Mardi 5 novembre 2024, TEMPS LONG reçoit Frédéric Dabi (Directeur général, IFOP)
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00:00Bonjour à tous, bienvenue sur Tendon.
00:10Alors la courtoisie quand on fait un entretien politique, c'est de s'adresser en premier à l'invité.
00:15Je vais faire une petite rupture.
00:17Je vais m'adresser d'abord au téléspectateur.
00:19Je prends un pari avec ceux qui regardent l'émission.
00:21Je suis sûr que vous souffrez d'un mal que vous ne connaissez pas,
00:25qui est l'infobésité ou alors la surcharge émotionnelle.
00:28En somme, vous êtes soumis à un trop plein d'informations,
00:31sur vos écrans, sur vos ordinateurs, sur vos tablettes, etc.
00:35Vous avez du flux en permanence.
00:37Dans les flux que vous recevez en permanence, il y a forcément des sondages.
00:41Pratiquement tous les jours, les instituts de sondage sortent des études
00:45pour mesurer la popularité d'un responsable politique,
00:48la popularité de certaines idées, le résultat d'élections,
00:51quand bien même on ne connaît pas les candidats.
00:53L'idée aujourd'hui, ce n'est pas de rajouter du flux au flux,
00:56mais c'est de prendre un peu de hauteur.
00:58Pour ça, on a un invité de marque.
01:00Frédéric Dhabi, bonjour.
01:01Bonjour.
01:02Vous êtes directeur général de l'IFOP.
01:04Vous êtes également l'auteur de « Parlons-nous tous la même langue »
01:07avec Brice Socol, « Comment les imaginaires transforment la France »,
01:11qui est sorti il y a quelques semaines aux éditions de l'Aube.
01:14Première question d'abord de Naif.
01:17À l'IFOP, des sondages politiques, vous en sortez combien par an
01:21et quels sont les commanditaires ?
01:23Les sondages politiques…
01:25Les sondages politiques.
01:26Déjà, merci pour votre invitation.
01:27Je suis toujours très désireux de faire de la pédagogie,
01:30montrer les apports, montrer les limites des enquêtes d'opinion.
01:32Les sondages politiques, c'est très variable en fonction de l'actualité électorale.
01:37C'est vrai qu'en 2024, avec ces élections européennes,
01:40avec cette dissolution et donc ces législatives anticipées,
01:43on a réalisé beaucoup d'enquêtes politiques,
01:45beaucoup d'enquêtes électorales,
01:47que ce soit des enquêtes quantitatives, donc des sondages,
01:49et beaucoup d'enquêtes qualitatives.
01:51Un petit point d'abord.
01:53La plupart, vous avez dit de manière très juste
01:56que les citoyens sont soumis à beaucoup de flux d'informations,
01:59notamment des enquêtes d'opinion.
02:01Il ne faut pas oublier que les deux tiers à trois quarts
02:04des enquêtes d'opinion faites par l'IFOP sont confidentielles.
02:07Elles restent confidentielles.
02:08Elles sont commandées par des partis politiques.
02:10Elles sont commandées par des collectivités territoriales.
02:13Elles sont commandées par des journaux.
02:15Et quand il s'agit de journaux, de médias,
02:17il faut faire un partenariat avec Fiducial, TF1, LCI, Le Figaro et Sud Radio.
02:21Là, par définition, elles ne sont pas confidentielles.
02:23Ce qui, au passage, est paradoxal, puisqu'on se rend compte
02:25que la classe politique va souvent critiquer les sondages
02:28quand ils ne sont pas en leur faveur.
02:30Et pourtant, ils vous commandent des études confidentielles.
02:32Oui, alors, ils nous commandent beaucoup d'enquêtes qualitatives.
02:35Parce que c'est vrai qu'en quantitatif,
02:37il n'y avait pas besoin, par exemple, pendant les élections européennes,
02:39de nous commander des enquêtes quantitatives.
02:41Vous savez que tous les jours, et vous, les spectateurs le savent,
02:43on avait un rowing, une enquête quotidienne
02:45entre le 7 avril de mémoire, le 4 avril et le 8 juin.
02:49On a, chaque jour, donné un rapport de force électoral
02:51et toute une série de questions
02:53pour avoir sur le tendon le film de la campagne.
02:56Les partis politiques, les candidats, les écuries de campagne
02:59nous commandent plutôt des enquêtes qualitatives
03:01où il ne s'agit non pas de mesurer un rapport de force,
03:03mais de comprendre. Dans le cas de réunions de groupe,
03:05d'ailleurs, dans le livre, c'est basé sur une enquête qualitative,
03:08des réunions de groupe, des entretiens,
03:10pour essayer de voir comment se construisent des imaginaires,
03:12comment des systèmes de croyances,
03:14comment des perceptions peuvent conduire à un comportement électoral
03:18et comment essayer de sortir de l'hésitation
03:21pour choisir tel ou tel candidat, telle ou telle liste.
03:25Sur les commandes de sondage, il n'y a pas de clivage droite-gauche,
03:28la gauche, l'extrême gauche, la droite, l'extrême droite,
03:30tous commandent des sondages ?
03:32Alors, c'est très variable.
03:33Les partis de gouvernement commandent tous des sondages
03:35et il faut travailler avec tous les partis de gouvernement.
