Jacques Attali, essayiste, romancier et ancien conseiller d’État, était l’invité du Face à Face ce jeudi 7 novembre sur BFMTV et RMC. Il a notamment évoqué les conséquences de l'élection de Donald Trump sur l'Europe, la fragilité de l'Allemagne et de fait de l'Europe.
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00:008h32 sur BFMTV RMC, mon invité est Jacques Attali, bonjour.
00:14Bonjour.
00:15CIST économiste, président de France Positive, auteur de près d'une centaine d'ouvrages,
00:20dont celui-ci, Le Monde, Mode d'emploi, Comprendre, Prévoir, Agir et Protéger.
00:26Votre regard et votre recul sont précieux dans un moment de bascule comme celui que
00:30nous sommes en train de vivre, Jacques Attali, sondagez-la pour BFMTV, 62% des français
00:36se disent inquiets de l'élection de Donald Trump, ont-ils raison ?
00:39Oui, et c'est en même temps une chance parce qu'être inquiet ça veut dire prendre conscience
00:44des risques qui seraient arrivés quoi qu'il arrive, parce qu'il faut regarder l'histoire
00:50longue.
00:51L'histoire longue nous annonçait déjà un repli des américains sur l'Amérique, une
00:57prise de conscience de l'Amérique, de ses dangers, de tout ce qu'elle court comme catastrophe,
01:03qui a commencé d'ailleurs avec Obama, qui a commencé à se replier, et donc Trump exacerbe,
01:08accélère ce mouvement, sans pour autant résoudre les grandes, ou annoncer qu'il va résoudre
01:14les grands problèmes de l'Amérique, qui restent aussi des tendances longues, la dette
01:19publique américaine.
01:20Avant même qu'il ne rentre en fonction, en janvier, la dette publique américaine va
01:24atteindre le plafond, qui fait qu'ils ne pourront plus payer les fonctionnaires sauf
01:30à prendre des mesures d'expédient, comme ils l'ont fait à plusieurs reprises.
01:32Donc il y a des tendances profondes de la société américaine qui va l'amener à être
01:37de plus en plus fermée sur elle-même, oubliant le reste du monde, y compris en laissant le
01:43dollar courir sa vie.
01:45J'ai lu avec attention ce que vous écrivez sur votre site internet, sur le danger pour
01:49l'économie, pour l'Ukraine, pour l'environnement notamment, mais avant cela, je voulais revenir
01:55à une question que vous avez posée, précisément, sommes-nous préparés à un retour au pouvoir
02:00de Donald Trump ? Et cette question, vous la posiez il y a deux ans et demi, dans un
02:03texte prémonitoire que vous aviez publié, dont je vais vous relire ici quelques lignes
02:08puisqu'il est toujours disponible ce texte sur votre site, un Trump président en 2025,
02:13vous écriviez cela le 25 mai 2022, je précise pour ceux qui nous écoutent, un Trump président
02:17en 2025 serait très différent de ce qu'il a été la première fois, il aurait tout
02:21pouvoir sur les deux chambres de l'exécutif, écriviez-vous, sur la Cour suprême et sur
02:24l'essentiel des médias, on peut dire sans excès que les Etats-Unis auront cessé d'être
02:30une démocratie.
02:31Pour vous, à l'heure où l'on se parle, l'Amérique n'est plus une démocratie ?
02:35Oui, c'est pour ça que j'ai alerté dans cet article qui est paru dans les échos en
02:38effet il y a plus de deux ans, en commençant à nous y préparer, à l'époque ce n'était
02:44qu'une hypothèse et aujourd'hui c'est une réalité, malheureusement on n'a pas
02:47fait ça, on ne s'est pas préparé.
02:48On ne s'est pas assez préparé ? Non, pas du tout, on ne s'est pas préparé
02:51du tout à cette hypothèse, si on s'était préparé, la meilleure préparation eût
02:56été de se lancer d'urgence dans la construction d'une armée européenne, d'une industrie
03:01de la défense européenne, de se doter des moyens de ne pas dépendre des Etats-Unis
03:05en matière de militaire, on ne l'a pas fait du tout, même si on l'a fait de façon
03:10homéopathique.
