Frédéric Ploquin, grand reporter et spécialiste du grand banditisme, et Jo Péraldi, ex-chef militaire du Front de Libération National Corse, étaient les invités du Face-à-Face sur BFMTV et RMC de ce vendredi 25 octobre. Ils ont évoqué leur livre, “Confessions d’un patriote corse, des services secrets français au FLNC” qui sort le 30 octobre prochain.
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00:00BFM TV face à face, Apolline de Malherbe.
00:09Il est 8h32 et vous êtes bien sûr RMC et BFM TV. Ce matin, deux invités face à moi.
00:16D'abord Frédéric Ploquin, je vous ai plusieurs fois reçu ici.
00:19Vous êtes journaliste spécialisée dans les domaines de la police, du banditisme, du renseignement.
00:24Et à vos côtés, Joseph Péraldi, dit Joe Péraldi.
00:27Bonjour. Combattant pour l'autonomie de la Corse, bras armé du FLNC, le Front de Libération Nationale Corse.
00:35Vous avez d'ailleurs été incarcéré après les attentats contre l'URSSAF et la DDE de novembre 99,
00:41qui avait fait sept blessés. Et vous écrivez ensemble un livre avec des révélations assez inouïes.
00:48Vous allez raconter ce matin ce qui n'avait jamais été connu jusqu'à présent,
00:54et notamment la manière dont vous avez, vous, Joe Péraldi, accompagné, organisé la cavale d'Ivan Colonna.
01:03Avant de vous donner la parole, j'aimerais que vous répondiez sur un point.
01:07Je voudrais savoir qui j'ai devant moi. Qu'est-ce qui me dit que ce matin, vous allez dire la vérité, vous qui avez tant menti ?
01:15J'ai menti ? Je n'ai jamais menti.
01:18Vous n'avez jamais menti ?
01:19J'ai agi comme tout militant quand j'ai été arrêté, à savoir ne pas reconnaître.
01:25Ne pas reconnaître, pour vous, suffit à ne pas dire je n'ai pas...
01:28Voilà. Je n'en reconnais pas. J'assume l'action en tant que politique, mais je ne reconnais pas les faits que l'on m'a reprochés.
01:35Vous ne reconnaissez pas les faits que l'on vous a reprochés, mais le mensonge allait beaucoup plus loin.
01:39Pardonnez-moi d'insister. Lorsque je vous entends qui dit je n'ai jamais menti,
01:43vous qui, et les photos en attestent dans ce livre, avez eu une carte de presse, qui pendant des années, une carte de presse officielle,
01:50qui vous a été octroyée par la profession des journalistes, disant que vous n'étiez que journaliste, alors qu'en réalité, c'était une double vie.
01:59Et vous n'avez jamais menti ?
02:00Je n'ai jamais menti.
02:01Et à votre femme, quand vous disiez le soir que vous partiez sur le terrain ?
02:04Non, un peu d'une malheur. Je n'ai jamais menti. On peut être journaliste, policier, et porter des convictions que l'on découvre plus tard dans sa vie.
02:13Parce que n'oubliez pas qu'avant d'être en Corse, de trouver la Corse à 23 ans, j'étais en Algérie.
02:20On va revenir évidemment sur votre parcours, mais je voulais dire les choses...
02:24Sachez que j'ai servi la France.
02:25Vous avez servi la France. Vous avez d'ailleurs été membre des services spéciaux de la France.
02:29J'ai eu des co-décorations.
02:31C'est ce parcours qui est assez inouï, évidemment.
02:34Je vois quand même, et Frédéric Plotkin, je voudrais avoir votre sentiment, quand j'ai demandé à Joe Peraldi à l'instant,
02:40vous qui avez tant menti, et qu'il me répond que je n'ai jamais menti, vous-même, j'ai senti un certain doute chez vous.
02:46Non, pour moi, ce n'est pas du mensonge.
02:48Ce qui m'a fasciné, moi, quand j'ai rencontré Joe Peraldi, c'est de découvrir qu'effectivement, le chef militaire du FLNC avait une carte de presse dans la poche,
02:55et qu'il avait été photographe-reporteur.
02:56Mais il n'a pas triché comme photographe-reporteur.
02:59Il a été l'un des meilleurs photographe-reporteurs en Corse.
03:02Avec des scopinouilles.
03:03C'était lui qui était sur tous les scopinouilles.
