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Alain Finkielkraut, auteur et philosophe, était l'invité de Benjamin Duhamel dans "C'est pas tous les jours dimanche", sur BFMTV.

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Transcription
00:00Il dit bonsoir Alain Finkielkraut.
00:01Bonsoir Benjamin Duhamel.
00:02Merci beaucoup d'être avec nous ce soir dans
00:04C'est pas tous les jours dimanche, écrivain, philosophe.
00:06Votre dernier livre est paru aux éditions bouquins,
00:08La modernité à contre-courant.
00:11Plusieurs de vos écrits y sont rassemblés.
00:13On parlera dans un instant de l'élection de Donald Trump
00:15et des leçons qu'ici en France, certains veulent en tirer.
00:18On dira également un mot de la situation politique
00:19et notamment d'un autre livre, celui du Président...
00:22Ah, je vous vois déjà sourire.
00:23Celui du Président du Rassemblement National Jordan Bardella
00:25puisqu'il vous cite, vous faites partie de celles et ceux
00:28qui sont citées par Jordan Bardella.
00:30Mais d'abord bien sûr Alain Finkielkraut,
00:32la question de l'antisémitisme.
00:33La semaine a été marquée par des scènes de violences insupportables
00:37contre des personnes de confession juive à Amsterdam.
00:39Après le match qui opposait l'Ajax Amsterdam
00:42et le Maccabi Tel Aviv, Israël a dénoncé,
00:45je cite, un pogrom antisémite.
00:48Est-ce que vous reprenez ce terme Alain Finkielkraut ?
00:51En tout cas, on a tendance à dire qu'avec ces événements
00:56et d'autres, on assiste à l'importation
01:00du conflit israélo-palestinien en Europe.
01:04Non, il faut aller plus loin.
01:06Ce dont nous sommes les témoins, c'est de l'importation du 7 octobre.
01:12Ce pogrom, le 7 octobre, est un précédent.
01:18Cette extase de l'horreur a fait école.
01:22On l'a vu en France, à Courbevoie, vous vous en souvenez ?
01:25Une fillette violée parce qu'elle venait d'avouer ses origines juives.
01:30Tu es juive, donc tu soutiens le génocide à Gaza
01:34et nous te faisons ce qu'ont fait les militians du Ramallah.
01:40Cela, les agresseurs ne sont pas allés si loin.
01:46Mais effectivement, on a assisté à des scènes de lynchage
01:51préparées bien en amont, la veille et l'avant-veille.
01:54On disait qu'il fallait accueillir comme il se doit les supporters israéliens.
02:02Alors, on a évoqué, par le pogrom, mais aussi on a évoqué la nuit de cristal.
02:08Je comprends cette référence, mais elle n'est pas juste.
02:12Une nuit de cristal qui fait référence à l'Allemagne nazie.
02:15Oui, mais justement, la maire a protesté véhémentement,
02:20ainsi que le Premier ministre, alors que la nuit de cristal,
02:25a été en 1938, accomplie sous l'autorité du régime nazi.
02:30C'est une grande différence.
02:31Deuxième différence, c'est un antisémitisme venu d'ailleurs.
02:36Ce n'est pas, si vous voulez, nos vieux démons, c'est tout autre chose.
02:41C'est l'un des résultats de l'immigration massive.
02:47Antisémitisme venu d'ailleurs, avec la bénédiction, bien sûr, il faut l'ajouter,
02:53non pas, pour le coup, de l'extrême droite, mais de la gauche radicale.
02:59Raphaël Arnault, qui, vous savez, député fiché S,
03:03qui explique que tous ces supporters de Maccabi sont des liganes
03:07connus pour les faits de racisme et de violence.
03:10Pour que ceux qui nous regardent comprennent bien à quoi vous faites référence,
03:12je voudrais qu'effectivement, on regarde ces deux réactions politiques
03:15issues de la France insoumise.
03:17La première, celle du député Raphaël Arnault, voilà ce qu'il dit.
