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Cinéaste, Claude Lelouch est de retour avec son 51è film, "Finalement", en salles mercredi. Il publie aussi ses mémoires "Le cinéma c’est mieux que la vie” (31 octobre, Presses de la Cité), et est à l'honneur à la Cinémathèque Française jusqu'au 24 novembre. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-lundi-11-novembre-2024-4614473

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Transcription
00:00Léa, ce matin, vous recevez un réalisateur R majuscule.
00:04Bonjour Claude Lelouch ! Bonjour, bonjour ! Merci d'être avec nous ce matin, vous avez reconnu la musique ?
00:09Je crois, oui oui, sérieusement, mais je ne me lasse pas, je ne me lasse pas, on ne se lasse pas des bons souvenirs.
00:16La bande originale d'un homme et une femme pour ceux à qui ça aurait échappé.
00:20Quel mois de novembre pour vous, Claude Lelouch ? Vous sortez votre 51e film finalement dont on va longuement parler,
00:26mais aussi un livre passionnant de 600 pages, vos mémoires XXL, dont Éric Neuf dit dans le Figaro ce matin
00:32qu'il est le meilleur livre de cinéma depuis le Hitchcock Truffaut, c'est aux presses de la cité.
00:37Et puis, la Cinémathèque vous rend hommage pendant dix jours avec des débats, des projections.
00:42C'est quoi ? C'est le moment Lelouch ? Le mois Lelouch ? Ça vous fait plaisir ?
00:47Oui, vous savez, il y a un critique qui est important, c'est le temps qui passe, il a l'air d'être sympa avec moi.
00:53Je ne pensais pas assister à tout ça de mon vivant, je pensais que ça viendrait après.
00:58Je suis content, vous savez, j'ai passé ma vie à filmer mon intime conviction.
01:02Elle a changé dans les années 60, 70, 80 jusqu'à aujourd'hui, donc l'intime conviction c'est une boussole formidable.
01:09C'est un peu celle qu'on demande dans un procès après avoir entendu tous les discours.
01:15Cette intime conviction, elle est dans tous mes films.
01:19J'ai le sentiment d'avoir filmé une famille d'hommes et de femmes, un peu moins dégueulasses que les autres,
01:25que j'avais envie d'avoir pour amis ou de prendre dans mes bras.
01:29J'ai mieux filmé les choses que j'aimais que les choses que je n'aime pas.
01:32Les choses que je n'aime pas, j'en suis pas sûr.
01:34Les choses que j'aime, oui, j'en suis sûr.
01:36Quand on est sûr d'un truc, on a envie de le partager avec le plus grand nombre.
01:40Une question rituelle pour commencer.
01:42Si vous étiez avec le Lelouch, une actrice, un président de la Vème République, une voiture et une décennie de votre vie, vous seriez qui ?
01:50Vous seriez quoi ? L'actrice ?
01:52Rita Eward, elle m'a fait grandir.
01:54J'ai grandi avec elle, voilà, elle m'a fait rêver.
01:56C'est mes premiers rêves, c'est elle.
01:58Un président de la Vème ?
02:00De Gaulle, j'ai grandi aussi avec lui.
02:02Une voiture ?
02:03Deux chevaux, c'est ma première voiture.
02:05Vous êtes passionné de voiture et de vitesse.
02:07Une décennie de votre vie, ce serait laquelle ?
02:09Vous ne cachez pas votre âge, vous avez 87 ans.
02:11Ce serait laquelle s'il fallait retenir une décennie ?
02:14Aujourd'hui.
02:15Parce que le présent, c'est la seule chose qui nous appartient.
02:18Il est toujours jeune, il n'a pas le temps de vieillir.
02:20Et puis c'est un moment important.
02:23Parce qu'on a tous les outils qu'il faut pour fabriquer un monde nouveau ou précipiter à la fin du monde.
02:28Donc le suspense est total.
02:30C'est un film d'Hitchcock.
