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Mardi 10 décembre 2024, TEMPS LONG reçoit Rachid Temal (Sénateur PS du Val d’Oise)

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00:00Bonjour à tous. Bienvenue dans Ton Non, l'émission politique de Be Smart For Change. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Rachid Temal. Rachid Temal, bonjour.
00:16Bonjour.
00:17Vous êtes sénateur PS du Val-d'Oise. Vous avez été premier secrétaire du Parti socialiste. Vous êtes actuellement membre du bureau national.
00:25Tout à fait.
00:26Alors, en guise de lancement, je fais quelque chose de pas très orthodoxe. Je m'adresse aux téléspectateurs. Vous êtes peut-être de gauche.
00:32Vous avez sûrement des connaissances qui sont de gauche. Vous avez peut-être remarqué depuis quelques années une tendance.
00:38C'est que les moins de 35 ans sont plutôt enclins à voter pour la gauche radicale, c'est-à-dire LFI. Et les plus âgés, eux, restent fidèles à la social-démocratie,
00:48c'est-à-dire le PS. Quel est l'avenir pour la social-démocratie ? Est-ce qu'elle devient un truc de vieux ? Est-ce qu'elle peut renaître de ses cendres,
00:56arriver au pouvoir ? On va aborder toutes ces questions avec Rachid Temal. Alors d'abord, première question, vraiment pour planter le décor.
01:04Quelle est votre définition du socialisme ? Et quelle est votre définition de la gauche radicale ?
01:11Alors c'est un débat qui est vieux comme la gauche, puisque je rappelle que ce débat-là de la diversité de la gauche, elle date de la naissance de la gauche,
01:20c'est-à-dire après la Révolution française. Si je prends aujourd'hui, pour la gauche que je représente, là où je me retrouve, les socialistes,
01:28c'est une gauche qui dit à la fois « il faut de l'espoir, il faut améliorer la vie des gens », et puis ça passe par des compromis, c'est-à-dire il faut que,
01:36par la voie démocratique, on puisse faire des compromis pour que le pays avance. La gauche radicale, je veux dire, elle peut avoir le même objectif que nous,
01:44sauf qu'elle n'est pas dans le compromis. C'est-à-dire nous, nous sommes, par exemple, les socialistes, ce qu'on appelle le keynésianisme,
01:50la question de l'État-providence, la question du compromis entre le capital et le travail. C'est, je crois, des différences notables entre ces deux familles politiques.
01:59Ces deux familles politiques, depuis 2022, sont officiellement alliées. OPS, vous faites partie de ceux qui disent que l'alliance, c'est une sorte d'alliance entre la carpe et le lapin.
02:08Vous n'êtes pas favorable à l'alliance avec la FI. Pourquoi ?
02:13Non, je pense que depuis quelques années, on regarde la gauche de façon très statique. Et certains pensent que la politique, ce sont des mathématiques. Mais c'est totalement faux.
02:25En politique, quand vous additionnez 15% et 15%, ça ne fait jamais 30. Soit ça ne fait jamais... C'est pas le bon sens. Moi, je crois la dynamique.
02:34Et d'ailleurs, quand on regarde l'histoire, je reprends un exemple. En 1965-69, les communistes et très hauts, les socialistes ont su remonter. Pourquoi ?
02:43Parce qu'ils ont su aussi proposer des choses en adéquation avec les Français. La question qui nous est posée aujourd'hui, les socialistes, c'est comment,
02:49pour quelqu'un qui touche le SMIC, on peut lui apporter des choses. Par exemple, faire en sorte de pouvoir payer son électricité et d'éviter que son gamin, il dorme avec des anoraks.
02:57Ou faire en sorte que le 15 du mois, quand il ouvre son frigo, il n'y ait pas que la lumière dedans. Les sociétés capables de penser le monde très lointain.
03:04Aujourd'hui, comment on fait pour... C'est quoi le travail ? C'est quoi apprendre quand vous avez l'intelligence artificielle ? C'est quoi les relations internationales
03:13quand vous avez parfois la guerre dans le monde et de nouveaux conflits ? Donc les socialistes ont cette capacité de lier le quotidien et le plus lointain,
03:21et toujours dans cette idée de... Il faut, à un moment donné, produire pour pouvoir redistribuer. Donc c'est ça aussi le compromis historique des socialistes.