03:20Quand on suit un peu le foot, les supporters du Maccabi Tel Aviv
03:23sont réputés pour abriter les plus grosses franges douliganes
03:25d'extrême droite raciste et violent.
03:27Hier, à Amsterdam, ils ne sont pas venus cueillir des jonquis.
03:30Voilà ce que dit Raphaël Arnault.
03:32Et je vous soumets une autre réaction.
03:33Oui, je la connais.
03:34Celle de la députée Marie Messmer, autre députée insoumise.
03:37Ceux-là n'ont pas été lynchés parce qu'ils étaient juifs,
03:40mais bien parce qu'ils étaient racistes et soutenaient un génocide.
03:44Ce à quoi font référence certains membres de la France insoumise,
03:48c'est ce qui s'est passé notamment avant le match à Amsterdam,
03:52c'est-à-dire le fait qu'on a pu voir des vidéos de supporters du Maccabi Tel Aviv
03:56arrachant des drapeaux palestiniens, proférant des slogans racistes,
04:00faisant état effectivement des Arabes.
04:04C'est la référence de ces députés insoumis.
04:07Pour autant, vous ne considérez pas qu'ils relativisent ce qui s'est passé ?
04:09Non, ce n'est pas qu'ils relativisent.
04:11Ils approuvent le lynchage.
04:12Ils l'approuvent.
04:13Et ils l'approuvent pour des raisons qu'on connaît bien.
04:15Ils voient prospérer un nouveau peuple
04:20et ils veulent justement être les élus de ce nouveau peuple.
04:24Jean-Luc Mélenchon l'a théorisé.
04:26Il dit à Hénin-Beaumont,
04:28j'ai vu des Français d'origine française qui sentent le rouge qui tâche.
04:34Ce n'est pas avec eux qu'on peut faire affaire.
04:36On va prendre les autres.
04:37C'est quoi ? C'est du clientélisme ?
04:38C'est de l'électoralisme, c'est du clientélisme.
04:41Henri IV a dit, avant justement son accès à la royauté,
04:49Paris vaut bien une messe.
04:51Pour Jean-Luc Mélenchon,
04:53l'élection présidentielle vaut bien une conversion d'antisémitisme.
04:57Et c'est extraordinaire parce que ces députés-là,
05:00ils ont été élus grâce au Front républicain,
05:03notamment Raphaël Arnault,
05:05qui se présentait contre la députée sortante du RN.
05:08Donc il faut en conclure que pour faire barrage à l'extrême droite,
05:13on a fait le lit de l'antisémitisme
05:17qui siège maintenant, pour la première fois depuis la guerre,
05:21à l'Assemblée nationale.
05:23Ça devrait inciter à réfléchir.
05:25L'accusation est plus que sévère, elle est grave.
05:28Ce n'est pas seulement de la relativisation.
05:31C'est clairement de l'antisémitisme
05:33parce qu'eux, encore une fois, font référence à ces scènes qui existent.
05:36L'idée n'est absolument pas de minimiser ce qui s'est passé.
05:38Mais on a vu aussi des scènes de supporters du machin écologique
05:42qui arrachaient des drapeaux palestiniens.
05:44Ils approuvent ce l'incharge.
05:46Ils l'approuvent, c'est tout.
05:48Pour eux, tous les Israéliens sont des génocidaires.
05:56Comme d'ailleurs pour certains étudiants,
05:59notamment de Toulouse,
06:02qui se prononcent sur une affiche
06:04contre la Convention nationale de l'Union des étudiants juifs de France
06:08génocidaires et racistes hors de Toulouse.
06:11Si vous êtes juif aujourd'hui, vous êtes génocidaires et racistes.
06:14Voilà dans quel climat nous vivons.
06:15Mais alors parlons-en.
06:16Oui, certains supporters ont eu une attitude intolérable.
06:24Et j'ai vu ces images, elles m'ont frappé.
