• il y a 2 mois
Janvier 2003 : Les États-Unis se préparent à la guerre en Irak, affirmant que le pays possède des armes de destruction massive. Mais qui a permis à Saddam Hussein d'acquérir ces armes ? Et qui a facilité son accès aux capacités nucléaires, chimiques et biologiques ?

Dans ce documentaire révélateur, nous dévoilons l'histoire secrète de la relation complexe entre l'Irak de Saddam Hussein et l'Occident. De l'appui de la France dans les années 70 à l'implication plus large de l'Occident, nous révélons les vérités choquantes derrière cette alliance controversée.

Avec des interviews exclusives de figures politiques clés comme Tarek Aziz, François Poncet et des sénateurs américains, ainsi que des créateurs du programme nucléaire irakien—Hamza et Sharistani—ce film présente une multitude de documents et de témoignages inédits qui vont transformer votre compréhension de ce chapitre complexe de l'histoire. Une enquête captivante à travers l'Irak, la France, l'Allemagne, les États-Unis et Israël.

Documentaire : Notre Ami Saddam (2003)
Réalisateur : Antonia Rados
Production : Point du Jour, AZ Media

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News
Transcription
00:00Musique sombre
00:04...
00:09Bagdad, 2003.
00:11...
00:13Les inspecteurs de l'ONU trouveront-ils en Irak
00:16des armes de destruction massive ?
00:18Est-ce le début de la fin pour les dirigeants irakiens,
00:21abandonnés par tous, même par leurs anciens amis ?
00:24...
00:25Et Jacques Chirac ?
00:27...
00:29Il fut un temps où il n'était pas honteux de fréquenter Saddam Hussein.
00:33...
00:35Et pourtant, depuis quelque temps,
00:37les hommes politiques semblent perdre la mémoire.
00:40...
00:42Je n'ai pas connaissance que le gouvernement américain
00:45ou des sociétés américaines aient été impliqués
00:47dans le développement d'armes chimiques,
00:50biologiques ou nucléaires en Irak.
00:52...
00:58Pourtant, ces armes ont réellement été utilisées.
01:01...
01:04A aucun moment, je ne me suis occupé
01:06des activités de cette entreprise.
01:08...
01:13...
01:18Tout commence à Paris en juin 1974
01:21par la visite d'une délégation irakienne.
01:23...
01:25Le déjeuner durait parfois 3 à 4 heures,
01:27boissons, plusieurs plats.
01:30...
01:31Leurs hôtes, au commissariat à l'énergie atomique français,
01:35étaient pleins de prévenances pour leurs invités.
01:37...
01:39C'était un voyage très agréable, bien organisé par les Français
01:42et qui a marqué le début d'une entente très amicale
01:45avec les scientifiques français.
01:46Nous avons rencontré les plus grands scientifiques
01:49et les fonctionnaires importants.
01:51...
01:55Dans l'après-midi, la délégation se rend à Saclay,
01:58le plus important centre de recherche nucléaire français
02:01près de Paris.
02:02Les Français posent beaucoup de questions aux Irakiens.
02:05...
02:06Ils nous ont même interrogé sur nos moyens financiers,
02:09quel budget en Irak,
02:10combien de fonds pour la recherche scientifique,
02:13l'éducation, les universités,
02:15combien d'organismes de recherche.
02:17Ils voulaient prendre la mesure de l'infrastructure irakienne.
02:20...
02:21Elle a été conçue au début du siècle
02:24Les nuits parisiennes laisseront de bons souvenirs à Kidir Hamza.
02:28...
02:29Charistani est trop religieux pour cela,
02:32mais nous, nous avons visité les hauts lieux de la nuit parisienne,
02:35les Champs-Élysées et autres.
02:37...
02:41Nous nous sommes promenés dans des petites rues
02:43où se trouvent des bars et des boîtes de nuit
02:46jusqu'à 3-4 heures du matin.
02:47...
02:53Hamza, le bon vivant, était un homme choyé par le régime de Bagdad.
02:56...
03:00Il descendait dans les hôtels de luxe, l'argent, pas de problème.
03:04Hamza était le directeur du programme nucléaire irakien.
03:08Le régime l'avait fait revenir d'une université américaine
03:11où il enseignait.
03:12...
03:14J'y suis retourné en août 1970.
03:17Au mois de décembre 71,
03:19deux responsables de l'énergie atomique irakienne
03:22m'ont demandé si j'avais lu le livre de Paul Jabbars
03:25sur la bombe israélienne.
03:27...
03:32Les armes nucléaires, je n'y connaissais rien,
03:34sauf ce que j'avais pu lire dans quelques livres.
03:37Je suis un physicien nucléaire, mais ce n'est pas la même formation.
03:41L'armement nucléaire, c'est à 90 % un travail d'ingénieur.
03:44...
03:47Chahristani, lui aussi, était rentré au pays.
03:49Les autorités de Bagdad lui avaient dit
03:52qu'il s'occuperait de nucléaires civils, seulement civils.
03:57L'Irak disposait déjà d'un petit réacteur pour la recherche,
04:02fourni par les Russes.
04:04Le flux à neutrons de ce réacteur
04:07n'était pas assez performant pour mener des expériences plus poussées.
04:11Et nous avons donc décidé d'acheter le réacteur Ozirak,
04:17développé par les Français à cette époque.
04:26La copie originale d'Ozirak se trouvait à Saclay.
04:29Les scientifiques français étaient très fiers de ce réacteur,
04:32qui permettait de nombreuses expériences scientifiques.
04:37Voici l'intérieur d'un réacteur de recherche atomique,
04:40sous une épaisse couche d'eau.
04:42Dans la piscine, on voit une lueur bleue d'aspect un peu mystérieux.
04:46Tant que cette lueur est visible,
04:47on est certain que l'uranium est là, que personne ne l'a retiré.
04:51C'est donc un moyen de contrôle
04:53qui empêche le propriétaire du réacteur de recherche
04:56d'utiliser cet uranium pour faire autre chose,
04:58des bombes atomiques, par exemple.
05:05La possibilité d'exploiter Ozirak à des fins militaires
05:08inquiéta d'emblée l'ennemi de l'Irak, Israël.
05:14Le réacteur a posé problème aux Israéliens dès le 1er jour.
05:19Ils ne croyaient pas à l'histoire que nous avions racontée,
05:22à savoir qu'il s'agissait d'un réacteur expérimental
05:25qui nous permettrait de tester le matériel à utiliser
05:27dans une future centrale atomique.