02:32Tout ce qui nous arrive dans la vie, c'est pour notre bien, même quand ça fait mal.
02:36Ça pourrait être le leitmotiv, la phrase choc de votre nouveau film.
02:40Le 51ème donc, finalement.
02:42Avec Kadmerad, Elsa Silberstein, Françoise Fabian, Sandrine Bonner, Michel Bougnard, Barbara Pravi
02:48et une pléiade d'autres acteurs qui viennent parfois juste pour une phrase,
02:52parfois juste pour un plan, comme Jean Dujardin, il ne parle pas.
02:54Le pitch ? Un avocat star, Kadmerad, fait un burn-out et décide de tout quitter.
02:59Son job, sa famille, ses amis, sa femme et d'entamer un road-trip à travers la France
03:04pour changer d'air, pour chercher.
03:06Pour chercher quoi d'ailleurs ? Qu'est-ce qu'il cherche ?
03:08La liberté.
03:10La liberté parce qu'aujourd'hui on a fabriqué un monde de contraintes.
03:14La famille, le boulot, tout ce qui nous arrive aujourd'hui est devenu une contrainte.
03:22Et ces parfums de liberté, alors la liberté elle n'existe pas, mais les parfums de liberté existent.
03:27Et donc on a besoin de cette liberté, même si on n'a que deux heures de liberté par jour.
03:33Mais la liberté elle ne peut pas être à plein temps.
03:35Elle a besoin de se reposer.
03:37Mais vous arrivez à l'avoir vous la liberté ?
03:39Oui, quand je fais un film.
03:41Quand je fais un film, je m'offre tout.
03:43J'ai plus peur de rien, c'est une sorte de bouclier.
03:47Et je peux dans mes films avoir ces moments de liberté.
03:5251 fois j'ai été un homme libre.
03:5451 fois et d'ailleurs il y a des hommages à vos précédents films.
03:57On pense évidemment à Jean-Paul Belmondo dans l'itinéraire d'un enfant gâté
04:00qui avait organisé sa propre mort.
04:02Mais aussi à Lino Ventura dans La bonne année.
04:04Puisqu'il y a une filiation claire.
04:06Qu'Admirade est le fils de Lino Ventura et de Françoise Fabian.
04:11C'est la suite de La bonne année.
04:13Et puis surtout on retrouve toutes les obsessions loulouchiennes.
04:17L'amour, la famille, le succès, la liberté.
04:20Au fond il se demande qu'Admirade, votre personnage,
04:24ce qu'on peut tous se demander à un moment dans notre vie.
04:26Qu'est-ce que j'ai fait de ma vie ?
04:29Quel est le sens de tout ça ?
04:31Et est-ce que je peux me passer tout ça ?
04:33Non mais le sens de la vie c'est l'amour.
04:36Je veux dire que tous les chemins mènent à l'amour.
04:38Je veux dire que toutes les secondes dans la vie qui ne sont pas consacrées à l'amour
04:41sont des secondes perdues.
04:44Et donc la liberté elle vous amène à l'amour.
04:47À un moment donné on tombe amoureux de plein de choses.
04:50La nature, une femme, une voiture, enfin tout ce que vous me disiez tout à l'heure.
04:54Non, je pense que vous avez en face de vous un homme heureux.
04:58Ça existe ?
04:59Oui.
05:00C'est vous ?
05:01Je suis, oui.
05:02Vous êtes celui-là.
05:03Il souffre d'une maladie, d'une dégénérescence frontoutemporale du cerveau
05:08qui fait qu'il parle tout seul, qui parle à des gens imaginaires
05:10et surtout qu'il parle sans filtre jusqu'à dire des choses dures avant de partir à sa famille.
05:15Par exemple dans un dîner de famille avec les parents, les enfants,
05:19il balance à sa femme, à Zylberstein
05:22Je t'aime ma chérie mais je ne te désire plus.
05:25Oui, ça c'est terrible.
05:26C'est terrible parce que c'est ce qui arrive très très souvent.
