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Entre humour, pop culture et «lifestyle», sur Internet, les idées de l’extrême droite se diffusent presque en sous-marin. Derrière une vidéo Youtube presque gentillette, où deux personnes discutent autour d’un «repas de seigneur», difficile d’imaginer qu’il y a un ancien membre d’un groupuscule néonazi pour qui payer des impôts en France revient à «donner de l’argent à des associations LGBT, des migrants etc.» Son petit nom, c’est Baptiste Marchais, et il représente bien le soft power à la sauce extrême droite de ces influenceurs, selon nos journalistes spécialistes du sujet et auteurs du livre Pop Fascisme (1), Pierre Plottu et Maxime Macé.

Cette mécanique sert également la communication politique du rassemblement national. Sur TikTok, Jordan Bardella mène sa chasse aux électeurs dans des vidéos coulisses où on peut le voir un peu foufou, mais gentil comme tout. Dans son dernier ouvrage Résister, la journaliste Salomé Saqué explique qu’«avec un sourire enjôleur, une apparence toujours impeccablement soignée et sur fond de musique à la mode […] il a réussi plus qu’aucune autre personnalité politique française à créer un sentiment de proximité avec les jeunes».

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Transcription
00:00Les personnes qui suivent ces influenceurs-là ne se disent pas nécessairement d'extrême-droite.
00:03Et puis d'un coup, Eric Zemmour va être cité,
00:06ou on va entre-temps, à un moment, appeler à voter pour Marine Le Pen.
00:09Selon vous, où est-ce que l'extrême-droite attire le plus de nouveaux partisans ?
00:12Est-ce que c'est à la télévision ? Est-ce que c'est dans les débats ? Pendant les élections ?
00:16Eh bien, sachez qu'il y a un lieu où l'extrême-droite navigue très très bien,
00:20c'est sur Internet et sur les réseaux sociaux.
00:22Les influenceurs, les politiques, ils savent très bien manier l'humour, la pop-culture,
00:26ils savent montrer leur lifestyle.
00:28Tout ça pour former une forme de soft power réactionnaire très bien léchée.
00:32Alors, pour comprendre les mécanismes de l'extrême-droite en ligne,
00:35eh bien, on vous propose de discuter avec Salomé Saké.
00:37Salut, Salomé !
00:38Salut !
00:39Salomé, tu es journaliste, tu es aussi autrice de ce livre,
00:43Résistez, aux éditions Payot,
00:45où tu nous aides à comprendre les rouages de l'extrême-droite.
00:48Et juste à côté de toi, on a Pierre Plotu et Maxime Massé.
00:51Salut Pierre, Maxime !
00:52Salut !
00:53Et vous, vous êtes journaliste à Libération,
00:55spécialiste de la thématique de l'extrême-droite,
00:57et vous êtes aussi auteur de ce livre,
00:59Pop-fascisme, aux éditions Divergence.
01:01Comment l'extrême-droite a gagné la bataille culturelle sur Internet ?
01:05Autant dire qu'on est dans le thème.
01:07Ma première question, elle est pour vous tous.
01:09Selon vous, c'est quoi, en quelques mots,
01:12la plus grosse victoire de l'extrême-droite dans cette bataille culturelle ?
01:16Je vais faire la réponse facile, mais qui est quand même la plus évitante, c'est d'être...
01:19Je vous fais une toute petite pause si cette vidéo vous plaît.
01:21Abonnez-vous à la chaîne YouTube de Libération,
01:23on publie des entretiens comme ça toutes les semaines.
01:25Commentez, likez, dites-nous ce que vous en pensez,
01:27et je vous souhaite un bon visionnage.
01:29Je vais faire la réponse facile, mais qui est quand même la plus évitante,
01:31c'est de s'être accaparé d'un réseau social entier
01:34qui n'était pas d'extrême-droite à la base,
01:36qui est Twitter devenu X,
01:38qui a été racheté par Elon Musk,
01:40qui est donc un fervent soutien de Donald Trump.
01:42Je suis convaincue que la manière dont cet espace a été manipulé,
01:46notamment pendant les élections aux Etats-Unis,
01:48a vraiment participé à la victoire évidemment de l'extrême-droite,
01:51mais surtout de ces idées d'extrême-droite
01:53qui ont triomphé aux Etats-Unis
01:55et qui sont en train de triompher en France
01:57de manière pas forcément évidente.
01:59Aujourd'hui, c'est compliqué de voir autre chose
02:02que des thématiques de l'extrême-droite
02:06quand on allume ce réseau social.
02:08De plus en plus, il y a des personnes qui appellent à le quitter,
02:10il y a des mouvements de boycott,
02:12mais c'est vraiment fou de s'être emparé d'un réseau social
02:14où il y a littéralement des centaines de millions de personnes.
02:17Et ça, c'est une victoire culturelle absolument majeure.
02:20Pour vous, Pierre-Alexandre ?
02:21Moi, je vais continuer un petit peu sur l'idée de la langue,
02:24parce que Twitter, c'est aussi un outil où on utilise la langue.
02:27Pour moi, une des grandes forces de l'extrême-droite,
02:29ça a été d'être capable d'opérer un renversement sémantique.
02:33L'extrême-droite française, c'est l'héritière de la collaboration et de Wi-Fi,
02:36et désormais, grâce à un travail de fond qu'ils ont fait,
02:39ils se vivent et ils arrivent à imprimer l'idée
02:41que ce sont eux les résistants
02:43à la théorie fausse et raciste du grand emplacement,
02:46et que les gens qui sont progressistes,
02:48qui portent des valeurs de gauche, sont les collabos.
02:50Et ce renversement sémantique,
02:52c'est une grande victoire de l'extrême-droite,
02:54et on en a tous ri.
02:56On a tous vu ce passage du plateau de CNews,
02:59de l'émission de Christine Kelly,
03:01où ils ont diffusé le chant des partisans
03:04en se présentant comme des résistants.
03:07Effectivement, sur le moment, on peut trouver ça drôle,
03:10mais en fait, c'est suffisamment grave pour être noté,
03:12parce que l'extrême-droite s'approprie
03:15une part des gens qui ont combattu contre elle.
03:19Et l'un comme l'autre de ces deux outils
03:22rejoignent aussi autre chose,
03:24c'est que l'extrême-droite aujourd'hui est capable
03:26d'imposer ses thèmes.
03:28On parle d'immigration, on parle d'insécurité,
03:30on parle de tout un tas de questions de société,
03:32déjà en soi, parce que l'extrême-droite
03:34a réussi à les imposer à travers son usage
03:37poussé notamment d'Internet,
03:39à travers ce renversement sémantique,
03:41mais aussi on en parle à la manière de l'extrême-droite.
03:44On en parle, par exemple,
03:46l'insécurité et l'immigration se rejoignent.
