L’énergie électrique renouvelable représente aujourd’hui 15 % de la production totale d’électricité en France. C’est une première. C’est ce que révèle la première édition de l’observatoire du système électrique renouvelable, publié en octobre 2024 par France Renouvelables. Michel Gioria, le délégué général de l’association, nous présente les résultats de l’étude.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00On décortique les résultats du premier observatoire du système électrique renouvelable dans ce Zoom avec Michel Gloria. Bonjour.
00:14Bonjour.
00:14Bienvenue. Vous êtes délégué général de France Renouvelable. On repose le décor. C'est combien d'entreprises représentées et puis peut-être aussi les différentes filières ?
00:23France Renouvelable, c'est 370 entreprises qui interviennent en France pour développer des énergies renouvelables électriques, notamment l'éolien en mer, l'éolien sur terre et le photovoltaïque au sol.
00:34On représente aujourd'hui 15 % de la production française d'électricité. C'est considérable.
00:39Et au regard des perspectives de développement, qui d'ailleurs vont être discutées dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie prochainement, on devrait être autour de 30 % d'ici 10 ans.
00:51Et on va beaucoup se projeter comme ça sur l'horizon 2035 dans notre entretien avec ce premier observatoire du système électrique renouvelable qui a été réalisé avec Capgemini Invent.
01:02Peut-être la leçon principale avant de rentrer dans le détail. Quelle leçon vous en tirez de cet observatoire ?
01:07Il y a trois leçons essentielles. La première, c'est que ça y est, les énergies renouvelables électriques, notamment l'éolien sur terre, l'éolien en mer et le photovoltaïque, sont installées dans le paysage électrique français et dans le paysage énergétique français.
01:21Ça représente aujourd'hui 15 % de la production d'électricité. Ça veut dire que, cumulé, l'éolien sur terre, l'éolien en mer et le photovoltaïque font plus que l'hydraulique.
01:31C'est historique, c'est la première fois. Ça, c'est le premier enseignement.
01:35Deuxième enseignement qui est important, c'est que quand on regarde les perspectives de développement, on va aller progressivement vers 25-30 % de production d'électricité, il va falloir faire évoluer le fonctionnement de nos systèmes électriques pour faire rentrer plus de flexibilité.
01:50Qui dit plus de flexibilité, ça veut dire déplacer la consommation, l'heure pleine, l'heure creuse. Ça veut dire faire rentrer des systèmes de stockage dans le fonctionnement du réseau électrique.
02:02Et la troisième chose, ça veut dire rendre pilotables les énergies renouvelables. Et ça, c'est un vrai défi sur lequel il faut qu'on s'attache collectivement.
02:09Et la troisième enseignement qui est important, c'est qu'en fait, quand on regarde ce qui se passe au niveau des pays européens et puis au-delà de nos frontières, notamment aux États-Unis, il y a les choix que l'on fait en matière de modalité de développement des énergies renouvelables électriques,
02:24notamment la taille des projets, sont des choix qui ont des conséquences en matière de coût du système électrique.
02:30Et nous, on pense qu'il est important de garder ce critère coût du système comme un critère essentiel parce que c'est un élément clé pour la compétitivité des entreprises, pour la réussite de la réindustrialisation, pour la protection du pouvoir d'achat des Français.
02:43Et il faut aller vers des parcs de production d'électricité qui sont des parcs d'une certaine taille qu'on peut qualifier de dimension industrielle pour optimiser la compétitivité.
02:53– Alors on va reprendre tous ces éléments, mais je vais redonner d'abord des chiffres issus de l'observatoire qui nous parlent effectivement de cet horizon 2035 avec l'électrification massive des usages.
03:07Vous l'avez dit tout à l'heure, objectif plus d'être à 30% de consommation d'électricité en 2035, ah non, plus 30% de consommation d'électricité en 2035 par rapport à 2023, j'y arrive,
03:17plus 270% de production renouvelable à cet horizon 2035 et plus 15% de production nucléaire à cet horizon.