05:29Vous savez, il y a l'amour des corps, ça ne dure pas très longtemps
05:33et puis il y a l'amour qu'on porte, qui passe par l'admiration.
05:37Je veux dire que l'amour passe par, à un moment donné on admire quelqu'un
05:40et c'est comme ça qu'on tombe vraiment.
05:42Alors cet amour d'admiration peut durer très très longtemps
05:45en condition qu'on batte tous les jours nos propres records.
05:49Je veux dire, on est des athlètes, il faut tous les jours battre nos records.
05:52Mais d'ailleurs un personnage du film demande pourquoi les histoires d'amour ne durent pas assez longtemps.
05:56Vous qui avez eu quatre mariages, des femmes, on ne les compte plus, vous ne les comptez plus.
06:01Je ne vais même pas vous demander combien, tellement il y en a.
06:04Vous avez la réponse, pourquoi les histoires d'amour ne durent pas assez longtemps ?
06:07Parce qu'elles sont flamboyantes.
06:09Parce qu'au moment, c'est comme un feu, je veux dire que ça brûle dans tous les sens.
06:15Mais on peut effectivement jouer les prolongations d'une façon extraordinaire en passant par l'admiration.
06:21Les choses que j'admire, je peux les aimer toute ma vie.
06:25Le sexe est abordé assez frontalement dans le film, ce qui est rare chez vous.
06:29Vous n'aimez pas trop filmer les scènes de cul, dites-vous.
06:33Là il y en a. Pourquoi aujourd'hui, à 87 ans, affronter la question du sexe ?
06:40Parce que c'est quand même le sujet principal de la vie de chacun d'entre nous.
06:45C'est le sexe ou l'amour, ce n'est pas la même chose ?
06:47Mais ça se mélange très bien.
06:49À un moment donné, on peut commencer avec l'un ou avec l'autre.
06:53Des fois, ça marche ensemble.
06:55Mais les deux sont intéressants, les deux sont passionnants et les deux peuvent amener à l'autre.
07:00Encore une fois, je veux dire, moi je n'ai pas la recette, je n'ai pas la phrase parfaite.
07:05Mais je ne m'ennuie pas. Je préfère avoir des ennuis que m'ennuyer.
07:08Et quand vous vous ennuyez, vous partez ou vous trompez ? La fidélité, ça n'a jamais été votre truc ?
07:12On est fidèle tant qu'on n'a pas trouvé mieux.
07:15Oui, c'est terrible à dire, mais ça nous tire vers le haut.
07:21Ça nous oblige à nous améliorer.
07:23Je veux dire qu'une histoire d'amour, c'est jamais un truc acquis.
07:26Le combat, il dure tous les jours, tous les jours.
07:29Il faut battre des records tous les jours.
07:31Il faut être de mieux en mieux.
07:33Dieu aussi, et la religion est très présente, de plus en plus présente dans vos films d'ailleurs.
07:37Il y a beaucoup de scènes à l'église.
07:38Vous dites d'ailleurs que le Notre-Père, et ça c'est une histoire vraie, ce n'est pas dans le film,
07:44le Notre-Père vous a sauvé la vie.
07:46Absolument.
07:47Pourquoi ?
07:48Quand j'étais enfant, à l'âge de 6-7 ans,
07:50Pendant la guerre ?
07:51Oui.
07:52Les Allemands, à un moment donné, sont rentrés dans une salle de classe.
07:54On leur avait dit qu'il y avait un juif qui était là.
07:56On a fait baisser le pantalon de tous les petits garçons.
07:59Donc je faisais partie, effectivement, j'étais circoncis.
08:02Et la maîtresse a dit non, non.
08:04Lui, on l'a circoncis parce qu'il faisait pipi de travers.
08:07On est obligé de l'opérer, mais il est catholique.
08:10D'ailleurs, il va vous réciter sa prière.
08:12Vous avez récité le Notre-Père que vous connaissiez ?
