Le dernier rapport RTE et les annonces sur la planification écologique par l’exécutif ont rappelé la nécessité pour la France de se transformer et de développer ses secteurs renouvelables. Les intentions officialisées, reste à organiser la mise en œuvre de la grande transition qui va libérer les énergies vertes. On en parle avec Cédric Philibert, de l’IFRI, et Michel Gioria, de France Énergie Éolienne.
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00:00 [Musique]
00:06 Le débat de Smart Impact avec Michel Gioria, bonjour.
00:09 Bonjour.
00:10 Bienvenue, heureux de vous retrouver.
00:11 Vous êtes délégué général de France Renouvelable.
00:13 Tout à fait.
00:14 Et Cédric Philibert, bonjour, bienvenue.
00:16 Bonjour.
00:16 Chercheur associé à l'IFRI, l'Institut français des relations internationales,
00:20 et auteur de ce livre "Éolienne, pourquoi tant de haine ?" aux éditions Les Petits Matins.
00:24 Je commence avec le rapport publié cette semaine par RTE, le réseau du transport,
00:30 gestionnaire du réseau de transport d'électricité.
00:33 Je les cite, ils préconisent une accélération du déploiement du solaire et de l'éolien d'ici 2035.
00:39 Est-ce qu'on peut dire, Michel Gioria, je commence avec vous,
00:41 que c'est une obligation, tout simplement,
00:43 vu les quantités d'électricité nécessaires dans les prochaines années ?
00:47 C'est effectivement une nécessité, complètement,
00:49 puisque on a effectivement une croissance assez importante de la consommation d'électricité
00:53 liée à ce qu'on appelle l'électrification des usages.
00:55 Donc, je remplace une voiture thermique par une voiture aérie électrique,
00:58 je remplace une chaudière au gaz et une chaudière au fuel par une pompe à chaleur dans le bâtiment,
01:02 je remplace mes procédés industriels par l'électrification des procédés.
01:05 Ça fait de la consommation d'électricité,
01:07 et aujourd'hui, éolien et solaire sont les deux seuls moyens
01:11 pour produire cette quantité additionnelle d'électricité au cours des au moins 15 prochaines années.
01:15 Ça veut dire que ces sources d'énergie renouvelables
01:17 sont celles qui ont le potentiel de croissance le plus important, c'est ça ?
01:20 Tout à fait, exactement.
01:21 C'est ce qu'on constate partout dans le monde,
01:23 et la France n'échappe pas à cette tendance-là,
01:25 c'est ce qui a le plus fort potentiel de croissance.
01:27 L'accès est désormais compétitif.
01:29 Cette hausse de la consommation d'électricité d'ici 2035,
01:32 je ne sais pas si vous l'avez chiffrée,
01:34 c'est autour de 40%.
01:36 40% !
01:37 Oui, autour de 40%.
01:38 On prend l'ampleur du défi.
01:40 Cédric Philibert, l'atteinte de ces objectifs,
01:43 ça dépend de la capacité à produire plus d'électricité sous toutes ses formes,
01:48 et notamment les formes renouvelables,
01:50 est-ce que ça dépend aussi de nous, de nos efforts de sobriété ?
01:53 Parce qu'on sort d'une période où on a demandé aux Français,
01:55 aux entreprises en particulier, ces efforts de sobriété,
01:58 va falloir les maintenir dans la durée ?
02:00 Oui, bien sûr, c'est souhaitable si on peut les maintenir.
02:02 Et en fait, je pense qu'il y a beaucoup de domaines
02:04 qu'on n'a pas encore vraiment explorés.
02:06 Vous savez, il y avait le slogan "réduire, déplacer".
02:11 Il y a beaucoup de choses qu'on peut faire pour déplacer la consommation
02:15 et faire en sorte que ce ne soit pas seulement la production
02:17 qui s'adapte à la consommation,
02:19 mais que ce soit aussi la consommation qui s'adapte à la production.
02:22 Dans les usines, avec du stockage thermique,
02:25 dans les maisons, régler autrement peut-être le programmateur
02:31 d'un certain nombre de machines, etc.
02:33 Ça doit pouvoir permettre, et utiliser le compteur Linkin
02:36 pour ce pourquoi il est fait, c'est-à-dire donner une information en temps réel,
02:39 on doit pouvoir aider beaucoup à l'adaptation.
02:42 Donc ce n'est pas seulement consommer moins,
02:44 c'est aussi consommer de préférence au bon moment.