03:29Alors je sais que depuis 2 siècles, je l'ai dit, c'est toujours ce débat-là. Sauf que dans la réalité, à chaque fois que la gauche est au pouvoir, c'est parce que les socialistes
03:37ont su gagner les élections. Et à chaque fois que la vie des Français s'est améliorée sensiblement, c'est quand les socialistes sont au pouvoir.
03:43De Léon Blum jusqu'aux années avec Hollande, en passant par Mitterrand ou Jospin, ou même il y a eu un bout, Guimolet, tout ça, c'est la gauche qui a produit
03:53des vacances, des débuts du congé payé jusqu'à la fin de la peine de mort, la carte de séjour de 10 ans pour les étrangers, etc., etc., etc.
04:01Je pourrais lister une longue liste. C'est toujours la gauche, socialiste notamment, qui la porte. Donc c'est pour ça que le débat, c'est pas seulement de dire
04:10« On voudrait que... » Nous, notre question, les socialistes, par rapport à la gauche radicale, c'est que notre problème, c'est comment concrètement
04:15on prend le pouvoir, comment on exerce le pouvoir pour changer la vie des gens. C'est une nuance, là aussi, de fond.
04:22— Et alors justement, pour arriver à ce pouvoir, qu'est-ce que vous préconisez ? Vous dites en fait que l'alliance derrière la gauche radicale et derrière un candidat
04:29de la gauche radicale, ça ne marchera pas. — Bah aujourd'hui, quand vous devez... Je rappelle que la gauche en France, si on prend ces dernières années,
04:36elle est entre 28-30%. Donc pour gagner l'élection en France, il nous en manque plus de... Si on en a 30, il nous en manque plus de 20. Bon.
04:46Les 20, ça veut dire qu'il faut dépasser son camp. Et donc dépasser son camp, c'est-à-dire qu'il faut allergir à d'autres personnes.
04:52Et je crois que la gauche radicale, en tout cas si on prend le cas de Jean-Luc Mélenchon, parce que c'est lui dont il s'agit, il ne peut pas...
04:59Déjà, rassembler la gauche, c'est compliqué. Mais aller élargir au-delà de la gauche, c'est juste impossible. Alors qu'un socialiste, il a en capacité
05:06de rassembler la gauche et d'élargir à des gens qui sont – on va dire – moins portés sur nos valeurs de venir dans le dispositif.
05:14Ça a été le cas avec François Hollande. Ça a été le cas avec Lionel Jospin. C'était le cas avec François Mitterrand, par exemple.
05:21Donc c'est ça, la question. Alors qu'est-ce qu'il faudrait faire ? La première chose à faire, c'est que les socialistes doivent repenser le monde.
05:27En fait, dans tout mouvement politique, la question, c'est la doctrine. C'est-à-dire concrètement, c'est quoi la société idéale que l'on propose aux habitants,
05:34en leur disant « Voilà, si vous votez pour nous, voilà ce qu'on est capable de faire ». Donc je l'ai dit, de produire pour redistribuer,
05:41de faire en sorte que le déterminisme social soit moins important quand vous rentrez – je rappelle – dans l'école qui aujourd'hui produit des inégalités,
05:50pour progresser dans la vie, pour sauver la planète, etc., etc. Ça, c'est les questions qu'il faut qu'on trouve. Et aujourd'hui, les socialistes, c'est ça qui manque.
05:56Les gens savent ce que sont les socialistes. Mais ils disent « Mais qu'est-ce que vous pensez ? Qu'est-ce que vous proposez ? ». Et donc c'est ça, la dynamique.
06:02Et à partir de cela, il y aura la question des alliances. Mais c'est comme ça que les gens viennent à nous. Parce qu'il y a aujourd'hui des gens – je vais aller jusqu'au bout de la logique –
06:09il y a des gens qui ont peut-être voté effectivement Jean-Luc Mélenchon ou aussi l'extrême droite en disant « Il faut tout changer », parce qu'ils sentent qu'ils sont oubliés.
06:19Ils sentent que quand ils payent des impôts, ils n'ont plus de service public. Eh bien, ces gens-là sont incapacités de comprendre que si jamais nous savons réviser notre doctrine
06:28et si nous sommes au pouvoir, alors leur vie changera. C'est ça qu'il faut penser. Il ne faut pas penser qu'à un bout du marché, entre guillemets.
06:34Il faut penser aux Français et à la France. C'est ça qui doit nous guider, nous, les socialistes.