05:29Ça, ils n'y ont jamais cru.
05:31Ce qui nous a inquiétés, c'est qu'un pays comme l'Irak,
05:35qui n'a pas de problème de source d'énergie,
05:38qui ne manque pas à l'Irak,
05:40tout d'un coup se lance dans un programme nucléaire.
05:45On n'a pas cessé d'avoir des rencontres à tous les échelons,
05:49y compris pendant la visite de Moshe Dayan en France,
05:53quand il a rencontré M. Giscard d'Estaing.
05:55Je me souviens de la rencontre entre Shamir et M. François Poncé.
06:00M. François Poncé a dit
06:03que c'est totalement exclu que vous convainquiez la France
06:07de ne pas avoir une coopération nucléaire avec l'Irak.
06:10L'attitude d'Israël à l'égard du monde arabe
06:13nous a toujours semblé inspirée
06:17par une analyse compréhensible
06:22du point de vue israélien,
06:24mais qui manquait souvent d'objectivité.
06:27Des intérêts français étaient en jeu.
06:30Les scientifiques irakiens l'avaient très vite compris.
06:37Nous pensions que si la France était si conciliante à l'époque,
06:40c'était parce que Saddam lui avait promis des contrats mirobolants.
06:48Il avait déjà confié à une entreprise française
06:51un projet d'environ 2 ou 3 milliards de francs
06:54pour la construction de bungalows.
07:00Dans ces débuts de négociations,
07:01les Français ne voulaient pas insister sur les sujets qui fâchent.
07:05Ils ont commencé à nous interroger.
07:07Pourquoi est-ce qu'on achète un nouveau réacteur ?
07:09Est-ce qu'on n'en a pas déjà un, le russe ?
07:12Nous avons dit oui.
07:14Combien de physiciens nucléaires avez-vous ?
07:16On a dit 3.
07:18Vous avez 3 types.
07:19Vous avez acheté un réacteur qui n'est pas utilisé.
07:21Vous voulez en acheter un autre ? Qu'est-ce que vous allez en faire ?
07:24Musique douce
07:27...
07:29...
07:31On a dit qu'on l'achète pour produire de l'énergie
07:34et des trucs comme ça.
07:36Ils se sont mis à rire de nos balivernes.
07:41Mais tout en riant et blagant,
07:43ils nous ont fait comprendre qu'ils savaient
07:45que nos explications ne tenaient pas debout.
07:49Ils nous ont fait comprendre aussi que ce n'était pas leur problème.
07:556 mois plus tard,
07:56le Premier ministre français ouvre un nouveau chapitre
07:58des relations franco-irakiennes.
08:01Jacques Chirac et son homologue irakien,
08:03Saddam Hussein, l'homme fort de Bagdad,
08:06ont la même vision des relations futures
08:09entre l'Europe et les pays arabes.
08:11Même conception de l'indépendance nationale,
08:14comprenée à l'égard de l'URSS et des USA,
08:17mais volonté commune d'ouvrir en permanence
08:20un dialogue euro-arabe.
08:23Un dialogue qui devait permettre à l'Irak
08:26de desserrer quelques peu ses liens avec les Soviétiques.
08:32Nous sommes alors persuadés que nos relations avec la France
08:35vont nous permettre de renforcer notre indépendance.
08:41Et laissez-moi vous dire qu'elles pouvaient également contribuer
08:44à renforcer celles de la France.
08:48Ce n'est pas uniquement l'indépendance
08:50que l'Irak promet.
08:51C'est l'indépendance que l'Irak promettait à son invité français.
08:54Nous avons, au cours de ces entretiens,
08:56examiné toute une série de très grands problèmes,
08:59de très gros contrats,
09:01et nous avons effectivement procédé à leur signature.
09:04Nous savons que, dans ce monde, il faut avoir des relations.
09:07L'Irak est un des principaux exportateurs de pétrole.
09:11Nous devons vendre notre pétrole.
09:13Nous avons besoin d'appartenance.
09:16Nous avons besoin d'appartenance.
09:20L'Irak cherchait un partenaire pour exploiter son pétrole,
09:23la 2e réserve mondiale.
09:25Vif intérêt de la France en cette période de choc pétrolier.
09:33Pour les Français, il s'agissait évidemment d'une bonne affaire.
09:36S'assurer du pétrole à bon prix,
09:38en même temps vendre de l'équipement militaire
09:41et une technologie nucléaire
09:42qui ne trouvait pas beaucoup de clients dans le reste du monde.
09:48Le nucléaire français avait enfin trouvé preneur.
09:52Atome civil ou militaire ?
09:54La France s'en remettait à l'Agence internationale d'énergie atomique,
09:57sans trop se poser de questions.
09:59À partir du moment où une installation nucléaire
10:02est sous contrôle d'une agence qui dépend de l'ONU,
10:06on est en droit de considérer que la livraison
10:09ne présente pas de péril sur le plan militaire.
10:13Cette agence dont le siège se trouve à Vienne
10:15n'avait pas de secret pour les Irakiens.
10:18Signataires des accords de non-prolifération nucléaire,
10:21ils en étaient membres de droit.
10:23Très vite, ils avaient su noyauter l'agence.
10:29Ça, on s'en est occupés avant, bien avant même de venir en France.
10:32En 1972 et 1973, nous avons reçu l'ordre
10:36d'infiltrer l'Agence internationale de l'énergie atomique.
10:40Pendant des années, Hamza y plaça ses hommes à des postes stratégiques.
10:44Nous avons infiltré le système d'inspection.
10:48Nous avons insisté pour qu'un Irakien soit nommé inspecteur.
10:52Pourquoi il n'y aurait pas d'inspecteur irakien ?
11:05Grâce aux Français, début 1975,
11:07Baghdad était plus proche de son rêve de posséder des armes nucléaires.
11:11En contrepartie, les dirigeants irakiens
11:13proposaient des marchés lucratifs à leurs partenaires français.
11:20Nous avions de très bonnes relations avec les Soviétiques.
11:23Pourquoi avons-nous décidé d'acheter des armes à la France ?
11:26Tout simplement parce que nous ne voulions pas
11:29dépendre uniquement des Soviétiques.
11:31Il y avait une volonté irakienne d'indépendance, c'est sûr, c'est clair.
11:35C'est pour ça qu'ils jouaient les uns contre les autres.