02:46 - Ça fait suppose de la pédagogie, est-ce qu'elle est faite aujourd'hui ?
02:49 - Ça commence doucement, vous en trouvez des éléments dans ce rapport,
02:53 mais après évidemment il faut traduire ça en concept pour le grand public.
02:57 Mais je crois que c'est important de percevoir qu'il y a une dimension.
03:00 On dit parfois avec les renouvelables, "variable",
03:03 l'éolien et le solaire c'est variable, c'est intermittent.
03:06 Et donc ça va être très difficile si en même temps
03:09 on veut augmenter la consommation d'énergie.
03:11 En réalité, la plupart de ces nouveaux usages de l'électricité
03:15 vont être en eux-mêmes très flexibles.
03:17 Songez qu'une voiture électrique, c'est d'abord une batterie sur roue.
03:20 - Oui, elle peut servir aux électricitaires, aux réseaux,
03:25 pour redonner son électricité quand elle n'en a plus besoin.
03:29 - Oui, mais bien avant ça, elle va servir à absorber l'électricité
03:34 au moment où elle n'est pas chère et abondante.
03:36 Et donc décider du bon moment de la recharge,
03:39 inciter au bon moment de la recharge, pas forcer, pas obliger,
03:42 ça va donner beaucoup de flexibilité.
03:45 C'est pareil pour la production d'hydrogène,
03:47 c'est pareil pour un certain nombre de procédés électriques dans l'industrie.
03:49 - Alors, je vois qu'il y a beaucoup de thèmes qu'on peut aborder ensemble.
03:51 Je vois qu'on parle, et je commence avec vous Cédric Philibert,
03:53 de l'acceptabilité des projets.
03:56 Parce que là, vous me parliez de nos comportements,
03:59 des nécessités, de pédagogie.
04:01 Comment vaincre les réticences ?
04:02 Parce que si on veut monter en puissance, c'est quand même un enjeu majeur.
04:04 - Je crois qu'il faut d'abord expliquer
04:07 pourquoi on a besoin du solaire et de l'éolien.
04:10 On en a besoin pour, évidemment, nos objectifs climatiques,
04:13 mais on en a besoin pour se défaire de la dépendance au pétrole et au gaz,
04:19 dont les prix sont erratiques,
04:22 qui nous maintiennent en suggestion à l'égard d'un certain nombre de pays étrangers.
04:25 On a besoin d'avoir une production locale, nationale, européenne,
04:32 très importante, en solidarité avec nos voisins européens,
04:35 avec qui on peut échanger, et c'est quand même très, très utile.
04:38 Mais on a besoin de produire notre propre énergie autant qu'on peut.
04:41 Aujourd'hui, les fossiles, c'est les deux tiers de notre consommation d'énergie.
04:45 Il faut ramener ça à moins d'un tiers, si possible,
04:48 de façon à retrouver des marges de manœuvre et des coûts faibles,
04:52 des coûts acceptables, parce que sinon, on peut se retrouver,
04:55 comme en 2022, avec des coûts qui crèvent les plafonds.
04:58 - Michel Girouillat, ça dépend aussi de tous les opérateurs
05:02 de ces projets d'installation d'éolien.
05:06 Comment vaincre ces réticences ?
05:08 Comment impliquer les habitants ? Parce que c'est là que ça se joue.
05:11 - Il y a plusieurs leviers.
05:13 La loi d'accélération des énergies renouvelables,
05:15 qui a été adoptée en mars de cette année, en mars 2023,
05:18 ouvre trois grands leviers.
05:19 Elle ouvre un premier levier, qui est tout le travail de refonte
05:22 des questions de concertation avec la mise en place des zones d'accélération,
05:25 avec les comités de projets, les maires, etc.
05:28 Là, on dit, en fait, vous arrivez sur un territoire,
05:30 vous êtes un développeur de projets, vous arrivez sur un territoire
05:33 pour développer un projet de photovoltaïque ou d'éolien terrestre.
05:36 Il y a deux sujets.
05:38 Premier sujet, allez tout de suite voir le maire et construisez le projet avec lui.
05:42 Le maire connaît son territoire, connaît ses habitants, connaît sa population.
05:46 Il va vous dire, si vous construisez votre projet, construisez-le de cette manière, etc.
05:50 C'est un point qui est vraiment important.
05:52 Remodèle, réforme les questions de concertation.
