Des nouvelles de Notre-Dame, moins d'un mois avant sa réouverture avec Jean-Marie Rouart, et Julien Colonna pour "Le Royaume".
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00:00Et voici tout public avec vous Frédéric Carbone, et on commence Frédéric par les
00:03modalités de réouverture de Notre-Dame.
00:05Oui, parce que la date était connue, week-end du 7-8 décembre, on met beaucoup d'interrogations.
00:10Quelle articulation entre l'accès au public et les cérémonies très officielles ? Quelle
00:15place pour le chef de l'État, dedans ou dehors, pour le discours ? Et quelle ampleur
00:19pour cette réouverture ? Quelques réponses donc données ce midi lors d'une conférence
00:23de presse à laquelle vous avez assisté, bonjour Anne Chepot.
00:27Bonjour Frédéric.
00:28Si on résume en disant 50 chantiers et une semaine entière pour marquer soudainement
00:33la réouverture, on résume bien ?
00:35Oui, c'est à peu près ça, et une semaine qui va être très dense.
00:39Ça commencera donc le 7 décembre au soir avec une première cérémonie, cérémonie
00:45au cours de laquelle tout d'abord le Président de la République, Emmanuel Macron, va parler
00:49devant les chefs d'État, devant les mécènes, mais à l'extérieur de la cathédrale, il
00:54ne prendra pas la parole à l'intérieur de Notre-Dame, comme cela avait été évoqué
01:00il y a quelques jours, les choses sont très claires, la prise de parole se fera à l'extérieur.
01:04Ensuite, l'archevêque de Paris procédera à l'ouverture des portes, très symbolique,
01:09qu'il frappera avec sa crosse, et puis une fois dans la cathédrale, il y aura notamment
01:13le réveil de l'orgue, cette cérémonie sera suivie d'une grande fête sur le parvis
01:18avec de la musique, de la danse.
01:20Le lendemain, dimanche 8 décembre, à 10h30, l'autel sera consacré et une première messe
01:27sera donc célébrée en présence, encore une fois, du chef de l'État.
01:31Cette première messe sera suivie d'un buffet fraternel pour les plus démunis, un moment
01:37très important, souligné par l'archevêque de Paris, Mgr Huldryc, tout à l'heure lors
01:41de la conférence de presse.
01:42Toujours le 8 en soirée, cette fois, seconde messe, ouverte au public.
01:47A chaque cérémonie, le week-end des 7 et 8 décembre, il y aura des représentants
01:52des paroisses de Paris, trois personnes représentant les paroisses de Paris.
01:55Ce week-end de réouverture sera suivi, vous le disiez, de 8 jours de fête jusqu'au 16 décembre.
02:00On pourra d'ailleurs entrer dans la cathédrale Notre-Dame jusqu'à 22h, jusqu'au 14 décembre.
02:07L'accès ne sera pas trop compliqué pour le public, dont je vais déjà se poser la
02:13question, oui, mais comment je fais ? Vous allez y venir !
02:16Alors justement, j'allais y venir, voilà, je vous disais que Notre-Dame allait reprendre
02:20sa vie normale à partir du 16 décembre, avec les messes habituelles, et donc pour
02:25accéder à la cathédrale, ce sera possible, retenez bien ça, à partir du 8 décembre
02:30à 17h30, et surtout ce sera gratuit Frédéric, pas question de débourser quelques euros
02:37pour rentrer dans la cathédrale, le débat est définitivement clos, l'archevêque de
02:42Paris a rappelé que c'était une question qui ne se discutait pas, l'entrée de la
02:48cathédrale restera gratuite.
02:50Pour y accéder, deux solutions, soit vous réservez votre créneau de visite gratuitement
02:54en ligne à partir de l'avant-veille de votre venue, vous pourrez aussi réserver
02:59la veille et le jour même, mais si vous n'avez pas envie d'aller réserver en ligne,
03:04et bien vous pouvez tenter votre chance sur place, sans avoir réservé, il y aura toujours
03:08une file pour entrer librement, à condition bien sûr d'être patient, mais jusqu'au
03:141er février, seuls les visiteurs individuels seront acceptés, après ce seront les groupes
03:19de fidèles qui pourront accéder aussi, mais pour l'instant, les premières semaines,
03:23vu l'affluence attendue, seuls les individuels pourront accéder à la cathédrale.