11:38Lorsque les Soviétiques leur fournissaient à bon prix,
11:41ils revenaient vers les Français en disant
11:44qu'ils pouvaient acheter la même chose à Moscou.
11:50Ainsi commença une grande partie de poker menteur au plus haut niveau.
11:56Nous avons contacté les Français chez Dassault.
11:59Nous leur avons dit que les Irakiens
12:01voulaient acheter des chasseurs bombardiers,
12:05et ils savent tout sur ces avions.
12:07Ils veulent en acheter 60.
12:09Évidemment, les Français n'en revenaient pas.
12:1260 avions d'un seul coup.
12:20Ils ont négocié, ils sont arrivés à un accord.
12:23Les Français ont fait une offre et Saddam l'a bien sûr étudiée
12:27et il a dit, ça fait cher.
12:35Les Français demandaient des prix anormalement élevés.
12:39Peu de temps après, Jacques Chirac,
12:41qui est maintenant président de la France, est venu à Bagdad.
12:51A la fin d'une rencontre très amicale avec Saddam Hussein,
12:54Chirac a regardé Saddam et lui a demandé
12:57pourquoi la France n'a pas encore reçu la commande
13:00des 60 avions de chasseurs.
13:03Saddam Hussein lui a glissé un bout de papier.
13:09Chirac a lu le papier et il a dit,
13:11le président demande donc une réduction
13:14d'un million de dollars par avion ?
13:17La réponse a été oui.
13:20Il a pris le bout de papier, l'apparat fait pour conclure l'accord,
13:24et lui a redonné sans demander l'avis de personne.
13:27L'interlocuteur de Chirac n'avait que 37 ans.
13:30Officiellement, il n'était que le numéro 2 en Irak,
13:33mais en réalité, c'était l'homme fort à Bagdad.
13:37Chirac, le jeune Premier ministre de l'époque,
13:40avait compris mieux que personne le pouvoir de Saddam.
13:43Il lui fait visiter le réacteur nucléaire de Qadarash en automne 1975.
13:48Il n'y avait guère besoin de le convaincre,
13:51le vice-président irakien,
13:53était bien décidé d'acquérir un réacteur de recherche.
13:57Saddam Hussein, lorsqu'il était vice-président,
14:00il vient en France et il dit très clairement
14:03que le monde arabe devrait se doter de l'arme atomique.
14:06Et il a dit, en même temps qu'il achetait cette centrale à la France.
14:10C'était très clair, ses intentions à l'époque.
14:13Magazine libanais, El Husbu, El Arabi, interview de Saddam Hussein.
14:17L'accord avec la France est le premier accord
14:20vers la production de l'arme atomique arabe.
14:23En France, personne n'y prête attention.
14:26L'accord de coopération nucléaire est au point.
14:29Nous l'avons même complètement arrêté.
14:32Vous savez que, conformément à la procédure communautaire,
14:36nous devons le transmettre à la communauté,
14:39ce qui va être fait immédiatement.
14:42Et ce n'est qu'au vu des observations éventuelles de la communauté
14:46que cet accord sera signé dans un mois.
14:49Combien de centrales sont en jeu ?
14:56En 1976, le traité sur la coopération nucléaire
14:59entre la France et l'Irak est publié au journal officiel.
15:03Les critiques vont se faire de plus en plus vives
15:06dans la communauté scientifique.
15:08Ce type de réacteur, c'est effectivement un réacteur de recherche,
15:12un réacteur d'études.
15:14Et vous pouvez sortir le tour du réacteur
15:18relativement rapidement,
15:20ce qui fait qu'à l'intérieur,
15:22vous avez un plutonium de qualité militaire.
15:25Si nous n'avions pas vendu ce réacteur à l'Irak,
15:28d'autres l'auraient vendu soviétique ou non,
15:31et l'auraient vendu très probablement
15:34avec des garanties très inférieures
15:37à celles que nous avons exigées et obtenues.
15:40C'est totalement absurde.
15:43Ecoutez, cela défile bon sens.
15:46S'ils avaient tous dit non, l'Irak n'aurait rien eu.
15:49Les Irakiens savaient très bien,
15:51leur service secret savait très bien
15:54que l'Union soviétique, et on ne peut pas le lui reprocher,
15:58ne leur fournirait pas ce qu'ils voulaient.
16:01Notre capacité nucléaire, nous la devons aux Français,
16:05pas à l'Union soviétique.
16:07Et pourquoi pas à l'Union soviétique ?
16:10Franchement, je ne sais pas trop.
16:13Dans les années 1970,
16:15lorsque ce marché a été conclu avec la France,
16:18lorsque Jacques Chirac était Premier ministre,
16:21tout a été réglé entre lui et mon président,
16:24qui était alors vice-président.
16:27Il n'y avait pas de candidats qui faisaient la queue
16:31pour vendre à Saddam Hussein des éléments de la bombe.
16:38Quand Saddam Hussein devient président en 1979,
16:41son pouvoir est encore renforcé.
16:48Mobilisation de la population
16:50pour montrer le soutien au grand leader à l'intérieur du pays.
16:54Mission pour les scientifiques nucléaires,
16:57affirmer le pouvoir de Saddam sur la scène internationale
17:01grâce à sa puissance militaire.
17:03Après qu'il soit devenu président,
17:05il nous a expliqué à la direction de l'Agence de l'énergie atomique
17:09qu'il fallait réorienter les activités de recherche.
17:13Il fallait passer des applications pacifiques
17:16aux applications militaires qu'il nomma stratégiques.
17:20Il existe deux raisons
17:22pour lesquelles Saddam Hussein voulait des armes non conventionnelles.
17:26L'Irak, comme la majorité des pays arabes, a deux ennemis.
17:30Israël, bien sûr, et l'Iran.
17:33Les deux l'inquiétaient.
17:37J'ai refusé de travailler sur le programme militaire.
17:40J'ai été arrêté, torturé.
17:42Saddam Hussein a donné l'ordre
17:44de m'emprisonner dans l'isolement le plus total.
17:47J'y ai passé plus de dix ans.
17:55Charistani, le physicien nucléaire, parviendra à s'enfuir de sa prison.
17:59Il vit aujourd'hui à Londres.
18:02Au même moment, d'autres que lui s'inquiétaient.
18:06Le véritable danger,
18:08c'est d'avoir une telle charge nucléaire
18:11de uranium enrichi
18:13livrée à un pays et à un dirigeant irresponsable.
18:20En juin 1981, l'aviation israélienne
18:22détruit l'atout le plus dangereux de Saddam.