06:27Mais, il faut le redire,
06:30l'enquête menée par la police néerlandaise
06:35prouve que l'incharge n'avait rien de spontané.
06:38Des messages échangés l'avant-veille
06:42et la veille évoquaient la nécessité d'accueillir les Israéliens comme il se doit.
06:49Les chauffeurs de taxi signalaient sur des messageries
06:53où se trouvaient les Israéliens
06:56et comment se déployaient les forces de police.
06:58Donc tout ça était préparé.
07:01Donc ce n'est pas une réponse,
07:03d'ailleurs cette réponse aurait été intolérable,
07:05mais ce n'est pas une réponse à des provocations.
07:07Et l'idée de ma question n'était évidemment pas de mettre en parallèle quoi que ce soit.
07:11Une question à l'infini quelconque.
07:12Est-ce que cela veut dire, suite à ce qui s'est passé jeudi soir à Amsterdam,
07:15que les personnes de confession juive qui vivent sur le sol européen ne sont plus en sécurité ?
07:21Il ne faut pas aller trop loin,
07:24mais les Juifs ne sont plus en sécurité nulle part.
07:28Ils ne sont plus tout à fait en sécurité en Israël.
07:30On l'a vu avec le 7 octobre.
07:32C'est ce que disait David Grossman.
07:36Tragiquement, Israël n'a pas su guérir les Juifs de leur blessure fondamentale.
07:45La sensation amère de ne pas être chez soi dans le monde.
07:49Où sommes-nous complètement chez nous ?
07:51Nous sommes amenés à nous poser la question,
07:54puisque bien sûr on le voit.
07:55On le voit même avec le clientélisme de LFI.
07:58Les Juifs ne font plus le poids.
08:00Bientôt ils ne feront plus le poids aux Etats-Unis.
08:03Il y a 500 000 Juifs en France.
08:05Il y a 8 millions de musulmans.
08:07C'était déjà le raisonnement de Pascal Boniface en disant que le PS doit changer de stratégie.
08:12On parle de la domination financière,
08:16mais tout ça c'est de la blague.
08:18Il y a une nouvelle sensation de fragilité et de vulnérabilité.
08:22Mais il y a aussi une très forte solidarité dans de larges secteurs de l'opinion.
08:28Ça, il faut être clair.
08:30Vous évoquez en France les Français de confession musulmane.
08:34Ils ne sont pas tous comme ça.
08:36Ce n'est même pas tout.
08:37Il y a une partie d'antisémitisme qui peut venir d'une forme d'islamisme.
08:41Mais pour le reste, l'immense majorité des Français de confession musulmane
08:44sont terrifiés à l'idée de voir ces scènes à Amsterdam.
08:47On n'a pas fait d'enquête.
08:49Il y a une tradition dans l'islam de judéophobie.
08:55Tradition exploitée par l'islamisme.
08:59Il faut évidemment distinguer les choses.
09:02Mais regardez ce qui s'est passé à Bruxelles.
09:05Le 16 septembre devait avoir lieu le match Belgique-Israël.
09:09Les autorités bruxelloises ont dit que ce n'était pas possible.
09:14Donc le match a été délocalisé à Budapest.
09:17Mais qu'est-ce que ça veut dire ?
09:19Bruxelles est à la fois la capitale de l'Union européenne
09:23et un territoire perdu de l'Europe.
09:25Alain Finkielkraut, vous me fournissez la transition quant au sujet qui suit.
09:29Le match France-Israël qui se tiendra au Stade de France ce sera jeudi soir
09:33avec un dispositif de sécurité exceptionnel, une influence historiquement basse.
09:37Certains demandaient l'annulation, voire le dépaysement de la rencontre.
09:41À l'instant, on apprend que le président de la République, Emmanuel Macron,
09:44se rendra au Stade de France pour assister à la rencontre France-Israël.