03:04Et avec une déontologie, je me suis tout poigné, Frédéric, avec une déontologie, mais alors stricte, de la carte de presse.
03:11C'est d'ailleurs extrêmement intéressant, mais on n'aura pas forcément le temps aujourd'hui de développer.
03:15Mais c'est vrai que vous-même, vous n'hésitez pas parfois à écrire ou à faire avec vos photos ce qui va à l'encontre du combat que vous menez dans la clandestinité.
03:25C'est-à-dire que, je vais revenir très vite, à 14 ans, après la mort de Jean-Pierre Pedrasini,
03:31c'était lui qui m'a fait découvrir Paris Match, qui a été tué par la mitrailleuse d'un char russe dans l'affaire Printemps-de-Prague, vous vous souvenez, en 1956.
03:44Et j'ai dit, c'est le métier que je veux faire, d'autant que je me passionnais pour la photographie.
03:47Et c'est le métier que j'ai fait par passion.
03:49Et la déontologie du journalisme...
03:51Ce n'est pas un métier de couverture.
03:53Absolument pas. C'est un métier que j'ai fait par passion avant même d'entrer dans la clandestinité en 1973.
03:59Et vous allez nous raconter, effectivement, je voudrais qu'on revienne sur l'Algérie que vous quittez à l'âge de 21 ans, et à 13 ans, vous maniez déjà les armes.
04:08Je voudrais que vous nous disiez aussi comment vous avez basculé dans la clandestinité, et que vous nous racontiez évidemment cette cavale d'Ivan Colonna.
04:14Je voudrais également prendre le temps de préciser ce matin que je n'étais pas en réalité très à l'aise avec l'idée de vous recevoir.
04:19J'ai beaucoup de respect pour le travail de Frédéric Ploquin.
04:22J'ai confiance en vous, Frédéric, et en la qualité de vos enquêtes.
04:25Mais vous avez aidé à cacher l'assassin du préfet Rignac, et c'est un crime fondamental.
04:31Depuis, Ivan Colonna est mort, assassiné par un co-détenu.
04:36La République française n'a pas su le protéger, et quel que soit le crime pour lequel il a été condamné, c'est un scandale d'État et une faillite de la France.
04:45Et je pense qu'il fallait que ce soit dit.
04:47Vous allez nous raconter ce moment de l'histoire de la Ve République.
04:49D'abord, vous êtes né, en effet, en Algérie, et l'Algérie française, donc, à l'époque.
04:53À 13 ans, vous maniez les armes. Pourquoi ?
04:55Mais simplement parce que, déjà, j'habitais en maison forestière avec mes parents.
05:00Mon père était agent technique des eaux et forêts.
05:02Et l'administration des eaux et forêts fournissait une dotation d'armes de guerre à chaque forestier qui se trouvait en maison forestière isolée.
05:12Événement ou pas événement.
05:15Il y avait un mousqueton, une stene, des grenades, un pistolet d'ordonnance, 8 mm, et ça, c'était la dotation.
05:23Donc, très jeune, j'ai appris à 8 ou 9 ans à tirer à la stenne.
05:27Et ensuite, ce sont survenus les événements, ce qu'on a appelé la Toussaint Rouge, c'est-à-dire le soulèvement de l'indépendance de la guerre d'Algérie.
05:38Et là, comme j'allais à l'école seul le matin, je partais de chez moi, maison forestière, je faisais 8 km et autant pour revenir.
05:46Et à ce moment-là, le FLN algérien assassinait tout ce qui n'était pas musulman.
05:54Si vous voulez, ça partait des plus anciens au berceau.
05:58Et je faisais partie de ces jeunes qui allaient à l'école à pied, à traverser une forêt, à traverser les cimetières arabes.
06:07Par un moment de protection de sécurité, j'avais un Walther P38 9 mm parabellum que je mettais dans l'austère.
06:15Arrivé à l'école, je le mettais dans un portail, je le mettais au fond du cartable.
06:19Et le soir, quand je rentrais chez moi, je le remettais dans l'austère pour refaire les 8 km pour rentrer à la maison.
06:26– Donc, vous êtes dans l'advertisement.
06:28– Donc, j'étais dans une question de protection personnelle.
06:32Et on pouvait m'enlever, mais Gorget me tuait à ce moment-là.
06:36Je savais manier le pistolet à l'époque.