03:37Il y a deux partis pour lesquels il y a une vraie inconnue,
03:40c'est la France Insoumise qui n'en commande quasiment pas.
03:42La source, c'est par exemple les comptes de campagne de Jean-Luc Mélenchon de 2022,
03:46il n'y avait pas le moindre sondage,
03:47et le Rassemblement National qui travaille avec des petits instituts,
03:51mais pas des instituts de la place de Paris comme IFOP ou Ipsos.
03:54D'accord, donc quelque part, les Insoumis sont cohérents,
03:56c'est eux qui critiquent le plus les sondages, mais ceux qui en commandent le moins.
03:59Je ne parlais pas de cohérence, les Insoumis aussi critiquent les sondages,
04:01et parfois de manière assez grossière, pour ne pas dire vulgaire,
04:04notamment quand Jean-Luc Mélenchon avait accusé d'être membre de la famille d'Emmanuel Macron,
04:08ce qui expliquait des bons sondages IFOP pour le président de la République.
04:11Mais surtout, comment dire, les Insoumis ont une critique très forte des sondages,
04:17mais ils les utilisent sur les sites, sur les réseaux sociaux.
04:21On voit très bien, dès qu'un sondage leur est favorable, ils le poussent, c'est le jeu.
04:24Ce n'est pas l'apanage des Insoumis, d'autres forces politiques le font,
04:27mais elle s'avère beaucoup moins virilante vis-à-vis des instituts.
04:30Moi, ce que j'ai envie de dire quand même, c'est de ne pas être sur une logique,
04:33les politiques critiquent systématiquement les sondages.
04:36Je suis frappé par leur plus grande maturité,
04:38et pour la plupart, il y a un usage intelligent et raisonné du sondage.
04:43Ils savent très bien que, quand il est publié, c'est une ressource dans le champ politique
04:48qui va avoir pour but de légitimer son point de vue, de peut-être délégitimer l'adversaire.
04:54Mais il y a un usage que je trouve raisonnable dans le champ politique,
04:57nettement moins sur les réseaux sociaux.
04:59Mais ça veut dire, par exemple, que vous avez la sémantique de dirigeants de politique
05:03qui sont influencés par des sondages.
05:06Je serai du mal à vous répondre.
05:07Moi, dans ma carrière, il y a deux figures d'hommes politiques ou de femmes politiques
05:10que je n'ai jamais rencontrées, deux figures archétypales.
05:13L'homme politique qui va croire tellement aux sondages,
05:16qui va en commander tellement, qui va les regarder tellement
05:18qu'il n'aura plus aucune conviction.
05:20Sa conviction, son fort antérieur, son corpus idéologique.
05:25Ce sont des sondages que je n'ai jamais vus de manière aussi forte.
05:28Et a contrario, malgré des dénégations, malgré les affirmations ou les credos,
05:34je n'ai rarement vu un homme ou une femme politique de premier plan
05:37mettre complètement de côté les sondages, ne jamais les lire,
05:39ne pas avoir un conseiller opinion, ne pas avoir quelqu'un dans son cabinet,
05:43quelqu'un dans son équipe qui ausculterait,
05:45et qui ne serait pas les enquêtes et qui ne serait pas en rapport
05:48avec les dirigeants d'un institut de sondage.
05:50Donc la vérité, si je puis dire, sans faire de normand et un peu entre les deux,
05:54il y a des parties où il y a une vraie culture d'utilisation des sondages.
05:57Prenons le parti communiste français, le plus ancien parti français en 1920,
06:01où il y a vraiment une vraie culture, une vraie connaissance des enquêtes d'opinion.
06:04Pour d'autres, c'est vrai qu'on est plus sur de la stratégie de délégitimation,
06:09d'affirmation, d'imposition de telle ou telle thématique.
06:12Alors, quand on est un peu l'avocat du diable,
06:15on va reprendre par exemple les principaux reproches qui sont faits aux sondages.
06:18Le premier, il a été entre guillemets créé par Bourdieu.
06:21C'est-à-dire, en fait, les sondages sont là pour influencer l'opinion publique
06:25et non pas pour l'éclairer.
06:27C'est quelque chose d'important, surtout à gauche.
06:29Récemment, vous avez des personnes comme Usul,
06:31ou plus intellectuellement comme Vincent Tibéri,
06:34qui disent que la droitisation de la société française est liée en partie au sondage.
06:38Qu'est-ce que vous répondez à ces détraits?
06:40Il y a beaucoup de choses.
06:41Déjà, Bourdieu, ce n'est pas l'influence.
06:43Bourdieu et son article absolument remarquable.
06:46L'opinion publique n'existait pas, qui date de 1972-73.
06:50C'est un article daté, mais plutôt en avant quelque chose de très juste,
06:54c'est-à-dire l'imposition de thématique,
06:56le fait que dans une enquête, à l'époque c'était du face-à-face ou du téléphone,
07:00les Français sont interrogés sur des thèmes qui ne les intéressent pas,
07:03qu'ils ne maîtrisent pas.
07:06On leur pose des questions qu'ils ne se posent pas.
07:08Et c'est une critique très juste, mais ça fait très longtemps.
07:11Et c'est ce que je ne reproche non pas à Bourdieu,
07:13mais aux épigones, pour ne pas dire aux perroquets de Bourdieu,
07:16de croire que les études n'ont pas réfléchi à ça.