09:48Vous vous félicitez de cette décision d'Emmanuel Macron
09:51qui apparaît effectivement comme un symbole quand on voit les conditions
09:54dans lesquelles ce match va avoir lieu ?
09:56Oui. En plus, certaines de ses déclarations prêtent à la critique.
10:03Là maintenant, il fait un geste en effet nécessaire.
10:08Le ministre de l'Intérieur a raison de ne pas pouvoir dépayser le match.
10:14Il est simplement triste qu'on ait besoin d'un dispositif de sécurité
10:19supérieur à celui qui a été mis en œuvre pour les Jeux olympiques.
10:24Et il y a trois compagnies de CRS qui vont protéger les athlètes israéliens,
10:30les footballeurs israéliens. Donc ça, c'est évidemment un crève-cœur.
10:34Mais je salue en effet la décision du président de la République.
10:37À la fin de quel conte ? Je voudrais qu'on parle de l'élection de Donald Trump,
10:4047e président des États-Unis, le comeback politique le plus spectaculaire
10:43de l'histoire de la démocratie américaine.
10:45Vous, l'homme de lettres, philosophe qui publiez 1200 pages,
10:49la modernité à contre-courant, les outrances de Donald Trump,
10:53sa façon de faire de la politique, ça devrait être ce que vous avez en horreur en théorie, non ?
10:58Pas seulement en théorie.
11:00Donc vous vous regrettez, vous déplorez son élection ?
11:04Il y a une partie de la droite dans laquelle on me range aujourd'hui
11:10qui en effet manifeste son enthousiasme pour l'élection de Donald Trump.
11:16Et je ne me reconnais pas du tout dans cet enthousiasme,
11:20même s'il y a des choses à dire.
11:22Et alors vous dites que je suis un homme de lettres, je vous remercie.
11:25Alors je vous citerai un écrivain, un romancier, Philippe Roth.
11:292017. Nous n'avons jamais rien eu qui soit si pauvre sur le plan humain
11:35que Trump, ignorant du gouvernement, de l'histoire, de la science, de la philosophie, de l'art,
11:41incapable d'exprimer ou de reconnaître la moindre subtilité, la moindre nuance,
11:46dépourvu de la moindre décence et maîtrisant un vocabulaire de 77 mots
11:51qui mérite plutôt le nom de crétinet que d'anglais.
11:56Je souscris tout à fait ce jugement.
11:59Donc vous vous inquiétez de l'élection de Donald Trump ?
12:02Je consacre que Trump, c'est le mépris des formes,
12:05c'est le piétinement de la common decency si chère à Orwell, de la décence commune.
12:12Et cette victoire a quelque chose de terrifiant.
12:15Si vous aviez été électeur dans un État pivot, vous auriez voté pour Kamala Harris ou pour Donald Trump ?
12:20Plutôt pour Kamala Harris, avec des réticences dont je parlerai tout de suite.
12:25Mais un homme, ça s'empêche, disait le père de Camus.
12:30Ce qui caractérise Trump, c'est qu'il ne s'empêche pas, il ne s'empêche jamais.
12:35Vous parlez de ses outrances, en effet, ses mensonges, ses injures.
12:41Et puis en même temps, parmi les deux décisions qu'il promet de prendre,
12:47il y a celle de supprimer des parcs nationaux,
12:53deux parcs nationaux pour permettre l'exploitation du gaz de schiste et de l'uranium.
12:58Donc c'est un désastre écologique et c'est une indifférence absolue à la beauté du monde.
13:03Je voudrais qu'on parle de l'interprétation qui est faite de l'élection de Donald Trump ici en France.
13:07On entend beaucoup, notamment, parfois chez des personnalités qui sont idéologiquement proches de vous,
13:12qui disent non mais Kamala Harris, elle a perdu parce que c'était une candidate soi-disant walkiste,
13:17qui était obsédée par les sujets sociétaux.
13:20En réalité, c'est surtout parce qu'elle avait peut-être pas suffisamment traité la question économique.