06:38Je rebondis sur ce que vous dites sur l'armature idéologique. Je vais vous donner un exemple très simple de journaliste.
06:43On était plusieurs journalistes en 2022 à comparer les programmes des candidats. On avait essayé, en tout cas moi à mon échelle, de regarder ce que proposait par exemple Anne Hidalgo en matière de défense,
06:53en matière d'IA. On n'a strictement rien trouvé. Inversement, quand on regardait le programme de l'avenir en commun, le programme vaut ce qu'il vaut, mais il existait.
07:03Comment l'EPS a perdu justement toute cette capacité intellectuelle ? Pourquoi il n'arrive plus à penser ? Pourquoi il est juste, on va dire, dans des considérations tactiques ?
07:12Qu'est-ce qui s'est passé en une dizaine d'années ? Comment on en est arrivé là ?
07:15Je crois qu'il faut retrouver... Vous savez, je dis souvent en boutade, mais l'EPS aujourd'hui, c'est un peu l'équipe de France de football avant 1998.
07:24Comme si on avait pu se plaisir cette connaissance, ce goût de gagner. Et donc, je crois qu'il faut le retrouver.
07:29Et si je prends l'exemple que vous citez, par exemple sur la défense. Moi, je suis vice-président de la commission des affaires étrangères de la défense du Sénat.
07:37J'ai piloté avec mes amis tout le combat, le débat sur la loi de programmation militaire.
07:43Je peux vous dire que les socialistes l'ont bonifiée, cette loi. Et les socialistes l'ont votée.
07:47Parce que depuis longtemps, notamment avec François Mitterrand, nous faisons la dissuasion nucléaire, aussi notre étendard,
07:54des éléments tactiques ou stratégiques pour défendre notre pays, en interne ou en externe.
07:59Donc le problème, c'est que ça n'a pas su être mis en avant. Ça, nous pouvons le mettre en avant.
08:02Effectivement, nous n'avons pas la même doctrine que d'autres. Nous considérons que la démocratie, elle ne peut pas être...
08:07Je sais que, par exemple, vous parliez d'un autre candidat. Il était plutôt sur l'alliance bolivarienne, je crois.
08:14Et c'est assez très, j'allais dire, poutinien et chervaisien. Bon, bah nous, par exemple, c'est pas du tout notre ligne de conduite.
08:21Nous considérons, nous, que oui, la Russie, ce qu'elle mène, la guerre qu'elle mène d'invasion contre l'Ukraine, nous défendons l'Ukraine.
08:28C'est pas le même programme que ce que vous avez cité. Oui, nous considérons qu'aujourd'hui, la Chine pose problème si on parle de Taïwan ou d'autres choses.
08:34J'ai été le rapporteur d'une commission d'enquête sur les ingérences étrangères malveillantes qui est sortie cet été.
08:41Eh ben, on a pu identifier qui ? Des Russes, des Chinois et d'autres qui font des ingérences.
08:47Donc à gauche, nous sommes là. Il faut peut-être que... Vous avez raison de le dire, il faut qu'on soit meilleur même dans ce qu'on produit quand on doit produire.
08:55Il y a des choses à faire, je l'ai dit, et puis peut-être dans la communication. Mais je l'assure que sur la question de défense, là-dessus, les socialistes sont en capacité aujourd'hui.
09:03C'est ça, c'est communication, incarnation. J'aimerais citer un essayiste que j'aime bien, Raphaël Lorca, qui dit en fait pour qu'un parti politique soit influent,
09:10il faut à la fois qu'il ait une doctrine, c'est-à-dire un émettant, et il faut aussi qu'il ait un émetteur.
09:16On parlait de l'FI en filigrane. Oui, ils l'ont. C'est-à-dire qu'ils vont avoir leur programme, leur institut, la Boétie,
09:22un chef qui donne le la, et ensuite, entre guillemets, des padawans qui diffusent la bonne parole. Mais l'EPS a perdu cette architecture, en fait, cette discipline.
09:30Alors avec une nuance près, c'est que nous sommes pour la démocratie, c'est-à-dire que nous sommes une formation politique où il y a du débat en permanence,
09:36et puis on vote. Et moi, je suis très heureux, même si parfois, ça donne le sentiment d'être dans une cacophonie, que dans mon parti, moi, je suis...