06:38Et c'est ce que j'ai fait.
06:40Il faut que vous sachiez, je vais ajouter juste un mot.
06:42En raison de tous ces événements, je ne les ai pas créés.
06:45Ce sont des événements qui sont venus percuter ma vie d'adolescent.
06:48– Que vous dites d'ailleurs régulièrement dans le livre, et c'est important, vous le confiez à Frédéric Ploquin.
06:52Vous avez basculé progressivement dans cette clandestinité.
06:56– Je n'ai pas progressé, c'est la vie qui m'a fait progresser, qui m'a fait affronter ces événements.
07:00Et quand les militaires corses sont arrivés en Algérie,
07:04j'étais constamment avec eux parce qu'ils fréquentaient les familles corses qui étaient là-bas.
07:07– Et vous rentrez à ce moment-là dans les services spéciaux français.
07:10– À 19 ans et demi.
07:12– Et lorsque vous arrivez effectivement en Corse,
07:16progressivement, vous rentrez dans la clandestinité.
07:20Je voudrais juste qu'on montre quand même une photo de vous,
07:22pour que l'on comprenne à qui l'on a affaire.
07:24Cette photo, vous la publiez dans ce livre.
07:26C'est une photo que l'on va voir à l'antenne à l'instant.
07:30C'est une photo qui date de 1988.
07:33Il s'agit de trois hommes cagoulés.
07:35Et l'homme qui est à gauche sur la photo, c'est vous.
07:37– C'est moi. Et à côté, il y a Alain Orsoni,
07:39qui fait partie des responsables du FLNC à l'époque.
07:41– Pourquoi vous rentrez en clandestinité ?
07:43– Alors nous sommes dans la deuxième élection, la réélection de François Mitterrand.
07:47Nous ne sommes pas satisfaits de la création de l'Assemblée territoriale de Corse 1982.
07:55Nous pensons avoir été trompés sur les pouvoirs qui nous étaient accordés.
08:01Donc à ce moment-là, quand François Mitterrand est réélu,
08:04nous demandons une deuxième amnistie de l'ensemble des prisonniers politiques,
08:1087 exactement, et un nouveau statut d'évolution institutionnelle pour la Corse.
08:18– La cagoule blanche, il faut dire la cagoule blanche.
08:20– La cagoule blanche représente déjà des responsables du FLNC.
08:26– C'est le signe des chefs, Frédéric Bogart ?
08:28– Des chefs du FLNC, la cagoule blanche.
08:30– La clandestinité te demande un peu.
08:32– Mais la clandestinité vient plus tard, quand j'arrive d'Algérie.
08:35– Enfin là c'est déjà un peu clandestin si je peux me permettre.
08:37– Oui mais 88 là, je suis dans la clandestinité bien avant.
08:40– 73.
08:41– 73, 77 et ainsi de suite.
08:44– Pourquoi ?
08:45– Je vais vous expliquer très vite.
08:47Je rentre d'Algérie, le contexte n'est pas le même.
08:50Je combats pour la France et je ne regretterai rien.
08:53Aujourd'hui, je ne combats pas la France.
08:55Je combats un système qui a fait vivre la Corse en dehors de tout état de droit.
08:59– Ce sont les clans corses qui vous débectent lorsque vous arrivez ?
09:03– Qui me débectent.
09:04Quand je rentre, je ne connais pas le système politique corse,
09:06je le découvre alors que je suis reporter photographe débutant en 63,
09:10provençal, que je viens d'avoir ma carte de presse numéro 22042,
09:15c'est-à-dire, si elle remonte loin,
09:17et je fais des reportages comme tout débutant dans les villages, ainsi de suite.
09:21Et là je m'aperçois de la paupérisation, de la misère qui est dans ces villages.
09:25Et quand je fais le paradoxe, la différence qu'il y a
09:29entre ce que nous avons laissé en Algérie, qui était déjà catastrophique,
09:33je trouve que mon peuple est encore moins bien traité.
09:36– C'est qui votre peuple ?
09:37– C'est la Corse.
09:38– Vous ne diriez pas que vous êtes du peuple français ?
09:42– J'ai combattu pour la France.
09:44– Mais justement, lorsque vous arrivez à ce moment-là,
09:46vous combattez pour la France.