05:55 Deuxième élément, un deuxième point qui est important,
05:58 c'est qu'un projet d'énergie renouvelable, souvent photovoltaïque ou éolien,
06:01 il arrive souvent dans un territoire rural.
06:04 Ce sont des territoires qui ont aujourd'hui besoin de se développer,
06:08 de stabiliser la population chez eux, qui ont besoin de recettes
06:11 pour accompagner la rénovation de la mairie, de la crèche, etc.
06:16 Et du coup, là, il y a un sujet de partage de valeurs qui est extrêmement important.
06:19 On dit, en fait, essayons de trouver des accords pour se dire, en fait,
06:22 la richesse qui est créée par ce projet, et ça crée de l'électricité,
06:25 mais ça crée aussi de la richesse, en fait, faisons un transfert de richesse,
06:29 notamment vers les communes, pour leur permettre de réinvestir
06:32 et de faire elles-mêmes leur transition.
06:34 Ça, c'est un point extrêmement important, en rénovant les bâtiments,
06:36 l'éclairage public, etc.
06:37 Et dernier sujet qui est important, il y a la question de la gouvernance.
06:40 Ça, c'est un point qui est essentiel.
06:42 D'autres pays de l'Union européenne l'ont fait, j'allais presque dire,
06:45 un peu plus tôt que nous.
06:47 Vous avez la possibilité, désormais, quand vous êtes un citoyen
06:50 ou quand vous êtes un élu, de rentrer au capital du projet
06:53 et de donner votre avis sur les choix techniques qui sont faits dans le projet
06:56 et sur la répartition de la richesse.
06:58 Ces trois leviers sont clés, c'est essentiel.
07:00 Alors, on est en pleine actualité avec la planification écologique
07:05 annoncée par le président de la République,
07:07 la loi de programmation énergie-climat.
07:09 Je commence avec vous, Frédéric Philibert.
07:11 Qu'est-ce que vous attendez de la planification écologique
07:14 pour les énergies renouvelables ?
07:16 C'est une bonne question, parce qu'il y a des objectifs
07:18 qu'on nous annonce comme ambitieux.
07:20 Moi, je trouve qu'ils ne le sont pas assez.
07:21 En particulier, il y a des objectifs ambitieux en termes d'éolien offshore.
07:26 Je trouve que si on arrive à faire tout ce qu'on veut faire,
07:29 ce sera assez bien.
07:31 Il y a un objectif ambitieux en termes de solaire.
07:34 Ça va être difficile, parce qu'on s'est tiré des balles dans le pied,
07:38 par exemple avec une interdiction de défrichement
07:40 de tout endroit de 25 hectares qui n'existe que pour le photovoltaïque.
07:44 Toute autre activité économique peut demander une situation de défrichement.
07:47 D'ailleurs, il y a beaucoup de conflits à ce sujet sur des routes,
07:50 des centres commerciaux, des centres de loisirs, des golfs, tout ce qu'on veut.
07:54 La seule activité économique qui est interdite de forêt, c'est le photovoltaïque.
07:59 Il n'y a aucune raison, et on n'y arrivera pas, parce qu'on a besoin.
08:02 On va en mettre sur les toits, sur les friches, sur les parkings,
08:05 mais on a besoin d'en mettre au sol.
08:07 C'est quand même l'option la moins chère.
08:09 On peut se mettre là où il y a des capacités d'accueil dans le réseau.
08:13 C'est très important pour pouvoir aller vite,
08:15 parce que s'il faut attendre de déployer le réseau là où on a un projet,
08:18 ça peut prendre 5 ans, ça peut prendre 10 ans.
08:20 Sur le photovoltaïque, il y a un objectif ambitieux,
08:22 mais je ne sais pas s'ils vont y arriver.
08:24 L'éolien terrestre reste le mal aimé de la classe.
08:29 Il y a un objectif de maintenir ce qu'on a fait depuis 2 ans.
08:33 Ce n'est pas assez.
08:34 D'abord, c'est un objectif qui est exprimé en gigawatts.
08:37 Il faudrait l'exprimer aussi en terawattheure,
08:40 parce qu'une éolienne, le facteur de charge,
08:44 ce n'est pas quelque chose de figé, ce n'est pas quelque chose qui dépend uniquement du vent,
08:47 ça dépend aussi de l'éolienne.
08:49 Si je fais une éolienne plus grande, plus haute, avec des pales plus longues,
08:52 et que j'ai la même puissance électrique, je vais avoir plus de kilowattheures à la fin.