03:11Ce n'est pas une démocratie, non, quand vous avez un président qui a tout pouvoir,
03:16qui a laissé entendre, est-ce qu'il le fera ou pas, qu'il a dit c'est la dernière
03:21élection présidentielle, ça veut dire je suis la vôtre, toujours, je ne pense pas
03:26qu'il pourra le faire, mais quand il donne plein pouvoir à un complotiste sur la santé,
03:33à un industriel de génie qui a décidé de détruire officiellement, de remplacer
03:44le tiers de la fonction publique américaine et de réduire d'un tiers le budget américain,
03:51ce qui est impossible sans mesure véritablement antidémocratique, donc d'en finir avec
03:58par exemple le système de santé, le système éducatif, le système postal, peut-être
04:06même une partie de l'armée, ce n'est pas possible de faire ça d'une façon démocratique.
04:10Alors évidemment, le fait qu'Elon Musk soit là va donner aussi des moyens technologiques
04:17à une sorte de dictature démocratique parce qu'il a en effet tous les pouvoirs parlementaires
04:21qui vont masquer ça sous le couvert d'une démocratie.
04:26J'aimerais qu'on examine, Jacques Attali, un par un, les risques et les sujets pour
04:32la France, pour l'Europe.
04:33Vous dites risque, mais vous dites aussi opportunité, puisque vous évoquez Elon Musk, je vous
04:36propose de commencer par exemple sur l'économie, parce que prévoit Donald Trump précisément
04:41sur le sujet de la course à l'innovation, donc soutenu effectivement par Elon Musk,
04:46qui se propose de déréguler, déréguler, déréguler, donc ça veut dire des lois plus
04:49souples par exemple sur l'intelligence artificielle ou sur les médias sociaux.
04:52Ça, c'est un risque pour la démocratie ?
04:55C'est un risque pour la démocratie, ça veut dire que le vrai pouvoir n'appartient
04:59plus à Washington, il appartient à la Silicon Valley, à ceux qui dirigent ces entreprises
05:05et qui imposent une dérégulation absolue qui va être, d'ailleurs ça a été un grand
05:09débat entre Elon Musk et Thierry Breton, entre les Européens et les Américains, et
05:14les Américains de la Silicon Valley non plus.
05:17Qui ne souhaitent pas de régulation ?
05:18D'aucune sorte, or cette régulation est absolument nécessaire, non pas pour brider
05:24le développement qui est évidemment souhaitable, mais pour empêcher que ce développement
05:28aille jusqu'à un développement d'armement qui échappe aux humains, d'une intelligence
05:34artificielle qui échappe aux humains, l'intelligence artificielle c'est un outil extraordinairement
05:37positif, mais le fait d'utiliser les fake news comme l'a fait Elon Musk dans cette campagne,
05:43en faisant des faux messages, alors ce qu'il est derrière sans aucun doute, des faux messages
05:49de Kamala Harris ciblés sur des populations en faisant dire à Kamala Harris exactement
05:55ce que cette population n'a pas envie d'entendre, c'est-à-dire voilà, elle va faire ça contre
05:59vous, aux pro-palestiniens des messages sionistes, fanatiques, et réciproquement des messages
06:08pro-palestiniens quand ils s'adressaient à une audience juive, et ceci sur tous les
06:12milieux, on peut imaginer ça, maintenant qu'il est au pouvoir, monsieur Musk est au pouvoir,
06:17d'une façon qui fasse de la vérité une dimension tout à fait annexe de l'exercice
06:24de la responsabilité.
06:25Mais est-ce que c'est un risque pour l'innovation européenne par exemple, puisque les entrepreneurs
06:28européens disent l'Europe a plutôt tendance à réguler avant d'innover, aux Etats-Unis
06:32on pousse les innovateurs d'abord.