03:27Et puis juste une petite chose, une date à retenir, c'est après-demain, 15 novembre,
03:34le retour de la statue de Notre-Dame dans la cathédrale, elle partira en procession
03:39depuis l'église de Saint-Germain-l'Auxerrois, où elle se trouve depuis l'incendie, pour
03:44donc rejoindre Notre-Dame, et à cette occasion, si vous ouvrez grand vos oreilles, vous pourrez
03:49entendre ce soir-là sonner les cloches du Beffroi Nord.
03:52Merci pour toutes ces précisions, Anne Chepot, on vivra avec vous ces journées autour de
03:58Notre-Dame.
03:59Bonjour à vous Jean-Marie Rouart.
04:01Bonjour.
04:02Vous êtes académicien, écrivain, vous êtes souvent intervenu sur des débats parfois
04:06vifs autour de la reconstruction, de certains choix, on ne va pas revenir ici sur la question
04:10des vitraux, mais là, par exemple, il y a deux choses qui faisaient débat qui ont été
04:14tranchées dans le bon sens ou pas pour vous, par exemple, gratuité de Notre-Dame, c'est
04:19bien que ce soit tranché dans ce sens-là ?
04:21Oui, parce que vous savez, je pense que les églises doivent être gratuites, elles doivent
04:28être gratuites parce que vraiment, d'abord, on ne va pas chasser les clochards, les pauvres
04:35de Notre-Dame, ce serait vraiment ridicule, donc les églises doivent être ouvertes à
04:40tous et je dois même rajouter que les musées, moi je reviens d'Angleterre, les musées
04:47sont ouverts à tous, ils sont gratuits, moi je serais pour la gratuité des musées, la
04:51gratuité bien sûr des églises, on ne va pas faire payer les gens pour entrer dans
04:55une église, ça me paraît une idée qui ne va pas avec ce qu'est, au fond, les églises,
05:03c'est l'émanation, l'incarnation, l'illustration du christianisme et le christianisme, c'est
05:08la religion des pauvres, donc des déshérités, ils doivent pouvoir entrer à Notre-Dame ou
05:13dans les églises quand ils veulent.
05:14Donc débat tranché pour vous, dans le bon sens, pour la gratuité des musées, on verra
05:18plus tard, ça l'est parfois, quelques fois, mais évidemment pas tout le temps, et sur
05:21le fait que le chef de l'État prononce son discours sur le parvis et pas à l'intérieur
05:26de Notre-Dame, là aussi ça va dans le bon sens pour vous, raisonnable ?
05:29Oui, parce qu'il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt, la France a une longue tradition
05:38religieuse chrétienne et particulièrement catholique, donc il ne faut pas oublier que
05:43nous avons plusieurs tédéums qui ont été prononcés, qui ont été à Notre-Dame, au
05:50moment de la fin de la guerre de 1914, en 1918, également en 1940, le gouvernement
05:57est allé prier à la Vierge Marie pour gagner la guerre, et enfin avec le général de Gaulle
06:03en 1944, il y a eu un tédéum.
06:06Donc il y a des liens qui sont très étroits, qui étaient évidemment beaucoup plus étroits
06:10à l'époque du concordat.
06:12Moi, personnellement, j'étais plutôt favorable au concordat, je crois que la séparation
06:18de l'Église et de l'État, c'est impossible en France, parce qu'il y a profondément
06:23une tradition.
06:24Toutes nos traditions nous ramènent au catholicisme, donc je suis pour la laïcité, bien entendu,
06:31mais cette laïcité qui est d'ailleurs une invention du christianisme, c'est rendez
06:36à César ce qui était à César.
06:37Mais cette laïcité, c'est que c'est plus raisonnable que le discours soit dehors et
06:41pas dedans, sur le parvis et pas à l'intérieur.