07:18Quand nous travaillons sur du qualitatif
07:20pour faire émerger des thématiques spontanées dans le discours des Français,
07:24quand on travaille sur des conférences citoyennes,
07:26des jurys citoyens pour former les gens sur des enjeux qu'ils ne connaissent pas,
07:30ça fait longtemps que les instituts ont travaillé sur cette remarque qui est très juste
07:35et que je me pose, que j'ai en tête systématiquement quand je fais une enquête d'opinion.
07:40Est-ce que les questions que je pose parlent au français ?
07:43Est-ce qu'elles sont comprises ?
07:44Est-ce que les mots utilisés ne sont pas polysémiques ?
07:47Est-ce que je ne suis pas à côté de la plaque ?
07:50Et ça fait longtemps que j'ai des instruments qui me permettent de corriger ces biais.
07:53C'est autre chose pour Usul, mais je ne sais pas ce que ce personnage a dit,
07:57ou Vincent Tibéri, alors je n'ai pas lu entièrement son livre,
08:01mais j'ai vu l'entretien assez intéressant avec l'ancien ministre d'éducation Jean-Michel Blanquer.
08:07Oui, ils utilisent énormément d'enquêtes d'opinion,
08:10mais l'influence des sondages, c'est une question vieille comme les sondages.
08:14Je peux venir pour vous développer un peu.
08:17Vous savez, Lucas, que la loi de 1977 qui a conduit à la création de la commission des sondages,
08:22c'était justement l'idée, comme la présidentielle de 1974 avait été extrêmement serrée,
08:27avec une victoire de 500 000 ou 600 000 voix de J. Cardestin,
08:32la crainte chez les politiques de voir les sondages influencer le vote
08:35a conduit à une interdiction de publier des sondages,
08:38à cette commission des sondages qui fait d'ailleurs très bien son travail
08:41et qui est, de mon point de vue, extrêmement utile pour réguler notre travail
08:45et justement éviter que des instituts farfelus produisent des données.
08:49Mais l'influence, si je puis dire, elle est absolument partout.
08:53Réduire le sondage à de l'influence
08:57ou réduire la question de l'influence au seul sondage
09:00me paraît extrêmement caricatural et extrêmement court en termes de raisonnement.
09:04Et vous, par exemple, est-ce que ça vous arrive dans un brief client de vous dire,
09:07et de dire directement au client, en fait, désolé, cette question, elle ne marche pas,
09:11il faut la reformuler autrement, elle est trop orientée ?
09:14C'est quasiment tous les jours, systématiquement, sur chaque enquête,
09:17enquête politique ou enquête sensible, il y a un vrai travail,
09:20et je trouve ça toujours, ça fait 25 ans que je fais ce métier,
09:23que j'ai toujours une vraie passion là-dessus,
09:25puisqu'on essaye toujours de se dire, est-ce que la question est claire ?
09:28Est-ce qu'elle est compréhensible ?
09:30Est-ce que les mots utilisés ne sont pas polysémiques ?
09:33Est-ce que, comment quelqu'un va recevoir cette question ?
09:37Et c'est vrai que c'est souvent une sorte de bataille amicale,
09:41souvent courtoise, entre un commanditaire et un institut
09:45pour essayer d'être sur le questionnaire le plus neutre possible,
09:48le mieux fait possible, sachant que, quand il s'agit de politique,
09:51n'oubliez pas que la plupart des sondages ne sont pas publiés.
09:54Pour autant, il y a ce réflexe que nous avons vraiment chevillé au corps
09:57sur les sondages publiés, qui se retrouve sur les enquêtes confidentielles,
10:01le travail de neutralité, la caution de l'institut peut être en cause,
10:05quand l'enquête est publiée, et quand on se rend compte,
10:08et c'est déjà arrivé à l'IFOP, à d'autres instituts,
10:10que finalement, le questionnaire n'était pas bien posé,
10:12il manquait une dimension à l'enquête, les questions n'étaient pas neutres,
10:16et elle induisait trop les réponses.
10:18C'est très difficile à faire, croyez-moi.
10:20Alors, on avait dit dans cette émission que je serais un peu l'avocat du diable des sondages,
10:23à votre avis, quelle est la question qui revient le plus,
10:26et quelle est l'action que je vais vous poser ?
10:28Parce que vous allez la voir venir.
10:30Oui, il y en a deux, il y a celle de l'influence des sondages,
10:32on y a un petit peu répondu, mais je peux la développer plus,
10:36en vous donnant un argument.
10:38Il y a quelques années, j'avais fait une enquête pour le SYNTEC,
10:40le syndicat des instituts d'études de sondage d'informatique,
10:42sur les sondages.
10:43C'est un peu le serpent qui se mordait la queue,
10:45et je demandais à un échantillon d'électeurs,
10:47est-ce que les sondages influencent le vote des électeurs ?
10:51La réponse était oui à 75%.
10:54Puis, quelques questions après,
10:56est-ce que ces sondages électoraux influencent votre propre vote ?
10:59Le oui était à 13%.
11:01C'est-à-dire que l'influence, ce n'est pas moi, c'est les autres,
11:03mais ce n'est pas satisfaisant.