18:25Le réacteur Osirak livrait récemment
18:28par les Français.
18:30La communauté internationale, y compris la France,
18:33s'élève contre l'attaque israélienne.
18:37Avec le recul du temps, je ne condamne pas ce bombardement.
18:41Parce qu'est-ce qu'on peut dire que, s'il n'avait pas eu lieu,
18:45l'Irak n'aurait pas pris, quand même,
18:48la voie de domination et d'agression
18:51qui a été la sienne ?
18:59Saddam ne se laisse pas décourager.
19:01Peu de temps après la destruction d'Osirak,
19:03il envoie son plus proche collaborateur en France
19:06pour y rencontrer le nouveau président de la République,
19:09François Mitterrand.
19:13Pour son 1er contact officiel avec les nouveaux dirigeants français,
19:16le vice-premier ministre irakien, Tarak Aziz,
19:18est porteur d'un dossier de la plus haute importance.
19:21Obtenir de la France qu'elle reconstruise
19:23le centre nucléaire de Tammuz,
19:25détruit par l'aviation israélienne le 7 juin dernier.
19:27Il faut rappeler que l'Irak est notre plus important client
19:30au Moyen-Orient, ainsi que notre 2e fournisseur de pétrole.
19:36Il m'a demandé d'en discuter avec le 1er ministre.
19:40J'ai parlé avec M. Mouroua.
19:42Il n'a pas dit non, il n'a pas dit oui.
19:44Il a dit...
19:46Je vais y réfléchir.
19:48Mais ils n'ont rien fait.
19:51Le nouveau gouvernement avait décidé qu'il était urgent d'attendre.
19:54Des rapports scientifiques déconseillaient fortement
19:57la construction d'un 2e au Zirak.
19:59L'analyse qui a été faite des possibilités de Zirak,
20:02c'était, en grosso modo, une bombe par an.
20:05Quand on s'est rendu compte qu'en fait,
20:07il y avait véritablement une volonté militaire,
20:10l'analysement a été définitif.
20:12Mais ça n'a pas été fait un jour, ça a été un long processus
20:15qui a duré, disons, tout au long de l'année 83, 84, 85.
20:22Mais ce qui restait d'au Zirak suffisait aux scientifiques irakiens
20:25pour parvenir à leur objectif,
20:27construire une bombe atomique, au moins une.
20:31Les Français avaient commencé à nous livrer un combustible
20:33qui était appauvri.
20:35Il se présentait sous forme céramique.
20:38Cela rendait les choses plus compliquées pour nous
20:40d'accéder à l'uranium, vu qu'il était enrobé dans cette céramique.
20:45Mais pas impossible, c'était jamais que de la chimie.
20:49Une solution fut vite trouvée.
20:52Il suffisait de dissoudre l'uranium, le sortir et s'en servir.
20:56C'est ce qu'on a tenté de faire juste avant la guerre du Golfe
20:59pour notre programme accéléré de fabrication de la bombe nucléaire.
21:03Dans les semaines suivantes arrivent en Irak des cellules chaudes,
21:06des équipements servant à manipuler les matières radioactives.
21:09Elles sont clandestinement fournies par un nouveau partenaire,
21:12l'Italie, en contrepartie d'un autre marché,
21:15modernisée, la marine irakienne.
21:18L'Irak faisait du chantage.
21:20Le chantage qui était un chantage surtout économique.
21:25Il disait, vous me donnez ce que je voulais,
21:27et je vous donnerai ce que vous voulez.
21:29C'est-à-dire des gros contrats dans le domaine pétrolier
21:32et du génie civil, des gros contrats.
21:40Début des années 80, le Moyen-Orient est en plein bouleversement
21:43après la chute du Shah d'Iran, proche de l'Occident.
21:47Le changement est radical.
21:51Il y avait un homme en Iran qui disait
21:54la religion est au-dessus de tout.
21:57Son nom était Khomeini.
22:03Et à Bagdad, il y avait un homme qui disait
22:06non, c'est l'État-nation qui est au-dessus de tout.
22:10Il s'agissait d'équilibrer entre un régime laïque
22:12et un régime fondamentaliste qui se mettait en place en Iran.
22:16Ce n'est pas parce qu'ils l'aimaient
22:18qu'ils ont soutenu Salam Hussein.
22:20Ils l'ont soutenu parce qu'ils détestaient encore plus Khomeini.
22:25On a vite fait de négliger que c'est le dictateur irakien
22:28qui attaque en premier son voisin iranien.
22:30Devant l'embargo sur les armes par l'Union soviétique,
22:33principale fournisseur de l'Irak, les Occidentaux prennent le relais.
22:37Tout le monde était dedans.
22:39Il y avait même 22 pays du monde
22:42qui vendaient aussi bien l'Iran qu'à l'Irak.
22:46Saddam a agi d'une façon vraiment étrange
22:49lors des achats des armes des Occidentaux.
22:52Il a mis en place un comité à Bagdad,
22:55composé de lui-même, de son beau-frère,
22:58qui était chef d'état-major des armées,
23:00et de son premier ministre, Adnan Hamdani,
23:03qu'il a d'ailleurs fait exécuter plus tard.
23:06Il appelait ce comité
23:08le Comité pour le Développement Stratégique.
23:12Le Comité pour le Développement Stratégique
23:15prélevait 5 % sur tous les achats d'armes classiques en Occident.
23:22C'est de là que venait l'argent pour les armes non conventionnelles.
23:26C'est à cette époque que Saïd Abou Riche est chargé d'une mission,
23:30trouver des armes non conventionnelles en Occident.
23:33Une affaire délicate,
23:35puisque le commerce de ces armes est en principe interdit.
23:40J'ai demandé à une société allemande
23:43de construire une usine d'armes chimiques en Irak.
23:47Elle passe aujourd'hui encore pour une usine de pesticides.
23:54Si Saddam Hussein a développé l'armement biologique et chimique,
23:58c'est parce que les usines sont faciles à construire.
24:02Trouver de nouvelles armes, même les plus sales, et à tout prix,
24:06c'était devenu une question de survie pour Saddam.
24:09Son armée inférieure en nombre
24:11se heurtait à la détermination des soldats de Dieu.
24:14Deux ans après le début du conflit,
24:16l'Irak est menacé d'une terrible défaite.
24:23Au même moment, les autorités américaines
24:26font passer un message secret à l'Allemagne.