09:47– Je viens de vous dire que je n'avais jamais combattu la France,
09:49que je ne regrette pas d'avoir combattu la France, je le dis dans mon livre.
09:52– Vous avez combattu pour la France ?
09:53– Pour la France, pardon.
09:54Excusez-moi, j'ai fait un absurde.
09:56– Vous inquiétez pas.
09:57– J'ai des décorations que j'ai obtenues,
09:595 décorations que j'ai obtenues pour la France,
10:01en combattant pour la France, et je suis fier de ces décorations.
10:04– Moi ce qui m'a surpris en écoutant le jour,
10:06c'est que les fondateurs du FLNC, de ce front clandestin
10:11qui va combattre la France pendant 40 ans,
10:14sont presque tous issus des colonies françaises.
10:17Et qu'en fait, ils rentrent tous de Tunisie, du Maroc, d'Algérie,
10:22et ils découvrent un pays qui est tenu par les clans corse,
10:27et que leur premier adversaire, ce n'est pas Paris,
10:31leur premier adversaire, ce sont vraiment les clans
10:33qui instaurent un clientélisme, qui truquent les urnes et les élections.
10:37– Et on le lit dans le livre, vous en voulez davantage aux clans,
10:40aux héritiers qu'à l'État français, c'est ce que vous dites
10:42quand vous arrivez en campagne.
10:43– Bien sûr, c'est le système, par contre, j'en veux à l'État français,
10:46c'est là où je veux en venir, d'avoir fermé les yeux sur un État de non-droit.
10:51Moi qui me suis battu pour la liberté, pour la démocratie,
10:54et de voir qu'on parle de la démocratie,
10:56on ne pourra jamais arriver et qu'il faut en venir à la violence,
10:58et bien nous en sommes venus à la violence.
11:00– Je voudrais comprendre avec vous, ce matin,
11:03Joe Peraldi, effectivement, comment fonctionne à ce moment-là le FLNC,
11:07vous devenez chef militaire du FLNC,
11:10je voudrais que vous me parliez de la discipline,
11:12est-ce que ça veut dire que vous étiez armé tout le temps ?
11:14– Non.
11:15– Et qui vous recrutiez ?
11:16– Comment ça se passe le recrutement ?
11:18Le recrutement se fait par parrainage,
11:20on ne recrute pas n'importe qui,
11:22que ce soit des gens formés politiquement,
11:24avoir au minimum 25 ou 27 ans,
11:27et avoir une référence politique forte sur ce que nous faisons.
11:31Et là, nous recrutons, ou nous ne recrutons pas.
11:34– Vous ne recrutez pas dans les marches ?
11:36– Nous n'avons jamais voulu avoir 500 ou 600 militants.
11:39– Mais à un moment, vous en avez quand même, et vous le dites,
11:41plus de 200, il y a des pointes à 400.
11:44– Il y en avait 480 au début.
11:46– En fait, ils refusent.
11:48– Ils refusent des volontaires,
11:50surtout des jeunes volontaires.
11:52– Sinon, il y avait des milliers.
11:54– Vous êtes alors, qui vient frapper à votre porte ?
11:57– On ne frappe pas à notre porte.
11:58– Alors comment ça se passe ?
11:59– Ce sont des gens qui connaissent,
12:00ce sont des parrainages, des gens qui sont chez nous,
12:03qui connaissent des jeunes qui peuvent…
12:05– Une forme de cooptation, de parrainage ?
12:07– Une forme de cooptation, de parrainage.
12:08Mais attention, ça ne se fait pas comme on le pense
12:11avec des centaines de recrutements, on limite.
12:14– Vous limitez et vous limitez,
12:16y compris ceux à qui vous dites les choses.
12:18– Pour répondre à Napoléon, en fait, quand Joe recrute
12:21et passe des entretiens d'embauche, en fait, il a la cagoule.
12:24Il a la cagoule et il ne parle même pas
12:26pour pas que sa voix soit reconnue par les militants potentiels.
12:29– Surtout pas.
12:30– Parce que sinon, il y a des risques d'infiltration.
12:31– J'ai gardé le cloisonnage, qu'on appelle…
12:35– Y compris avec votre propre épouse ?
12:37– Tout le monde.
12:38– Vous dites, la clandestinité commence dans son propre foyer.
12:41– Je peux aller plus loin, faire une comparaison.
12:43Peut-être qu'il va vous choquer.