03:26Ces chiffres, comment vous les obtenez ? Ce sont les prévisions des entreprises du secteur ? Quelle a été la démarche pour arriver à cette perspective ?
03:33– À cette perspective, alors en fait on s'est appuyé sur deux exercices qui ont été conduits conjointement.
03:38Premier exercice qui a été un exercice de prévision, le bilan prévisionnel 2035 de RTE.
03:44Vous savez que RTE légalement, régulièrement, fait des prévisions, c'est sa mission législative, d'évolution de la consommation à des horizons 2035 et dit,
03:53ben voilà, moi ce que je vois en matière de développement de la mobilité électrique, ce que je vois en matière de développement des pompes à chaleur dans le bâtiment,
04:01ce que je vois en matière d'électrification des procédés industriels, me font penser qu'à l'horizon 2035, on devrait être autour de 600 TWh de consommation d'électricité.
04:11Et à partir de ces 600 TWh, on regarde quels sont les moyens de production disponibles que l'on peut mettre en face de cette consommation pour satisfaire l'équilibre en fourdemande, en permanence,
04:21puisque c'est ça le défi du système électrique.
04:23Et en fait ce qu'on constate, c'est qu'au cours des 10 à 15 prochaines années, les seuls moyens de production additionnels que l'on peut avoir pour produire plus d'électricité,
04:32c'est l'éolien sur terre, l'éolien en mer et le photovoltaïque.
04:36Le nouveau nucléaire va arriver après 2035.
04:40Et donc c'est pour ça qu'on est parti de cette consommation.
04:43On dit voilà, pour atteindre cette consommation à l'horizon 2035, voilà les moyens de production que l'on doit mettre en face.
04:49Et qui prendra la plus grande part ? L'éolien terrestre, l'éolien en mer, le solaire, le photovoltaïque ?
04:55Ça va être un peu équilibré ?
04:57A cet horizon de temps-là, on sera quasiment sur du un tiers, un tiers, un tiers.
05:02À quelques TWh près, j'allais presque dire.
05:06Donc on aura un tiers de production issue de l'éolien en mer, puisqu'on aura atteint 18 gigawatts,
05:13à l'horizon de ce qui a été annoncé avec la planification spatiale il n'y a qu'un jour.
05:17C'est celui qui va le plus progresser ?
05:19C'est celui qui va le plus progresser.
05:20Aujourd'hui, on est à 1,5 TWh de production.
05:24On sera autour de 70-80 TWh.
05:26Donc là, ça va véritablement exploser.
05:28La production d'électricité à partir d'éolien terrestre va à peu près doubler en 10 ans.
05:38Et la production d'électricité à partir de photovoltaïque va être multipliée par 4 à 5.
05:43Et ça va équilibrer ?
05:45Et ça va équilibrer, on sera un tiers, un tiers, un tiers.
05:47Vous l'avez évoqué, il y a une autre leçon importante de cet observatoire.
05:53Autre enjeu à l'horizon de 10 ans, c'est le stockage de l'électricité.
05:58Déjà, est-ce que la technologie existe ? Est-ce qu'elle est mature aujourd'hui ? On en est où ?
06:02Elle a énormément mûri au cours des dernières années,
06:06puisqu'aujourd'hui, on a des voitures qui fonctionnent à l'électricité.
06:10Et ce sont des voitures qui ont une très belle autonomie,
06:12puisqu'on a régulièrement des véhicules qui font 500, 600, 700,
06:15voire j'ai vu une publicité il n'y a pas très longtemps, autour de 1 000 km.
06:19On est sur des équivalences.
06:21C'est trop accéléré quand même, mais ce n'est pas grave, ce n'est pas notre débat.
06:24Mais on a ces technologies qui sont là aujourd'hui.
06:26Et en fait, avec la hausse de la production d'électricité à partir d'éolien sur terre,
06:32en mer et de photovoltaïque, effectivement, on a besoin de plus de flexibilité du système.