24:29Une entreprise allemande est en train d'installer
24:32une usine de gaz toxique au nord de Bagdad.
24:37Nous traitions avec des gouvernements souverains.
24:40Le président des Etats-Unis ne peut pas leur imposer ces décisions.
24:44Les choses ne se sont pas vraiment passées
24:47comme je l'aurais souhaité.
24:49Nous avons fait remarquer,
24:51tout comme l'avait fait la CIA et d'autres services de renseignement,
24:55que des entreprises allemandes
24:58participaient à l'industrie de gaz toxique
25:01et pas uniquement à Samara.
25:09Il y avait de plus en plus d'indices.
25:11Le chantier de cette usine mystérieuse
25:14se trouvait près de la ville de Samara.
25:17Officiellement, il s'agissait d'une unité de production d'insecticides.
25:21Surface, 160 km2.
25:25L'accès au terrain était strictement interdit.
25:30En Allemagne, à cette époque,
25:32il y avait peu de contrôles sur les exportations.
25:35Pourtant, des scientifiques disaient qu'avec les insecticides,
25:39on peut fabriquer des armes chimiques.
25:41Mais on ignora ces avertissements.
25:43On a résulté nos objections.
25:45On nous a même dit qu'il n'y avait jamais eu
25:48d'autorisation d'exportation.
25:50Et en plus, il a fallu attendre un mois
25:53pour obtenir cette réponse.
25:57Au Parlement, de plus en plus de critiques s'élèvent
26:00contre les lois régissant l'exportation,
26:03les plus laxistes de toute l'Europe.
26:05Mais de là à faire changer la législation,
26:08c'est une toute autre affaire.
26:12Si je me souviens bien,
26:14ce n'était pas un sujet très important
26:17pour notre groupe parlementaire.
26:19Le débat avait été délégué aux experts,
26:22ceux qui s'occupaient du contrôle des exportations d'armes
26:25et du désarmement.
26:29Nous n'avons pas réussi à obtenir une modification de la loi,
26:33comme aujourd'hui dans certains domaines.
26:36C'était tabou à l'époque.
26:38On ne pouvait pas blâmer l'Irak.
26:40Le grand méchant, c'était Khomeini et le régime iranien.
26:43Tout ce qui pouvait lui faire du mal
26:45semblait acceptable.
26:53De plus en plus d'entreprises allemandes
26:55s'étaient mises à exporter en Irak.
26:59Certaines délivraisons allaient directement à l'armée irakienne,
27:02d'autres à Samara.
27:04Le partenaire privilégié des Irakiens
27:06était l'entreprise allemande Karl Kolb.
27:11Je me souviens très bien du cas Kolb.
27:13Le siège de cette entreprise était dans ma circonscription
27:16et M. Kolb habitait dans mon village natal de Drayach.
27:20C'était une histoire qui nous touchait de très près.
27:32Beaucoup d'entre nous, dans notre village,
27:34ne pouvaient pas imaginer qu'une entreprise
27:36a priori sérieuse comme Kolb
27:38pouvait participer à la production de gaz toxiques.
27:45L'entreprise Karl Kolb, en coopération avec Pilot Plant,
27:48était un partenaire commercial de l'Irak.
27:53Elle avait son siège à Bagdad depuis déjà dix ans.
27:58Nous avons rencontré le représentant de cette entreprise.
28:02Nous avons discuté avec eux.
28:04Ils ont tout simplement profité de cette opportunité.
28:09Les Irakiens avaient besoin de systèmes d'armes compliqués, mortels.
28:14Karl Kolb les aura fournis.
28:19Les affaires avec l'Irak de Saddam Hussein étaient très rentables,
28:23surtout lorsqu'elles étaient à la limite de la légalité.
28:28La situation ne se prêtait pas à des appels d'offres officiels.
28:31C'était du genre, venez construire une usine,
28:34vous acceptez cette proposition du gouvernement irakien,
28:37alors venez la construire.
28:39Comme il n'y a pas de concurrence,
28:41les entreprises font encore plus de profits que d'habitude.
28:44Alors les entreprises allemandes disaient
28:46qu'elles étaient mais tout à fait d'accord pour venir.
28:51Pour ne pas perdre le marché irakien,
28:53la compagnie Kolb intenta même un procès
28:55contre les restrictions à la liberté du commerce et gagna.
28:59Des années plus tard, elle obtiendra un non-lieu,
29:01malgré l'enquête approfondie de la douane.
29:05Des enquêteurs s'étaient rendus chez Kolb
29:07pour vérifier la fabrication.
29:09Ils avaient conclu que les substances
29:11étaient destinées à la production de pesticides
29:14et ne revenaient certainement pas à la production d'armes chimiques.
29:17Il s'est avéré plus tard que c'était faux.
29:20Ils s'étaient pourtant rendus en Irak
29:22pour examiner les installations.
29:26D'autres usines d'armes chimiques voient le jour
29:28au milieu des années 80, à Fallujah,
29:30et plus tard, à Salman Pak.
29:33Les livraisons proviennent à nouveau d'Allemagne.
29:37Les Allemands ont un honneur ou un déshonneur,
29:41si vous préférez, tout spécial,
29:43dans l'affaire irakienne.
29:45Ils ne se contentaient pas de vendre l'armement.
29:48L'armement, qu'est-ce que c'est ?
29:50Un fusil, un avion de combat, même un radar, ça s'use.
29:55Ça se fait détruire.
29:57Ensuite, c'est fini.
29:59Les Allemands vendaient des moyens de production
30:02qui ne s'usaient pas, qui ne se détruisaient pas.
30:04Et les moyens de production, pourquoi ?
30:06Pour l'armement chimique, l'armement bactériologique
30:10et aussi pour le nucléaire.
30:13L'Irak emploie ses armes chimiques pour la première fois en 83
30:16contre des soldats iraniens.
30:18Nul ne s'inquiète en Allemagne, pas plus que la CIA,
30:21naguère si scrupuleuse.
30:29Bagdad était en train de préparer la visite
30:31d'une importante délégation américaine.
30:33Les relations diplomatiques étaient rompues depuis 10 ans.
30:36Les Américains, eux, ne voulaient pas faire trop de bruit
30:39ou de rapprochement.
30:41Seule la télévision irakienne est présente le 20 décembre 83,
30:45lorsque Saddam Hussein rencontre un émissaire américain incertain,
30:49Donald Rumsfeld, l'actuel ministre de la Défense
30:52du gouvernement Bush.