06:43Mais je crois qu'il a eu raison, parce que c'était entré dans une guerre théologique
06:48absurde et ravivait les plaies, donc il a pris le parti du bon sens et il a tout à
06:53fait raison.
06:54Alors il est présent, parce que c'est évident que la France, vous savez, moi je crois que
07:00Notre-Dame a une vocation bien plus large qu'un édifice religieux, c'est bizarrement
07:06que toutes les fibres françaises sont attachées à Notre-Dame, parce que c'est un peu, vous
07:11savez ce qu'on disait de Dieu, Dieu est la forme de mon espérance, et bien c'est
07:16Saint-Paul qui disait ça, mais je pense que Notre-Dame, ça a été aussi très souvent
07:21la forme de notre espérance, pour les gens pratiquants ou pas très pratiquants, moi
07:26je ne suis pas forcément très pratiquant, mais je suis de culture chrétienne, parce
07:31qu'on ne peut pas faire autrement, si on est français, on est forcément, qu'on soit
07:34juif ou musulman, on est forcément imprégné par la culture chrétienne, donc Notre-Dame
07:39est un symbole.
07:40L'histoire est là, les convictions des uns et des autres sont celles de chacun, bien
07:45évidemment.
07:46Jean-Marie Rouart, je reviens à vous, on écoute l'émotion tout à l'heure sur France
07:50Info et les mots d'Olivier Joss, le secrétaire général de la cathédrale, avec cette réouverture
07:55et ces modalités annoncées.
07:56De la part de tous, que ce soit les artisans, les compagnons, tous les responsables de ce
08:02chantier pour le diocèse de Paris, comme pour l'établissement public, pour la restauration
08:07de la cathédrale, il y a à la fois une grande joie de voir ce chantier intérieur
08:13de la cathédrale aboutir et une très grande impatience de pouvoir réouvrir.
08:17Et donc, cette impatience, cette joie se mêlant aux détails de l'organisation ont fait qu'il
08:26a fallu discuter longuement à tous ces détails.
08:30Il faudra, Jean-Marie Rouart, que tous ceux qui ont été associés au chantier, les artisans
08:35notamment, soient particulièrement mis en valeur lors de cette réouverture.
08:40Bien sûr, vous savez, les compagnons du devoir sont des gens extraordinaires qu'on ne met
08:46pas assez en valeur, parce que c'est vraiment dans les artisans, avec leur désintéressement,
08:52c'est des gens admirables, c'est vraiment qu'ils aient participé, c'est formidable.
08:56Et quelque chose justement de pas religieux et de médoleïque, les compagnons du devoir,
09:00on est dans ce que vous disiez tout à l'heure, ça dépasse largement le cadre religieux.
09:04Notre-Dame dépasse le cadre religieux, c'est la religion de la France, de la France dans
09:11ce cas-là de meilleure, mais qui passe forcément par un aspect religieux, puisque notre culture
09:17a été façonnée par la religion.
09:18Là où je suis peut-être moins d'accord, et même pas du tout d'accord, c'est que
09:22je ne suis pas progressiste.
09:24Je crois que l'idée, la flèche, c'est très bien de la voir faite comme à l'époque
09:29de Viollet-le-Duc.
09:30En revanche, les vitraux, je trouve que c'est une erreur.
09:33Ainsi que l'ameublement, je pense que c'est une erreur, je pense que les gens ont envie
09:38de retrouver l'Église qu'ils ont toujours connue.
09:41Vous savez, la religion, le propre d'une religion, c'est un réconfort, un réconfort
09:47dans une tradition qui ne bouge pas, qui ne bouge pas, parce que si cette tradition bouge
09:52sans cesse, si on la bouscule sans cesse, on ne se retrouve plus, on ne retrouve plus
09:56son identité.
09:57Vous savez, les gens qui se sont mariés à Notre-Dame, les gens qui ont connu, qui
10:03ont des malheurs, qui ont prié, qui ont prié, ils ne retrouvent plus exactement les lieux
10:09qu'ils ont aimés, qui sont associés à leur propre vie.