09:43Je peux débattre, je peux voter. Parce qu'on peut pas dire à la fois... On veut que la France soit une nation démocratique, ce qu'elle est, il l'a amélioré,
09:51et en même temps, dans son propre parti, il n'a pas la voix, ce qui est le cas de la France insoumise. Donc sur les socialistes, je vous le disais tout à l'heure,
09:57vous me disiez qu'est-ce qu'il faut faire. Je vous ai parlé de doctrine, donc je rejoins ce que vous disiez. La doctrine, d'abord, c'est quoi notre vision du monde,
10:03c'est quoi ce qu'on propose aux Français, comment on leur donne de l'espoir, et avec un mode opératoire. Et à part cela, il y a la question du leadership.
10:09Et moi, je souhaite que ma formation politique ait 2, 3, 4, 5 candidats et candidates capables d'être à l'élection présidentielle. Et puis, il y aura la question des alliances.
10:18Vous voyez ? Je propose d'inverser totalement ce que nous faisions jusque-là, ces dernières années, c'est-à-dire de commencer par les alliances.
10:24Pour moi, l'alliance, c'est un moyen et non pas une fin. Donc c'est le programme pour les Français et le pays, l'incarnation, on a de quoi avoir aujourd'hui
10:31dans la génération, toutes les générations d'ailleurs, des candidats et des candidats capables d'être à l'élection présidentielle, et c'est ça qu'il faut qu'on porte aujourd'hui.
10:39Ce que vous dites, c'est que vous êtes peut-être trop perdu dans la tactique, et vous avez négligé l'aspect problématique.
10:45Il ne vous a pas échappé que je ne suis pas dans la direction de ce parti, je ne suis plus dans la direction de ce parti.
10:48— Vous êtes au bureau national. — Oui, mais je veux dire, il y a une majorité et une minorité. Pour l'instant, nous sommes à touche-touche quand on regarde ces 50-50
10:55entre la majorité et l'opposition. Mais ce n'est pas grave. Je prends pour moi aussi ce travail. Donc il faut que maintenant, tous les socialistes...
11:02Alors là, il y a des éléments pour le pays à sortir d'une crise particulière née de la dissolution. Mais il faut que les socialistes se remettent au travail, bien évidemment,
11:10moi le premier, comme tous les autres, pour reproduire une doctrine, ensuite construire des projets, un leadership. Et vous verrez qu'en 2027,
11:18les socialistes, s'ils font ce travail-là, seront en position de diriger notre pays.
11:24— Mais question de novice. Quand vous êtes au bureau national et que vous avez des discussions, est-ce que vous parlez parfois idée ou vous êtes trop engoncé dans la tactique ?
11:33— Non, on parle aussi idée, bien évidemment. Bien sûr. Bien sûr. Je veux dire quand, par exemple... On a fait la loi de programmation militaire, vous évoquez.
11:41Mais par exemple, il y a dernièrement des prises de position sur l'Ukraine ou sur la question de ce qui passe au Moyen-Orient ou sur la question des plans sociaux.
11:51Pour qu'on puisse dire des choses, parce qu'il y a l'accumulation de plans sociaux en ce moment en France, on débat d'idées. Et après, une idée, une fois qu'elle est débattue,
11:59il faut encore qu'elle puisse s'incarner et qu'elle puisse se positionner. Donc vous faites aussi à quel moment on l'a dit, qu'est-ce qu'on porte, comment on démarre.
12:07Ce qu'on fait aussi tous les jours au Parlement. Je veux dire quand je suis au Parlement et que je dépose des amendements, avec mes collègues,
12:12on débat dans l'hémicycle, on fait de la politique. Donc oui, avec le sens de la... D'abord, l'idée, et ensuite, son mise en application.
12:18— Vous parliez de la démocratie interne. Donc vous, au sein du parti, vous faites partie des opposants à Olivier Faure.
12:24— Disons que moi, je me détermine pas comme ça. Disons qu'on a avec Olivier, que je connais depuis de nombreuses années, nous avons des nuances.
12:31C'est-à-dire que ce qui nous rassemble être socialiste, c'est quand même ce qui nous rassemble totalement les socialistes. Et ensuite, il y a des nuances sur un certain nombre de sujets.
12:40Et c'est en cela que oui, j'ai des nuances avec Olivier Faure sur un certain nombre de sujets.
12:43— Alors sur quel point vous êtes d'accord avec l'actuelle direction ? Et sur quel point vous vous démarquez ?