30:54C'est seulement en automne 2002 qu'il avoue cette rencontre
30:57devant une commission du Sénat américain.
31:00Dans le cadre de mes responsabilités,
31:02oui, je suis bien allé à Bagdad.
31:04Oui, j'ai bien rencontré M. Tarek Aziz et Saddam Hussein.
31:08J'ai passé du temps avec eux et nous avons parlé de la guerre
31:11qui les opposait à l'Iran.
31:14En 1982, nos relations ont commencé à se réchauffer,
31:21progressivement.
31:24Tarek Aziz, qui avait assisté à cette rencontre,
31:27ne considérait pas comme essentiel ce rapprochement
31:30avec les Etats-Unis.
31:33On trouvait des armes comme on voulait.
31:36Nous pouvions les acheter aux Français, aux Italiens et à d'autres.
31:40Et nous pouvions nous fournir en Union soviétique.
31:44Nous n'étions donc pas dans l'obligation
31:47d'acheter des armes aux Américains.
31:53Le gouvernement français a donc reconnu avoir livré
31:55samedi quatre chasseurs-bombardiers Mirage F1,
31:57comme celui-ci, à l'Irak.
31:59Toutefois, on relève que la livraison de ces avions
32:01semble contredire la position officielle française
32:03de neutralité dans le conflit entre l'Irak et l'Iran,
32:06ainsi que le principe de ne pas livrer d'armes
32:08à des pays en guerre.
32:13Mais les armes françaises, même ultramodernes,
32:15ne suffisaient pas pour gagner cette longue guerre.
32:18Le moment était venu pour les Américains
32:20de fournir à leur tour des armes en secret.
32:23Ils tenaient à la survie du régime de Saddam face aux Iraniens.
32:29Les Français, comme les Américains, redoutaient une chose.
32:32Que le front irakien cède,
32:34que les Iraniens écrasent l'armée de Saddam et envahissent l'Irak.
32:39Peut-être que la politique occidentale a été mue
32:41pendant toute cette période,
32:43beaucoup trop par des considérations géostratégiques,
32:46anti-iraniennes, et par des considérations commerciales.
32:50En 85, Paris met à la disposition de Bagdad
32:53cinq super étendards capables de lancer des missiles Exocet
32:57pour détruire les pétroliers iraniens.
32:59Encore un pas dans la guerre.
33:01Mais un nouveau concurrent se présente alors sur ce marché
33:04jusqu'ici réservé aux Français.
33:08Les Américains ont éduqué la situation.
33:11Ils ont dit, ça ne suffira pas, il a besoin de plus.
33:15C'est là qu'ils sont intervenus et ils ont dit aux Irakiens,
33:18par mon intermédiaire,
33:20nous voulons bien vous vendre le missile Harpoon,
33:23qui est le plus sophistiqué de notre arsenal.
33:27Les relations commerciales entre les Etats-Unis et l'Irak
33:30avaient repris.
33:32Livraison d'armes conventionnelles,
33:34mais aussi de cultures bactériologiques.
33:37Je crois que nos universités et nos industries
33:40ont acheté des ingrédients biologiques de croissance,
33:43comme ils appellent ça,
33:45chez différents fournisseurs, y compris des Américains.
33:48La liste de commandes envoyée par Bagdad était longue.
33:51Les Irakiens demandaient entre autres de l'anthrax.
33:55Mais ce que nous achetions
33:57n'était pas militaire au moment de l'achat.
34:00Ça aurait pu le devenir plus tard.
34:07Ce qu'il a utilisé pour mettre au point ses armes biologiques
34:10lui a été fourni par les Etats-Unis.
34:13Les Etats-Unis avaient envoyé auparavant tous ces virus vivants
34:16à différentes unités militaires en Irak.
34:19Monsieur le secrétaire à la Défense,
34:22à votre connaissance, les Etats-Unis ont-ils aidé l'Irak
34:25à acquérir les éléments nécessaires à la mise au point
34:28d'armes biologiques au cours de la guerre avec l'Iran ?
34:31Nos responsables, qui ont autorisé et approuvé ces livraisons,
34:35devaient savoir que ce matériel serait utilisé à des fins militaires.
34:39Ce n'était pas du matériel
34:41pour la recherche scientifique ou l'éducation.
34:44Ce matériel était utilisé à des fins beaucoup plus sinistres.
34:49Déjà en 1994, le sénateur Riegel démontrait que ces bactéries
34:53constituaient la base du programme d'armes biologiques de Saddam.
34:58Est-ce que nous serions en train de récolter ce que nous avons semé ?
35:03Pas que je sache.
35:05Je n'ai pas connaissance que le gouvernement américain
35:08ou des sociétés américaines aient été impliqués
35:11dans le développement d'armes chimiques,
35:14biologiques ou nucléaires en Irak.
35:18Les plus hauts représentants de notre gouvernement étaient prêts à faire ça
35:22parce qu'ils considéraient Saddam Hussein comme un ami
35:25et ils avaient besoin de l'Irak comme allié
35:28contre l'ennemi qui, à l'époque, était l'Iran.
35:34Le pays le plus puissant du monde était-il tombé sur plus malin que lui ?
35:41En biologie ou dans d'autres domaines,
35:44les choses ont souvent une double utilité.
35:49Parfois, on achète quelque chose et on peut l'utiliser de plusieurs façons.
36:00Les États-Unis ont fourni 46 hélicoptères des usines Hughes
36:03pendant la guerre avec l'Iran.
36:06En principe, ces hélicoptères étaient prévus pour répandre
36:09des pesticides ou des insecticides sur les champs.
36:12Mais bien entendu, les ingénieurs et les techniciens
36:15ont fait quelques petites modifications
36:17et les 46 hélicoptères ont été utilisés par l'armée irakienne.
36:24Autre cadeau des Américains, à plusieurs reprises,
36:27ils communiquent aux Irakiens
36:29des photos satellites d'espionnage de leurs ennemis.
36:36Le lien avec l'Europe n'est pas rompu.
36:38Au milieu des années 80, Hamza recommence à voyager,
36:41cette fois-ci en Allemagne.
36:44Un de ses contacts lui explique la situation.
36:49J'ai demandé comment ça va se passer avec les Allemands.
36:52Il m'a dit, pas de problème, leur gouvernement laisse faire.
36:55S'il le voulait, il pourrait tout arrêter.
36:57Mais jusqu'ici, personne n'a dit d'arrêter.