10:12Je trouve que c'est une erreur de l'Église, qui est de plus en plus progressiste à mon
10:17avis.
10:18C'est un tort.
10:19On connaît vos positions, Jean-Marie Rouart, mais est-ce que tout ça va être mis entre
10:21parenthèses au moment de la réouverture ? Ça doit être quelque chose où il y a
10:24unanimité, unité autour de ce qui va se passer.
10:27Bien sûr, moi je ne suis pas, M.
10:30Michel, ça ne m'empêche pas d'être critique, puisque si on est français, on est forcément
10:35un peu critique.
10:36C'est vis-à-vis de la religion en général, c'est vis-à-vis même de Vatican II.
10:40Moi je suis, n'étant pas très pratiquant, moi j'aime les messes en latin, j'aime
10:46tout ce qui me rappelle ma jeunesse, et voilà.
10:49Je suis un peu réactionnaire sur ce plan-là, pas sur d'autres, mais sur celui-là.
10:53Mais au moins vous le dites et vous l'assumez.
10:55Jean-Marie Rouart, un mot sur ce qui va être l'aspect non ouvert au public, très protocolaire,
11:00très solennel, des chefs d'État, de gouvernements étrangers, on ne sait pas combien, mais
11:04beaucoup, d'habitude, à Notre-Dame, des chefs d'État et de gouvernements étrangers
11:08qui sont là, c'est pour des funérailles d'un dirigeant français, là c'est pour
11:12une renaissance.
11:13Est-ce que c'est un beau symbole pour vous ?
11:14Oui.
11:15Bien sûr.
11:16C'est une sorte de résurrection.
11:19Moi je trouve que c'est vraiment, et puis c'est une unanimité, je crois que c'est
11:25très bien que la France soit une terre justement d'unanimité au nom de quelque chose qui
11:33élève les hommes au-dessus d'eux-mêmes.
11:36Et ça évite les querelles politiques, on aura des paquettes, je trouve ça très bien
11:42qu'on réunisse les hommes pour une fois, pour ne pas faire des traités qui amèneront
11:50à des conflits, pour pacifier les esprits, je trouve ça très bien que les chefs d'État
11:56viennent à Paris.
11:57Le réactionnaire que vous êtes est raisonnable.
11:58Merci Jean-Marie Leroy, merci beaucoup en tout cas d'avoir pris quelques minutes sur
12:03France Info, écrivain, académicien, on comprend que sur la question des vitraux de Notre-Dame
12:08vous n'êtes toujours pas d'accord avec les choix qui ont été faits, donc week-end
12:11du 7 et 8 décembre et toute la semaine des festivités pour l'ouverture, la réouverture
12:17de Notre-Dame.
12:18On va passer dans un royaume qui n'est pas le royaume de Dieu, dans quelques minutes
12:22le royaume des hommes et de la violence, film de Julien Colonna, premier film qui est avec
12:26nous.
12:27Oui, oui, notre page cinéma dans tout public, c'est juste après le Fil Info à 13h45, avec
12:31vous Magali Homo.
12:32Le chômage en légère hausse au troisième trimestre, 7,4% contre 7,3% au trimestre précédent.
12:39C'est l'annonce aujourd'hui, alors que plus d'un millier de suppressions de postes sont
12:43prévues chez Michelin, les salariés se mobilisent aujourd'hui devant le siège de l'entreprise
12:47à Clermont-Ferrand.
12:48Ils dénoncent les fermetures annoncées des usines de Cholet et de Vannes, l'équipementier
12:53doit présenter son plan et ses mesures d'accompagnement.
12:56Eux craignent aussi pour leur travail, les agriculteurs se mobilisent à nouveau à partir
13:00de lundi pour dénoncer notamment l'accord de libre-échange entre l'UE et les pays
13:05du Mercosur.
13:06Accord qui sera au même moment sur la table d'un sommet du G20 au Brésil, ils dénoncent
13:11une concurrence déloyale.
13:13Anthony Blinken appelle Israël à accepter des pauses humanitaires réelles et prolongées
13:19à Gaza.
