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Transcription
00:00Je pense que j'estime à peu près à 400 viols sur deux ans,
00:02puisque je le voyais quasiment tous les jours
00:04et que ça arrivait à chaque fois que je le voyais.
00:06J'ai commencé le tennis quand j'avais 6 ans
00:08et puis à l'âge de 12 ans, j'ai dû changer de club.
00:10Je rencontre ce nouvel entraîneur
00:12qui m'apparaît très agressif et très violent.
00:15Finalement, les semaines se passent
00:16et il est extrêmement gentil avec moi
00:18et donc il prend de plus en plus de la place dans ma vie,
00:20une place à la fois d'entraîneur,
00:22mais aussi la place d'un père.
00:24Et puis arrive au bout de quelques semaines,
00:26les premières violences,
00:28il a cette première agression sexuelle envers moi
00:31avec un baiser et il s'en suit très rapidement
00:34toutes les violences et tous les viols avant mes 13 ans.
00:37Finalement arrive le jour où j'ai 27 ans,
00:39le jour où je suis devenue cette adulte
00:42que je pensais ne jamais devenir
00:44parce que je pensais que j'avais le sida
00:46et que je mourrais en n'étant jamais adulte.
00:48Et je me dis quel genre d'adulte je vais être
00:51si aujourd'hui je ne suis pas capable de parler
00:53pour protéger les enfants que j'ai tous les jours devant moi
00:55en classe de PS.
00:56Ça devient un sentiment d'urgence d'autant plus fort
00:59que c'est le moment où moi j'ai envie de fonder une famille
01:02et je me dis aussi quel genre de mère je vais être
01:04si je n'ai pas parlé, si je n'ai pas réglé tout ça.
01:06Et puis à ce moment-là, il y a une de mes co-victimes
01:08qui m'appelle parce qu'elle ressent la même chose
01:11avec un sentiment certainement encore plus urgent
01:13qui est celui de la prescription.
01:15Et donc elle dépose plainte
01:17et je me dis que c'est la perche que j'ai attendue pendant 15 ans
01:20et qu'aujourd'hui il va falloir que je l'attrape.
01:22Quand j'étais petite à 13 ans,
01:24à un moment donné, je n'arrivais plus du tout à gérer
01:26cette violence et cette envie de mourir.
01:30Et donc il fallait que ça sorte.
01:31Et la seule façon que j'avais trouvé à ce moment-là,
01:33hormis la violence que j'avais sur le terrain tennis,
01:35c'était d'écrire sur le petit carnet d'autographe
01:38des joueurs du PSG dont j'étais fan.
01:39Je n'aurais jamais pensé que 25 ans plus tard,
01:41c'est encore l'écriture qui me permettrait de me libérer complètement.
01:44Entre mes 12 et 14 ans,
01:46pour pouvoir continuer à vivre et à lutter pour la vie,
01:50j'ai pris la décision de rire et de rire encore
01:54et pour ça, heureusement que j'avais la chance
01:55d'être épaulée par des amis qui ne savaient rien
01:58mais qui étaient là pour essayer d'embellir mon quotidien.
02:00C'est extrêmement important d'être toujours soutenue
02:03parce que si on est seul, c'est très difficile de se battre.
02:06Mais surtout, ce qui m'a permis de m'accrocher,
02:08c'est de me dire que je voulais que le bien l'emporte sur le mal,
02:11que je ne voulais pas qu'il remporte ce match
02:13qui allait être le plus long de ma vie.
02:14Et puis après, pendant le procès,
02:16parce que je m'y étais préparée comme à une finale de Roland-Garros
02:19et parce qu'à ce moment-là, la seule chose qui m'importait,
02:22c'était de venger la petite fille de 12 ans que j'étais,
02:24c'était de le détruire, c'était de protéger la société.
02:27Les premières années de cette procédure
02:29sont peut-être même plus dures encore que les années de violence
02:32parce que je ressens tout autant, voire plus.
02:36Je suis en sécurité et pour autant, j'ai peur de tout
02:39et je ne fais plus rien et je ne contrôle plus rien dans ma vie.
02:41Mais en même temps, c'est extrêmement thérapeutique
02:43parce qu'en 7 ans de procédure,
02:46ça m'a certainement fait gagner 30 ans de psychothérapie,
02:48notamment le procès qui, en 10 jours,
02:50m'a fait comprendre plus certainement
02:53que toutes les années de silence.
02:55Il a été condamné à 18 ans de réclusion criminelle
02:58à laquelle s'ajoute une interdiction à vie
03:00d'exercer en contact avec des mineurs
03:02et 5 ans de suivi socio-judiciaire.
03:04C'est important, lorsque l'on dit la peine,
03:06de ne pas dire uniquement la peine de prison
03:08parce que l'objectif, c'est de pouvoir réinsérer cette personne dans la société
03:12et de la réinsérer pour qu'elle ne fasse plus de mal à cette société-là.
03:16Et la question maintenant qui se pose,
03:18c'est au vu de la dernière phrase qu'il avait dite
03:20avant la délibération du second procès.
03:23Je sais que je vais retourner en prison et pour longtemps,
03:25et c'est mérité, mais quand je sortirai,
03:26j'irai en Australie et j'irai entraîner.
03:29Moi, cette phrase, elle m'a fait penser à deux choses.
03:32La première, c'est au bout de 7 ans de procédure,
03:34je n'ai pas l'impression qu'il ait pris conscience de ce qu'il avait fait.
03:36Et la deuxième, c'est si réellement il a envie de partir en Australie.
03:39Est-ce qu'au niveau mondial,
03:41on a mis en place suffisamment de filets
03:45pour pouvoir protéger non pas les citoyens français,
03:47mais les enfants du monde entier ?
03:49Aujourd'hui, ça va être certainement un de mes combats
03:51de faire en sorte qu'il y ait finalement
03:53un croisement des données de tous les pays
03:55pour que les pédocriminels, lorsqu'ils arrivent dans un autre pays,
03:58on soit en mesure de les interdire d'être en contact avec des mineurs.
04:01Je remercie beaucoup plus la petite de 12 ans que j'étais
04:03que la femme que je suis,
04:04parce que c'est surtout elle qui a eu le courage de se battre
04:07pour me permettre d'être adulte,
04:08pour me permettre d'être femme, d'être mère
04:10et d'être ici devant vous.
04:12Aujourd'hui, je crois que ce qui me fait le plus plaisir personnellement
04:15par rapport à ce livre,
04:16au-delà de l'impact évidemment que j'espère qu'il aura sur la société,
04:20c'est tous les messages de mes anciens élèves que je reçois
04:23et qui me disent à quel point j'ai marqué leur vie
04:26par ma bienveillance, par mon humanité.
04:28Il ne peut pas y avoir aujourd'hui un plus beau cadeau qu'ils me font
04:32que de me dire que j'espère réussir à devenir l'adulte que je rêvais d'être.

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