06:33Oui, alors il ne faut pas caricaturer, l'Europe a aussi des grandes entreprises, par exemple
06:38il existe une entreprise d'intelligence artificielle en Europe qui est aussi bonne sinon meilleure
06:42que les entreprises américaines, qui s'appelle Mistral, qui n'a pas du tout été empêchée
06:47par la régulation et qui devrait se développer davantage si elle avait encore plus de moyens,
06:54c'est un exemple parmi beaucoup beaucoup d'autres, donc non, pour l'instant les régulations
07:00européennes n'empêchent pas le développement, ce qui empêche le développement c'est qu'on
07:04n'a pas de politique industrielle, on ne concentre pas les moyens, il y a aux Etats-Unis
07:08des institutions qui existent et qui d'ailleurs ont été développées sous tous les présidents
07:13et en particulier par Biden sous le nom d'Ira, énorme, qui était énorme, nous n'avons
07:23pas l'équivalent en Europe, ça existe mais de façon extrêmement faible, donc nous n'avons
07:28pas les moyens, plus exactement l'argent existe parce que les emprunts, on n'a pas
07:35la cohérence d'ensemble, on se disperse, on n'a pas de politique industrielle, tout
07:40est dans le rapport Draghi, l'ancien commissaire européen qui propose je précise pour nos
07:45auditeurs d'avoir un paquet commun de 800 milliards d'euros par an pour pouvoir précisément
07:51que l'Europe puisse défendre ces industries, l'argent existe, on a les bras mais on n'a
07:57pas la tête, et je voulais en arriver précisément aux industries parce que le programme économique
08:01de Donald Trump est extrêmement simple aussi en la matière, c'est-à-dire tout ce qui
08:04provient d'autres continents et précisément d'Europe, minimum 20% de taxes douanières,
08:11et puis par ailleurs des régulations là encore sur le sol américain pour pousser
08:14tout simplement les entreprises à s'installer aux Etats-Unis, à produire aux Etats-Unis,
08:18est-ce que ça, d'abord est-ce que vous pensez qu'il va l'appliquer comme programme et
08:23quelles conséquences ça peut avoir en Europe, on voit ses plans sociaux se multiplier en
08:28Allemagne, en France, on dit que ça va être la destruction d'emplois massives.
08:33Oui, c'est possible, il va sans doute le faire, en tout cas pour commencer la négociation
08:38parce que la principale victime recherchée c'est pas l'Europe c'est la Chine, où il
08:43propose 60% de hausse des taxes, qu'on peut comprendre non pas un taliban mais on peut
08:48comprendre l'inquiétude quand on voit que l'industrie chinoise est en train de balayer
08:52l'industrie européenne et américaine en matière automobile et dans tous les domaines
08:57de l'industrie de la consommation parce qu'ils ont préparé bien mieux que nous les industries
09:03du futur, donc on peut comprendre la volonté de le faire mais en fait il va se tirer une
09:07balle dans le pied parce que si vous augmentez les taxes, vous allez augmenter les prix,
09:13donc vous allez créer de l'inflation, donc vous allez agir contre le pouvoir d'achat des gens,
09:16donc ce n'est pas, quoi qu'il arrive l'inflation va remonter aux Etats-Unis,
09:20le dollar va être menacé et ça ne peut réussir une telle politique que si les industries américaines
09:29réagissent d'une façon efficace, je ne sens pas cette réaction venir, je ne sens pas l'industrie
09:34américaine capable de concurrencer l'industrie chinoise même s'il le faudrait et je le sens
09:39encore moins à l'industrie européenne puisque c'était votre question en situation de concurrencer
09:44l'industrie chinoise. Est-ce qu'il faut craindre pour l'emploi en Europe ? Oui, sans aucun doute il
09:47faut craindre pour l'emploi, là encore, sauf si on se donne les moyens, si on considère que
09:52cette crise est une opportunité, c'est une chance, c'est ce qu'on appelle en anglais
09:58wake up call, c'est l'occasion de se réveiller, de prendre conscience que nous sommes menacés par
10:02un déferlement de haut niveau de qualité technique d'objets de consommation chinois,
10:09pas seulement dans le textile mais aussi dans l'automobile, mais qu'il faut réagir en produisant.