13:20Le secrétaire d'état américain s'exprimait au siège de l'OTAN à Bruxelles.
13:24Israël a annoncé l'ouverture hier d'un nouveau point de passage pour l'aide humanitaire.
13:28Sur le front libanais, deux nouvelles frappes israéliennes ont eu lieu ces dernières heures.
13:326 personnes ont été tuées au sud de Beyrouth, selon le ministère de la Santé.
13:37Notre soif est grande d'accueillir de nouveau le monde entier.
13:41La déclaration de Laurent Ulrich, l'archevêque de Paris, moins d'un mois avant la réouverture
13:45de la cathédrale Notre-Dame de Paris, réouverture au public le 8.
13:50Avec une messe la veille, Emmanuel Macron prendra la parole sur le parvis avant une
13:54cérémonie officielle.
13:5515 millions de visiteurs sont attendus chaque année, l'entrée restera gratuite.
14:02Et dans tout public, place aux films de la semaine à présent, et sur France Info,
14:11Frédéric, on est plus par un Corse que Gladiateur Romain.
14:14Effectivement, pas forcément emballé par Gladiator 2 de Ridley Scott.
14:17En revanche, oui, très convaincu par Le Royaume, premier film de Julien Colonna, où l'arrière-plan,
14:22c'est bien cette violence en Corse, ces règlements de comptes entre différents clans, mais où
14:27l'on est avant tout dans quelque chose d'universel, une tragédie grecque, assez simple, un père
14:32et sa fille.
14:33Bonjour Thierry Fiori.
14:34Bonjour Frédéric.
14:35Je dis très convaincu, le mot est presque faible.
14:36Oui, à quoi reconnaît-on Frédéric ? Un grand film, bien souvent à sa scène inaugurale.
14:41Imaginez un long plan-séquence sur fond de champ des cigales.
14:44La caméra en contre-plongée suit la dépouille d'un sanglier porté par les pattes.
14:49On pense à des chasseurs, on devine le maquis alentour, quand on découvre que l'un des
14:54porteurs est une adolescente au regard aussi vert que grave.
14:59A 15 ans, son père, c'est Pierre-Paul, par un Corse entouré de ses fidèles.
15:03On est en 1995 et la gamine, longtemps privée de ce paternel hors norme, va vivre avec lui
15:09sa fuite sur fond de règlements de comptes en cascade.
15:12Une histoire inspirée de votre passé familial, Julien Cologne, on va y revenir.
15:16Un point de départ improbable, que fait cette jeune fille autour de ses hommes, ô combien
15:20virile, mais c'est la force de la fiction.
15:22De là, vous déroulez une relation père-fille qui nous embarque.
15:27Oui, c'est compliqué, tout ça.
15:28Quand on m'a menacé, j'ai dû me déformer.
15:32Il y a beaucoup de choses sur moi, mais la majorité d'entrées ne sont fausses.
15:38Tu as compris ?
15:39Tu as peur.
15:42On a tous ces peurs.
15:45Quand on a nos vies, on a respire la peur, on en mange.
15:51C'est ça qui nous garde en vie.
15:55Et cette peur omniprésente, c'est ce qui humanise la figure du père voyou.
16:00Les moments de pur bonheur dans la nature semblent déjouer la tragédie en cours.
16:04Car on est clairement dans une tragédie de la malédiction de la vengeance.
16:08Cette vendetta reçue un héritage à ces figures mythologiques de l'innocente jeunesse de
16:13Laisia, l'incontournable traître.
16:15On a rarement vu la violence des hommes filmés comme ça.
16:19Du point de vue de la jeune fille, on est bluffé par ce casting de non-professionnel.
16:24Laisia c'est Giovanna Benedetti, pompière volontaire et étudiante infirmière dans
16:28le civil.
16:29Pierre-Paul c'est Saverio Santucci, berger et guide sur le GR20 dans la vraie vie.
16:34Et celui qui m'enseigne c'est donc Julien Colonna.
16:36Bonjour.
16:37Bonjour à tous.