13:26Est-ce qu'il faut forcément voir la question du walkisme au centre de tout ?
13:30Simplement, je crois que Trump n'est pas possible en France.
13:36D'ailleurs, un sondage dit que 79% des Français ont une mauvaise opinion de lui.
13:42Y compris chez des électeurs du Rassemblement National.
13:45Oui, y compris chez des électeurs du Rassemblement National.
13:48Mais si vous voulez, Trump c'est l'apothéose de la société du divertissement.
13:55Il y a eu un très beau livre d'un Neil Postman dans les années 80.
14:00Un Américain se distraire en mourir.
14:03Entertaining ourselves to death.
14:05Effectivement, Trump n'est possible que dans une civilisation dominée par l'écran,
14:14dominée par le divertissement, et il s'adresse à des gens qui ont besoin d'un langage simple.
14:22Et cette domination aux États-Unis est effectivement totale.
14:26Mais, d'un autre côté, les démocrates, depuis très longtemps, se sont éloignés,
14:38se sont détournés du peuple.
14:40Ils ont divisé le peuple en minorités.
14:43Et des minorités auxquelles il fallait accorder beaucoup d'attention, beaucoup de droits.
14:50En même temps, à l'infini quelque chose,
14:52Donald Trump aussi dans sa campagne s'est adressé à des minorités.
14:55C'est aussi une façon de faire de la politique qui est aux États-Unis assez différente
14:58de celle que l'on peut mener en France, communauté noire, afro-américaine, communauté latino.
15:03Oui, une autre façon de faire de la politique, c'est des milliards dépensés par chaque camp.
15:07Et ça, ça a quelque chose de vraiment répugnant.
15:10Mais j'y reviens, oui, mais Trump s'est adressé, alors que c'est un républicain,
15:15au col bleu, aux classes moyennes qui se sentent déclassées,
15:19qui se sentent dépossédées de leur propre pays du fait d'une immigration immatrisée, etc.
15:25Et ça, les démocrates, ce langage-là, les démocrates ont été incapables de le tenir.
15:31Et cette critique vaut aussi pour la gauche européenne et la gauche française.
15:38Vous voyez, c'est intéressant ce que vous dites à l'infini quelque chose.
15:40Vous dites au fond, ce qui a fait perdre Kamala Harris aux États-Unis,
15:43c'est aussi ce qui empêche les gauches européennes et la gauche française de renouer avec le peuple.
15:51Bien sûr. Il y a eu la note de la Fondation Terra Nova en 2011, une fondation socialiste.
15:58Qui au fond disait, je résume, pour la gauche, le salut vient dans le fait de s'adresser
16:03aux personnes issues de l'immigration et aux électeurs de grandes villes.
16:07Aux jeunes, aux minorités et aux femmes.
16:12Les classes populaires ont basculé à droite, on ne les regagnera pas.
16:17Avec la France insoumise, ce discours s'est encore radicalisé.
16:22Et je pense, à moins effectivement que le changement de population prenne des proportions gigantesques,
16:28je pense que c'est un très mauvais calcul.
16:32D'abord, en plus, c'est très odieux, c'est très antipathique.
16:36Il faut, quand on est de gauche, savoir tenir la question sociale,
16:41savoir parler aux classes moyennes et aux classes populaires.
16:44La gauche le sait de moins en moins.
16:46Et le Parti socialiste, en se mettant sous la tutelle de la France insoumise,
16:51a trahi sa propre vocation.
16:54Juste à la fin, vous évoquiez celles et ceux qui se sont réjouis dans la classe politique française
16:59de l'élection de Donald Trump.
17:01On peut citer Éric Ciotti, Éric Zemmour.
17:04Ces turifères-là, ils se trompent en pariant sur la possibilité
17:09qu'un Donald Trump français émerge et réussisse, au fond, à capitaliser
17:13sur les mêmes déterminants en France qu'aux États-Unis.
17:16Fort heureusement, il n'y aura pas de Donald Trump français.