10:13Emmanuel Macron évoquait hier un réveil stratégique européen. Fondamental. Mais est-ce que l'Europe
10:18saura répondre d'une seule voix ? Alors c'est ça. Parce qu'en Europe, il n'y a pas que des fervents
10:22défenseurs d'une Europe intégrée, il y a aussi des partisans de Donald Trump qui au final ça
10:27commode très bien de dire bah nous, Hongrie, Italie, Pologne, on ira négocier avec Donald
10:31Trump en direct pour notre pays, pas forcément pour les 27. En matière commerciale c'est pas
10:37possible sauf à sortir de l'Union Européenne puisque je rappelle que c'est une compétence
10:41communautaire. Mais l'Allemagne par exemple rechigne à mettre des droits de douane lorsque
10:47les productions européennes sont taxées, ce n'est pas leur philosophie par exemple. Ce n'est pas leur
10:51philosophie. La mauvaise nouvelle n'est pas l'élection de M. Trump parce que je pense que
10:55quoi qu'il arrive, qui que ce soit qui était président des Etats-Unis, nous aurions eu des
10:59Etats-Unis beaucoup plus protectionnistes et beaucoup plus tournés vers l'Allemagne. La
11:03mauvaise nouvelle c'est ce qui se passe en Allemagne. Une Allemagne qui est profondément
11:07en crise puisqu'elle vivait des importations d'énergie russes et des exportations de biens
11:14de consommation et d'équipement vers la Chine et les Etats-Unis. Donc elle est extraordinairement
11:20vulnérable à la situation actuelle, fermée aux Etats-Unis, fermée en Chine, fermée en Russie.
11:25Un pays dont l'essentiel du moteur de la croissance c'était les exportations hors
11:30Europe, ce qui n'est pas le cas de la France et qui malheureusement elle est déficitaire,
11:35donc qui souffre d'un péril inverse, fait d'une Allemagne très vulnérable. Et aujourd'hui s'ajoute
11:41à cette vulnérabilité fondamentale de l'Allemagne une crise politique qui fait qu'on ne va pas
11:46arriver avant au moins dans un an à créer les conditions d'un accord avec l'Allemagne. Parce
11:53qu'il faut se rappeler que les élections auront lieu en Allemagne au mois de mars, qu'après les
11:58élections il n'y aura malheureusement sans doute pas un parti qui gouvernera seul, il y aura besoin
12:02d'une coalition et en Allemagne ça prend beaucoup de temps d'établir une coalition, il faut discuter,
12:07faire un gros livre qui définit la coalition, on voit d'ailleurs qu'elle ne tient pas toujours, et ça
12:12nous met au plus tôt, au mois de juin de l'année prochaine. Donc on se trouve dans une situation de
12:17fragilité d'Europe au pire moment. D'où Jacques Attali, la tentation, la volonté d'Emmanuel Macron
12:22d'incarner le leadership européen face à Donald Trump. Est-ce qu'il peut y arriver ? Est-ce que la
12:27dissolution n'a pas coûté aussi à la France sa voix en Europe et à l'international ? C'est une des
12:33conséquences parmi d'autres très négatives de cette dissolution que j'ai toujours dit malvenue
12:39et inutile. Mais là encore, l'événement aurait pu se produire un peu plus tard, c'est-à-dire avoir
12:46lieu maintenant parce que le gouvernement aurait pu tomber dans cette situation. Mais il faut
12:51assumer le fait que, sauf une réaction très forte du peuple qui a eu lieu aux Etats-Unis, pas dans un
12:57sens que j'aurais préféré, mais qui a eu lieu aux Etats-Unis. Les Etats-Unis se réveillent et disent
13:01maintenant ça suffit, on prend une direction, on est incarné par quelqu'un. Encore une fois, c'est pas
13:06ma tasse de thé, j'aurais préféré autre chose. Mais ils l'ont fait. On n'est pas en situation de le faire
13:13en Europe. Monsieur Macron est président, mais un président qu'on s'est affaibli et qui va bientôt être
13:20en situation de terminer son mandat. Donc nous n'avons pas les forces nécessaires qu'il faudrait
13:25avoir. L'Union Européenne, en tant que telle, pourrait réagir si la commission qui vient d'être
13:34nommée décidait d'appliquer le rapport Draghi. Elle a les moyens juridiques, les moyens politiques de le faire.