16:38Merci de prendre quelques minutes sur France Info.
16:39Commençons par ça, les acteurs, actrices, choix de non-professionnels, une évidence
16:44pour vous ?
16:45Non, l'idée n'était pas de travailler avec des non-professionnels, l'idée était
16:47avant tout de travailler avec des corses.
16:49Puisque c'est un narratif corse, écrit par un corse, avec des personnages corses.
16:54Le Royaume est un film du silence, du non-dit, où beaucoup de choses passent par le comportemental.
17:00Les autres passent à moitié en français, le reste en langue corse.
17:03Donc il était impensable pour moi de travailler avec des acteurs qui n'étaient pas corses.
17:08Et il est vrai qu'on a un terreau très vif d'actrices et d'acteurs en Corse,
17:13mais par rapport au profil que je recherchais, à savoir une jeune fille qui est au moins
17:1616 ans pour des raisons de production, mais qui en fasse 14.
17:19Et puis un homme, en interprétant son père, qui est la cinquantaine.
17:23Peu de personnes correspondaient au profil recherché, donc j'ai évidemment rencontré
17:27ces personnes-là.
17:28Et puis je savais dès le début de l'aventure qu'il fallait que je m'ouvre aussi au reste
17:31de la société.
17:32Ce qu'on appelle communément le casting sauvage.
17:34Et c'est au premier regard qu'on se dit « c'est elle, c'est lui », à la première
17:38rencontre ? Ou c'est beaucoup plus compliqué que ça ?
17:40C'est plus gris que ça, mais figurez-vous que c'est vraiment deux cas très différents.
17:45De Diouane, on s'est rencontré après qu'elle ait passé un premier essai où on leur fait
17:49parler un petit peu de leur vie, tout simplement.
17:51Ils ne passent pas une scène la première fois qu'on les rencontre, ils parlent d'eux-mêmes,
17:55on arrive déjà à capter beaucoup de choses et de leur énergie.
17:57Et le premier essai qu'on a passé ensemble, c'est moi qui lui ai donné la réplique,
18:00comme à beaucoup de jeunes filles que j'ai rencontrées à ce moment-là.
18:02Et c'était aussi l'idée justement de me plonger mes yeux dans les siens et de pouvoir
18:07en prendre toute la substance scientifique moelle de cet échange.
18:10Et oui, en effet, ce jour-là, avec Diouane, ça a été une évidence.
18:14Ça a été un vrai coup de foudre artistique et j'avais déjà rencontré beaucoup de
18:18jeunes femmes pour ce rôle-là et j'ai su que c'était elle immédiatement.
18:21Elle avait tout ce que je recherchais dans cette enfance sentinelle que je convoitais,
18:25dans sa blessure rentrée.
18:27Oui, c'est ça que je recherchais pour ce personnage.
18:30Et c'est ce qu'est le personnage de Lézien, qui est toujours aux aguets sur le qui-vive
18:35et surtout qui alterne entre cette douceur enfantine et cette force et cette puissance.
18:39Le personnage du père, ça a été quelque chose qui s'est au contraire fait sur le
18:43long cours.
18:44Il a rencontré dans un premier temps ma directrice de casting, Julia Canarelli, on s'est rencontré
18:50nous une première fois et c'est au fur et à mesure des castings où à chaque fois
18:52je rajoutais des scènes de plus en plus longues, de plus en plus denses, que j'ai pu aussi
18:57entrevoir au fur et à mesure sa sensibilité, sa capacité de travail et surtout de sa nature
19:01profonde.
19:02Puisque quand on travaille avec des non-comédiens, on cherche avant tout des natures pour ne
19:05pas chercher à les faire composer puisqu'ils ne savent pas composer, ils ne savent pas
19:08jouer par définition.
19:09Ils ne savent que être et ils ne savent que ressentir.
19:11Vous n'êtes pas le premier à faire un film de clan où la famille et les liens parents-enfants
19:18sont importants.
19:19D'habitude c'est père-fils, père-fille, ça permettait d'éviter le film de voyous
19:23traditionnel, entre guillemets, qui est votre objectif numéro un sans doute dans ce film.