12:45Lorsqu'on fait la résistance en France,
12:50il y a des gens qui étaient cloisonnés, qui ne se montraient pas.
12:53C'était naturel.
12:55J'ai fait à peu près la même chose.
12:57– Oui, votre comparaison, elle dit quand même beaucoup
12:59sur les techniques, sur la logistique, sur la manière d'en faire.
13:02– Ne me dites pas que j'ai combattu pour l'indépendance de l'accord,
13:07j'ai combattu pour l'autonomie de plein exercice.
13:09– Pour l'autonomie de plein exercice, on y reviendra
13:11– On y reviendra puisque ce mot est évidemment prononcé.
13:13Il a été pas plus tard qu'hier par la ministre des Territoires.
13:17Je voudrais, Jean-Périnale, que vous nous racontiez
13:20cet épisode tout à fait inconnu, ni de la police,
13:24ni des services de justice, ni de qui que ce soit,
13:26que vous révélez évidemment avec Frédéric Ploquin dans ce livre.
13:30Si ça avait été su d'ailleurs, vous auriez été jugé pour complicité.
13:34Puisque lorsque Yvan Colonna doit être exfiltré,
13:39qu'il se retrouve dans une zone totalement quadrillée
13:42où il ne peut plus faire le moindre fait ou geste,
13:45c'est vous, Jean-Périnale, qui le sortez de là
13:49et le faites entrer dans la cavale qui a duré jusqu'à son arrestation.
13:54– Alors, Yvan Colonna est un militant, nationaliste,
13:59il est dans la clandestinité.
14:02Yvan Colonna, je l'ai connu quand il est arrivé en Corse,
14:05il avait 21 ans, il a toujours été proche de nous,
14:10il est dans la clandestinité.
14:12Donc, il est accusé d'avoir commis le meurtre du préfet.
14:15Et lors des arrestations, il y a une erreur,
14:18on arrête le frère au lieu de l'arrêter lui.
14:20Et donc, quand les policiers s'aperçoivent de leur erreur,
14:24ils recherchent Yvan, mais Yvan est déjà caché.
14:28Enfin, caché, pas trop, puisqu'il accorde une interview à TF1.
14:34– D'accord, j'avais vu qu'il y avait également…
14:36– Alors, on me téléphone, je sais, lors des réunions de Miachar,
14:39c'était des réunions de l'ensemble des nationalistes,
14:42après la mort du préfet, ça a été un choc pour tout le monde.
14:45Nous essayons de regrouper l'ensemble des nationalistes
14:48et de faire l'union, de façon à présenter un projet
14:53d'évolution institutionnelle, collectif.
14:56Et c'est ce qui s'est fait.
14:57À ce moment-là, je reçois un coup de fil de mon ami Joseph Cavioli,
15:01qui est le beau-frère d'Yvan Colonna,
15:03il me dit, Jo, il nous arrive ça, qu'est-ce qu'on fait ?
15:05J'ai dit, acceptez la conférence de presse,
15:08mais envoyez une voiture, ne donnez pas le lieu de rendez-vous
15:12où vous allez les recevoir.
15:13C'est ce qui a été fait, ils font cette fameuse conférence
15:16« Je ne reviens pas que vous connaissez ».
15:18Et je dis à Joseph, mon ami, je dis,
15:20on se voit ce soir vers 21h30 à l'endroit habituel,
15:23c'était dans un village de Couch où habitait sa mère.
15:29Et là, on se voit et il y avait Yvan.
15:31Et je passe pratiquement la nuit
15:34et une partie de la journée du lendemain
15:36où il me fait part de sa volonté de se mettre en cavale.
15:42Et là, je lui dis, il n'y a pas de problème,
15:46mais il faudra que tu te prives de tout.
15:48Tu ne vois plus ton époux, tu ne vois plus ton fils,
15:50tu ne vois plus personne.
15:52Faut que ça soit strict.
15:54Sinon, ça ne sert à rien.
15:55Tu vas te mettre en danger.
15:56– Un plan quasi-militaire que vous mettez en place.
15:58– Absolument.
15:59– Avec cette effiltration, vous repérez un couple de retraités
16:02qui chaque jour…
16:03– Ça, c'est grâce à mon observation que j'ai de la vie
16:06en tant que reporter-photographe.
16:08Je vois tout ce qui est insolite, tout ce qui est repérable et tout.