11:0513%, vous ramenez ça au corps électoral,
11:07c'est infiniment plus de monde que les 500 000 voix ou 600 000 voix
11:11qui ont manqué à François Fillon en 2017,
11:14ou 200 000 voix qui ont manqué à ce pauvre Lionel Jospin
11:17le 21 avril 2022 pour éviter Jean-Marie Le Pen au second tour.
11:21Mais, je le répète, faire reposer toute l'influence
11:24lors d'une élection sur les sondages n'est absolument pas sérieux.
11:27Toute l'influence, un débat télévisé,
11:29on a bien vu la force de dynamique des débats,
11:32notamment en 2017 ou en 2012,
11:34les professions de foi, les discussions en famille,
11:36chez les jeunes, et ça fait partie de mes travaux de prédilection,
11:39les réseaux sociaux, TikTok, Instagram,
11:41qui ont été les premiers vecteurs d'information
11:43pour les primes votants dans les européennes.
11:45L'influence est partout, il ne faut pas la réduire
11:47de manière caricaturale, et je le dis un peu directement,
11:50un peu stupide, aux seules enquêtes d'opinion.
11:52L'autre question, c'est les sondages se trompent souvent.
11:55Voilà, et il y a plusieurs exemples.
11:57On peut dire d'abord le 21 avril 2002.
11:59D'accord.
12:00Les régionales de 2015 où on n'a pas anticipé...
12:02Non, 2021.
12:03Non, non, non.
12:042015, ça a été absolument parfait du côté de l'IFOP.
12:07Celle où on n'avait pas anticipé le sous-vote
12:09Rassemblement National et l'abstention des électeurs RN.
12:12C'était 2021.
12:13OK.
12:142015, c'est Marine Le Pen qui fait 40% en Nord-Pas-de-Calais.
12:17Picardie, ça ne fait pas encore Hauts-de-France.
12:19Et Marion Le Maréchal, 40% en Sud.
12:21D'accord, donc 2021.
12:22Et les enquêtes de l'IFOP avaient été plutôt parfaites.
12:24Et aussi le serpent de mer, c'est le vote Mélenchon
12:26en deux dernières présidentielles,
12:28qui est toujours, entre guillemets, sous-estimé,
12:30et qui décolle dans les dernières semaines.
12:32Il s'est passé la même chose, d'ailleurs,
12:34pour les européennes avec Manon Bry.
12:36Comment ça s'explique, ces erreurs ?
12:37Alors, ce ne sont pas des erreurs.
12:39Je suis vraiment...
12:40Je suis très, très, très droit dans mes bottes,
12:42si je puis dire, sur ces cas-là.
12:43Le 21 avril 2002, il y a une forme de légende urbaine.
12:46Aucun sondage n'avait donné Jean-Marie Le Pen au second tour.
12:49Mais toutes les enquêtes avaient montré l'érosion
12:51de Lionel Jospin dans les enquêtes IFOP.
12:53Et je suis à l'aise pour le dire,
12:54parce que je n'étais pas à l'IFOP à cette époque-là.
12:56Jospin finit à 16,5.
12:58Au point de l'enquête CSA, où je travaillais,
13:00donnait Jean-Marie Le Pen à 15 ou à 15,5,
13:02avec mon ami Roland Quirol et Stéphane Rosès.
13:05Et c'est vrai qu'on avait été frappés
13:08par les courbes qui se rapprochaient.
13:09Mais c'était un moment particulier,
13:11un momentum,
13:12où tout le monde voyait la présidentielle
13:14comme la conclusion de ces cinq années de cohabitation.
13:17C'est un avanglement, si je puis dire, collectif,
13:19puisque le narratif,
13:21je n'aime pas ce terme,
13:22du débat politique entre 1997 et 2002,
13:24ce n'était que les cohabitants vont finir par s'affronter.
13:27S'il y a eu une erreur,
13:29ou plutôt une mauvaise estimation des sondages,
13:31infiniment plus grave,
13:32mais tout le monde l'a oublié,
13:33ce n'est pas 2002, Lucas, c'est 1995.
13:36Où il n'y a pas eu un sondage
13:38qui a donné Lionel Jospin en tête.
13:41Puisque Lionel Jospin en tête,
13:43on était toujours sur la dynamique de Jacques Chirac.
13:45En fin de campagne, Jacques Chirac a baissé,
13:47Balladur en a profité pour remonter,
13:49pour resserrer l'écart,
13:50et c'est Jospin qu'on a profité pour arriver en tête.
13:52Là, il y a eu quelque chose
13:54qui n'était jamais arrivé dans une enquête,
13:56puisque le premier n'avait pas été donné une seule fois premier.
14:01En 2002, Jacques Chirac avait été donné premier,
14:04et comme je vous le disais,
14:05c'était un contexte collectif,
14:07où dans le contexte de la fin de la cohabitation,
14:09personne ne voyait autrement que...
14:11Certains l'avaient dit,
14:12Laurence Paré avait dit à la radio,
14:15la fameuse intervention au bureau politique du PS,
14:18de Gérard Le Gall, le politologue,
14:20qui dit qu'il y a un risque statistique
14:22que Lionel soit devancé par Jean-Marie Le Pen,
14:24mais ça a été que des éléments épars
14:27d'un moment collectif qui était
14:29la cohabitation ne peut se terminer que par la revanche de 95.