19:27Oui, c'est vrai que l'idée était d'éviter des écueils qui ont été franchis auparavant
19:31moi mais c'était surtout une relation parents-enfants qui devait être la colonne vertébrale de
19:37ce film.
19:38Les filles, pas fils.
19:39Très rapidement la question s'est posée, est-ce qu'on choisit un jeune garçon ou
19:43une jeune fille ? Et la jeune fille nous paraissait être plus intéressante compte tenu du fait
19:46qu'on est plongé dans un monde d'adultes, opaques, extrêmement sombres et essentiellement
19:51masculins.
19:52Donc la figure de la jeune fille nous permettait un contraste qui me paraissait personnellement
19:56assez saisissant et intéressant que j'ai ensuite confronté avec ma co-autrice Jeannery
20:00et qui est allée aussi dans mon sens donc on est parti billes en tête dans l'histoire
20:04de cette jeune fille.
20:05Je pense que vous avez bien fait Thierry.
20:06Je le disais, Julien Cologne, cette histoire elle est très personnelle puisque votre papa
20:10c'était Jean-Jérôme Cologne qui a été une figure du milieu corse dans les années
20:1570 jusqu'au début des années 2000.
20:17Cette mise à distance de l'histoire personnelle avec sa disparition accidentelle, elle s'est
20:24faite comment ?
20:25Tout d'abord par le fait qu'on m'a proposé de nombreuses fois dans ma vie d'homme et
20:29de réalisateur de travailler sur une autobiographie ou sur une biographie et c'est quelque chose
20:35que j'ai toujours refusé.
20:36Peut-être que ma carrière de réalisateur en aurait été plus rapide et plus facile
20:41certainement mais c'est quelque chose que je n'ai jamais souhaité.
20:44Je crois que certaines choses appartiennent à l'histoire et doivent le rester.
20:47Pour ma part, peut-être que mon passif et mon background familial m'a donné par contre
20:53de l'appétence pour les histoires, en effet, des histoires assez fortes, un goût peut-être
20:58pour le drama aussi et c'est toujours ce que j'ai souhaité faire de ma vie, faire
21:02du cinéma.
21:03Et en effet, j'ai emprunté à ma famille, à ma relation filiale que j'ai eue avec mes
21:10parents.
21:11J'ai puisé dans la véracité d'un contexte qui m'était connu pour créer cette histoire
21:15mais j'ai toujours voulu créer une pure fiction de cinématographie et c'est ce qu'on a essayé
21:19de faire avec Jeannery.
21:20C'est à l'évidence un film de cinéaste, c'est aussi le film d'un fils, c'est peut-être
21:24ça aussi qui donne sa force, que vous ayez vécu charnellement ce genre de choses même
21:28si c'est tout sauf une autobiographie.
21:31Fort heureusement pour moi que je n'ai pas vécu ce genre de choses.
21:33C'est-à-dire que c'est là où, même si on a souhaité faire un film extrêmement réaliste
21:38et pétri de véracité comme je le disais, en Corse comme ailleurs, je crois que ces
21:43histoires-là sont des histoires d'hommes, des histoires d'adultes et les enfants sont
21:46tenus à l'écart, ils sont protégés.
21:47Donc je pense que je ne serais pas face à ce micro aujourd'hui si j'avais vécu ces
21:51choses-là.
21:52En revanche, évidemment qu'on s'inspire de beaucoup de choses qu'on a pu entendre et
21:56qu'on a pu voir de loin mais une fois de plus tout ceci est véritablement une pure fiction.
22:00Il y a une question qu'on se pose à la fin du film, c'est cette jeune fille, cette jeune
22:04femme, émancipation ou prise dans la logique d'une continuité ? Forcément, c'est le
22:09point d'interrogation qui doit rester.
22:10Absolument.
22:11Et ça doit rester un point d'interrogation qui appartient à tout un chacun, à chaque
22:14spectateur qui verra ce qu'il a à y voir.