16:10Et je dis, le piège se refermait de plus en plus sur Yvan.
16:15– Le filet était de plus en plus serré.
16:17– Oui.
16:18– Vous le faites donc sortir.
16:19– Et donc, je vois mon ami Joseph Cavioli,
16:21moi, je ne peux pas monter.
16:22Et j'ai cette idée de fendre cette voiture.
16:25– Une 4L.
16:26– Une 4L qui appartenait à un couple
16:29qui était très visible et très connu dans la région.
16:32Les gendarmes, tout le monde les connaissait.
16:34Et je dis, on va mettre en empreinte la 4L.
16:36On met un homme qui ressemble terriblement
16:40au propriétaire de la voiture, un petit vieux,
16:43une personne âgée, pardon.
16:45Et son épouse qui partait régulièrement faire une promenade
16:48ou faire des courses à Jackson.
16:50Et le matin, nous prenons cette 4L.
16:53L'homme qui prend la place à la même casquette,
16:55la même tenue que le propriétaire.
16:58– Et à ses côtés, l'épouse.
16:59– Sa femme qui était toujours avec un foulard sur la tête.
17:02– L'épouse, c'est Yvan Colonat.
17:03– Et l'épouse ?
17:04– L'épouse, c'est Yvan Colonat.
17:07– C'est déguisé en femme, il roule et vous les retrouvez.
17:14– Et nous, je vous dis la vérité,
17:17j'organise devant un ouvreur de route
17:20avec un motard très grand pour ne pas être arrêté
17:23parce qu'Yvan faisait 1m70 et tout le véhicule,
17:26on passait un bonhomme tout petit sur une grosse moto,
17:28on l'aurait arrêté.
17:29L'ouvreur de route avait un Taki Walkie dans son casque
17:33qui était relié à une oreillette du chauffeur.
17:36Et il me l'a emmené à un point qu'on appelle Caldagnich,
17:42un point précis sur l'ancienne route de Sardine.
17:45Et c'est là que je récupère Yvan
17:47et je lui dis ce que vous avez vu dans Paris Match,
17:50à savoir, ta cavale commence ici.
17:53Ta cavale commence ici, vous le racontez évidemment
17:56et le récit de ce moment d'exfiltration de Yvan Coronat
18:00effectivement est assez inouï.
18:03Frédéric Plotkin ?
18:04– Moi je voudrais dire juste un point,
18:05c'est que Jo Péraldi a appris la mort du préfet Érymiac
18:08devant sa télévision chez lui, c'est-à-dire,
18:11c'est important de le savoir,
18:12c'est-à-dire qu'il n'est pour rien dans ce projet d'élimination.
18:15– Pourquoi vous dites ça ?
18:16– Non, non, pas du tout, pas du tout,
18:19c'est que je vous dis la vérité.
18:21– Vous avez dit le mot choc.
18:22– Ce qui est intéressant c'est d'analyser en fait
18:25la raison pour laquelle il va chercher et dissimuler Yvan Coronat.
18:29Il est pour rien dans les faits,
18:30d'ailleurs peut-être même qu'il était pour, j'en sais rien,
18:33mais en tout cas il n'y a pas participé,
18:35c'est la décision d'Yvan Coronat et de quelques-uns de ses amis,
18:38mais pourquoi est-ce que tu penses…
18:40– Je vous signale qu'Yvan Coronat, important,
18:42à un moment donné avait fait scission avec la branche qui était la mienne.
18:46– Non, c'est juste pour clarifier les choses.
18:48– Je vous signale que c'est important ce que je vous dis.
18:52Donc s'il y a un projet comme ce genre,
18:55je ne suis pas au courant, je ne suis pas dans le même endroit.
18:57– Donc le projet d'assassinat du préfet Érignac,
19:00vous n'y êtes pour rien, vous l'apprenez vous-même et vous parlez d'un…
19:03– Je n'ai jamais été arrêté une minute.
19:05– Et d'ailleurs vous n'avez pas été poursuivi,
19:07pour quelque complicité que ce soit là-dessus,
19:10mais tout de même…
19:12– Alors je vais vous expliquer.
19:13– Je voudrais quand même comprendre le motif.
19:15– Il peut vous échapper, je ne m'excuse pas à vous,
19:17mais à l'ensemble…
19:18– Mais allez-y, ça peut m'échapper aussi à moi,
19:19il y a beaucoup de choses là qui m'échappent dans votre film,
19:20même si je trouve que c'est un morceau d'histoire de France.