12:47— Ce que moi, je vous dis, c'est que je pense qu'il fallait commencer plutôt par la doctrine, plutôt que par les alliants. Je crois que c'est le point de désaccord majeur que j'ai avec Olivier Faure.
12:55Voilà. Et après, moi, je n'ai jamais été partisan d'un accord avec LFI, pas parce que je suis dans la croyance que le Parti fédéraliste est meilleur.
13:04Je pourrais l'avoir. Mais parce qu'il y a dans cette formation, avec Jean-Luc Mélenchon... D'ailleurs, c'est plutôt Jean-Luc Mélenchon.
13:10Des points de désaccord majeurs que moi, je ne peux pas taire, je ne peux pas passer sous silence. Donc je l'ai dit publiquement. Mes écrits sont connus.
13:18Je le dis publiquement. Donc j'ai pas de sujet avec ça. — Peut-être pour les téléspectateurs qui connaissent pas ces points de désaccord,
13:23est-ce que vous pouvez les expliciter ? — La question démocratique, d'abord. Enfin je veux pas mettre d'ordre, mais en tout cas, moi, je crois à la démocratie.
13:34Je pense que la démocratie, il n'y a rien de meilleur. Et donc moi, quelqu'un qui n'est pas démocratique dans son fonctionnement me pose problème.
13:42Deux, je crois qu'au niveau de la politique étrangère – je l'évoquais tout à l'heure –, nous avons des désaccords majeurs.
13:49Avoir comme alliance potentiellement la Chine ou la Russie, ce n'est pas possible pour moi. Sur la question de l'antisémitisme, nous avons des accords.
13:59Je ne suis pas dans cette logique-là. Vous le savez bien. Sur la question, je crois qu'aussi, Jean-Luc Mélenchon a une vision d'essentialisation,
14:05d'essentialisation de gens qui ont mon prénom ou qui viennent comme moi de la banlieue. Donc voilà. Je pense que c'est d'autres.
14:10Mais ceux-là, pour moi, sont rédhibutoires, parce qu'ils touchent aux valeurs mêmes de l'être humain et à mes valeurs mêmes, de mes raisons mêmes
14:20d'un engagement politique. Pour moi, c'est viscéral. Je veux dire la question d'antisémitisme, du racisme, essentialisation, etc., etc., ce n'est pas supportable pour moi.
14:30Vous faites partie des gens en gauche qui disent que la FI a clairement un problème avec l'antisémitisme.
14:35Je dis que quand j'entends un certain nombre de personnes chez la FI, il y a des propos antisémites.
14:42Mais eux vont dire « Oui, mais on n'a jamais été condamnés pour l'antisémitisme ».
14:47C'est une réponse. Mais vous savez, je n'ai pas besoin de décision de justice pour me faire ma propre opinion.
14:54Donc oui, il y a des propos qui, pour moi, sont antisémites. Oui, il y a des propos, pour moi, de ces gens-là qui essentialisent des gens qui sont en banlieue,
15:04qui auraient une religion supposée ou parce qu'ils ont tel prénom. Moi, je suis pour la fraternité, donc je crois que le dépassement de chacun.
15:13Et je ne suis pas pour mettre les gens dans des cases. Donc ça, c'est des valeurs qui, pour moi, sont rédhibitoires.
15:17— Justement, si on parle de l'essentialisation, effectivement, quand on regarde la présidentielle de 2022, c'est quand même fou.
15:23Jean-Luc Mélenchon a fait 69% d'après l'Ipsos chez les musulmans de France. Comment ça s'explique ? Est-ce que c'est lié à de l'essentialisation ?
15:32— Mais moi, je sais pas comment l'Ipsos a fait son sondage, parce que... — Ou l'IFOP, je sais plus. — Oui, l'IFOP. Pardon, excusez-moi.
15:41En France, il n'y a pas de sondage ethnique, mais on en fait... Bon, donc je ne sais pas. Et moi, je suis contre ce côté « on découpe la population en tranches »,
15:49que ce soit par religion supposée, que ce soit par âge ou par couleur de peau, je ne sais quoi. C'est là aussi où la gauche se perd.
15:58Moi, ce qui m'intéresse, c'est que la gauche, elle est universelle, universaliste. Donc moi, quand je regarde les Français, je regarde les Français dans leur diversité.