06:36Donc c'est des batteries stationnaires, c'est ça ?
06:38C'est ça, c'est des batteries stationnaires qu'on va positionner aux endroits du réseau
06:42où ça va être nécessaire.
06:43Et là, il y a un travail très fin qui est en cours avec les opérateurs de réseau,
06:47notamment Enedis et RTE, qui nous disent,
06:50on regarde ce que je vois en matière de production,
06:52voilà les endroits où mon réseau va en avoir besoin.
06:55Donc on connaît le volume global, 6 gigawatts à l'horizon 2030,
06:59il y a à peu près 9 gigawatts à l'horizon 2035,
07:02de capacité de stockage qu'il va falloir développer.
07:04Aujourd'hui, on est à un peu moins de 1 gigawatt,
07:06donc vous voyez, multiplication par 6 d'ici 2030 et par 9 d'ici 2035.
07:11Et RTE et Enedis sont en train de nous dire,
07:13moi je regarde comment va évoluer mon réseau, je regarde les besoins,
07:16il va falloir en mettre en tel endroit, tel endroit, tel endroit
07:19et je vais lancer les dispositifs d'appel à projets.
07:21Ça prend quelle place, une batterie stationnaire ?
07:23C'est une petite usine ?
07:25Non, ça va dépendre en fonction des capacités,
07:30mais imaginez que ça fait à peu près 3 fois la taille du studio.
07:343 fois, donc ce n'est pas si grand que ça,
07:37parce qu'il y a aussi tous ces enjeux d'artificialisation des sols,
07:42et on se retrouve avec des injonctions un peu contradictoires.
07:46Oui, il faut pousser la consommation et la production d'électricité
07:50et son stockage, et de l'autre, moins artificialiser les sols.
07:53Tiens, un petit zoom sur ce que représente le business des énergies renouvelables.
07:58C'est combien d'emplois aujourd'hui en France ?
08:01Et là aussi, quelle perspective pour 2035 ?
08:04L'éolien et le solaire, aujourd'hui en France, c'est à peu près 50 000 emplois.
08:08A l'horizon de 2035, on devrait être autour de 80 000 emplois,
08:12notamment des emplois qui sont liés à la maintenance et à l'exploitation des parcs,
08:16ça c'est extrêmement important,
08:18et puis tous les emplois liés à la construction, au transport, au raccordement, etc.
08:23Donc on devrait être autour de 80 000 emplois à l'horizon de 2035,
08:27ce qui fait en fait progressivement des emplois,
08:32et ça c'est quelque chose qui est très marquant dans les énergies renouvelables électriques,
08:35c'est que ce sont des emplois qui sont souvent localisés, majoritairement localisés dans les territoires ruraux.
08:40Donc dans des territoires où, j'allais presque dire structurellement,
08:43on a un peu plus de mal à faire venir de l'emploi et à localiser des jeunes ménages.
08:48C'est vrai que les personnes qui travaillent dans les énergies renouvelables sont souvent des personnes jeunes,
08:51la moyenne d'âge est inférieure à 35 ans,
08:53et donc du coup quand elles arrivent sur un territoire rural, elles arrivent souvent avec leur famille,
08:57donc on fait vivre les écoles, on fait vivre les commerces,
09:00il y a des centres de maintenance qui s'installent, etc.
09:02C'est une vraie spécificité.
09:03C'est quel type d'emploi ? Est-ce que c'est beaucoup d'emplois d'ingénieurs, d'emplois hautement qualifiés,
09:09sur lesquels vous allez être en concurrence avec beaucoup d'autres secteurs, notamment je pense au nucléaire ?