14:32Il y avait aussi une vidéo assez connue
14:33où on demande à Lionel Jospin
14:34qu'est-ce que vous faites
14:35si Jean-Marie Le Pen est au deuxième tour ?
14:37Lui, je vous en prie, soyons sérieux.
14:39Voilà, c'est pas son autre chose, il disait...
14:41Mais voilà, il y avait ce moment collectif.
14:432021, effectivement,
14:45sauf dans les régions où l'URN est plutôt faible,
14:47c'est-à-dire par exemple l'Île-de-France,
14:49les fondations ont surestimé l'URN,
14:51qui est plus touchée par l'abstention.
14:53Je noterais que ça risque pas d'arriver maintenant
14:55puisque l'URN a tellement élargi son centre électoral
14:57que l'URN arrive en tête chez les personnes âgées.
15:00N'oublions pas ça aux élections européennes de 2024.
15:04C'est clair que cette question
15:06de l'assèchement du vote RN par une abstention forte
15:08est maintenant vraiment derrière nous.
15:11Jean-Luc Mélenchon, les sondages,
15:13l'IFOP en a fait, comment dire,
15:15systématiquement dans le cadre de Rolling
15:17en 2017 et 2022.
15:19En 2017, nous finissons, Mélenchon,
15:21dans le Rolling, à 19 ou 19,5.
15:23C'est le score qu'il fait au final le 23 avril 2017.
15:29En 2022, c'est vrai, dans notre dernier Rolling,
15:31nous avons Mélenchon à 18,5 ou 19.
15:33Il fait plus de 22.
15:35Cette sous-estimation est réelle.
15:37La dynamique avait été vue
15:39puisqu'il a gagné quelques points
15:41dans les dernières semaines,
15:42mais il faut dire ce qui est,
15:43il y a un électorat des banlieues,
15:45des quartiers, des Français de confession musulmane
15:47qui n'est pas assez représenté
15:49dans nos panels,
15:51puisqu'il n'y a pas de quotas
15:53sur ce segment-là,
15:55qui fait qu'on n'a pas pu mesurer
15:57à ce point-là, si je puis dire,
15:59la dynamique de Mélenchon.
16:01Je noterais quand même que Mélenchon a été éliminé
16:03trois fois à chaque élection présidentielle.
16:05Et là, les sondages l'ont parfaitement vu.
16:07Deux petites choses pour vous dire sur tout ce que vous dites.
16:09En 2002, nous autres les journalistes,
16:11quand on faisait les rapports d'études,
16:13on ne parlait pas des variables.
16:15On ne disait pas, ce candidat a 16,
16:17ce candidat va faire 14 ou 18.
16:19On ne parlait pas des marges d'erreur.
16:21Aujourd'hui, on parle des marges d'erreur.
16:23Donc, quelque part, on a été éduqué.
16:25Oui, il y a une vraie pédagogie qui s'est faite.
16:27De la même manière, en 2002,
16:29les dépêches AFP, Lucas, ne titraient que sur le second tour.
16:31Maintenant, c'est quasiment fini.
16:33On ne parle que du premier tour,
16:35puisqu'autant, dans un premier tour,
16:37on met les Français en situation de vote.
16:39Si dimanche prochain devait avoir lieu
16:41l'élection présidentielle ici, dans notre pays,
16:43pour quel candidat voteriez-vous ?
16:45Il manque une dimension fondamentale.
16:47La connaissance des résultats du premier tour.
16:49C'est pour ça que l'IFOP,
16:51très la plupart du temps,
16:53et là, on ne le fait absolument pas jusqu'à au moins
16:55un an ou six mois avant la présidentielle,
16:57on ne posera pas de questions de second tour.
16:59On reste à se focaliser sur le second tour
17:01avec une offre électorale d'ici 2027 extrêmement peu connue.
17:03D'autant plus, et ça, c'est aussi un autre
17:05point de critique sur les sondages,
17:07c'est que souvent, on fait des sondages sur la présidentielle
17:09trois ans, quatre ans avant l'élection
17:11sans même connaître les candidats.
17:13Quelle est l'utilité de faire ça ?
17:15Est-ce que c'est des clients qui vous le demandent ?
17:17Et vous, pourquoi vous dites oui,
17:19sachant que finalement, on n'en sait rien ?
17:21Mais vous faites un vrai contresens.
17:23Ces sondages ne sont pas là pour donner
17:25les résultats de l'élection présidentielle.
17:27Ils sont là pour donner, voilà,
17:29le rapport de force électorale aujourd'hui,
17:31si la présidentielle aurait lieu dimanche prochain.
17:33C'est une manière, c'est une autre manière
17:35de voir le rapport de force électorale,
17:37de voir la situation politique,
17:39et bien sûr, l'IFOP et ses confrères,
17:41et surtout l'IFOP, j'ai envie de dire,
17:43on teste énormément de configurations.
17:45Ce type de sondage a permis
17:47de montrer dès 2014
17:49que François Hollande était
17:51extrêmement démonétisé.
17:53Il n'arrive jamais en situation d'être au second tour.
17:55Ces sondages ont montré
17:57dès 2010 que Nicolas Sarkozy
17:59était systématiquement battu.
18:01Il était dans l'incapacité
18:03de gagner un second tour,
18:05même s'il pervenait, la plupart du temps,
18:07à se qualifier pour le second tour.
