Antoine de Caunes reçoit les talents des films qui font l'actualité cinéma en salles
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00:00C'est une histoire que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, l'histoire d'une
00:07ascension arrachée à la force du poignet, la conquête de Paris et du monde par un gamin
00:12qui s'est très tôt vu en haut de l'affiche.
00:14Tahar Rahim et Monsieur Aznavour dans le biopic que Grand Corps Malade et Médilidire consacrent
00:19au grand Charles, Tahar Rahim qui a saisi là l'occasion de tendre un miroir à sa propre
00:24histoire.
00:25Qu'est-ce que tu veux chanter ? Des chansons d'amour.
00:27Pour chanter l'amour, il faut être beau.
00:28À 18 ans, j'ai quitté ma province.
00:31Tu vois qui est là ? Elit Piaf.
00:34T'es comme moi toi, t'as chanté dans la rue.
00:36Mais comment que j'ai chanté dans la rue ?
00:37Pour être chanteur, il faut une voix et ta voix, elle est voilée.
00:41Je veux faire mon propre disque, ma tête sur la pochette, mon nom au-dessus.
00:44Il faut qu'on passe à la vitesse supérieure.
00:47Les photos, les chansons.
00:48Un Arménien, ça a la réputation de savoir compter.
00:51Aznavour ferait mieux de faire de la comptabilité.
00:54C'est pas du racisme ça ?
00:55Est-ce que j'ai bien affaire à Tahar Rahim ?
00:57Oui, on travaille.
01:00On travaille ?
01:01Vous avez subi une petite cure d'amaigrissement ?
01:05J'ai perdu beaucoup de poids.
01:08J'en perds pour un rôle que je travaille en ce moment.
01:11Non, c'est le film de Julien Ducournau, Je ne trahis aucun soldat.
01:13Je n'ai pas le droit d'en parler, mais bon.
01:14Moi j'ai le droit de le dire, parce que je le sais, puis la formation a circulé.
01:17On va parler d'Aznavour.
01:19C'est quoi votre tout premier souvenir d'Aznavour, Tahar ?
01:23C'est très compliqué de dire ça, puisque...
01:26C'est comme si on me demandait mon tout premier souvenir d'enfance.
01:30Puisque Charles a toujours été là.
01:34De manière extrêmement populaire,
01:36et de manière quasiment familiale, un peu chez tout le monde.
01:39C'est ça, c'est une musique qu'on écoutait dans la famille ?
01:41Ouais, c'est un petit peu la bande sonore de nos souvenirs personnels.
01:45D'enfance, d'adolescence, de jeunes adultes.
01:49Ils se retrouvent partout, dans les rues, dans les taxis, dans les cafés, à la maison.
01:53Donc c'est une musique très familière ?
01:54Absolument.
01:55Vous n'avez pas eu à faire un effort colossal pour vous plonger dans l'oeuvre ?
01:59C'était déjà là ?
02:00J'étais dans l'oeuvre des 40, 50 plus gros titres.
02:03Mais ensuite, quand on a commencé à travailler,
02:05et que j'ai dû faire justement mes recherches,
02:08là j'ai découvert beaucoup de choses que je ne connaissais pas.
02:10Le titre du film, c'est Monsieur Aznavour.
02:12Monsieur Aznavour.
02:14Vous, on vous appelle Monsieur Rahim ?
02:17Non, mais pour l'anecdote, il y a un truc autour de Monsieur, c'est vrai.
02:22Quand je rêvais d'être acteur, ma mère a été celle qui a cru en moi le plus,
02:26bien plus que moi.
02:27Sans elle, en tout point, je ne serais pas là.
02:30Et je n'aurais pas commencé à traverser ce chemin de rêve que je fais actuellement.
02:35Je suis ravi.
02:36Elle me disait un jour, tu deviendras monsieur.
02:41Comme quoi, ça voulait dire quelque chose.
02:43Et là, quand on fait ce film et que je vois Monsieur Aznavour,
02:46je pense fortement à elle.
02:47Et la boucle se boucle ?
02:49Un peu.
02:50Alors, quand la proposition vous a été faite dans un premier temps
02:52par Grand Corps Malade et Émilie Hydir, ça vous a surpris, ça vous a étonné ?
02:56D'abord, c'est presque un refus pour toutes les raisons possibles.
03:00Je ne pense pas être le seul à avoir été surpris par une proposition comme ça.
03:04Je pense que qui que ce soit se dirait, pourquoi il ne ressemble pas,
03:08il ne chante pas, ce n'est pas un chanteur, ces choses-là.
03:11Et je regarde beaucoup d'archives pendant le week-end.
03:16Il y a un moment précis où il est dans sa période,
03:21comment dire, manteau de fourrure, Rolls Royce,
03:23où il profite justement du dur labeur et de ce que je vais appeler les friandises.
03:28Et il sort d'un avion avec sa famille, grosses lunettes et tout,
03:31et ils sont derrière, et son équipe, je crois.
03:34Il a une valise en main et il va pour aider la deuxième.