03:48Alors qu'il n'y a pas si longtemps que ça, par exemple,
03:50en 2021, Génération Identitaire est dissous
03:52par Gérald Darmanin, qui n'est pas tout à fait le gauchiste
03:54de la bande, est dissous notamment parce que
03:57le décret de dissolution précise que
04:00la propagande de Génération Identitaire
04:02fait un rapprochement considéré
04:04comme contrevenant à la loi
04:06entre immigration et insécurité.
04:08Cette question de Twitter, elle est vraiment très importante.
04:10Nous, on l'a vu en tant que journalistes,
04:11il ne faut pas oublier qu'il y a plein de gens
04:12qui ne sont pas sur Twitter.
04:13En France, ce n'est pas du tout la majorité
04:15de la population qui était sur Twitter
04:16avant même leur achat et tout ça.
04:18Mais c'est fondamental parce que
04:20c'est l'endroit où les politiques,
04:22les journalistes, les personnes qui aussi fabriquent
04:24l'information, fabriquent le débat public,
04:26sont, et c'est là où elles puisent
04:28leur information depuis déjà très longtemps.
04:30Les journalistes, pour beaucoup, sont littéralement
04:32perfusés à X aujourd'hui,
04:34et ça continue.
04:35Et donc le fait d'avoir réussi à imposer
04:37les thématiques, le vocabulaire,
04:38a eu beaucoup d'incidence sur tout le reste
04:40du paysage médiatique sur ce réseau-là.
04:42C'est pour ça que pour moi, ça reste quand même
04:43la plus grosse victoire de l'extrême-droite.
04:45On a vu de très, très nombreuses polémiques
04:47ces dernières années émerger sur
04:49ce réseau-là en particulier, qui a été aussi
04:51structuré pour faire émerger
04:53la confrontation, pour
04:55réussir à avoir
04:57beaucoup d'agressivité, en fait, plus que
04:59sur d'autres réseaux.
05:00Ça a été complètement accaparé par l'extrême-droite
05:02et on s'est retrouvés de cette manière
05:04avec des journalistes qui, je crois, ont été influencés
05:06par tous ces mouvements
05:08qu'il y avait d'extrême-droite sur la plateforme
05:10et qui, aujourd'hui,
05:12continuent malgré tout à avoir beaucoup d'influence.
05:14Parce que peut-être qu'à Libération ou à Blast...
05:16Déjà, moi, ce sont deux médias qui sont toujours
05:18sur ce réseau-là. C'est des endroits
05:20où peut-être on se pose la question de ce qu'on va faire
05:22avec ce réseau, mais ce n'est pas du tout le cas.
05:24Dans la majorité des médias, en France, il n'y a
05:26à ma connaissance que Quotidien, vraiment, en termes de gros médias
05:28qui en est parti il y a déjà plus d'un an.
05:30Et ça continue
05:32à avoir de l'influence. Et moi, je l'ai
05:34constaté même sur ma carrière
05:36personnelle. Et c'est là où je me suis dit
05:38qu'il y a vraiment un pouvoir. C'est que là, on a parlé des thèmes,
05:40on a parlé de la sémantique, mais il y a aussi des
05:42campagnes de dénigrement, de harcèlement
05:44qui sont lancées en particulier sur ce
05:46réseau, avec beaucoup de bots, notamment.
05:48Et on voit qu'on peut lancer des
05:50rumeurs sur quelqu'un. On peut
05:52modifier par là, vraiment, son image
05:54publique. Et moi, ça a été fait à plusieurs reprises
05:56en ce qui me concerne, notamment
05:58quand je parlais de l'extrême-droite, en me prétendant
06:00un passé que je n'avais jamais eu, des intentions
06:02que je n'avais jamais eues, mais de manière tellement
06:04massive qu'après, dans les discussions
06:06entre journalistes, on me disait
06:08« Du coup, toi, t'as été militante anti-nucléaire
06:10pendant des années », et ce qui n'était pas du tout le cas.
06:12Et en ça,
06:14ils ont vraiment un pouvoir, je pense,
06:16qu'on a complètement sous-estimé.
06:18Pour reprendre un peu
06:20notre thématique, moi, je voudrais qu'on refasse
06:22un bond dans le passé. À quel moment
06:24est-ce que l'extrême-droite
06:26commence à s'emparer d'Internet,
06:28des forums, des sites, etc. Comment est-ce que ça se passe,
06:30Pierre-Maxime ?
06:32Il y a plusieurs étapes. La première,
06:34c'est que l'extrême-droite comprend très rapidement
06:36qu'elle doit investir Internet
06:38parce que c'est un espace de désintermédiation.
06:40C'est-à-dire qu'en gros,
06:42il n'y a pas de filtre entre l'émetteur
06:44et le récepteur, donc on peut lui faire
06:46avaler n'importe quoi.
06:48À titre d'exemple, le premier
06:50parti politique de France à avoir un site
06:52Internet, c'est le Front National,
06:54qui lance son site Internet au début des
06:56années 2000, et même avant ça,
06:58pour les moins jeunes d'entre nous qui
07:00nous écoutent, le Front National
07:02avait un service sur le Minitel.
07:04Et même un service
07:06audio-tel à l'époque.
07:08Ils ont investi très rapidement
07:10les nouvelles technologies,
07:12ce qui nous paraît un peu dépassé maintenant,
07:14parce qu'en fait, il n'y a pas de filtre
07:16journalistique,
07:18il n'y a pas de
07:20débunkage
07:22de ce que raconte l'extrême-droite,
07:24et rapidement,
07:26ils vont investir ces terrains-là,
07:28notamment les terrains
07:30où il va y avoir du partage de contenu.
07:32Facebook, très rapidement,
07:34est farci de comptes
07:36d'extrême-droite, de gens qui vont,
07:38par exemple les articles des grands médias,
07:40mettre des commentaires apportés racistes
07:42ou dénigrants vers les journalistes,
07:44et puis après, ils vont aussi se lancer
07:46sur les autres plateformes,
07:48et en particulier YouTube.
07:50Et là, on se rend compte
07:52qu'il y a deux personnes qui vont
07:54vraiment influencer en France la mouvance
07:56et les emmener sur YouTube,
07:58c'est Alain Soral et Dieudonné,
08:00qui en fait, après leur position gravement antisémite
08:02qu'ils vont tenir dans les médias,
08:04vont ne plus être
08:06invités, à part sur des émissions
08:08très rares, comme celles qui sont
08:10organisées par Tadeï ou Thierry Ardisson,
08:12et donc du coup, ils vont avoir besoin
08:14de continuer
08:16à parler à leur public, donc ils vont aller sur
08:18une plateforme où en fait, il ne va pas y avoir de médiation,
08:20et où ils vont avoir la possibilité de dire
08:22à peu près ce qu'ils veulent, ça va être YouTube.
08:24Moi, j'avais aussi lu qu'il y avait
08:26des premiers blogs,
08:28des premiers sites, où il se montait
08:30des choses comme ça, est-ce que vous en avez noté ?