16:05Vous savez, moi, je suis élu d'un territoire, le Val-d'Oise, où vous avez la moitié urbain, la moitié rurale. Bon. Donc moi, je vois la France à diversité dans mon département,
16:15mais partout en France où je me rends et je sillonne ce pays depuis de nombreuses années. Dans mon département, si vous allez dans des quartiers – je vous prends un exemple –
16:24à Sarcelles ou à Argenteuil, et si je vais vers Magnan-en-Vexin, donc c'est d'un côté très urbain mais très rural, vous avez des problèmes assez similaires.
16:34La question de l'emploi, la question de l'école, la question des transports, la question du sentiment de relégation, c'est la même. Donc essayons d'unifier les Français sur des enjeux communs
16:47plutôt que de commencer par dire ça, ça, ça, ça. Donc moi, je ne sais pas ce qu'a fait Le Sondeur. En tout cas, ce qui m'intéresse, moi, c'est de regarder les Français
16:55et non pas essayer de dire telle catégorie ou telle catégorie ou telle catégorie. Je crois que, justement, ça abîme la politique, et ça abîme, je crois, ce qui est le lien et la France.
17:04— Mais quel est votre regard, justement, sur cette essentialisation que vous dénoncez chez... — Bah je la dénonce. Donc par essence...
17:10— Mais comment est-ce que ça se produit pour vous ? Pourquoi est-ce que ça se produit ?
17:17— Je suis pas celui qui pourrait mieux vous répondre. Mais en tout cas, si, ce que vous voulez dire sur des gens qui vivent en banlieue... Bon.
17:25Moi, je trouve assez drôle, entre guillemets, c'est que quand vous avez beaucoup d'élus de banlieue qui sont des socialistes, et qui sont élus réélus,
17:34et qui ne sont pas tous les jours en train de crier Gaza ou je ne sais quoi, donc ils sont capables de dire concrètement... Parce que les citoyens que vous évoquez là,
17:42au-delà d'une supposée religion ou d'un prénom, ils sont citoyens. Ils veulent que, dans leur ville, il y ait de la sécurité quand ils se baladent.
17:49Ils veulent que, dans leur ville, l'école fonctionne bien. Ils veulent que, dans leur ville, l'offre sportive et culturelle soit diverse comme partout en France.
17:57C'est ça qu'ils veulent avant tout. Faisons nous-mêmes attention à ne pas rentrer dans un narratif qui serait de les réduire, ce que certains essaient de faire,
18:03à l'extrême-droite ou LFI, à une couleur de peau, une religion, j'ai dit, etc. Donc là-dessus, faisons attention.
18:10Sur les sujets... Après, il y a un sujet aujourd'hui en France sur le racisme. Et il y a des Français, dans notre pays, qui peuvent effectivement avoir le même prénom que moi,
18:19qui peuvent estimer qu'il y a du racisme dont ils sont victimes. Je crois qu'il faut que les partis l'entendent plus et disent qu'effectivement, la question du combat contre le racisme,
18:28toutes les formes de racisme, l'antisémitisme, etc., c'est parce qu'il y a aussi la question de l'homophobie ou d'autres, on doit veiller à cela et donc porter des politiques publiques fortes.
18:38Je crois que ça, c'est aussi un élément qu'il faut entendre. En disant à tous les Français, si vous appelez Mohamed ou si vous appelez, par exemple, Sarah,
18:46pour vous donner deux exemples, eh bien vous êtes d'abord et avant tout Français. Et d'abord et avant tout, la République doit vous protéger.
18:54Mais si vous parlez des prénoms, si vous mettez les prénoms sur la table...
18:57J'essaie de trouver une solution à vos propos.
18:59Je vais être taquin. Vous prenez les principaux jeunes députés et jeunes espoirs de LFI. Ils s'appellent Louis, ils s'appellent Antoine, ils s'appellent Clémence.
19:08Et ils sont tous élus, entre guillemets, dans des banlieues qu'ils appellent créolisées. Est-ce que, quelque part, ils instrumentalisent pas l'antiracisme à des fins électorales ?
19:19D'abord, moi, je ne suis pas favorable aux créolisés. Je crois plutôt que la fraternité me paraît beaucoup mieux. Oui, mais je ne veux pas commenter l'avis de LFI.
19:30Oui, il y a une forme de manipulation. C'est ce côté « on sera mieux que vous ». Je crois que ce temps-là, il révolue. Moi, ça m'intéresse pas assez peu de parler de LFI.