18:09Ces sondages, il ne faut pas les prendre
18:11comme un pronostic, ce ne sera jamais un pronostic,
18:13mais comme une indication,
18:15une autre manière de voir la réflexion,
18:17le rapport de force électorale.
18:19On parlait de Jean-Luc Mélenchon,
18:21on a publié il y a quelques semaines une enquête
18:23avec le Figaro Magazine, Fiducial et Sud Radio,
18:25où pour la première fois, les excès,
18:27les outrants de Jean-Luc Mélenchon semblaient se payer
18:29puisqu'il était en dessous de 10%
18:31dans toutes les hypothèses testées,
18:33alors qu'auparavant,
18:35jusqu'à l'avant-élection européenne
18:37et législative, même malgré le bruit
18:39de l'affaire, malgré sa stratégie
18:41du chaos, de la bandalisation,
18:43il arrivait à être très fortement devant à gauche.
18:45C'était moins le cas dans l'enquête
18:47du Figaro Magazine,
18:49qui bien sûr demandait de confirmer.
18:51On a parlé très brièvement des marges d'erreur.
18:53Est-ce que vous pouvez expliquer
18:55aux personnes qui nous regardent quelles sont les marges d'erreur,
18:57comment ça fonctionne,
18:59comment on les interprète, ça me paraît très important
19:01pour comprendre les sondages.
19:03Ces marges d'erreur, on appelle aussi intervalles de confiance,
19:05en théorie, ne marchent
19:07que pour la méthode probabiliste,
19:09pour la méthode aléatoire.
19:11Or, toutes les enquêtes sont faites selon la méthode des quotas.
19:13C'est-à-dire qu'en France, on a
19:15un institut formidable qui s'appelle l'INSEE,
19:17qui permet à l'échelle d'un pays,
19:19d'une région, d'un département,
19:21d'une commune, d'une circonscription, d'un canton, d'un quartier,
19:23de donner une structure.
19:25Il y a dans ce quartier, cette circonscription,
19:27ce pays, tant d'hommes, tant de femmes,
19:29tant de personnes âgées, tant de jeunes, etc.,
19:31quel que soit, et tant de personnes
19:33selon leur catégorie sociale.
19:35Donc théoriquement, la marge d'erreur
19:37ne s'applique pas à la méthode des quotas.
19:39Par convention, on l'applique,
19:41c'est-à-dire qu'en fonction
19:43du nombre de personnes interrogées
19:45et du pourcentage, on a
19:47une sorte de
19:49schéma qui dit que quand vous
19:51interrogez 800 personnes et que le chiffre
19:53est de 25 %, le chiffre
19:55réel est de
19:572,1 %.
19:59C'est-à-dire que c'est entre
20:0123 et 27 pour être très caractéristique.
20:03C'est pour 800 personnes.
20:05Je n'ai pas le chiffre en tête, mais maintenant,
20:07on fait ça à l'IFOP depuis 2011.
20:09Depuis qu'un institut avait fait
20:11une enquête un peu étrange qui donnait Marine Le Pen
20:13devant Dominique Strauss-Kahn et devant
20:15Martine Aubry
20:17à l'élection présidentielle.
20:19Donc l'IFOP, systématiquement, dans
20:21toutes nos enquêtes, nous faisons
20:23figurer le tableau
20:25de marge d'erreur ou d'intervalle
20:27de confiance.
20:28Finalement, nous autres, les journalistes ou les commentateurs,
20:30quand on commente les sondages, on fait aussi des erreurs.
20:32Quand on dit que tel candidat est à 18 %,
20:34on devrait dire qu'il est entre
20:3616 et 22 %.
20:38Ce n'est pas tenable en termes de commentaires, mais ce que je
20:40reproche aux journalistes amicalement,
20:42pas tous, parce que certains ont acquis une vraie
20:44connaissance des enquêtes d'opinion.
20:46Tout est sous vos yeux.
20:48Vous avez tout à portée de main.
20:50Toutes les enquêtes publiées de l'IFOP, d'Ipsos
20:52ou d'Opinion Neue ou certains de nos confrères
20:54se trouvent sur nos sites.
20:56Et quand vous allez
20:58sur le site de l'IFOP, vous prenez par exemple
21:00notre dernière enquête publiée, prenons notre balise
21:02d'opinion pour Sud Radio, où nous ne travaillons
21:04que sur la code des partis politiques.
21:06On a la méthodologie, quand l'enquête a été
21:08faite, la marge d'erreur,
21:10les ventilations, c'est-à-dire
21:12sur un chiffre global, comment ils se
21:14déclinent, comment ils se ventilent en termes de sexe,
21:16d'âge, de profession, de région,
21:18de catégorie, de numération. La question des ruraux
21:20est toujours très importante, de proximité
21:22politique et comment la question a été
21:24posée. Et je reviens sur votre remarque
21:26juste sur Bourdieu.
21:28Les sondages, c'est une question
21:30de mots, de compréhension des mots,
21:32comment les mots sont compris,
21:34comment les mots sont appréhendés.
21:36Quand on dit à des Français vivant en commune rurale
21:38et qui dépendent à 70%
21:40de leur voiture, quand on leur parle de
21:42mobilité, ça les fait rire.