08:32Oui, oui, oui, par exemple
08:34L'Ève de Souche, c'est un des tout premiers à être lancé
08:36par Pierre Sautarel, qui à l'époque, par exemple,
08:38est quelqu'un qui est très proche du
08:40Front National, c'est lui qui
08:42monte le
08:44premier site Internet de la
08:46Fédération Île-de-France, je crois, du Front National
08:48à l'époque encore.
08:50Il y a déjà une interconnexion
08:52très grande entre
08:54la sphère, la fachosphère,
08:56ce qui sera dénommée plus tard la fachosphère grâce
08:58au livre de Dominique Albertini
09:00et David Doucet.
09:02Merci, j'avais plus le prénom, pardon.
09:04En fait, la question,
09:06c'est ce qu'a dit Maxime,
09:08l'objectif, c'est de sauter le verrou du journaliste
09:10pour aller s'adresser directement au lecteur.
09:12Au lecteur, dans le cadre de blog,
09:14une fois, on s'est amusé, entre guillemets,
09:16à compter avec Maxime,
09:18on a mélangé,
09:20on est au moment de la période
09:22de la pandémie de Covid-19,
09:24donc on s'intéresse plutôt à des informations, en général.
09:26Et donc, il va y avoir à la fois
09:28du complotisme, à la fois de l'extrême droite,
09:30à la fois un certain nombre de choses sur lesquelles on veille.
09:34Sphère dont on voit aujourd'hui
09:36qu'elle se chevauche quand même assez largement,
09:38voire très largement,
09:40on s'arrête à compter à
09:42mille sites.
09:44Pour lesquels on est allé
09:46chercher l'audience, et de tête,
09:48je crois que c'est plus de 60 millions de visites
09:50par mois sur ces mille sites.
09:52Avec un top 10
09:54qui dépasse les 15 millions.
09:56Alors, en fait, c'est 150 millions en tout,
09:58et 60 millions pour le top 10.
10:00Merci.
10:02Ça représente, en fait,
10:04pour avoir une idée, à l'époque,
10:06en 2022, quand on fait ce calcul,
10:08ça représente l'audience cumulée du journal
10:10de l'hebdomadaire L'Obs,
10:12de Europe 1, qui n'est pas encore devenu bolorisé,
10:14et de l'Ibé.
10:16Ça fait beaucoup de toi, Salomé.
10:18Est-ce que tu en as noté d'autres, des canaux
10:20comme ça, où l'extrême droite peut s'exprimer
10:22plus ou moins comme ils veulent ?
10:24Mais aujourd'hui, il y a quasiment tous les canaux où ils peuvent s'exprimer comme ils veulent.
10:26Je pense qu'il y a quand même une certaine modération
10:28qui a été faite sur Instagram, et
10:30sur YouTube, où d'ailleurs il y a plusieurs chaînes
10:32qui ont sauté, notamment après des appels à la haine.
10:34C'est fait au cas par cas,
10:36c'est assez opaque, finalement.
10:38On ne sait pas exactement comment ça se déroule, pourquoi il y a des comptes
10:40qui sautent, pourquoi il y en a qui ne sautent pas.
10:42Mais globalement, il y a quand même une certaine liberté
10:46d'extrême droite, et peut-être faut-il rappeler ce qu'on entend
10:48par idée d'extrême droite. Et c'est là où je pense
10:50que c'est particulièrement pernicieux aujourd'hui,
10:52plus encore qu'hier,
10:54sur des sites comme F2Souche,
10:56qui ont un énorme pouvoir de nuisance,
10:58c'est très clair que c'est des sites d'extrême droite,
11:00c'est très clair qu'on est là pour défendre des idées,
11:02des idées qui sont des idées
11:04haineuses, je pense qu'on peut le dire
11:06très clairement. Sur TikTok, sur Instagram
11:08aujourd'hui, c'est beaucoup plus compliqué
11:10voire sur YouTube, puisqu'on a
11:12l'émergence de très nombreux influenceurs
11:14qui sont
11:16presque dans du divertissement
11:18ou en tout cas un certain style de vie,
11:20qui se présentent comme dépolitisés,
11:22qui ne vont pas toujours appeler à la haine,
11:24qui au contraire vont parfois donner des conseils
11:26de séduction, qui vont expliquer comment aller
11:28à la salle de sport,
11:30qui vont montrer ce qu'ils mangent,
11:32ce qu'ils font, et ils ne portent
11:34pas nécessairement sur eux cette idéologie
11:36d'extrême droite de manière totalement identifiable
11:38et évidente, ce qui fait qu'ils arrivent à ratisser
11:40beaucoup plus large, et on le voit particulièrement
11:42pour moi, avec l'émergence
11:44des mouvements masculinistes. On a parlé de
11:46victoire. Une des grandes victoires, c'est quand même
11:48la puissance de ce mouvement masculiniste
11:50aux Etats-Unis. C'est fou,
11:52c'est vraiment énorme.
11:54Ça nous a,
11:56je pense, marqués avec
11:58cet influenceur d'extrême droite, qui a quand même
12:00une audience à plusieurs millions de personnes, où il disait
12:02que les
12:04« your body, my choice », en réponse
12:06justement à la victoire de Donald Trump par rapport
12:08au slogan féministe « my body, my choice »,
12:10« mon corps, mon choix », lui, il dit
12:12« votre corps, notre choix, mon choix
12:14d'homme », donc ça montre
12:16bien quand même, vraiment, ça a pris
12:18une ampleur folle aux Etats-Unis, mais ça vient
12:20chez nous, ça prend de plus en plus
12:22de place, et les personnes qui suivent
12:24ces influenceurs-là, qui sont quand même souvent des hommes,
12:26ne se disent pas nécessairement d'extrême droite,
12:28et puis d'un coup, Eric Zemmour va être cité,
12:30où on va, entre temps, à un moment,
12:32appeler à voter pour Marine Le Pen, mais toutes les
12:34vidéos tournent pas autour de ce contenu-là.
12:36Et c'est rendu très
12:38compliqué, je pense, pour les spectateurs
12:40d'identifier ça, parce que
12:42on peut se dire qu'on suit quelqu'un tout simplement pour la
12:44musculation, pour la défense, et derrière,
12:46c'est ce que l'historien Patrick Boucheron appelle
12:48un « lifestyle réactionnaire ».
12:50C'est vraiment un style de vie entier
12:52qui est promu, donc pour les hommes, c'est fumer des cigares,
12:54manger de la viande rouge, faire des
12:56sports de préférence violents, évidemment
12:58souvent avoir un rapport aux femmes quand même
13:00très dégradant, dégradé,
13:02l'idée c'est de reprendre
13:04le pouvoir sur elles, et
13:06évidemment ça fait partie
13:08souvent de l'idéologie de l'extrême-droite, mais c'est
13:10beaucoup plus disséminé, et ça,
13:12c'est vraiment très complexe
13:14même à expliquer, et à reconnaître.