08:14Notre-Père qui est aux cieux.
08:15Votre nom se sanctifie sur la terre.
08:17Je la connais encore aujourd'hui.
08:19Et effectivement, ça a convaincu l'officier allemand qu'il est reparti.
08:23Et ça m'a sauvé la vie.
08:24Votre mère était catholique, elle s'est convertie au judaïsme.
08:27Vous dites dans ce livre des presses de la cité qu'elle a toute sa vie eu l'impression d'avoir trahi sa religion.
08:32Oui, je ne sais pas si elle l'a trahi.
08:34Elle ne comprenait pas pourquoi on n'aimait pas les juifs.
08:36C'était la question qu'elle posait tout le temps à mon père.
08:40Du jour où elle est devenue juive, elle a eu moins de copines.
08:45Les gens se sont plus méfiés d'elle.
08:47Donc c'était normal qu'elle se pose la question.
08:49Vous êtes croyant, vous ?
08:50Absolument, et de plus en plus.
08:52Plus en plus parce qu'à mesure qu'on vieillit ou qu'on s'approche de la mort,
08:56on croit de plus en plus.
08:57On a intérêt à y croire de plus en plus.
08:59Mais surtout, j'ai été confronté qu'à des miracles.
09:0151 films, c'est 51 miracles.
09:03Comme j'ai été confronté à des miracles, je serais bien ingrat de ne pas croire en Dieu.
09:10Comme dans tous vos films, Claude Lelouch, la musique est fondamentale.
09:13On entendait un homme et une femme.
09:15Comme Pierre Barrou et Francis Ley, vos compositeurs historiques, ne sont plus là.
09:19Vous avez fait appel à Ibrahim Malouf pour composer la bande originale
09:22et à Didier Barbolivien pour les paroles.
09:24Et vous avez même demandé à Kad Merad de chanter « Finalement ».
09:28Finalement, on ne se souvient pas d'être nés.
09:36Finalement, nous sommes passés toutes ces années.
09:44Finalement, la fin ne finira jamais.
09:52L'amour, c'était comme on s'aimait.
10:00Maintenant...
10:03Vous dites que la musique est le meilleur des médicaments.
10:06C'est la vérité.
10:07Vous savez, c'est ce qui parle à notre part d'irrationnel.
10:10Notre rationnel nous dit qu'on est mortels.
10:13Notre irrationnel, notre inconscient, nous dit qu'on est là pour toujours.
10:16Et qui parle le mieux à notre inconscient, c'est la musique.
10:19La musique, c'est le langage du divin.
10:22C'est le langage universel.
10:24On n'a besoin d'aucune culture préalable.
10:26Et elle nous fait décoller.
10:28Avec le rationnel, on fait rire et pleurer.
10:31Avec l'irrationnel, on peut vous filer la chair de poule.
10:34Et ça, c'est l'aristocratie du plaisir.
10:37Donc j'ai besoin de musique.
10:39Et puis, c'est vrai que c'est mon premier médicament.
10:41Dès que j'ai un coup de blouse, je suis pas bien.
10:43Vous écoutez quoi ?
10:44Oh, ça peut aller de Charles Trenet à Calogéro,
10:47en passant par Jacques Brel et toute la bande.
10:51Je veux dire que toutes les musiques de mes films m'ont fait du bien.
10:54En tous les cas, j'ai essayé de faire du bien aux gens.
10:56Mais c'est vrai que c'est un médicament radical, informidable.
11:00Quand vous dites « quand j'ai un coup de blouse » ou « un coup de déprime »,
11:04on a du mal à croire que vous en ayez beaucoup.
11:06Tellement vous semblez, ou alors c'est une façade, optimiste.
11:11J'ai très vite compris que tout ce qui me faisait du bien allait me faire du mal.
11:15Quand je dis que tout ce qui nous arrive, c'est pour notre bien,
11:17tout ce que j'ai réussi dans la vie, j'ai d'abord raté.