21:44Ça ne les concerne pas. Donc la question,
21:46plutôt l'enjeu,
21:48de voir comment les questions sont posées, est un enjeu
21:50fondamental. Et quand il s'agit d'enquêtes
21:52publiées, je dis ça aussi pour vos téléspectateurs,
21:54c'est tout est
21:56à la portée, tout est à la
21:58merci, tout est à la portée des personnes
22:00pour aller voir le travail des instituts
22:02plutôt qu'être sur une critique un peu systématique,
22:04globalisante et qui n'est pas
22:06très assurante. Donc le message que vous dites
22:08aux téléspectateurs, c'est vraiment
22:10renseignez-vous. Mais d'ailleurs, on est obligé de
22:12mettre en théorie la notice.
22:14En théorie, moi je vois
22:16de très nombreux médias, de chaînes
22:18d'infos où on ne cite pas d'enquête,
22:20on met en tout petit la méthodologie.
22:22Une question, une remarque toute bête,
22:24la date de terrain, l'enquête
22:26JDD du mois de septembre qui est faite sur
22:28deux semaines, entre la première enquête
22:30et la deuxième enquête, la première vague de la deuxième vague,
22:32l'accueil du Premier ministre Michel Barnier a reculé
22:34de six points. On sait très bien que c'est
22:36un effet impôt, crainte des hausses d'impôt.
22:38Il était très utile à mon avis
22:40de rappeler quand cette enquête avait
22:42été faite et de rappeler ce détail-là qui n'en est
22:44pas. Donc en fait, quand on fait le procès des sondages,
22:46vous en tant que sondeur, vous faites aussi, entre guillemets,
22:48et je le comprends tout à fait, le procès des commentateurs
22:50des journalistes. Non, je ne vais pas être là-dessus,
22:52en plus moi je travaille avec beaucoup de bonheur,
22:54avec beaucoup de journalistes, et c'est toujours
22:56des moments très intéressants,
22:58mais je trouve qu'il y a une certaine paresse
23:00et une certaine méconnaissance
23:02quand tout est à disposition,
23:04je ne dis pas ça pour tous les journalistes,
23:06il y en a au contraire, je ne vais pas
23:08donner de noms, mais il y en a avec qui je travaille depuis 10 ans,
23:1015 ans, 20 ans, et qui connaissent parfaitement
23:12ces affaires, mais j'entends
23:14le procès qu'on peut faire au sondage,
23:16le sondage, et je le dis systématiquement,
23:18ce n'est pas la réalité,
23:20c'est une perception du réel,
23:22qui a des limites, qui a des points faibles
23:24dans l'absolu,
23:26mais qui, un sondage,
23:28en comparaison avec un réseau social
23:30où c'est du bouillonnement,
23:32de la caricature,
23:34très très souvent,
23:36aucune représentativité, en comparaison
23:38avec un politique
23:40qui dira que les sondages ne sont pas utiles,
23:42je fais la tournée des bistrots,
23:44je vais sur les marchés,
23:46je vais sur le terrain,
23:48le sondage reste, si je peux dire,
23:50l'alpha et l'oméga,
23:52le moins mauvais moyen pour essayer,
23:54à l'échelle par exemple d'une ville ou d'un pays,
23:56de connaître, d'identifier
23:58les éléments qui structurent l'opinion publique.
24:00Alors, question par exemple concrète,
24:02pour un journaliste comme moi qui veut écrire
24:04ou qui veut parler d'un sondage.
24:06Admettons, je parle d'un sondage IFOP,
24:08pour par exemple des élections
24:10présidentielles.
24:12On va me dire, j'ai le vote global
24:14par candidat. À l'intérieur des sondages,
24:16on a toujours des ventilations,
24:18par âge, par homme, par femme, par lieu de résidence,
24:20par religion.
24:22Mais ces sous-catégories sont souvent avec des effectifs
24:24très faibles. Est-ce qu'on peut les utiliser ?
24:26Est-ce que c'est fiable ?
24:28Est-ce qu'on peut par exemple parler, je ne sais pas moi,
24:30du vote des catholiques ou du vote des 50-60 ans,
24:32si on a seulement une centaine
24:34de personnes dans le sous-échantillon ?
24:36C'est une très bonne question. Déjà, dans les sondages
24:38publiés, prenons un sondage
24:40présidentiel, notre dernier, j'en parlais,
24:42au mois de septembre, pour le fait Grand Magazine
24:44et Sud Radio, un sondage IFOP fiducial.
24:46On a, sur notre site,
24:48le rapport complet avec des ventilations.
24:50Il est offert auprès de 1200-1500
24:52personnes. C'est vrai que quand on a
24:54un sous-échantillon faible, on le dit,
24:56on le fait figurer. Naturellement,
24:58sur le vote présidentiel 2022,
25:00on ne le fait pas figurer.
25:02Le vote Poutou, le vote Artaud, le vote Dupoignant,
25:04les votes qui n'ont pas beaucoup
25:06d'intérêt parce qu'il n'y a pas assez de monde
25:08pour avoir une donnée précise.