13:16Moi je suis tombée sur des chaînes pendant
13:18l'enquête, où j'étais pas sûre
13:20en fait, et puis j'essayais de trouver le contenu d'extrême-droite,
13:22je me disais « ça ressemble à l'extrême-droite »,
13:24et ça demande beaucoup de connaissances de ce
13:26mouvement-là. – Surtout que ça se recoupe aussi, excuse-moi,
13:28c'est juste une aparté, mais ça se recoupe aussi à ce que
13:30disait Maxime tout à l'heure, l'inversement sémantique,
13:32le renversement de la charge de l'accusation en fait.
13:34Je n'aborde
13:36pas les sujets, typiquement le raptor dissident,
13:38bébé Soral,
13:40Alain Soral, un représentant de
13:42l'antisémitisme forcené,
13:44historiquement en France, le leader
13:46intellectuel de ce courant-là, qui amène
13:48des millions de vues, et dont on a aujourd'hui
13:50les bébés Soral, en tout cas, qui sont des influenceurs
13:52très suivis, qui ont
13:54d'une part une stratégie à
13:56360 degrés, c'est-à-dire qu'on va avoir une chaîne
13:58YouTube, un compte Instagram, un
14:00Twitter, un podcast sur les
14:02grandes plateformes, on parle de Deezer, on parle de
14:04Spotify, on parle de...
14:06Avec tout ça, on touche des millions de gens. Ça, c'est la
14:08première chose. La deuxième chose, c'est, comme tu le disais,
14:10Salomé, je me permets
14:12de te tutoyer.
14:14Entre journalistes.
14:16Voilà, entre confrères et
14:18consœurs, pardon. La deuxième,
14:20le raptor dissident est devenu juste
14:22le raptor. Et un jour, lui a été posé la question
14:24sur TV Liberté, une web-télé
14:26d'extrême droite. Juste pour préciser,
14:28le raptor dissident, c'est un YouTuber
14:30d'extrême droite. En quelle année est-ce qu'il est arrivé
14:32sur la plateforme ? Alors, le raptor dissident,
14:34il arrive en 2015, sur sa première
14:36vidéo, et il va un peu...
14:38Je fais une petite parenthèse,
14:40raptor dissident. En fait, il va
14:42s'inspirer d'un autre YouTuber qui est arrivé
14:44un tout petit peu avant lui, qui s'appelle Valek.
14:46Il va reprendre exactement
14:48les mêmes codes, c'est-à-dire le format
14:50star de YouTube à l'époque,
14:52c'est une vidéo entre 15 et
14:5430 minutes, avec un montage extrêmement
14:56saccadé, des punchlines,
14:58et surtout, ils ne vont pas tout de suite
15:00dévoiler leur visage, dévoiler leur identité,
15:02et ça, c'est très fort, parce qu'en fait, on sort
15:04d'un phénomène qu'il y avait quand même beaucoup
15:06à l'extrême droite, juste avant leur
15:08passage, notamment à travers Alain Soral
15:10et Dieudonné, c'est la personnalisation.
15:12Et là, en fait, à travers ces vidéos que
15:14font à l'époque Valek et le raptor
15:16en ne montrant pas leur visage,
15:18ils disent à leur public,
15:20vous aussi, vous pouvez le faire, vous aussi, vous pouvez
15:22être un YouTuber,
15:24être un influenceur,
15:26c'est ça. C'est presque l'esprit Anonymous.
15:28Nous sommes tous Anonymous.
15:30Et en plus, après, ils vont révéler leur
15:32visage, parce qu'après, ils vont rentrer dans des logiques
15:34de business, où il va être nécessaire pour eux
15:36d'avoir une image publique. Et puis, il faut bien
15:38construire des communautés, mais juste pour en revenir,
15:40le raptor dissident devient le raptor,
15:42lui est posé la question par Martial Build,
15:44un ancien du Front National, devenu
15:46animateur de cette web télé d'extrême droite
15:48qui s'appelle Télé Liberté, qui est
15:50un site internet, aussi une chaîne
15:52YouTube, etc. On est toujours dans les mêmes stratégies.
15:54Il lui est posé la question, pourquoi désormais plus
15:56que le raptor ?
15:58Sous-texte de cette question, c'est aussi, est-ce que vous
16:00rognez cet héritage de la dissidence
16:02d'Alain Soral ? Et lui, il répond juste,
16:04en gros, non,
16:06mais il n'y a plus besoin
16:08d'ajouter dissident au raptor, pour que tout le monde
16:10sache que le raptor est dissident.
16:12Et donc, on est aussi,
16:14dans ce non-dit, dans cette
16:16installée,
16:18à travers toutes ces briques du lifestyle qu'a super bien
16:20décrit Salomé, en fait, ce qu'on dessine,
16:22c'est un
16:24idéal de vie à atteindre
16:26qui fait que
16:28si on veut vous enlever la moindre
16:30brique de cet idéal,
16:32on est le diable et on attaque
16:34vos libertés fondamentales. On est la gauche.
16:36Alors, je vais juste faire une toute petite digression
16:38pour répondre à une question qui
16:40était dans le tchat, c'est Abby Reine qui vous demande
16:42s'il y a des législations possibles pour limiter l'influence de l'extrême droite
16:44dans les médias. Est-ce que,
16:46voilà, il y a des lois qui encadrent
16:48ce qu'on peut ou ne pas dire
16:50dans les médias, notamment sur
16:52ces républicains d'extrême droite, est-ce que ça existe ?
16:54Oui, bien sûr. Il y a le droit français
16:56qui limite la parole raciste, la parole
16:58discriminatoire. Après,
17:00effectivement, c'est une vraie question qui
17:02se pose là parce que, par l'humour,
17:04par l'outrance, on peut
17:06aussi
17:08faire passer des messages qui sont parfaitement
17:10compris par la communauté,
17:12qui n'apparaissent pas comme racistes
17:14au regard du droit, mais par contre,
17:16ils le sont parfaitement. Et ça, l'extrême droite s'est
17:18parfaitement joué avec ces codes-là.
17:20Je prends juste un exemple qui est très simple.
17:22À partir de 2018,
17:24sur le Twitter d'extrême droite,
17:26on voit apparaître deux mots
17:28qui se répètent à l'envie,
17:30généralement quand il y a des faits divers,
17:32c'est « noix » et « arbre ».
17:34Alors, ça veut dire quoi, « noix » et « arbre » ? En fait, c'est
17:36juste une périphrase pour parler des noirs
17:38pour les noix. On a enlevé une lettre.
17:40Et « arbre », c'est
17:42« arabe ». Et on ne peut pas
17:44condamner quelqu'un pour avoir dit
17:46« il y a beaucoup trop d'arbres dans ce pays ».
17:48Alors si, dans l'absolu, on peut le condamner.
17:50Mais c'est extrêmement difficile, c'est des processus judiciaires qui sont très
17:52longs. Et c'est aussi une manière de jouer avec les
17:54algorithmes. On parlait tout à l'heure de modération
17:56et c'est un très bon point.
17:58Après, c'est toujours compliqué d'exiger
18:00d'acteurs privés. Encore une fois, tous ces
18:02réseaux sociaux sont des entreprises privées.