22:18Vous avez des personnages extrêmement forts, la nature, le décor est un personnage essentiel
22:25de votre film aussi.
22:26Là aussi, ça ne pouvait pas se passer ailleurs, être filmé qu'ailleurs.
22:28Peut-être que l'histoire aurait pu être différente dans un autre contexte, un autre
22:32pays peut-être puisque malheureusement ces histoires-là sont, je crois, internationales
22:37et universelles.
22:38Elles existent de partout.
22:39Ces hommes-là aussi existent.
22:40Évidemment, moi j'ai choisi la Corse qui est mon territoire et celui que je connais
22:43dans lequel j'ai grandi.
22:44Et la Corse devait être en effet, comme vous le disiez, un personnage à part entière
22:48et la Corse surtout dans son paradoxe qui est quand même un paradoxe de granit avec
22:52en même temps une terre paradisiaque qui est incarnée par l'été, par tous ces estivants
22:58qui sont là du début jusqu'à la fin du film, qu'on voit dans leur légèreté,
23:02qui profitent de leurs congés payés, de leurs vacances et qui côtoient sans le savoir
23:07l'autre face de la Corse, la partie plus tragique et plus dramatique que sont justement
23:12les vies de ces hommes et ces vies de misère malheureusement.
23:16Premier film, Julien Colonna, mais pas débutant.
23:20Il se trouve, on ne va pas raconter tous les détails, mais qu'avant il y avait un film,
23:24un projet que vous avez porté pendant des années qui finalement n'a pas abouti.
23:28Est-ce que c'est aussi une leçon ? Il faut persévérer et des échecs, on sort plus
23:33fort parfois.
23:34Oui, définitivement.
23:35Je crois qu'on est la somme de nos échecs et qu'à un moment donné, il y a des moments
23:40de fulgurance comme le Royaume qui font que des choses qui ont coincé pendant des années
23:45et qui n'ont jamais abouti permettent d'arriver à un moment donné avec des projets, des
23:48histoires comme le Royaume qui fendent l'air, on s'en est rendu compte dès le début de
23:54sa conception, que l'histoire prenait, l'histoire plaisait, on nous a beaucoup encouragé
23:57à aller dans ce sens-là.
23:58Et oui, en effet, il y a cette histoire de persévérance qui, je crois, revient souvent
24:02chez des amis réalisateurs qui, malheureusement, n'ont pas encore réussi à faire leur premier
24:06film et qui m'envoient beaucoup de messages de soutien et me disant que ça leur donne
24:10énormément de force aussi une histoire comme ça, de voir qu'en fait, quand on ne lâche
24:13pas et qu'on continue à travailler, qu'on continue sur notre chemin, quel qu'il soit,
24:17facile ou pas, on y arrive.
24:19Justement, dans un contexte hyper favorable, parce qu'il y a Thierry Depéret, il y a Éric
24:24Fraticelle, lui aussi dans un tout autre registre, enfin, un cinéma corse, enfin.
24:28Oui, je crois que c'est la somme de beaucoup de choses, peut-être pas juste le fruit du
24:34hasard.
24:35Je crois que, comme nous le disions tout à l'heure en off, il y a eu le réacquiste
24:38dans les années 60 et 70 où les Corses ont pu se réapproprier leur langue, leur culture.
24:44Et peut-être qu'aujourd'hui, à force de narratifs corse trop souvent racontés par
24:49d'autres et trop souvent galvaudés, malheureusement, peut-être que les auteurs corses ont voulu
24:54à leur tour se les réapproprier, donc peut-être qu'il s'agit là d'un réacquiste cinématographique
24:58aujourd'hui.
24:59Une réappropriation.
25:00Julien Colonna, merci beaucoup, lui parle de la presse américaine, on a fait référence
25:03aux parrains.
25:04J'ai pensé plus aux sopranos, moi, le père et la fille.
25:07Vous prenez ? Vous faites pas le difficile, vous avez compris qu'on vous recommande chaudement
25:12ce film Le Royaume à partir d'aujourd'hui sur les écrans.
25:15Et tout public est à retrouver sur franceinfo.fr