03:37Mais comme il est en avance, il tend la main comme ça,
03:40puis il fait un petit mouvement de tête et son bras,
03:43et il continue d'avancer.
03:45Il sait très bien que ça va suivre.
03:47Mais en même temps, ça raconte un truc sur son trajet de point A à point B.
03:51Je n'attendrai pas pour arriver où je veux aller.
03:54Et je le ferai avec énergie, mais je n'oublie pas de tendre la main.
03:58Il y a eu un truc à ce moment-là d'énergie, de force en avant qui m'a...
04:02Je me suis dit, qu'est-ce qu'il y a de commun d'ailleurs entre vous deux ?
04:06Mais il y a un truc que moi, j'ai trouvé en commun,
04:09qui est le goût pour la non-frontière, par exemple.
04:13L'abnégation, l'envie d'explorer des langages,
04:17ne pas avoir peur.
04:19Ne pas avoir peur, si.
04:21Avoir peur, mais avoir totalement conscience de se dire,
04:24voilà où je dois aller, où j'ai envie d'aller.
04:27Et je sais que ça va être compliqué, que ça n'arrivera peut-être jamais,
04:29mais je vais mettre tous les moyens pour le faire.
04:32Toutes ces choses-là et son goût pour la culture des autres.
04:35Et après un travail d'aussi longue haleine, en compagnie d'un personnage,
04:40est-ce qu'on redevient facilement Taha Reim ?
04:42Ou bien, est-ce qu'il reste un petit peu de Taha Raznavour ?
04:45Alors, j'ai beaucoup plus de facilité à sortir d'un personnage que d'y entrer, généralement.
04:51Après, certains restent un peu.
04:52Mais il est vrai que quand on construit des choses,
04:54c'est comme une équation où ça prend des chemins,
04:57j'ai envie de dire presque neuronal différents, donc des réflexes.
05:01Et après, parfois, il y a des petites choses qui restent.
05:03Par exemple, Charles, je sais que parfois, mon frère va me dire,
05:05bah, t'as parlé comme lui-là et je m'en suis pas rendu compte.
05:08Ou alors, je vais bouger d'une manière, ça y est, c'est fini maintenant.
05:10Mais pendant quelques semaines derrière, c'était un peu comme ça.
05:13Mais à propos de vie de famille, la mère de vos enfants est elle-même actrice.
05:17Alors, imaginons que pendant que vous tourniez Aznavour,
05:19elle-même ait tourné un biopic de Nana Mouskouri.
05:22Ça serait une émission du Jean-Pierre Foucault, là, oui.
05:28Ça aurait donné quoi, les fins de journée ?
05:30Oh là là, je sais pas.
05:33En tout cas, alors peut-être qu'il faudrait acheter des boules case pour le reste de la maison.
05:37Et elle aime Aznavour.
05:38Bah oui, bah oui, il faut pas oublier ça.
05:58Je voudrais savoir ce que vous avez ressenti tard,
06:00parce que non seulement vous jouez Aznavour, mais vous chantez Aznavour,
06:03ce qui est quand même une prouesse assez phénoménale.
06:06Qu'est-ce que vous avez ressenti la première fois que vous vous êtes retrouvé sur scène,
06:10devant un public de figure romaine, un public à jouer et à chanter Aznavour ?
06:15Qu'est-ce qui se passe à ce moment-là ?
06:17C'est un plan séquence entier qu'on devait tourner de A à Z,
06:20qui durent quatre et quelques minutes, où je devais tout chanter.
06:23Et c'est une chorégraphie.
06:24Donc, j'étais très concentré sur tout et ce qu'on faisait.
06:27Une fois que j'avais terminé, qu'on était content d'avoir la séquence,
06:32tout d'un coup, on coupait les caméras et je la rechantais avec Charles Allaurillette.
06:36Je ne suis pas chanteur de formation, donc j'avais besoin de tremplin, de coups de main.
06:40Et là, il y avait le public.
06:41Alors, il y a les applaudissements du jeu, il y a les applaudissements de politesse.
06:44Et quand je termine ça, j'ai oublié qu'il y avait des gens.
06:48Et là, il y avait des centaines de figurants.
06:51Et la manière dont ils ont applaudi, j'ai senti une sincérité qui m'a bouleversé.
06:56Et c'est là où le cinéma a quand même une forme de magie tout de même.
06:59C'est qu'il vous fait vivre certains métiers, pas forcément pleinement,
07:03mais en tout cas, qu'on aurait pu fantasmer.
07:05Quand j'étais fan de Michael Jackson enfant, je voulais être sur scène.
07:08Et de prendre ce moment-là, à moindre échelle, le vivre, c'était exquis, exquis.
07:15À 37 ans, Aznavour écrit « Je me voyais déjà » en haut de l'affiche, c'est-à-dire lui à 18 ans.
07:21Et vous, à 18 ans, vous vous voyez comment ?
07:26Je m'imaginais à la place de tous les grands acteurs que j'admirais.
07:34Et vous y êtes ?
07:36Pas encore.
07:39Merci, Thar.
07:39Merci à toi.