18:04Leur objectif, c'est de faire de l'argent. Leur objectif,
18:06c'est d'avoir plein de clients, le plus possible,
18:08de les faire rester le plus longtemps possible,
18:10d'accumuler le maximum
18:12de données sur eux pour vendre de la publicité
18:14plus chère et vendre ces données personnelles.
18:16Elles ont, au pas d'intérêt,
18:18ces plateformes à sévir.
18:20Si, elles ont un intérêt
18:22à partir du moment où il y a une pression publique.
18:24S'il y a l'opinion publique qui
18:26considère que c'est inacceptable
18:28d'avoir ce type de pensée
18:30qui est exprimée de manière massive
18:32et notamment la pensée raciste,
18:34ça peut avoir une incidence. On voit quand même
18:36du côté de YouTube ou d'Instagram
18:38une forme de malaise vis-à-vis de ça.
18:40Et dans la communication,
18:42ils ne disent pas qu'ils promeuvent
18:44les idées haineuses, au contraire,
18:46ils disent qu'ils essaient de réguler ça.
18:48Ils ont des règles un peu strictes aussi
18:50sur la nudité dans beaucoup
18:52de domaines, sauf que comme c'est massif,
18:54c'est surtout fait par des robots et que
18:56l'extrême droite a aujourd'hui très bien compris
18:58comment contourner ces
19:00réglementations-là.
19:02Pour comprendre et rentrer un peu dans le détail
19:04de ces mécanismes des influenceurs d'extrême droite,
19:06est-ce que vous pouvez me donner un exemple
19:08ou deux d'un influenceur
19:10d'extrême droite, m'expliquer comment il fonctionne
19:12et ce que ça signifie
19:14pour les gens qui le regardent ?
19:16Par exemple, Baptiste Marchais.
19:18Baptiste Marchais, oui, c'est un très bon exemple.
19:20Déjà, c'est un des rares qu'on a rencontré.
19:22On peut parler de lui.
19:24Baptiste Marchais, c'est quelqu'un qui arrive sur YouTube, je crois, en 2018,
19:26avec une chaîne
19:28qui s'appelle Bench & Cigar.
19:30Le cigar, c'est sa passion.
19:32Et bench,
19:34c'est une forme d'haltérophilie.
19:36Le développer-coucher, pardon.
19:38Le mot anglais pour développer-coucher.
19:40À la base, il va
19:42présenter des formats
19:44qui vont s'intéresser à la multiplication.
19:46C'est exactement ce que disait Salomé tout à l'heure.
19:48En fait, il va amener une communauté
19:50qui est très intéressée
19:52par le développer-coucher
19:54à un discours politique. Et par ce discours politique,
19:56il va passer par un format un peu particulier
19:58qui est celui des repas de seigneurs.
20:00C'est ce qui va vraiment faire sa notoriété.
20:02C'est-à-dire qu'en fait, il va inviter une personne
20:04à venir manger. Et quand je dis manger,
20:06c'est se baffrer. C'est manger des quantités
20:08hallucinantes de nourriture.
20:10Et il va d'abord commencer par des gens
20:12qui viennent plutôt de son milieu.
20:14Donc, ils sont plutôt ce qu'on appelle
20:16des strongman. Donc, des gens qui font des sports
20:18de force. Et puis,
20:20très rapidement, quelques
20:22mois après le lancement de sa
20:24chaîne, il va inviter Papacito.
20:26Donc, Papacito, qui est un autre YouTuber
20:28d'extrême droite, qui est un peu plus connu.
20:30Qui est surtout connu pour avoir fait une vidéo avec un autre
20:32YouTuber dans laquelle il poignarde
20:34un mannequin et tire au fusil
20:36sur un mannequin qui est censé représenter un électeur
20:38de gauche. Il va l'inviter
20:40à manger. Alors, il mange de façon
20:42dantesque. Ça dure deux épisodes.
20:44Et ça va complètement asseoir
20:46la crédibilité de Baptiste Marchais.
20:48Parce que Papacito a déjà
20:50une communauté. Et cette communauté
20:52va se retrouver dans le discours de Baptiste Marchais.
20:54Et là, il n'est plus du tout question
20:56de powerlifting dans sa vidéo.
20:58Mais de
21:00grand remplacement d'Histoire de France
21:02à la sauce romand nationale.
21:04Et quand on parle d'Histoire de France à la sauce
21:06romand nationale, on est sur des théories
21:08complètement eugénistes. Par exemple,
21:10la Première Guerre mondiale a opéré
21:12une grande saignée des vrais
21:14bonhommes
21:16pendant le conflit. Et ne
21:18resterait que les planqués, et je cite
21:20leur mot, les fiottes.
21:22Qui, en fait, seraient responsables
21:24de l'état actuel de la France. Donc, on est vraiment
21:26sur un discours extrêmement politique.
21:28Mais, en train de manger une côte de bœuf
21:30et des magrets de canard...
21:32On est presque sur la côte de bœuf éternelle.
21:34Parce qu'en fait,
21:36c'est ça, être un vrai homme,
21:38c'est manger beaucoup. Si aujourd'hui, on vous parle
21:40par exemple, si on s'intéresse
21:42à la question climatique, ou
21:44aux questions écologiques, on va se poser aussi la question
21:46de la consommation de la viande. La quantité
21:48qu'on consomme, quelle viande on consomme, etc.
21:50Même en termes de...
21:52Pour les questions
21:54liées à la paysannerie française, pour les questions
21:56liées aux importations, pour les questions liées à plein de choses,
21:58ça peut être un sujet.
22:00Eux, rejettent tout ça.
22:02Complètement. On a coutume de dire,
22:04c'est un vieil adage qui dit,
22:06l'extrême droite apporte des réponses simples à des problèmes
22:08compliqués. Celui-ci en est
22:10un exemple frappant.
22:12Manger de la viande pour un bar, si on veut
22:14vous l'interdire, c'est forcément parce qu'on est des
22:16woke, parce qu'on est des gauchos, parce que
22:18ce sont des woke, parce que ce sont des gauchos,
22:20parce qu'ils veulent vous déviriliser, parce qu'ils
22:22veulent vous enlever vos libertés, parce que...
22:24Il y a une question dans le chat
22:26que j'ai vu passer.
22:28Est-ce que ces influenceurs
22:30ne se partagent-ils pas un nombre
22:32limité de viewers qui, en fait, seraient toujours
22:34les mêmes ? Je ne crois pas. Et je pense
22:36qu'on peut constater le nombre vraiment
22:38croissant de vues qu'ils font sur les réseaux sociaux depuis
22:40quelques années. Moi, j'aurais envie de citer une influenceuse
22:42qui est quand même célèbre, qui est Aïs Descuffons,
22:44qui est une influenceuse identitaire
22:46qui vient de Génération Identitaire,
22:48qui est un groupe qu'on a mentionné
22:50qui a été dissous
22:52quand même par
22:54le ministère de l'Intérieur,
22:56parce que c'était contraire aux valeurs
22:58de la République, et je crois que c'était ça
23:00le motif. Et la violence
23:02des militants aussi. Oui, c'était...