19:40Que ces gens-là soient là, en fait, c'est la stratégie de LFI. Moi, ce qui m'intéresse, c'est pas la stratégie de LFI. C'est que le partialisme redevienne un grand parti par sa vision
19:51et par le fait qu'on puisse emmener les Français vers du mieux. Je vous le redis. Quand je vois les files d'étudiants devant les distributions,
20:00quand je vois des gens qui me disent qu'ils n'ont plus rien à manger le 15 du mois, qu'ils ne peuvent pas mettre le chauffage parce qu'ils ne peuvent pas, etc., etc.,
20:08c'est eux qui m'intéressent. C'est que la France aille mieux. C'est que demain, la dette soit réduite et que les gens aient du pouvoir d'achat. C'est ça qui m'intéresse.
20:17Commenter LFI, je vais vous dire. Je vous ai dit ce que je pensais d'eux. Voilà.
20:21Si on prend donc un peu de hauteur et qu'on s'intéresse à la gauche au global, vous parlez par exemple du Val-d'Oise. Vous disiez qu'il y a toute une diversité de territoires.
20:29Est-ce que vous avez l'impression que, depuis quelques années, la gauche au global, et notamment le PS, s'est trop concentrée sur les centres-villes
20:36et a délaissé toute la France périurbaine, la France rurale ?
20:40Le Parti socialiste, dans son travail de doctrine – je peux y ajouter, c'est vrai, vous avez raison – qu'on est devenu un peu trop, pour certains deux féministes,
20:49un parti de centre de métropole. Je crois qu'il faut qu'on redevienne un parti à la fois généraliste sur les sujets et généraliste sur le territoire.
20:57Effectivement, sur la question de la ruralité, des banlieues, des villes moyennes, ce qu'on appelle les sous-préfectures, il y a à repenser.
21:07Et vous voyez, il ne faut pas les prendre en disant... Je vous l'ai dit tout à l'heure. Si je prends deux endroits du Val-d'Oise, j'ai les prématiques, les thématiques sont les mêmes.
21:14Donc c'est repenser la France et les Français. Je pense que c'est la meilleure façon de travailler. Et ne pas dire « je mets deux mesures pour un retraité,
21:20je mets deux mesures pour un jeune, j'en mets trois pour un agriculteur », etc. Essayons de sortir de cela. Essayons d'avoir... Vous savez, quand on prend les grands leaders,
21:30c'est qu'il faut amener de l'espoir. La gauche, elle gagne qu'on en ait de l'espoir. Et moi, ce que je veux, c'est que quelqu'un qui habite Sarcelles,
21:36Magnan-Vexin, si je reprends le Val-d'Oise, mais Dunkerque comme Paimpol ou Ajaccio se disent, ou la Lozère – enfin je pourrais prendre plein de villes – se disent
21:48les socialistes nous emmènent quelque part. Ce qu'ils attendent, les gens, c'est ça. C'est que le principe de scrutin du régime que nous connaissons, c'est un beau régime,
21:58c'est-à-dire « moi, individu, citoyen, je donne à un élu ma confiance pour gérer les affaires du pays, gérer ma famille, mes aimes, pour le mieux ». C'est ça qu'il faut qu'on restitue.
22:11Et donc pour retrouver cela, c'est bien cette vision de « il faut un projet, il faut un projet », et pas des mesures.
22:17— Cela dit, là, je vais avoir un petit point de désaccord avec vous. Quand vous dites que le PS est trop concentré sur les villes, je regarde le réseau...
22:23— Tu dis les centres métropolitains. — Les centres de métropole. Je regarde les dernières législatives. Vous avez 66 députés.
22:28Et vous en avez quand même la majorité qui sont dans des territoires ruraux, ce qui est un immense atout pour vous.
22:33Mais j'ai pas dit que c'était pas le cas. On n'a pas de point de désaccord. Je veux dire qu'on peut pas limiter notre réflexion sur l'avenir à une situation donnée.
22:44Je crois que quand, par exemple, François Mitterrand gagne... Et j'invite tout le monde à relire les 7 minutes de son discours le soir de sa victoire à l'hôtel, vous savez.
22:53— Le vieux Morvan. — Le vieux Morvan, effectivement. Ça dure quelques minutes. Il parle à la France. Il parle au français.
23:01Et donc il lève un espoir. Il unifie les gens. Et je crois que ce dont on crève – permettez-moi l'expression – au PS comme dans la politique française,
23:10c'est qu'on oublie ça. L'intérêt général n'est pas l'addition des intérêts particuliers. C'est une vraie nuance que j'ai avec beaucoup de gens.
