Sexiste, la galanterie ? Cette notion bien française a beaucoup été remise en question depuis le mouvement MeToo. Isabelle Adjani le soulignait en 2017, « en France, il y a les trois G : galanterie, grivoiserie, goujaterie » et « glisser de l’une à l’autre en prétextant le jeu de la séduction » est l’une des « armes de l’arsenal de défense des prédateurs et des harceleurs ». Une instrumentalisation de la galanterie qui dénature pourtant ses origines bien plus subversives, selon la spécialiste de l’Ancien Régime Jennifer Tamas.
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00:00Pour moi, la galanterie, il y a vraiment une philosophie du lien humain
00:03qui est pensée par des femmes et qui a été oubliée,
00:06qui a été réduite à des formules de politesse dont, évidemment,
00:10c'est sympa, la politesse, ça permet de ne pas s'agresser,
00:14mais ce n'est pas ce qui résout les problèmes de fond, en réalité.
00:31Il y a une sorte de biais dans les anthologies littéraires
00:34parce qu'on nous explique que la galanterie, c'est du côté des hommes
00:37et la précieusité, c'est du côté des femmes.
00:39Et les précieuses sont ridicules.
00:40Et quand on regarde la réalité des textes,
00:43la réalité tangible des correspondances aussi,
00:46quand on voit ces échanges qui se poursuivent au-delà des salons,
00:50on voit que c'est un mot qui est vraiment subversif et intéressant
00:54et qui est dans les œuvres de femmes.
00:56Madeleine de Scuderi écrit toutes les cinq minutes
00:58« Femme galante, femme galante, femme galante ».
01:01Et vraiment, son idéal de femme galante,
01:05c'est sa faux qui refuse le mariage, qui refuse le sexe.
01:09Et en fait, quand on regarde les dictionnaires,
01:11la femme galante, c'est devenue une courtisane.
01:13Évidemment qu'on peut s'emparer de la galanterie,
01:16on peut manipuler et on peut la réduire à un imaginaire masculin.
01:21Mais ce qu'on a du mal à comprendre, c'est qu'en fait,
01:24la galanterie, telle qu'elle fut aussi pensée par les femmes,
01:28ça expose la faiblesse d'une virilité où les hommes,
01:32parce que ça concerne quand même l'aristocratie,
01:34où les hommes avaient une épée,
01:36ils étaient destinés à se battre en duel, à défendre le royaume, etc.
01:40Et tout à coup, on leur dit « toutes vos matières brutales,
01:44vous les laissez à la porte et vous nous parlez autrement,
01:46vous développez votre esprit, vous conversez,
01:49vous vous intéressez à l'autre,
01:51on n'a pas forcément besoin que vous nous défendiez ».
01:53Les autrices imaginent des femmes très puissantes
01:56qui n'ont pas besoin d'hommes pour se défendre,
01:58qui inventent mille façons de changer les scripts,
02:01de montrer qu'il y a plusieurs masculinités possibles,
02:03qu'être doux, être tendre,
02:05ce n'est pas forcément un signe de faiblesse, en fait.
02:09Et donc, cette fluidité du masculin,
02:12c'est ce que met au jour la galanterie.
02:14C'est ça, c'est d'autoriser d'autres comportements.
02:18Mais après, c'est réinvesti par les hommes
02:21pour reprendre le pouvoir sur la séduction.
02:25Donc, c'est un champ de bataille.
02:26Quand les féministes,
02:28moi, je suis à 200% avec elles,
02:30quand elles dénoncent les comportements,
02:33pas seulement lourds, mais criminels des hommes,
02:37c'est exactement ça que disent les femmes du XVIIe siècle.
02:41C'est-à-dire que, par définition,
02:43la galanterie est un régime d'égard qui ne se voit pas.
02:46C'est-à-dire, on n'insiste pas, on n'importune pas.
02:49C'est ça, en fait, qui me chagrine.
02:53C'est à chaque fois qu'il y a un mouvement
02:57qui représente une forme d'émancipation,
03:00ou de rêve, ou d'idéal,
03:01il peut toujours être instrumentalisé
03:03et vidé de sa substance.
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