23:04Mais qui avait quand même un projet,
23:06clairement qui était un projet raciste. C'est ça.
23:08Aujourd'hui, elle, elle connaît
23:10un grand succès sur YouTube, notamment,
23:12en proposant
23:14des conseils séduction, là encore, mais à l'endroit
23:16des hommes, donc c'est vraiment en direction des hommes,
23:18avec une vision
23:20une peu plus sexiste et dégradante
23:22de la femme, qui devrait, en gros,
23:24être mise au service des hommes, et elle,
23:26elle explique aux hommes comment reconnaître
23:28des femmes de valeur, qui seraient donc les femmes
23:30qui se mettent à leur service, qui auraient eu très peu
23:32de partenaires dans leur vie, voire pas du tout.
23:34Enfin, on revient vraiment à quelque chose d'archaïque,
23:36clairement, ce qu'elle dit.
23:38Et elle a... En fait, ce qui est intéressant, c'est que là
23:40où ça ne se limite pas qu'à ses viewers,
23:42c'est qu'elle a... Déjà, évidemment, elle est accueillie
23:44à bras ouverts dans tous les milieux d'extrême droite,
23:46on l'a vue notamment
23:48au meeting d'Éric Zemmour,
23:50Reconquête, mais aussi...
23:52Elle était même membre de Reconquête.
23:56Mais elle est arrivée aussi dans les grands médias.
23:58C'est-à-dire que quelqu'un, qui a été d'ailleurs condamné
24:00par la justice,
24:02se retrouve
24:04sur le plateau de BFM TV pour donner son avis.
24:06Se retrouve sur...
24:08Alors, elle a failli être sur Europe 1,
24:10je crois que ça a été... Elle a fait une émission,
24:12puis finalement, ça s'est
24:14arrêté. Avant, elle était chez Cyril Hanouna.
24:16Elle était chez Cyril Hanouna, donc en fait,
24:18elle a une influence qui s'étend, et qu'on veuille la voir ou non.
24:20Le fait qu'elle grossisse sur les réseaux sociaux
24:22lui donne une certaine importance.
24:24Et elle se retrouve à aller
24:26sur certains médias qui ne se définissent pas
24:28d'extrême droite. Je ne pense pas que BFM TV se définisse
24:30comme un média d'extrême droite.
24:32Et ça, ça montre quand même cette espèce de porosité
24:34qu'on voit, que vous avez beaucoup documenté,
24:36entre des
24:38plateformes plus traditionnelles, plus mainstream,
24:40et des contenus qui sont des contenus radicaux,
24:42qui sont des contenus d'extrême droite,
24:44qui, petit à petit, se normalisent,
24:46prennent de plus en plus de place.
24:48Et le cas de
24:50des conseils en séduction, je crois que c'est un des plus frappants.
24:52Parce qu'il y a
24:54plein de gens qui ont cherché des conseils en séduction.
24:56Complètement. Et en fait,
24:58plutôt que de se poser la question du nombre d'abonnés,
25:00du nombre de gens qui sont fans
25:02ou qui sont exposés à ces chiffres-là,
25:04je pense qu'il faudrait prendre à l'inverse,
25:06essayer de quantifier
25:08à quel point leurs idées se retrouvent
25:10imposées dans les débats publics.
25:12Et pour ça, il y a deux choses.
25:14Typiquement, la première, c'est le grand remplacement.
25:16C'est-à-dire que cette thèse,
25:18on ne parle pas de théorie, puisqu'elle n'est pas basée sur des faits,
25:20cette thèse raciste,
25:22d'inspiration complotiste,
25:24du grand remplacement,
25:26est une thèse séculaire, et qui était
25:28réservée au tréfonds, vraiment,
25:30d'Internet, et qui a émergé
25:32à tel point qu'aujourd'hui,
25:34elle peut être, d'Internet et bien avant,
25:36quelques bouquins que personne ne lisait, etc.
25:38Et aujourd'hui, elle peut être reprise
25:40que dans la bouche de candidats,
25:42d'hommes et de femmes politiques,
25:44qui ne sont pas considérés comme étant d'extrême droite.
25:46Qui ne viennent pas de cette famille politique,
25:48et qui pourtant vont en parler.
25:50Et forcément la gauche aussi
25:52pour y répondre. Il y a une autre chose,
25:54là c'est un chiffre très précis, il y a un institut
25:56politique australien,
25:58qui est spécialiste
26:00des États-Unis et qui s'est intéressé,
26:02plutôt pro-démocrate d'ailleurs,
26:04pourquoi Trump a gagné,
26:06pourquoi vous avez voté Trump,
26:08à un panel assez large d'électeurs américains, 17% ont répondu, c'est la troisième réponse la plus importante,
26:1917% ont répondu parce que Kamala Harris a trop parlé des questions de société et notamment de transgenre, de questions transgenre, de wokisme en gros.
26:27Sauf que Kamala Harris n'en a jamais parlé.
26:30Ceux qui en ont parlé, c'est le camp d'en face, c'est Donald Trump qui expliquait que Kamala Harris voulait imposer
26:38que les écoles obligent nos enfants à ne pas transitionner, que les woks, que sais-je.
26:44En fait, en répétant ça à longueur de meeting, en étant repris par son camp et au-delà de son camp,
26:52quand bien même c'est pour être débunké par l'ensemble de la classe médiatique et des gens qui commentent,
26:58on oublie d'aller vérifier les faits et on se focus sur ça.
27:05C'est quelque chose qui effectivement m'a beaucoup frappé quand j'ai fait des recherches sur ce sujet, quand j'ai lu vos bouquins,
27:10c'est le fait que les idées de l'extrême droite sur Internet, j'ai l'impression qu'elles se baladent presque en sous-marin dans des contenus
27:17qui ne sont pas, comme vous le disiez, explicitement d'extrême droite.
27:21Et que du coup, des gens peuvent s'identifier à, je ne sais pas, le fait de faire de la muscu ou le fait d'avoir tel ou tel lifestyle
27:29et en porter, tomber ensuite dans des idées d'extrême droite. C'est quelque chose que vous avez noté aussi ?
27:34Je pense que c'est aussi des questions d'algorithme. On se met à regarder, attention, on n'est pas en train de dire que c'est parce qu'on fait de la muscu
27:40qu'on est d'extrême droite, on a complètement le droit de faire de la muscu, ce n'est pas du tout ça qu'on est en train de dire.
27:45C'est même l'inverse, ils créent, ils approprient, ils s'approprient des activités, ils font en fait, ils essayent de créer une espèce d'homo droitardus.
27:57Pour être un vrai type de droite, il faudrait avoir des catégorisations qui rendent à chaque fois une vraie femme de droite.
28:05C'est ça, non mais complètement.
28:07Et effectivement, il faut répondre à ça. Et sinon, vous êtes décrédibilisés, je suis sûre qu'autour de la table, ici, vous seriez qualifié d'homme soja.
