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Xerfi Canal a reçu Raphaël de Vittoris, Directeur gestion des risques et de crise, Symbio, pour parler de la gestion des risques.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00Bonjour Raphaël de Vittoris, vous êtes directeur gestion des risques et de crise
00:14Symbio, co-auteur avec Sophie Crot, professeur Sophie Crot, d'un ouvrage consacré à déjouer
00:22les risques. Le moins qu'on puisse dire aujourd'hui, c'est que la question des risques
00:26comprennent le contexte politique, comprennent le contexte géopolitique, on vient d'une crise
00:30sanitaire quand même. Certains pensent qu'on va avoir une crise financière, voilà, en raison
00:35du contexte politique, etc. C'est le sujet majeur. Tout à fait, tout à fait. Bienvenue dans le monde
00:40du risque majeur quoi. On est dans le monde de l'incertitude, de la volatilité, donc le risque
00:45est omniprésent. Bon, et alors dans votre ouvrage, vous nous dites en fait il y a cinq idées reçues
00:49auxquelles il faut tordre le cou, purement et simplement. Première idée reçue, il faut
00:53commencer par identifier les risques. Tout à fait, la première approche qu'on apprend lorsqu'on
00:59développe la gestion des risques, c'est d'abord de faire ce qu'on appelle un univers des risques,
01:03et donc on essaie de lister tous les risques auxquels est confrontée l'entreprise ou
01:08l'organisation, c'est une organisation publique, et en fait on a une sorte de liste à l'après-verre
01:13de tous les risques, exactement, et en fait ça use beaucoup d'énergie, et souvent on copie la liste
01:21des voisins, ou sinon on est dans l'air du temps, dans le zeitgeist et des risques du moment. L'idée,
01:27c'est de prendre à contre-pied cette approche et de se dire « regardons qu'est-ce qui constitue
01:31réellement l'essence de mon entreprise, ses valeurs, son histoire, son futur. » Et « Purpose », c'est
01:41le mot que je cherche qui ne veut pas venir, c'est la raison d'être, voilà, c'est sorti. La raison
01:45d'être et les valeurs de l'entreprise, qu'est-ce qui fait l'engagement des salariés, qu'est-ce qui
01:50fait l'engagement de l'actionnariat, qu'est-ce qui fait l'engagement des clients, et de là, regarder
01:55quels sont les risques auxquels on est soumis, plutôt que de se laisser influencer par l'air du
01:59temps. Bien sûr, ne pas faire du Canada Dry de la gestion des risques. Exactement. Mais rentrer
02:04plutôt dans le whisky corsé. Exactement. C'est un peu ça l'idée, avec l'idée quand même que l'enjeu
02:11c'est la survie. L'enjeu c'est la survie, uniquement la survie. Et donc on ne peut pas raisonner par typologie de
02:15risques, enfin voilà, c'est dangereux, donc c'est la deuxième idée reçue, c'est on n'analyse pas les
02:19risques par typologie. Oui, en fait, le problème de l'analyse des risques par typologie, c'est qu'on
02:25les catégorise et on les rend unidimensionnels. On va faire les risques environnementaux, on va
02:29mettre les catastrophes naturelles, enfin les tremblements de terre, les inondations, on va mettre
02:33les risques économiques, on va mettre les risques industriels, les risques sociaux et légaux, et en
02:38fait on les rend, on les simplifie à outrance. On regarde seulement une seule dimension de ces
02:46risques-là. Or, quand on regarde les risques que vous avez évoqués en début d'échange, ce sont
02:51des risques multidimensionnels. Prenez le Covid, ce n'était pas la seule dimension sanitaire qui
02:55importait. Il y avait une notion de mobilité, il y avait une notion de sécurité, une notion
02:59d'économie en bout de chaîne, il y avait des notions de technologie quand les gens devaient
03:05se mettre au télétravail. En fait, réduire ces risques à des catégories revient à, comment dire,