13:40C'est à Bruxelles que ça se jouera, ce n'est pas à Paris.
13:41Voilà, c'est à Bruxelles que ça se jouera.
13:43Un mot d'Ukraine. Donald Trump, pendant toute sa campagne, il a promis qu'il pouvait résoudre ce conflit en 24 heures
13:49sans jamais expliquer concrètement comment il allait s'y prendre. Cette nuit, Donald Trump a échangé avec
13:55Volodymyr Zelensky le fait que l'un de ses premiers coups de fil soit réservé au président ukrainien.
14:01Est-ce que vous y voyez plutôt un bon signe pour la résolution du conflit ?
14:06Tout est possible. Il peut arrêter le conflit de plusieurs façons. Il peut arrêter le conflit en disant à partir du 26 janvier,
14:11je crois que c'est la date de son entrée en fonction, il n'y a plus une arme que je livre à l'Ukraine.
14:15Dans ce cas-là, l'État ukrainien s'effondre parce que nous, Européens, ne sommes pas prêts à prendre le relais.
14:21Non, on est incapable de se substituer aux milliards américains et aux armes américaines.
14:25On est incapable. Malheureusement, on n'est pas monté en régime assez vite, assez tôt pour produire les armes.
14:30Et les Ukrainiens, on est incapable. Ils tiendront un peu, mais ils s'effondreront.
14:33Donc, l'armée russe sera à la frontière tchèque et l'Ukraine deviendra un vassal, une sorte de nouvelle Biélorussie,
14:41ce qui est un cauchemar absolu. Ça, c'est la première solution. La deuxième, c'est qu'ils disent,
14:45écoutez, je continue à livrer des armes, mais il faut arrêter. Ce n'est pas raisonnable.
14:50M. Zelensky, M. Poutine, mettez-vous autour de la table. Donbass va être russe comme il est aujourd'hui.
14:58Et on arrête les combats là où vous êtes aujourd'hui.
15:01– Mais ça, l'Ukraine n'en veut pas.
15:03– L'Ukraine n'en veut pas, mais si on la force, c'est ce qui se passera.
15:06De toute façon, à un moment, il faudra cesser le feu.
15:08L'Ukraine, aujourd'hui, veut l'intégrité territoriale et on peut la comprendre.
15:11Si on avait pris une partie de la France, on pourrait dire autre chose.
15:14Mais je pense que, si j'avais à faire un pronostic, je pense que c'est cela qui se passera.
15:19C'est-à-dire, non pas un traité de paix, mais un armistice durable sur les lignes de front.
15:26Ce qui veut dire, d'ailleurs, que les combats vont être de plus en plus sévères
15:30parce que chacun voudra, d'ici à fin janvier, dans des conditions très difficiles de l'hiver,
15:35faire bouger les lignes de front pour les fixer au moment d'arrivée de M. Trump au pouvoir.
15:40Jacques Attali, la question environnementale, dont il a été très peu question dans la campagne.
15:44Kamala Harris en a très peu parlé, sauf pour dire qu'elle n'interdirait pas le fracking,
15:48qui est une technique controversée d'extraction du pétrole.
15:51Donald Trump, plus connu, c'est un partisan des énergies fossiles.
15:54Il fait peu de cas du réchauffement climatique, comme d'ailleurs les Chinois.
15:57Il y a une question qui va s'imposer à l'Europe,
16:00qui met en place un certain nombre de réglementations drastiques en la question.
16:05Est-ce que cela a un sens de continuer à être vertueux quand tous les autres ne font aucun effort ?
16:11Là encore, c'est une des dimensions dans laquelle M. Trump et Mme Harris auraient fait la même politique,
16:18puisqu'elle-même a dit, pour des raisons bassement électorales en Pennsylvanie,
16:23qu'il ne fallait pas faire autrement que de continuer.
16:27Il n'empêche, cette politique suicide la planète.
16:32Nous sommes aujourd'hui sur une tendance à quatre degrés, non pas à un degré ou deux.
16:38Nous sommes sur une tendance suicide de la planète.