17:19Les gens dont vous parlez sont beaucoup plus cultivés que ne l'est Trump.
17:23Mais je trouve qu'il y a quelque chose, je dirais même de détestable dans leur enthousiasme.
17:29On peut être capable de dire deux choses en même temps, quand même.
17:33Si vous voulez, encore une fois, c'est le piétinement de la naissance commune,
17:38c'est le mépris des formes.
17:40Ça se voit, ça s'entend.
17:42Cette vulgarité devrait susciter une réprobation unanime.
17:48Et après coup, on s'interroge.
17:50On s'interroge sur les carences de la gauche,
17:53celles éventuellement de Kamala Harris, etc.
17:56On s'interroge sur la nécessité pour la France de s'unir
18:01autour d'un certain nombre de principes communs,
18:04ce que souhaitait Jacques Julliard,
18:06défense de la laïcité, de la sécurité, maîtrise de l'immigration.
18:10Mais on ne va pas.
18:11En plus, Trump, c'est, dans ses promesses en tout cas,
18:15l'abandon de l'Ukraine.
18:17Et on voit cette droite dite nationale se réjouir de cet appendant,
18:21c'est-à-dire, en guise de défense de la nation,
18:24se prosterner devant l'Empire russe.
18:27Alors c'est ça le national ?
18:28Et vous avez raison, ce n'est pas l'un des moindres paradoxes.
18:30A l'infini quelconque, je voudrais qu'on dise un mot
18:32de la situation politique ici en France,
18:34et notamment la publication du livre du...
18:36Ah bah qu'est-ce qu'il y a ?
18:37Vous me voyez venir ou pas ?
18:39Avec mes gros sabots !
18:40Le livre du président de la Réunion nationale,
18:42c'est gentil, Jordan Bardella, aux éditions Fayard.
18:45D'abord, est-ce que vous allez le lire, ce livre ?
18:47Peut-être. Je ne m'interdis rien.
18:49Je ne m'interdis rien.
18:51On voit ici la couverture avec ce titre,
18:53« Ce que je cherche »,
18:54et une couverture qui a fait penser à certains,
18:56à celle du livre de Barack Obama.
18:59Au fond, la question que se posent certains
19:01en voyant ce livre, c'est,
19:03est-ce qu'à 29 ans,
19:05on n'est pas un peu jeune pour publier un livre comme ça,
19:07même quand on fait de la politique,
19:09et qu'on a de l'ambition ?
19:10Il faut voir ce qu'il y a dedans.
19:11Il y a un passage qui m'a touché.
19:13Je ne vais pas...
19:15Je vais me mettre encore en difficulté.
19:17Mais vous dites qu'il me cite,
19:18je vous demanderai de quoi il s'agit.
19:20Quand il a parlé de son prénom,
19:22de la douleur que ça représentait
19:24de porter ce prénom.
19:26C'était un paragraphe, je trouve,
19:28très juste et assez émouvant.
19:30Pour le reste,
19:32je ne vote pas pour la Rassemblement national,
19:35je ne milite pas pour la Rassemblement national,
19:37non pas parce que ce serait encore un parti fasciste,
19:40mais à cause notamment
19:42de ces tendances
19:45koutiniennes.
19:47En tout cas, effectivement,
19:48vous êtes cité Alain Finkielkraut,
19:49page 243 pour être extrêmement précis.
19:51Ouvrez les guillemets,
19:52comment peut-on vouloir du mal à son pays
19:54au point de le détester ?
19:56Dans l'identité malheureuse,
19:57Alain Finkielkraut dénonce
19:58l'oïcophobie qui se diffuse et fracture la France,
20:00cette aversion pour la maison-mère,
20:02décrite avec justesse,
20:03les rancœurs exprimés par certains
20:05à l'égard d'une nation
20:07pourtant si généreuse.
20:09En tout cas, vous êtes une référence
20:12de Jordan Bardel, visiblement.