28:12C'est déjà arrivé pour moi.
28:14Non mais c'est intéressant cette qualification d'homme soja, parce que ça s'attaque aussi au physique d'une certaine manière.
28:19C'est de dire, nous, nous sommes la force, nous sommes aussi les gagnants. Et vous, vous êtes ceux qui seraient incapables de force,
28:26qui seraient... Alors, j'aime même pas à quoi ça ramène, c'est une espèce de végétarisme, en tout cas, ça se veut dépréciatif.
28:34Et l'idée, c'est qu'on vous attaque pas seulement sur vos idées, on vous attaque sur qui vous êtes et sur ce que vous représentez,
28:39et sur le style de vie aussi, qu'on veut déprécier de votre côté. Et c'est ça qu'ils ont créé.
28:44Mais j'aimerais qu'on revienne quand même avant sur l'histoire des fake news, parce que c'est quand même ça, vraiment, la caractéristique pour moi de l'extrême droite,
28:51sur le plan politique, sur les réseaux sociaux et dans les médias, c'est qu'ils martèlent, ils martèlent, ils martèlent.
28:57Et là, l'exemple de Kamala Harris, il est frappant. Et c'est ce qu'on a vu pendant toute la campagne, c'est qu'elle n'a effectivement pas parlé de transgenreisme, quasiment.
29:04Et quand elle en a parlé, c'est parce qu'elle a été interrogée dessus, parce que Donald Trump avait lancé des rumeurs sur elle, en plus, complètement fausses, à tous les niveaux.
29:12Et en fait, on finit par avoir une partie de la population qui est convaincue qu'elle en a énormément parlé, et le reste de la population ne le sait tout simplement pas.
29:19Et ça, c'est quand même la grande spécialité de Donald Trump. Et on le voit, c'est en train de s'importer dans le débat français.
29:23C'est le trumpisme dans la manière d'aborder l'information où tout se vaut. Il y a plusieurs vérités.
29:30On dit c'est votre vérité. On l'a vu très récemment avec cet exemple d'Eric Ciotti sur le plateau de France 5 face à Patrick Cohen, qui dit...
29:37Patrick Cohen lui donne des faits, le journaliste lui donne des faits extrêmement clairs sur les règles en termes d'affichage dans les gares.
29:43Et lui, il dit bon, on ne va pas être d'accord. Et Patrick Cohen, en saga, il dit c'est votre interprétation, ce sont les faits.
29:51Et en fait, c'est ça qui est compliqué à appréhender, même en tant que journaliste, c'est qu'eux, ils martèlent, ils martèlent, ils martèlent.
29:58Et à la fin, j'aimerais quand même citer cette déclaration d'Anna Arendt, qui pour moi est totalement adaptée à l'époque, où elle disait, il y a quelques décennies,
30:05ce qui permet à une dictature totalitaire ou à toute autre dictature de régner, c'est que les gens ne sont pas informés.
30:12Comment pouvez-vous avoir une opinion si vous n'êtes pas informé ? Quand tout le monde vous ment en permanence,
30:17le résultat n'est pas que vous croyez ces mensonges, mais que plus personne ne croit plus rien.
30:22Et un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d'agir,
30:30mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et l'on peut faire ce que l'on veut d'un tel peuple.
30:35Et pour moi, c'est ce qui est en train de se passer avec l'irruption des fake news, l'irruption des mensonges.
30:39Les gens ne croient pas forcément tout. Et même les électeurs de Donald Trump, ils ne croient pas tout ce que dit Donald Trump.
30:44Mais à la fin, on est noyé entre mille informations, désinformations. On ne sait plus quoi croire et on n'arrive plus à y voir clair.
30:51Et aussi, on se distancie et on se désintéresse. Et c'est ça, c'est ça la victoire de l'extrême droite, c'est d'avoir modifié notre rapport à la vérité.
31:00Et j'ai l'impression que ce qui fait que c'est aussi puissant aussi, c'est que là, on a parlé des influenceurs d'extrême droite,
31:05donc les porte-parole, disons, mais ils montent aussi des communautés qui, elles, se chargent aussi de faire ce travail de sape.
31:12Est-ce que c'est des trucs que toi, tu as vécu, Salome ? D'avoir des communautés qui viennent saper des faits simplement que tu vas délivrer ?
31:18Complètement. Ça m'est arrivé à de très nombreuses reprises. Et moi, j'ai quitté Twitter il y a déjà un petit moment.
31:22Ça fait quelques mois où j'ai abandonné un réseau qui, pourtant, est important pour moi parce que j'ai une audience.
31:28J'avais plus de 200 000 abonnés sur X. J'ai mis des années à construire ça.
31:32Les gens se disent, on veut perdre nos abonnés. Ce n'est pas juste un truc d'égo. C'est que pour nous, c'est une question aussi de vie ou de mort, en fait, journalistique.
31:39C'est que c'est l'endroit où on nous écoute. Donc quand on renonce à 200 000 personnes qui nous suivent, on renonce à être entendu, à être lu.
31:47Et ça, c'est une certaine manière, une façon de nous brider. Donc moi, j'ai fini par quitter X Twitter parce que je n'arrivais plus à avoir la moindre discussion qui ait du sens.
31:59On ne parlait plus des faits. On n'interprétait plus les faits. C'est qu'il n'y avait plus de faits.
32:05Donc tout était tout le temps discutable. J'étais victime presque quotidiennement de victimes de campagnes de dénigrement quand même,
32:12massives, organisées pour faire croire des choses à mon sujet qui n'étaient pas vraies, mais qui étaient tellement répétées que ça finissait par instiller le doute.
32:19Et en fait, ils obtiennent de véritables victoires. Et ça continue, dans mon cas, pour l'instant, à une moindre échelle, mais sur d'autres réseaux.
32:28Et c'est une stratégie. C'est de dire... Et sur LinkedIn, je le vois. Alors, c'est très étonnant. Sur LinkedIn, c'est en train de poindre où on remet en cause le fait même
32:40qui ne pourrait potentiellement même pas être remis en cause, c'est-à-dire des statistiques de l'INSEE, des faits objectifs, même si on peut toujours discuter de tout.
32:48Et on va juste me dire « Ah bah non, ça, c'est faux », ou « Vous racontez n'importe quoi », ou « Ça, on voit bien que vous êtes militante ».
32:54Et j'ai juste donné un chiffre sur le réchauffement climatique, où je vais avoir sur le climat, c'est très frappant, il y a beaucoup, beaucoup de bombes d'extrême droite.
33:01Ça va être cette réponse qui consiste à dire aussi que le GIEC est un organe idéologisé ou quoi que ce soit.
33:06C'est ça. Et donc, moi, je vais donner des chiffres du GIEC. On va dire « Voilà, encore le militantisme qui donne les chiffres d'un organisme militant qu'est le GIEC ».