11:20Je veux dire que tout ce qui m'a fait du mal, m'a fait du bien.
11:23Vous savez, la vie, c'est un peu comme le vélo.
11:25Dans les côtes, on rêve de descente et puis sur le plan, on se fait un peu chier.
11:29Tous les acteurs disent que c'est une expérience à part de tourner avec Claude Lelouch,
11:33qui est un avant et un après.
11:34C'est d'ailleurs ce qu'a dit Jean Dujardin à Cadmerade avant le tournage de Finalement.
11:37Pourquoi c'est spécial de tourner avec Lelouch ?
11:39Eh bien, pour le savoir, on écoute Jean-Paul Bemmondo, Jean-Louis Trintignant et Annie Girardot.
11:44Quand on est avec Lelouch, on n'a pas du tout l'impression de tourner.
11:48On est en liberté totale, il n'y a pas de place précise, c'est en général.
11:52Je retrouve, si vous voulez, ça n'a rien à voir, mais un peu la belle époque de Godard
11:57où aussi je n'avais pas l'impression de faire du cinéma, d'être dans un corset rigide.
12:04Pour les acteurs, tous les acteurs qui ont tourné avec Lelouch sont enthousiasmés.
12:08C'est vraiment ce qu'il y a de plus exaltant pour un acteur.
12:11Par exemple, pour répéter, j'ai horreur de ça.
12:14Alors avec lui, on ne répète jamais puisque de toute façon, on sait à peu près ce qu'on fait.
12:19Bien sûr, et puis lui, il se cache, il va dans un arbre, dans un hélicoptère, par terre, on ne le voit pas.
12:24De toute façon, on ne sait pas ce qu'il prend.
12:26Il peut être à 500 m comme il peut être à 2 m.
12:29Et ça, c'est fantastique parce que c'est une assurance pour nous.
12:33On ne fait pas de la comédie, on vit une histoire et puis lui, il l'apprend.
12:39Ça vous touche d'entendre la voix d'Annie Girardot ?
12:42Oui, ça pourrait presque me faire pleurer.
12:45Oui, parce qu'elle a joué un rôle très important dans ma vie, devant la caméra et derrière la caméra.
12:50Vous avez longtemps caché votre histoire d'amour avec elle ?
12:52Oui, parce qu'on avait intérêt à la cacher tous les deux.
12:55On était mariés, etc.
12:57Mais en même temps, ça nous a permis de grimper sur l'Everest.
13:02On ne saurait pas plus.
13:04Leventura dit que vous êtes un voleur, que vous volez des choses aux acteurs.
13:08Et on a vraiment l'impression, quand on voit le film, que vous volez quelque chose à Kadmerad.
13:12On ne l'a jamais vu comme ça, Kadmerad.
13:14Ce que vous obtenez de lui, une bonhomie, une humanité, quelque chose qui se passe dans les yeux.
13:18Il s'est vraiment passé un truc entre lui et vous.
13:21C'est-à-dire que vous ne pensiez pas du tout à lui.
13:23Vous avez raconté l'histoire ces derniers jours de promo.
13:25C'est-à-dire que c'est votre femme, l'autrice Valérie Perrin, qui le croise dans un train.
13:30Il lui dit « Ah, j'adorerais un jour faire un film avec Lelouch ».
13:33Vous cherchez un acteur que vous ne trouvez pas, vous l'embauchez.
13:36Qu'est-ce que vous avez chopé à Kadmerad que les autres n'ont pas vu ?
13:39Écoutez, j'ai chopé sa joie de vivre.
13:43C'est un homme qui est dans le positif constamment.
13:47Il sait tout faire.
13:49Il sait siffler, chanter, jouer la comédie.
13:52Il ne se prend pas au sérieux.
13:54Il se fout de son image complètement.
13:56C'est le client idéal pour moi.
13:58Tous les acteurs que vous avez entendus m'ont épaté.
14:02Je ne sais pas qu'encore un acteur pourrait m'épater.