16:43Et moi, dans le livre que vous avez la gentillesse d'évoquer,
16:46j'explique qu'il faut passer d'une économie de la mort à une économie de la vie
16:49en interdisant tout ce qui touche aux énergies fossiles.
16:52On en est loin.
16:53Sauf qu'on est minoritaire à porter ce discours aujourd'hui.
16:55Oui, mais les Chinois, qui sont aujourd'hui le principal consommateur de charbon,
16:58sont aussi le principal producteur d'énergie nucléaire et d'énergie renouvelable.
17:02Ils vont très, très vite dans cette direction.
17:04Nous, les Européens, nous y allons aussi.
17:06Et curieusement, aux États-Unis, il n'y a pas que Washington.
17:09Il y a aussi une tendance de fond de développement des énergies renouvelables.
17:14Il y a une tendance de fond de technologies nouvelles.
17:17Menacées par l'élection de Donald Trump, Jacques Attali, ou pas forcément ?
17:19Pas forcément.
17:21Les États-Unis vivent toujours dans la mythologie commune
17:27de l'eschatologie chrétienne ou juive, on attend le Messie,
17:33de la mythologie du western, la cavalerie va venir nous sauver.
17:38Et là, la nouvelle cavalerie, c'est le progrès technique.
17:42Ils pensent, en Amérique, que le progrès technique va tout régler.
17:46Ce sera une partie de la solution.
17:48Mais s'il n'y a pas une volonté politique, ça ne suffira pas.
17:50En Europe, on est plus sur la volonté politique.
17:52Aux États-Unis, sur la volonté technique.
17:54La Chine fait les deux.
17:56Ils font énormément de progrès technique.
17:58La voiture électrique va dans ce sens.
18:00Et quand ils construisent 12 EPR, quand nous ne sommes pas capables d'en construire deux,
18:06ils les construisent sur une technologie française,
18:08ce qui montre que c'est plus une question de développement pratique que d'innovation.
18:14Ça montre que, quelle que soit la politique, les tendances de fond continuent.
18:20Et les tendances de fond, c'est que l'humanité est en train de se suicider.
18:24Le progrès technique ne suffira pas.
18:26Il faut attendre un réveil qui n'est pas près d'arriver.
18:28Et que vous appelez de vos voeux ce matin Jacques Attali.
18:31Quelle leçon doit tirer la France aussi de la campagne américaine ?
18:35On a vu une campagne très violente avec une logique de bloc contre bloc qui ne se parle pas.
18:39Est-ce une vue de l'esprit de se dire qu'en France, la logique des trois blocs qui ne se parlent pas
18:43et qui peinent à trouver des points communs finalement se superposent à ce que l'on a pu voir dans la campagne américaine ?
18:48Alors c'est plus que trois blocs.
18:49Parce que ce qui s'est passé aux Etats-Unis, c'est aussi une logique de communautarisme.
18:54Chacun dans son coin.
18:57Et chacun est fragmenté.
19:00Beaucoup plus fragmenté encore.
19:02C'est ce qu'on a appelé les excès du wokisme.
19:04Même si le wokisme est, de mon point de vue, quelque chose de très positif
19:08s'il va dans la direction de la libération des femmes et des partis de la population qui avaient été brimés.
19:16Mais cet enfermement communautaire de chacun des groupes qui ont été martyrisés...
19:22Vous le voyez en France aussi ?
19:24C'est un risque.
19:26C'est un risque.
19:27On voit des risques communautaires.
19:29On voit des partis politiques qui jouent de ces fragmentations communautaires beaucoup plus profondément qu'aux Etats-Unis.
19:40Et rien ne se résoudra si on n'est pas capable de recréer une vision française, un projet français
19:46qui rassemble au lieu de juxtaposer des groupes divisés.
19:50Et vous reviendrez nous en parler de comment la France peut réussir sa prochaine élection présidentielle.
19:55Merci Jacques Attali d'être venu à ce micro ce matin.
19:57Il est 8h52 sur BFM TV et RMC.
20:00Je vous souhaite une très bonne journée à vous ainsi qu'à tous ceux qui nous écoutent.