03:12trop simplifier le réel, et ça c'est dangereux. Ça c'est dangereux, c'est le battement d'aile de
03:17papillon en théorie du chaos, c'est un petit battement d'aile à un endroit qui peut déclencher
03:21un tsunami à un autre. C'est ça. Troisième point, troisième idée reçue, à laquelle on la torde le
03:26cou, mesurer les risques aide à déterminer les priorités. Oui, alors j'ai un énorme problème
03:33avec la mesure, parce que la plupart des, enfin je dirais l'immense majorité des organisations,
03:38mesure les risques à travers un diagramme qui s'appelle le diagramme de Farmer, qui est un
03:41couple gravité-fréquence, qui a un immense avantage, c'est qu'il est cognitivement très
03:47ergonomique. En un inclinement de paupière, on a compris qu'on peut comparer les risques différents
03:53et voir celui qui est a priori le plus critique, parce qu'il est à la fois le plus grave et le
03:57plus probable. Là où moi ça me pose problème, c'est qui considère la probabilité ? Comment
04:03on la mesure ? La probabilité, elle repose d'abord sur une démarche inductiviste. C'est les événements
04:09du passé qui nous amènent à croire que le futur va continuer cette tendance, mais c'est un postulat,
04:15et toutes les crises nous montrent que ces postulats ont été battus en brèche. Attention, quand on se
04:20base sur une analyse probabiliste des risques, on fait fausse route. Quatrième idée reçue,
04:25à laquelle vous tordez le cou, c'est la centralisation. Centraliser les risques serait
04:29judicieux. Oui, dans le sens où en fait, il y a un besoin naturel de centraliser pour pouvoir
04:36avoir une homogénéité d'approche, et je le comprends tout à fait. En plus, les positions
04:40de gestionnaire des risques sont souvent des positions qui sont très, plus ou moins,
04:44assez proches du comité exécutif, ce qui amène à avoir quelqu'un qui prend de l'info, qui la
04:49concatène, qui la synthétise, parfois qui la simplifie, et qui a quand même son agenda personnel
04:55à ne pas trop choquer, ou parfois à adhérer à l'état d'esprit de son équipe de direction.
05:04La gestion des risques serait une discipline à part entière. Dernière idée reçue. Cinquième et
05:09dernière. Tout à fait. Alors, venant de la gestion de crise, initialement, c'est assez
05:14naturel que j'ai du mal à distinguer les deux. Moi, ce qui m'apparaît, c'est qu'il y a une
05:20vraie frontière floue entre ces trois disciplines qu'on a artificiellement séparées, que sont la
05:26continuité d'activité, la gestion de crise et la gestion des risques, parce qu'on parle dans les
05:32trois cas des événements. Soit on en parle avant, soit on en parle pendant, soit on en parle après. Et
05:36en fait, lorsqu'on fait des choses séparément, avec des responsables séparés qui ont des
05:40méthodologies différentes, peut-être qu'on peut avoir une certaine pertinence d'analyse, chose
05:46qui est encore à démontrer, mais surtout ce qu'on perd, c'est la réponse coordonnée. Et en fait,
05:50lorsque l'événement arrivera, on sera content de l'avoir appréhendé de manière pertinente,
05:56que cette appréhension de manière pertinente s'applique en conséquence sur le terrain et
06:01qu'elle s'inscrit tout de suite dans une continuité à venir. Si on a ce silotage artificiel, on risque
06:07de ne pas répondre de manière pertinente. Déjouer les risques, Raphaël Devitoris, Sophie Croce,
06:12Édition du Nô. Voilà, c'est à lire. Ce n'est pas facile de voir le réel en face, surtout
06:18quand le ciel risque de vous tomber sur la tête. Tout à fait. C'est que ce n'est pas facile,
06:21c'est pour ça que c'est indispensable. Tout à fait. Merci beaucoup. Merci à vous.

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