14:04Il a réussi à m'épater à l'âge que j'ai avec ce film.
14:08Il permet d'aller.
14:10Il est tout terrain.
14:12C'est un 4x4.
14:14Il grimpe aux arbres.
14:16Il a une modestie, une tendresse, une gentillesse.
14:19Il est généreux avec les autres acteurs.
14:21Il a très vite compris que pour être bon, il faut que l'autre aussi soit bon.
14:25C'est comme dans une partie de tennis.
14:27Il faut que les deux soient bons.
14:28Le cinéma a toujours été dans votre vie.
14:30Vous racontez la scène que ça a commencé avec votre mère qui vous cachait pendant des heures.
14:34Tous les jours, elle vous cachait dans une salle de cinéma pendant la guerre.
14:37Pour échapper à la Gestapo, évidemment.
14:41Ce qu'on apprend dans ces mémoires, dans ce livre qui est vraiment passionnant.
14:44C'est 600 pages d'entretiens avec Jean-Olé Laprune et Yves Allion.
14:49Aux presses de la Cité.
14:50C'est vraiment un très beau livre.
14:52Ce qu'on apprend, c'est que c'est votre père qui vous donne le goût du cinéma.
14:55Simon Lelouch, qui était confectionneur.
14:57Qui bossait très loin du cinéma, dans les vêtements.
15:00Et qui vous a offert votre première caméra.
15:02Vous aviez 7 ans, le jour de la Libération.
15:05Oui, absolument.
15:06D'abord, il avait acheté une caméra pour filmer ma naissance.
15:09Donc, le premier acteur que j'ai vu, c'est moi.
15:11Et puis ensuite, il filmait toute la famille, tous les jours.
15:14C'était un cinéaste amateur.
15:16Comme moi, d'ailleurs.
15:17Je suis un cinéaste amateur.
15:18Et c'est vrai que le cinéma, très vite, je me suis aperçu en allant au cinéma,
15:23que les gens qui étaient sur l'écran, c'étaient les mêmes que ceux qui étaient dans la rue.
15:26Mais en plus réussis, en plus beaux, en plus courageux.
15:29Donc, je me suis dit, c'est ces gens-là que j'ai envie de fréquenter.
15:33Le public a souvent été au rendez-vous de vos films.
15:35Vous avez de gros succès populaires.
15:36Vous avez de gros échecs aussi.
15:38Quant à la critique, elle a souvent eu la dent dure avec vous, avec vos films, Claude Lelouch.
15:43Vous avez été blessé ou ça cicatrise vite ?
15:46Écoutez, vous savez, la critique, c'est...
15:49Le marteau, il tape que sur les clous qui dépassent.
15:52Moi, je n'ai jamais marché dans les clous.
15:54Vous ne faisiez pas partie de la nouvelle vague ?
15:56Non, je suis un cinéaste amateur.
15:58J'ai fait un cinéma basé sur l'instant, sur le rapport avec la vie.
16:02J'ai très vite compris que le plus grand scénariste du monde, c'était la vie.
16:06Et donc, je travaille avec ce scénariste.
16:09Et puis, j'aime les choses simples.
16:11Je veux dire que l'intelligentsia, très souvent, m'a boudé parce que je simplifiais les choses compliquées.
16:18Parce que ce n'était pas assez compliqué ? Parce que ce n'était pas assez cynique ?
16:21Parce que c'était trop premier degré ?
16:23Oui, parce qu'il faut réussir le premier degré.
16:25Le deuxième degré et le troisième degré sont formidables à condition que vous réussissiez le premier degré.
16:30En tout cas, il y en a que vous séduisez toujours.
16:32Ce sont les stars internationales, notamment hollywoodiennes.
16:34Stanley Kubrick, Miloš Forman ou Tarantino ont souvent dit l'admiration qu'ils vous portaient.
16:38Il y a aussi Ryan Gosling qui était l'invité de Sonia De Vilaire,
16:41qui parle de l'influence que vous avez eue sur ses films.