37:00J'ai donc compris que tout se passerait bien avec les Allemands.
37:06À cette époque, il y avait des services secrets en Allemagne
37:09comme dans le reste de l'Europe.
37:12Il y avait une bonne coopération entre eux
37:15et en plus, il existait une coopération militaire très ouverte
37:19entre l'Irak et les services secrets américains.
37:26Par exemple, les Américains indiquaient aux Irakiens
37:29les bonnes cibles en Iran.
37:35Pour moi, il est impensable que les services secrets de l'époque
37:39n'aient rien su de ces affaires.
37:43Trouver l'équivalent d'un deuxième aux Iraks,
37:45c'est du domaine du possible pour Hamza.
37:47En peu de temps, il met sur pied un nouveau programme nucléaire.
37:53C'était toujours la même histoire.
37:57Degouza et Lebel, les deux plus importantes sociétés
37:59de haute technologie en Allemagne,
38:01étaient surpris par l'envergure de nos demandes et nos besoins.
38:09Cela dit, ils nous ont fait une offre pour 120 millions de dollars.
38:14Une fonderie, avec tout l'équipement nécessaire,
38:17tous les processus que nous avions demandé,
38:20toute la technologie de pointe, les fours, les moules, les machines.
38:24Tout y était.
38:28Ils ont ri tout au long des négociations,
38:30mais ils nous ont donné ce que nous avions demandé.
38:32Ils étaient souples et très conciliants.
38:35Il est évident qu'ils savaient ce qu'ils faisaient.
38:37Il n'y a pas le moindre doute à ce sujet.
38:40Il s'agissait de gagner de l'argent,
38:42et je pense qu'à cette époque, les gens fermaient les yeux
38:44tant que ça rapportait gros.
38:47HH Metalform, près de Münster,
38:49dans la circonscription de Jürgen Möllemann.
38:51Entre 1987 et 1988,
38:53cette entreprise livre à l'Irak des machines
38:55pour son projet nucléaire.
38:57Le gouvernement autorise ses exportations,
38:59partant du principe qu'elles sont à but pacifique.
39:02Ce que, aujourd'hui, au Parlement,
39:04le parti socialiste juge peu crédible.
39:06A l'époque, les intentions militaires de Saddam étaient bien connues.
39:10En question aussi, les subventions publiques
39:12d'un montant de 90 000 deutschmarks reçues par l'entreprise.
39:16Möllemann a réfuté toutes ces accusations.
39:20À aucun moment, je ne me suis occupé
39:22des activités de cette entreprise.
39:28La protection des intérêts de certaines branches
39:30de l'économie allemande était primordiale.
39:37À ce jour, la justice allemande n'est pas parvenue
39:40à démêler toutes ces affaires d'exportation nucléaire vers l'Irak.
39:50Pour être précis,
39:52personne ne nous a aidés,
39:54mais nous avons acheté des marchandises aux Occidentaux,
39:57parce qu'ils ont des technologies très sophistiquées.
40:00Comme nous ne pouvions pas les développer nous-mêmes,
40:03nous étions obligés de les acheter.
40:13Lorsque les avions de Saddam bombardent
40:15le village kurde de Halabja en mars 88,
40:18ce sont des mirages français qui répandent des gaz toxiques allemands.
40:23Quant aux victimes, 5 000 morts, ce sont des civils.
40:27Halabja n'aurait pas eu lieu sans l'aide des Allemands.
40:30Les Allemands avaient fourni la technologie pour les gaz chimiques
40:34que Saddam utilisait contre les Kurdes.
40:36Mais c'était à Saddam,
40:38ça revient à Saddam, le génie du génocide,
40:41la volonté de détruire les Kurdes
40:44de la façon qu'il l'avait fait à Halabja.
40:49Nous produisions beaucoup d'armes chimiques.
40:52Et un peu moins d'armes biologiques.
40:56À ce moment-là, je ne pouvais pas imaginer
40:59que le gaz toxique serait carrément employé
41:02contre la population irakienne elle-même.
41:05Halabja n'a été mis en valeur que dans les années 90.
41:09Sur le moment, personne n'a rien dit.
41:12Pourtant, les Américains étaient parfaitement au courant.
41:15Dès que les uns ou les autres découvraient quelque chose,
41:18qui était inacceptable pour leurs électeurs,
41:21ils détournaient le regard et commençaient à s'accuser mutuellement.
41:25Ce sont les Italiens qui ont dû fournir ces armes,
41:28ou bien les Allemands, ou les Allemands de l'Est à cette époque.
41:32Ce sont des Mirages F1 vendus par la France
41:35qui ont mené cette mission.
41:37Information confirmée dans un rapport
41:40remis au Conseil de sécurité de l'ONU.
41:48...
41:54Il a fallu attendre la fin de la guerre Irak-Iran
41:57pour que l'ONU sorte un rapport sur cette affaire.
42:00...
42:04Le conflit a causé un million de morts dans les deux camps.
42:08La moitié du budget irakien a été engloutie.
42:11En 88, la guerre de destruction touchait à sa fin,
42:15mais le commerce d'armes, lui, continuait.
42:18Un supermarché militaire, des généreux Irakiens en visite,
42:22des rayons bien achalandés en armes, notamment françaises.
42:26Derrière cet ATR-42, un Alphajet, deux Mirages F1,
42:29puis un hélicoptère de l'aérospatiale, des missiles.
42:32La scène se passe à Bagdad en avril 89.
42:35Elle couronne 15 ans d'excellentes relations entre la France et l'Irak.
42:39À la fin de la guerre Iran-Irak,
42:42l'Irak avait une dette envers la France d'environ 6 milliards d'euros.
42:46Ça, avec les intérêts, ça fait quand même un pacto.
42:50Après la guerre, personne ne pouvait faire autrement
42:54que de prolonger les crédits accordés à l'Irak.
42:58Saddam, comme beaucoup d'Arabes, a une sorte de code d'honneur.
43:02Il faut sauver la face.
43:05Lui refuser un nouveau crédit l'aurait offensé.
43:09Et il aurait cessé toute collaboration
43:12avec le gouvernement ou l'entreprise en question.
43:16Si vous avez de l'argent, ou tout au moins si on imagine
43:20que vous êtes une source possible de contrats,
43:23les gouvernements préféreront toujours fermer les yeux
43:26pourvu que ça leur rapporte.
43:28C'est vrai de tous les gouvernements, y compris le gouvernement américain.
43:32Saddam a toujours agi de manière très cynique.