08:56 C'est très important, parce que ces kilowattheures auront plus de valeur en même temps.
08:59 Il faut donc donner des objectifs ambitieux pour l'éolien terrestre, comme pour le reste.
09:03 Votre avis là-dessus aussi, Michel Gervias, sur cette planification écologique,
09:07 sans peut-être répéter ce que vient de nous dire Cédric Philibert.
09:09 Pour vous, c'est quoi la mesure la plus importante ?
09:11 La mesure la plus importante, ce serait un discours clair du président de la République
09:15 sur la nécessité d'engager un vrai travail collectif sur le déploiement des énergies renouvelables.
09:20 C'est essentiel.
09:22 Notamment parce qu'on a pu, au cours des dernières années,
09:26 l'entendre douter de certaines filières, et notamment de l'éolien terrestre.
09:29 Évidemment, quand un président de la République d'un pays centralisé comme le nôtre doute,
09:32 ça fait des petits, et ça ne facilite pas les choses.
09:35 Donc il est important aujourd'hui, sur la base des travaux de RTE,
09:38 qu'on puisse dire qu'on a besoin, 1) de toutes les filières renouvelables,
09:42 y compris de l'éolien terrestre, ça c'est le premier point,
09:44 et 2) qu'il faut assumer cet espèce de renouvellement du système électrique français
09:49 qui va se faire par le doublement, en 10 ans, des capacités de production d'énergie renouvelable sur le territoire.
09:54 Ça c'est un premier point, c'est un message présidentiel très clair.
09:57 Et le deuxième point, c'est qu'il va falloir, je crois que la première ministre l'a débuté,
10:01 il va falloir qu'on arrive ensuite, sur la base de ces objectifs-là,
10:04 à décliner territorialement, avec les élus locaux, la mise en œuvre de ces projets.
10:09 Et ce travail de planification territorialisée, maintenant qu'on a une planification au niveau de la première ministre,
10:14 il va falloir le décliner à l'échelle des communes, des intercommunalités, pour que ça devienne une réalité.
10:20 – On a beaucoup parlé d'éolien terrestre, vous parliez du offshore,
10:24 pour atteindre ces objectifs collectifs de production d'énergie renouvelable,
10:29 on aura aussi besoin de l'éolien en mer, il y a quand même une crise en ce moment.
10:32 Inflation, taux d'intérêt en hausse, croissance des coûts de production,
10:36 on voit, je le disais cette semaine dans la presse, un certain nombre de géants du secteur
10:40 qui se retirent même de certains marchés après y avoir investi de l'argent.
10:44 C'est quoi, c'est une crise de croissance ? C'est un réveil douloureux quand vous qualifiez ça ?
10:48 – En fait, on a le même sujet sur les énergies renouvelables que dans le secteur du bâtiment,
10:52 pour vous donner une image qui marque, hausse des taux d'intérêt, ça complexifie les choses,
10:56 et déficit de permis, ça complexifie les choses aussi.
10:58 Donc là, il y a deux mesures qui sont importantes,
11:00 la première c'est qu'il faut qu'on arrive à réindexer les prix,
11:05 désormais il y a de l'inflation, il faut qu'on revienne à l'indexation des prix sur les labels d'offres,
11:09 si l'inflation augmente, on augmente les prix, si l'inflation diminue, c'est comme les salaires,
11:12 en fait on diminue les prix pour stabiliser les modèles d'affaires,
11:14 et ça c'est valable sur toutes les filières ONR,
11:16 mais ça va être aussi valable dans la rénovation du bâtiment, etc.
11:19 Ça c'est un premier point.
11:20 Et le deuxième point, je crois qu'il faut qu'on ressorte ce qui a été fait dans les années 80,
11:23 à un moment donné, et qui est la question de la bonification des taux d'intérêt.
11:26 Il y a des outils, la BCE, la Banque Européenne d'Investissement, etc.
11:29 peuvent porter ces sujets-là.
11:31 Engageons-nous dans la bonification des taux d'intérêt sur toutes les infrastructures nécessaires
11:35 pour la production d'électricité renouvelable.
11:37 Merci beaucoup, merci à tous les deux.
11:39 Je rappelle Cédric Philibert, le titre de votre livre éolienne "Pourquoi tant de haine" publié aux éditions.
11:43 Les petits matins, on passe tout de suite à notre rubrique consacrée aux startups.