19:23– Je suis dans la société corse.
19:28La société corse a un principe, des traditions fortes.
19:35Quand un homme demande de l'aide, quel qu'il soit,
19:38à moins qu'il soit pédophile, crapule, on ne l'est pas.
19:42– Et quand il a assassiné un préfet, ça ne rentre pas là-dedans ?
19:45– Il est en cavale, il veut se mettre en cavale,
19:47on ne veut pas savoir pourquoi.
19:48Et je vous explique, je vais au bout.
19:50Dans la tradition corse, il y a même des policiers
19:52qui ont aidé des gens qui fuyaient.
19:55Ils les ont gardés, je vous le dis.
19:58– Des policiers qui ont été complices ?
19:59– Des policiers, pas dans le père.
20:01Dans plusieurs affaires de banditisme et autres.
20:03– Et vous racontez d'ailleurs qu'il n'est pas difficile
20:05à ce moment-là de trouver des familles.
20:07– Non, il m'a demandé mon aide.
20:08– Vous dites qu'il n'est pas difficile
20:09de trouver des familles pour accueillir.
20:10– Mais bien sûr.
20:11– Vous dites que ça n'est vraiment pas difficile
20:13parce qu'au nom de la tradition, de nombreuses familles
20:16et de nombreux foyers ont accepté de l'accueillir.
20:18– Et je tiens à vous dire que chaque fois que je voyais
20:20Yvan Cologne, une fois tous les 8 ou 10 jours,
20:22je le rencontrais quand même.
20:24Ça a duré très peu de temps puisque j'ai été arrêté
20:269 mois et demi après.
20:28– Pour une autre raison ?
20:29– Pour une autre raison, pour Mursa Fladélé, vous le savez.
20:34Jamais je ne lui ai demandé si il avait fait l'action.
20:38– Vous ne lui avez pas demandé, as-tu assassiné
20:41– Quand on aide, quand on aide quelqu'un qui demande de l'aide.
20:45Si lui ne m'en parle pas, je ne lui en parle pas.
20:48– Et vous l'avez croisé une dernière fois,
20:50c'était dans les couloirs de la prison de Fresnes.
20:54Vous vous êtes croisés tous les deux
20:56et les policiers vous ont autorisé à échanger.
20:58– L'escorte, c'est-à-dire que moi j'avais une escorte
21:01de la garde républicaine, taboulée bien sûr,
21:04et lui venait en face, il allait en face,
21:07et là je demande au lieutenant, est-ce que je peux lui dire bonjour ?
21:10Il m'a dit, faites vite, et quand l'autre escorte est arrivée,
21:13le lieutenant de l'autre escorte me dit, vous parlez français.
21:16Je lui ai dit, il n'y a pas de problème.
21:18Et nous avons parlé 3-4 minutes.
21:20– Moi ce que j'aime dans cette rencontre,
21:22c'est que l'histoire de la SNC, elle est mythique,
21:25elle est peu connue, et c'est la première fois qu'elle est écrite
21:28et Jo tenait à 84 ans, il a 84 ans aujourd'hui,
21:31à la raconter, à s'exprimer et à tout dire pour laisser une trace pour l'histoire.
21:35– Pour laisser une trace précisément d'une histoire
21:38qui ne laissait aucune trace derrière elle.
21:40– Et je vais plus loin, si je parle à 84 ans et 15 ans après mon arrestation,
21:46c'est pour aussi mettre les choses au point.
21:49– Mettre les choses au point, et tout est dans le livre,
21:51j'aurais encore eu 1000 questions à vous poser aussi
21:54sur la manière dont aujourd'hui vous jugez la route vers l'autonomie de la Corse,
21:59mais ce sera pour une autre fois, et les récits, tout est dans le livre.
22:03Frédéric, merci à vous évidemment d'avoir accompagné,
22:07non seulement dans l'écriture de ce livre mais encore ce matin,
22:09Joseph Péraldi, merci à tous les deux.
22:11– Merci.
22:12– Le livre s'appelle Confessions d'un patriote Corse,
22:14ça sort aujourd'hui, ou la semaine prochaine d'ailleurs, et c'est chez Fayard.
22:16– Le 30 octobre.
22:17– Merci à vous.