09:13Alors, grosso modo, on a à peu près un tiers des emplois qui est lié à ce qu'on appelle l'ingénierie,
09:19donc effectivement on va retrouver des bureaux d'études pour la conception des projets,
09:24l'étude des impacts environnementaux, le dimensionnement des projets, leur accordement,
09:28et on a à peu près deux tiers d'emplois qui sont plutôt des emplois de techniciens,
09:32et là, ce sont des emplois de construction, de maintenance, d'exploitation,
09:37qu'on est sur un tiers, deux tiers,
09:39et en fait, ce qui nous semble important dans le moment dans lequel on est,
09:42à l'échelle de l'ensemble du système électrique,
09:44c'est de travailler les complémentarités d'emplois entre les filières,
09:47parce qu'en fait, on a des filières qui ont des rythmes de développement
09:50et des besoins d'emploi qui sont différents,
09:52et on retrouve des besoins de soudeurs, des besoins d'électro-techniciens, etc.,
09:57qui sont communs aux énergies renouvelables électriques,
09:59aux nucléaires, à l'ensemble des métiers du système électrique,
10:02et il est important dans ce moment-là de travailler les complémentarités,
10:05parce que les carnets de commandes et les rythmes de construction ne se font pas au même rythme.
10:09D'accord, donc vous pourriez, vous, en avoir besoin là, dans les dix prochaines années,
10:12et le nucléaire un peu plus tard.
10:14Exactement, ou on peut travailler des synergies entre filières ENR,
10:19typiquement entre l'éolien sur terre et l'éolien en mer,
10:22entre l'éolien sur terre et le photovoltaïque,
10:24entre des projets de stockage et des projets photovoltaïques,
10:26il faut travailler ces synergies.
10:28Dernier élément sur l'acceptabilité, et à chaque fois qu'on se rencontre,
10:34je vais vous chercher forcément sur ce terrain,
10:36qui est très important, le baromètre qualité ENR OpinionWeb de 2023,
10:41qui nous dit que 98% des Français soutiennent le développement des énergies renouvelables en France.
10:45Bon, on se dit super, ça y est, on a gagné le combat de l'acceptabilité,
10:49sauf que, évidemment, c'est un peu plus compliqué que ça,
10:51notamment politiquement.
10:53Est-ce que vous avez poussé un grand ouf de soulagement au second tour des législatives
10:56en voyant que le RN n'arrivait pas au pouvoir, qui est résolument hostile aux éoliennes ?
11:01Évidemment, quand on regardait le programme énergie du Rassemblement National,
11:05il y avait de quoi frémir.
11:07Évidemment, sur les questions de développement des énergies renouvelables,
11:09mais aussi sur des pans entiers du fonctionnement du système électrique
11:13et du fonctionnement du système énergétique,
11:15il y avait quelque chose qui a été vraiment très marquant pour nous,
11:17c'est qu'en fait, le Rassemblement National est quand même avant tout,
11:21en matière de questions énergétiques, le parti du statu quo,
11:25c'est-à-dire un parti qui nous maintient dans une dépendance mortifère aux énergies fossiles.
11:29Il ne faut pas oublier qu'aujourd'hui, 60% de la consommation d'énergie encore en France
11:33dépend des énergies fossiles.
11:35Il y a effectivement un enjeu climat, un enjeu environnemental,
11:39mais il y a un enjeu économique et de souveraineté essentielle.
11:42C'est un parti qui nous maintient là-dedans.
11:45Ce qui est complètement irrationnel quand on se dit être un parti de souveraineté,
11:49c'est particulièrement paradoxal.
11:51Effectivement, on a eu ce petit moment de soulagement,
11:54mais le sujet est quand même traité très au sérieux aujourd'hui.
11:57On pense que, notamment quand on regarde ce qu'il continue à apporter au sein de l'Assemblée Nationale,
12:02il faut absolument, absolument, absolument faire émerger une expertise politique
12:07autour de ces sujets-là pour, j'allais presque dire, combattre fortement ça.
12:10Merci beaucoup Michel Hulian.
12:12A bientôt sur BeSmart for Change.
12:14On passe à notre rubrique Start-up tout de suite.