23:20L'intérêt général, c'est le global. Et donc je crois qu'il faut qu'on retrouve cet esprit-là. C'est en cela que j'entends ce que vous dites sur où nous sommes remontés.
23:27Mais globalement, aujourd'hui, en France, on n'a plus de vision globale sur la France. Donc je crois que c'est comme ça qu'il faut redémarrer.
23:32— Mais ce qui est très intéressant, quand on regarde par exemple les essayistes, les intellectuels qui sont le plus influents, en fait, sur les responsables politiques...
23:39Je pense que vous avez Christophe Guilluit et vous avez Jérôme Fourquet. Et eux, ils parlent clairement, en fait, d'une France qui est archipélisée,
23:47où il n'y a plus de récits communs. Donc vous, vous êtes en désaccord avec eux sur ce point-là. — Non. Non, on n'est pas en désaccord, justement.
23:54Leur constat fait que j'ai pas... Moi, je parle de ma réponse. Ils font des constats. Moi, je crois que l'archipélisation, c'est un peu plus compliqué que dans la vraie vie,
24:04parce que vous pouvez être plusieurs choses à la fois. Vous n'êtes pas dans une seule archipelle, si je reprends l'exemple. Parfois, vous additionnez des archipélides.
24:11Bon. Et donc c'est pour ça que c'est un peu mieux. Je dis justement la réponse. Soit vous dites « Je prends ma liste d'archipels et je mets en face de chaque archipel une réponse. »
24:22Ce qui est un peu le cas en ce moment. — C'est ce que moi, je pense qu'il faut arrêter. Il faut en sortir. Je dis que c'est le dessin global, c'est la France globalement,
24:31c'est la vie des gens globalement qui importe. Et moi, je trouve qu'il faut retrouver du sens commun. Donc c'est ça que je vous dis.
24:38— Donc finalement, après cette discussion, est-ce que vous êtes plutôt optimiste sur le futur du socialisme, notamment en France ?
24:44— Alors moi, je suis très optimiste par définition dans mon quotidien. Mais je crois vraiment oui. Je crois qu'aujourd'hui, quand vous regardez ce qui se passe
24:53sur le quatrain des Français, c'est à la fois une capacité de croire en l'avenir, de croissance, de progrès. Quand vous écoutez les Français, c'est ce qu'ils vous demandent,
25:03des garanties, des sécurités, etc. Et ça, c'est typiquement comme ça que s'est construit le socialisme. Je crois que le socialisme, il a aujourd'hui – je l'ai dit –
25:11un enjeu majeur. C'est de repenser le monde, repenser la France et repenser pour les Français. Et je vous assure que dans quelques années,
25:18je crois même avant la prochaine élection présidentielle, vous verrez que le socialisme – je veux pas dire sur la tendance – mais en tout cas,
25:23je crois sera une réponse à la crise que nous connaissons aujourd'hui. Je vous le dis, elle est à la fois démocratique, elle est fois économique,
25:30elle est également sociale, cette crise, et puis elle est internationale. Je crois que nous avons des réponses. Et c'est à nous, socialistes,
25:36aussi d'être en capacité de produire ces réponses-là et surtout de croire en nos réponses plutôt que de couvrir d'après telle ou telle alliance.
25:45Qui sera le meilleur moyen pour combattre le populisme qui, justement, prospère sur les crises sociales, économiques. J'ajouterais aussi identitaire.
25:51Tout à fait. Parce que ces gens-là que vous évoquez, ces crises-là, c'est dire que rien n'est possible. Nous disons au contraire, il y a un avenir pour la France.
25:58C'est la question de l'avenir qui est posée. Parce que les populistes, c'est « c'était mieux avant », « un tel est le problème ». C'est ça, le populisme.
26:05La recherche de boucs émissaires aussi. Tout à fait. Alors que nous, nous disons au contraire. La France, elle est belle quand elle croit en son avenir.
26:13Et c'est ça qu'il faut qu'on retrouve collectivement dans nos vies personnelles, mais je crois au niveau du pays. Et c'est ça qu'il faut que les socialistes produisent à nouveau.
26:20Un espoir, une espérance et un avenir commun. Et c'est comme ça qu'ils ont toujours gagné les élections. Tout à fait.
26:25Merci beaucoup, Rachid Prémal, d'être venu chez nous aujourd'hui. Merci.

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