16:44Vous venez de dire que vous aimez passionnément les films de Claude Lelouch ?
16:48Oui, il a toujours été une inspiration pour moi.
16:51C'est vrai ?
16:52Et puis aussi pour Drive, notamment.
16:54Parce qu'il avait fait un court métrage où, en voiture, il traversait Paris à toute vitesse, à 6h du matin.
17:01Je crois que le titre, c'est « À travers Paris ».
17:04Et ça a été une grande inspiration pour Drive, tout comme « À nommer une femme ».
17:09Et quand j'ai lu ce scénario, je me suis dit que ça avait peut-être le potentiel
17:14de retrouver cette magie.
17:19Voilà, c'était pour vous faire sourire.
17:21On termine avec les impromptus, Claude Lelouch.
17:23Vous répondez très vite, sans trop réfléchir.
17:25Thomas Jolie, avec Céline Dion, lors de la cérémonie d'ouverture des JO,
17:29il vous a piqué la scène avec Géraldine Chaplin qui chante à la Tour Eiffel.
17:34La scène finale des uns et des autres, non ?
17:36Oui, c'est un bel hommage. J'ai pris ça comme un hommage.
17:39Pourquoi vous aimez tant la vitesse ?
17:41Parce que la vie est courte et il faut aller très très vite si on veut la déguster.
17:46Et à l'âge que j'ai, je vais de plus en plus vite.
17:49Qu'est-ce qui vous indigne ?
17:52La mauvaise foi.
17:54Vous votez ?
17:55Oui, toujours.
17:56Vous dites « je déteste la politique », vraiment ?
17:58Oui, parce que je ne suis pas assez savant pour m'intéresser aux emmerdes des autres.
18:03Vous avez quand même été sur la liste de Simone Veil pour les élections européennes en 89, on l'a oublié.
18:07Elon Musk, il vous fascine ou il vous angoisse ?
18:10Il me dérange.
18:12Sacha Guitry ou Jacques Tati ?
18:14Les deux ensemble.
18:16Lino Ventura ou Jean-Paul Belmondo ?
18:18Les deux ensemble.
18:19Johnny ou Yves Montand ?
18:21Johnny.
18:22Sur La Route de Madison ou La Grande Évasion ?
18:25Les deux j'aime bien. La Route de Madison, je lui rends hommage dans mon dernier film.
18:29Gilles Lelouch ou Camille Lelouch ?
18:32Camille Lelouch.
18:34La dernière fois que vous vous êtes mis en colère ?
18:37C'était il y a 100 ans, avant ma naissance.
18:41La dernière fois que vous avez pleuré ?
18:43A la mort de mon père.
18:45Vous n'avez plus pleuré depuis la mort de votre père ?
18:48Non.
18:49Vous aviez quel âge ?
18:50J'avais 20 ans.
18:51Vous n'avez plus pleuré depuis l'âge de 20 ans ?
18:53Non, parce que c'était mon maître, c'est lui qui m'a donné envie de faire tout ce que je fais.
19:01Après, j'ai pris conscience que tous mes potes qui partaient, partaient vers de nouvelles aventures.
19:08Donc je pense qu'ils s'amusent bien en ce moment.
19:10Donc la mort ne vous fait pas peur ?
19:12Non, pas du tout.
19:13Parce que j'ai l'intime conviction que c'est la grande récompense de la vie.
19:19Le 51e film de Claude Lelouch s'appelle finalement, avec un très grand cadmérate,
19:25et il sort mercredi en salle, le très beau livre,
19:27le cinéma, c'est mieux que la vie, mémoire XXL, c'est aux presses de la cité,
19:31et la cinémathèque française qui vous rend hommage à partir de ce soir sur une dizaine de jours,
19:36avec des projections et des rencontres.
19:38Merci Claude Lelouch et très belle journée à vous.
19:40Merci d'avoir accueilli si gentiment.

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