20:14Les journalistes
20:18du monde de Mediapart
20:21ou de Libération qui nous écoutent
20:23vont se frotter les mains.
20:25Vous n'êtes pas le seul,
20:26disons qu'il y a assez peu de gens d'autres
20:28cités par Jordan Bardel dans son livre.
20:30L'oïcophobie, ce n'est pas mon concept.
20:33C'est le concept d'un philosophe anglais,
20:36Roger Scrotton.
20:40C'est la haine de la maison natale,
20:42la volonté de se défaire de tous les meubles
20:45qu'elle a accumulé au cours des siècles.
20:47Et cette oïcophobie existe.
20:49J'en donne très vite deux exemples au moins.
20:52Le philosophe Gianni Vattimo,
20:54grand philosophe italien,
20:55il dit que l'hospitalité aujourd'hui
20:57doit se réduire à prêter l'oreille
21:02à ses hôtes et à leur donner la parole.
21:04C'est-à-dire que c'est les hôtes qui parlent,
21:05nous on n'existe plus.
21:07Le sociologue le regrettait,
21:09Ulrich Beck, sociologue allemand.
21:11La formule de l'Europe, c'est
21:13vacuité substantielle, ouverture radicale.
21:15Nous ne sommes rien, venez nous remplir.
21:19La France mondiale,
21:21le livre dirigé par Patrick Boucheron,
21:24la France mondiale, c'est pas la France
21:26qui règne dans le monde,
21:27c'est la dissolution de ce que la France
21:31a de spécifique, de son génie propre,
21:34dans le grand bain de la diversité
21:36et du métissage planétaire.
21:38Et là, je citerai pour finir,
21:40Pierre Manon, qui dit ceci,
21:42nous ne pensons pas que ce qui est à nous
21:46soit digne d'être défendu,
21:48ni notre langue, ni notre histoire,
21:50ni notre liberté, ni notre indépendance,
21:53sous l'ajactance des valeurs,
21:55je ne sens qu'un triste désir de mourir.
21:57C'est ça, l'oécophobie.
21:59Et effectivement, ça existe,
22:02il faut s'en désoler.
22:04Les peuples ont droit à la continuité historique,
22:06cette continuité historique doit être défendue
22:08par tous les partis politiques.
22:10Dont visiblement Jordan Bardalla
22:12qui reprend effectivement cette analyse
22:14que vous avez vous-même reprise,
22:16si j'ose dire, chez certains philosophes.
22:18Un dernier mot avec vous Alain Finkielkraut
22:19sur ce que l'on apprend à l'instant.
22:21On évoquait il y a quelques minutes
22:22la décision du Président de la République
22:23de se rendre au match France-Israël jeudi soir.
22:26À l'instant, Israël recommande à ses citoyens
22:29de ne pas se rendre au match France-Israël
22:33au Stade de France.
22:34Je précise que c'est environ 70 à 90 supporters
22:37qui étaient prévus au Stade de France.
22:40C'est terrible d'en arriver là.
22:42Oui, c'est absolument terrible.
22:44Mais ce qui est terrible aussi,
22:46c'est si vous voulez,
22:48le fait que certains supporters excités,
22:52comme on l'a vu au Parc des Princes aussi,
22:54et des étudiants de Toulouse ou du Sciences Po
22:57parlent la même langue.
22:59On assiste justement,
23:02avec cet antisémitisme,
23:05à une nouvelle alliance de l'élite et de la populace.
23:08Il n'y a rien à en attendre.
23:10Vraiment rien.
23:11Merci beaucoup Alain Finkielkraut
23:13d'avoir été l'invité de C'est pas tous les jours dimanche.
23:14Je vous rappelle votre livre,
23:16compilation de vos écrits,
23:18La modernité à contre-courant.
23:20C'est aux éditions bouquins
23:22et je recommande ce livre tout à fait passionnant.
23:24Merci infiniment Alain Finkielkraut d'être venu nous voir.

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