palme d'or de Justine Trier pour « Anatomie d'une chute »

05:07et tout ce qui se passera ensuite.

05:08Et vous, qu'est-ce qui vous a déclenché à ce moment-là ?

05:10Parce que vous faisiez des études en sciences sociales à l'EHESS.

05:14Vous n'étiez pas partie spécialement sur la voie du cinéma.

05:17Ouais, j'ai fait à la base des études de théâtre.

05:19Et ensuite, les études un peu théoriques de théâtre m'ont amené plus vers les sciences sociales.

05:27Et c'est vrai que j'avais beaucoup d'amis qui avaient fait des études de cinéma

05:30puisque j'ai fait moi-même des études de théâtre cinéma.

05:33Et on est allé à côté cours à Pantin et j'ai vu ce film.

05:36Et c'est vrai que ça m'a complètement déclenchée.

05:39Vraiment. De voir « Une nana en roue libre », « La liberté des dialogues ».

05:43C'était tourné en pellicule, la bande-son.

05:46J'aimais tout.

05:48D'ailleurs, ils ont tourné aussi dans des grandes tours du 19ème, où moi j'habite.

05:53J'aimais tout ce film.

05:55Mais je pense que ça m'a permis de me dire « Ah, c'est à cet endroit que je suis intime ».

05:59Oui, complètement.

06:01Bien sûr, il y a une dizaine d'années, là ça bouge, ça avance, c'est chouette.

06:05Mais il y a une dizaine d'années, c'était compliqué.

06:09Franchement, c'était compliqué.

06:11Donc ça vous déclenche, ça vous lance dans ce premier long-métrage

06:14qui doit aussi un petit peu à vos premiers petits boulots.

06:16J'ai l'impression que vous avez été recrutée pour scripter la radio.

06:19Vous travaillez à l'Argus de la presse.

06:21On apprend ça quand on lit la presse quotidienne régionale.

06:23Vos premiers petits boulots.

06:25Qu'est-ce que vous avez scripté comme émission ?

06:27Oui, complètement.

06:28Évidemment, ma radio préférée.

06:32J'ai fait ça parce que c'était quand je voulais financer mon master de sciences sociales.

06:36Je bossais à côté.

06:38J'ai bossé pendant trois ans là-bas.

06:40Et vous êtes fait une culture G ?

06:42Ah bah oui, c'est massif.

06:44Puisque c'est quand même 25 heures par semaine de France Culture, France Inter, la télé, tout.

06:51Lucie Prost, maintenant vous êtes dans la radio.

06:54Merci beaucoup, c'était votre première radio nationale.

06:57Et France Inter vous souhaite bonne route.

06:59Ainsi qu'à tous les acteurs du film Finnegan, Holfield entre autres, et Mégane Nortam.

07:03Et puis bien sûr l'excellent Andranique Manet.

07:05Ça sort aujourd'hui, Farid.

07:06Merci Mathilde.

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