25:10C'est pour ça que, et c'est une bonne
25:12remarque que vous faites, c'est toujours très intéressant
25:14d'avoir des échantillons très forts,
25:16très gros. Quand nous faisons notre ligne
25:18européenne, on a dû interroger sur toute la période
25:20environ 30 000 personnes, ce qui nous a permis
25:22à des moments précis, toutes les deux semaines,
25:24toutes les trois semaines, de cumuler
25:26ces données pour avoir, cette fois-ci,
25:28non pas 500 femmes,
25:30mais 3000. Non pas
25:32200 électeurs Macron du
25:3410 avril 2022, mais 2000.
25:36Donc, c'est une manière d'avoir
25:38des gros échantillons. C'est ce que fait mon
25:40confrère Imsos avec son panel,
25:42avec Le Monde et la Fondation Jean Jaurès,
25:44où il parle de 15 000 personnes
25:46pour avoir des, non pas, ça ne change rien
25:48en termes de marge d'erreur sur les résultats globaux,
25:50mais ça permet d'avoir une plus grande souplesse,
25:52une plus grande capacité d'analyse par
25:54grande catégorie. C'est quelque chose
25:56que j'ai en tête. On a fait une enquête très
25:58récemment sur les viols de Mazan,
26:00le procès de M.
26:02Pellicot et l'affaire
26:04Gisèle Pellicot. Et
26:06à faute de temps, on n'a interrogé que
26:081000 personnes. Dans un monde idéal,
26:10j'aurais bien voulu en faire 2000. J'aurais fait
26:12un petit effort budgétaire, ce n'est pas grave,
26:14mais 2000, ça me permettait d'avoir plus de
26:16femmes, plus de jeunes femmes, plus de
26:18jeunes garçons, parce que sur ces questions,
26:20on parle beaucoup du clivage politique. Je montre dans
26:22le livre que le clivage partisan s'est
26:24véritablement effondré, le clivage de droite,
26:26mais le clivage générationnel, couplé
26:28au clivage de genre, sont
26:30de plus en plus des critères discriminants
26:32et segmentants. Je vous posais cette question sur
26:34cet échantillon. Je me souviens que moi, pendant
26:36les européennes, je devais rédiger un vote,
26:38un article sur le vote des jeunes.
26:40On s'était retrouvé, par exemple, avec François-Xavier
26:42Bellamy, qui était à
26:447% global, mais 17%
26:46chez les 18-24 ans, donc forcément, ça interpelle.
26:48Ça interpelle, et c'est pour ça que moi,
26:50dans les élections européennes, j'ai travaillé avec
26:52l'Anasège, c'est une association
26:54qui fait en sorte que les jeunes s'inscrivent sur les
26:56sélectorales. Avant chaque élection, depuis 10 ans,
26:58on fait une grande enquête auprès des primo-votants, des jeunes,
27:00et là, on en a interrogé, de mémoire,
27:021500. Et là, on n'a pas eu
27:04ce problème de marge d'erreur qui a pu toucher,
27:06par exemple, le candidat Bellamy, même si,
27:08au final, dans notre sondage du jour du vote,
27:10il a fait un score chez les 18-24 ans
27:12assez important pour un
27:14candidat, entre guillemets, marqué à droite.
27:16– Dernière question, un peu
27:18prospective, quel est le futur pour vous
27:20des sondages d'opinion, des sondages politiques ?
27:22Est-ce qu'il y en aura de plus en plus ? Est-ce qu'il y en aura
27:24de moins en moins ? Est-ce que les méthodologies
27:26vont encore s'affiner ?
27:28Est-ce que, par exemple, les moyens techniques permettront
27:30d'avoir des échantillons beaucoup plus larges ?
27:32– Moi, je suis toujours sur cette logique
27:34d'échantillons plus larges, avec des
27:36rolling pour les élections nationales,
27:38je suis toujours sur une logique d'hybridation
27:40mixée du qualitatif, du quantitatif,
27:42l'observation des réseaux sociaux
27:44pour trouver des signaux faibles,
27:46les conférences citoyennes pour sortir
27:48d'une logique verticale
27:50liée au sondage, mais une logique plus
27:52horizontale en formant des citoyens
27:54sur un sujet, même si ça coûte bien cher,
27:56il faut trouver des
27:58commanditaires, il faut travailler aussi
28:00beaucoup avec l'intelligence artificielle, qui
28:02viennent des vrais assistants, ils ne remplacent
28:04pas l'humain. Je me
28:06souviens, on a dit que notre métier allait mourir quand
28:08on est passé du face-à-face au téléphone, du téléphone
28:10au online, quand il y a eu
28:12Filterice en 2017 pendant la présidentielle,
28:14on a souvent essayé
28:16d'enterrer notre métier,
28:18mais il est toujours vaillant parce qu'il repose
28:20sur de l'humain, sur de l'écoute
28:22de l'opinion publique, et je trouve
28:24la question de l'écoute qui, selon moi,
28:26est au cœur de la crise du politique
28:28entre représentant et représenté, rien que
28:30cette question, la dimension
28:32d'écoute de grande oreille que constitue
28:34une enquête sur l'état d'opinion
28:36et elle fait que notre métier, et je l'espère,
28:38j'espère ne pas avoir mis de lunettes roses,
28:40ce métier a toujours pour
28:42moi beaucoup d'avenir. Ce sera le mot de la fin
28:44qui est positif. Merci beaucoup
28:46à Frédéric Dhabi d'être venu nous
28:48parler à temps.