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Georges Salinas, ancien chef-adjoint de la BRI, raconte l'assaut du Bataclan

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Transcription
00:00On s'approche de lui, et là, le deuxième terroriste essaie de se faire sauter.
00:09C'était donc un vendredi, je me trouvais à ma maison de campagne,
00:13en compagnie de mon épouse,
00:15et j'étais, je dirais tranquillement, en train de regarder un match de foot.
00:18J'ai reçu un appel téléphonique de dépiégeurs d'assaut,
00:21ce sont des gens qui s'occupent de tout ce qui est dépiégeage, d'explosifs.
00:25Il y en a un qui m'appelle et qui me signale qu'il y a une explosion au Stade de France.
00:29Et puis je reçois un deuxième appel en me disant qu'il y a une deuxième explosion.
00:32Et puis très rapidement, on reçoit des appels comme quoi il y a des fusillades dans Paris.
00:37Je comprends qu'il va falloir rabattre tout le monde et puis aller au 36.
00:42Et on a fait un point de situation.
00:45J'arrive au Bataclan, c'est des scènes incroyables.
00:50On voit des gens qui ont été abattus, qui sont devant le Bataclan.
00:54On comprend qu'il y a énormément de gens coincés à l'intérieur.
00:58On ne sait pas s'il y a beaucoup de morts. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il y a une fusillade.
01:02Donc notre premier souci, ça va être de pénétrer dans le Bataclan sans se faire tirer dessus
01:06et en sécurisant et puis évacuer le maximum de gens.
01:10Rapidement, on comprend qu'en fait, il y a beaucoup de gens qui se sont simplement couchés, mais pas blessés.
01:13On va évacuer des gens et on va les évacuer avec des brancards.
01:17Mais quand on n'a pas de brancards, on prend même ce qu'on appelle des barrières boubantes.
01:20Elles vont servir aussi de brancards pour porter deux, trois personnes.
01:23Pendant ce temps-là, on a nos équipes qui travaillent.
01:26Et en étant sur un des balcons, notamment le balcon gauche,
01:31on sait qu'on est en contact avec des terroristes qui sont retranchés derrière une porte avec des otages.
01:37On a bien compris que ça sera très compliqué de négocier et d'obtenir quelque chose.
01:42Et on est dans une phase où on essaie de gagner un peu de temps pour pouvoir nous préparer
01:47à cet assaut qu'on sent à un moment irrémédiable.
01:50Et on va donner à l'assaut.
01:51Dès qu'on a cassé ces portes, les terroristes nous ont ouvert le feu.
01:56On avait un bouclier de protection qui a pris l'essentiel de chargeur de Kalashnikov.
02:02Donc du matériel lourd pour pouvoir faire un maximum de dégâts.
02:06On va pouvoir quand même pénétrer.
02:08Et sous le feu, on va commencer à évacuer la dizaine d'otages qui est coincée dans ce couloir.
02:15Pendant le tir, une balle va ricocher, taper dans un mur et aller toucher un de mes gars qui est en sixième position.
02:23Et sur cet assaut, on va avancer.
02:26On va perdre notre bouclier parce qu'il y a un petit escalier.
02:29Il y a des gens encore qui sont au sol.
02:31Donc ce bouclier va tomber.
02:34On va neutraliser le premier terroriste qu'on fait reculer avec des grenades et avec quelques tirs.
02:40Puisqu'on est obligé de tirer, on tire en hauteur.
02:43On tire très peu.
02:44Et ce terroriste, quand il reçoit les tirs, va déclencher son explosif.
02:49Et il va donc blaster le deuxième terroriste.
02:52On a fait sortir encore d'autres otages qui sont cachés dans un local technique.
02:57On s'approche de lui et là, le deuxième terroriste essaie de se faire sauter.
03:00La chance qu'on a, c'est que ce gilet explosif a tourné sur lui-même au moment du blast.
03:06Et il n'arrive pas à trouver le bouton pour pouvoir déclencher.
03:09Quand on perçoit qu'il va essayer de se faire exploser, on est obligé aussi de le neutraliser.
03:14A la suite de ça, on a poursuivi nos opérations.
03:18On a fait sortir tous les gens.
03:20On est descendu avec mon chef dans la fosse.
03:22On a vu tous ces portables qui sonnaient.
03:24Des gens qui étaient débarrassés de leurs portables.
03:26Et c'est là qu'on découvre l'horreur.
03:28Parce qu'on voit tous ces gens-là qui ont été tués.
03:32On voit les portables qui s'allument avec des noms de papa, maman,
03:36ou des gens de leur famille qui essaient de les joindre.
03:40Et c'est là aussi qu'on se rend compte de notre comportement.
03:43Puisque c'est là qu'on se dit, mon Dieu, j'ai marché sur des gens.
03:48On n'était pas vraiment conscients de ce qu'on faisait,
03:51tellement on était focus sur l'opération.
03:54C'est là peut-être qu'on a commencé à redescendre,
03:57et à se rendre compte de l'horreur de la situation,
04:00en voyant des gens qui se tenaient par la main et ce genre de choses.
04:03L'écrire, c'est un exutoire.
04:05Moi, ça me permet aussi de pouvoir parler.
04:09Quand j'écris, j'écris des romans.
04:11Parce que ça me permet d'avoir l'esprit libre.
04:14Mais il est sûr que ça se rapproche.
04:17Je m'inspire quand même de ce que j'ai vécu,
04:20ou ce que d'autres ont vécu aussi.
04:22Tout le monde est marqué par ça.
04:24Et je crois que même après les années, on restera, on n'oubliera pas.
04:27On a fini les opérations vers 5-6 heures du matin.
04:30On est rentrés au 36 qu'il y a des heures fèvres.
04:33En général, à la fin des opérations, on est toujours heureux,
04:36quand ça s'est bien passé pour nous.
04:39On n'avait qu'un seul blessé.
04:42Ce soir-là, je me souviens qu'on avait tous une mine sévère.
04:46On n'avait pas envie de parler.
04:49On n'avait pas envie de plaisanter entre nous.
04:52On n'avait tous qu'une envie, c'est de rentrer chez nous.

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