43:35Il a compris qu'il pouvait acheter de l'influence politique
43:38et qu'il fallait l'acheter.
43:40Il ne s'attendait pas à ce que les gens en Occident,
43:43que ce soit la France, l'Allemagne ou ailleurs, l'aimaient.
43:47Il suffisait de les acheter.
43:49Et il l'a fait tout le temps. Il a arrosé tout le monde.
43:52Si vous me posez la question de savoir
43:55si les hommes politiques français ont touché de l'argent
43:58sur les ventes d'armes à Saddam,
44:00ma réponse ne peut être autre chose que oui.
44:03Les hommes politiques français réfutent ce genre d'accusations.
44:08Vous n'osez pas me poser une question pareille.
44:11Je pense que...
44:13Votre question est...
44:15Si vous voulez, je la ressens comme inconvenante.
44:18Il est évident que je n'ai pas reçu un centime des Irakiens
44:22et que je me suis déterminé en fonction des intérêts de la France,
44:26des intérêts de la paix et de l'humanité.
44:32Après la guerre irak-iran,
44:34les amis occidentaux de Saddam
44:36se rendent toujours à Bagdad.
44:38Malgré les difficultés de paiement,
44:40ils vendent toujours leurs armements jusqu'à la dernière minute.
44:45La dernière minute, c'est le moment
44:47où Saddam envoie ses troupes envahir le Koweït, début août 90.
44:54Après la guerre du Golfe,
44:56de nombreux soldats occidentaux qui avaient combattu les armées de Saddam
45:00voient apparaître sur leur corps les symptômes d'une maladie mystérieuse.
45:05Nous avons contribué à créer cette situation, nous, les Etats-Unis,
45:09en envoyant le matériel biologique là-bas.
45:12Maintenant, nos troupes ont été exposées à ces armes biologiques
45:16et les symptômes sont ceux auxquels on pouvait s'attendre.
45:19Aujourd'hui, nous en payons le prix.
45:22Des milliers de soldats américains
45:24reviennent au pays avec le syndrome de la guerre du Golfe.
45:28Dans la mesure où nous avons fourni les éléments de base
45:31pour une guerre biologique ou chimique à ce fou, ce psychopathe,
45:36comment pouvons-nous attendre du monde qui nous aide à le contrôler ?
45:41Sénateur, je crois qu'il serait dommage de donner l'impression
45:44à cette commission ou aux personnes qui nous écoutent
45:47que les Etats-Unis ont aidé l'Irak à développer des armes biologiques
45:51et chimiques dans les années 80.
45:53Je ne crois pas que ce soit le cas.
45:55Après l'invasion de Koweït,
45:57qui était une erreur monumentale, à mon avis, de la part de Saddam,
46:00parce qu'il avait sous-estimé la réaction américaine,
46:03il a sous-estimé la réaction même du monde arabe,
46:06qui s'était mis avec la coalition.
46:09Beaucoup de choses changent.
46:11L'Occident tolère certains dictateurs,
46:13mais l'Occident ne tolère pas les dictateurs qui franchissent certaines bornes.
46:17Évidemment, supprimer un État, en particulier un État pétrolier,
46:21c'est quelque chose que l'Occident ne tolère pas.
46:24Le renversement est total, à 180 degrés.
46:28Et je l'observe chez les industriels,
46:31chez les diplomates, chez les militaires,
46:34c'est un renversement complet.
46:47Vous savez, lorsque Jacques Chirac était Premier ministre dans les années 70,
46:51nous avions des relations très chaleureuses.
46:55Et ça a continué quand il est devenu maire de Paris.
47:01Bagdad aime à se souvenir de l'époque
47:03où les relations avec Jacques Chirac étaient chaleureuses.
47:06Chaleureuses aussi les relations avec des hommes politiques américains,
47:10des ministres soviétiques, étant de chefs d'État.
47:16Les cadeaux jadis offerts à Saddam Hussein
47:18sont exposés dans le musée du triomphe à Bagdad.
47:21Souvenirs, souvenirs.
47:24...
47:30La tâche des inspecteurs de l'ONU est de retrouver des cadeaux souvenirs
47:34de l'Ouest autrement plus dangereux,
47:36les armes de destruction massive, nucléaire, biologique et chimique
47:40jadis livrées à Saddam.
47:44Les achats de ces armes avaient été faits dans le plus grand secret.
47:48Voilà pourquoi personne ne sait aujourd'hui
47:50combien d'armes l'Irak possède véritablement.
47:55Saddam Hussein ne conçoit pas tout cela
47:59comme du développement d'armes non conventionnelles.
48:02Il voit les choses autrement et on l'oublie trop souvent.
48:05Il considère cela comme du transfert de technologie.
48:10Il y voit la manière pour l'Irak d'entrer dans le XXIe siècle.
48:14Et vous savez quoi ? Il a parfaitement réussi.
48:18Les investissements les plus payants furent dans les cerveaux,
48:21scientifiques, ingénieurs, techniciens.
48:31Après la guerre du Golfe, ils ont travaillé dans le génie civil
48:34pour reconstruire des centrales électriques et d'autres usines,
48:38y compris des raffineries et même des ponts.
48:42Cela pour plusieurs raisons,
48:44notamment pour leur fournir un alibi
48:46et les protéger des inspecteurs de l'ONU.
48:52Et puis, ils ont été rappelés
48:54pour travailler sur les programmes d'armement.
48:59Pour renforcer les effectifs, on en a embauché d'autres.
49:02Je pense qu'il y a eu 5000 hommes en plus.
49:06Il a fait revenir en Irak
49:08des milliers de scientifiques et ingénieurs arabes du monde entier.
49:14Et il a veillé personnellement
49:16à leur intégration au système irakien.
49:224 ans après la fin de la guerre du Golfe,
49:24Saddam perd l'un de ses collaborateurs les plus précieux.
49:27Hamza décide de fuir l'Irak,
49:29tout comme l'avait fait son collègue Echaristani.
49:32Sa fuite ne signifie pourtant pas la fin du programme nucléaire irakien.
49:39Je crois qu'au moment où je suis parti, en 1994,
49:42le nombre de groupes travaillant au projet atomique
49:45ou dans les projets associés était de l'ordre de 12 000.
49:52C'est énorme pour un pays de la taille de l'Irak.
49:5712 000 scientifiques, ingénieurs, techniciens nucléaires.
50:01Ils sont toujours en Irak, avec ou sans Saddam.

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