33:12Alors que pas du tout. Évidemment, c'est le consensus scientifique mondial. Et c'est compliqué de lutter contre ça. Et entre le moment où j'ai écrit le livre et aujourd'hui,
33:19et ça fait quelques mois que je suis vraiment sur ces questions d'extrême droite, j'arrête pas de changer d'avis sur la manière dont on doit faire face à ça,
33:26parce que juste dire aux gens « Mais enfin, j'ai raison, ce sont les faits », ça ne fonctionne pas.
33:30Non, c'est plus assez fort, en fait. Les faits alternatifs ont pris une telle importance qu'il est extrêmement difficile de lutter à la fois contre ça et contre le complotisme,
33:39parce qu'on a répété à l'envie pendant la période de la pandémie qu'on avait une irruption du complotisme, mais ça fait très longtemps qu'il est là.
33:48Et en fait, il est installé dans le débat politique et dans le débat public d'une façon générale. Et c'est une donnée qu'on a tendance à ne pas suffisamment prendre en compte actuellement.
33:56Là, tu parlais de la question du réchauffement climatique, mais en fait, tout ça peut être systématiquement décliné dans tous les grands enjeux qu'on a actuellement.
34:06Je reviens sur la question du dénigrement des journalistes sur Twitter ou des personnalités politiques.
34:14Il y a quelques années, avec Pierre, on avait travaillé sur un site Internet qui avait été monté par Damien Rieu, ancien du Rassemblement national, ancien de Reconquête.
34:22Désormais, rien du tout.
34:25Il avait lancé un espèce de site où il devait dénoncer les liens entre les politiques de droite et les islamistes.
34:33Bon, ça n'a évidemment rien donné, mais on sait, parce qu'on a travaillé, on avait stické dessus, qu'en fait, il s'organisait sur Telegram, sur des boucles fermées sur Telegram
34:43pour, à la fois, avoir ce que lui appelait des informations sur ses soi-disant de compromissions, mais aussi pour harceler les personnalités politiques en question.
34:53Et c'était de vraies raids qui étaient mises en place avec des heures, des messages presque déjà écrits.
35:01En fait, ils disent tous en même temps la même chose.
35:03C'est ça. Et ça, on l'a aussi vu lors de la campagne présidentielle 2022 chez Éric Zemmour, où il y a Samuel Laffont.
35:13Qui était en charge de ces questions chez Éric Zemmour, qui s'est d'ailleurs pris régulièrement la tête avec Damien Rieu, ce n'est pas une vision en ligne
35:23de ce combat-là, mais qui organisait, en fait, ces raids, ces pushes, en fait, de mots-clés qui apportaient, qui faisaient monter un fait divers ou qui apportaient
35:34un hashtag très fort sur YouTube, pardon, excusez-moi, sur Twitter, pas encore X.
35:40Ça a été, par exemple, le cas du francocide, donc cette idée qui est portée par Éric Zemmour, qui voudrait que chaque meurtre de personnes blanches ait un francocide,
35:50donc une volonté de s'en prendre, de génocider les Français, comme il y avait un Français blanc, en fait, comme il y a le féminicide.
36:02Donc déjà, encore une fois, l'appropriation des mots et des combats.
36:06Effectivement, l'extrême droite est extrêmement bien organisée pour à la fois porter ses combats sur les réseaux sociaux, mais discréditer les autres aussi.
36:13Moi, il y a juste une chose que je voudrais, et en fait, vous en parlez tous les deux, c'est un peu l'éléphant au milieu de cette pièce, c'est la violence aussi de l'extrême droite et la violence de son message.
36:22Nous, avec Maxime, on commence à bosser sur l'extrême droite, maintenant, il y a un moment, à travers la violence des groupuscules dans la rue, qui a une résurgence,
36:31et assez vite aussi à travers des questions de terrorisme, de sécurité intérieure.
36:37Il y a un lien entre tout ça, et c'est un lien qui nous a sauté aux yeux, non pas parce que nous, on fait cette analyse, qu'on retrouve, non, typiquement, une fois, on se retrouve au tribunal,
36:47on ne va pas citer un cas particulier, mais c'est une affaire de terrorisme, un homme, qui est loin d'être un gamin, qui a un cas génère, qui est inséré dans la vie,
36:57qui n'est pas parisien, qui a chez lui des armes, des manifestes, potentiellement, visiblement, des projets de passage à l'acte, même s'il s'en défend.
37:06Et ce genre de procès, ça commence toujours, c'est un cadre assez solennel, quand même, il est dans le box des accusés, il est entouré de policiers, c'est barraqué, cagoulé, blablabla.
37:15Nous, on est assis sur le banc de la presse, il n'y a pas grand monde d'ailleurs, et donc ça commence par un entretien interrogatoire de personnalité, la présidente s'intéresse à la personnalité du mis en cause,
37:27et ses premiers mots, tu m'arrêtes si je dis une bêtise, mais ses premiers mots sont pour, on lui demande comment est-ce qu'il en est venu à une telle radicalité, et il dit, parce qu'il consomme en ligne du contenu d'influenceurs,
37:40et il cite nommément Papacito et Éric Zemmour.
37:43Et Cro-Blanc.
37:44Et Cro-Blanc, oui, qui est plus pointu, il faudrait qu'on l'explique.
37:46Et Cro-Blanc, c'est quoi, c'est un rappeur, c'est ça ?
37:47C'était un rappeur.
37:48Qui est désormais vraiment un influenceur, qui est très lié d'ailleurs avec, ou moins, oui, qui est encore très lié avec des groupuscules parisiens.
37:56Mais voilà, on est avant la campagne présidentielle d'Éric Zemmour, on est avant 2021.
38:00Éric Zemmour, à ce moment-là, c'est un personnage de télévision, déjà connu pour sa radicalité, déjà connu pour répandre des idées d'extrême droite,
38:09et dont, par exemple, les petites capsules deviennent des memes, c'est-à-dire circulent énormément sur les réseaux sociaux, circulent énormément en ligne, par la sphère d'extrême droite, pour appuyer son propos.
38:22Ce monsieur se pose la question, en tout cas, nous, à ce moment-là, on se pose vraiment la question de savoir, et c'est une des choses qu'on essaye de documenter aussi,
38:29c'est dans quelle mesure son esprit a aussi été armé par le travail de cette sphère d'influence d'extrême droite ?
38:35Non, non, mais c'est évident qu'il y a un lien, et j'aimerais qu'on revienne deux secondes sur un terme qui est beaucoup employé, et qui est le terme d'ultra-droite,
38:41où on a tendance à se dire que le terrorisme d'extrême droite qui existe, et rappelons-le, est quand même sous-médiatisé par rapport à l'ampleur du danger que ça représente.
38:50Il y a une dizaine d'attentats d'extrême droite, donc qualifiés d'ultra-droite par les autorités administratives qui ont été déjouées ces dernières années sur le sol français,
38:57il existe, et il y a eu sur notre sol, de nombreux attentats liés à l'extrême droite, et en fait, quand je dis de l'extrême droite, c'est important de ne pas dissocier l'ultra-droite de l'extrême droite,
39:07parce que l'ultra-droite, c'est un terme administratif, pour dire...
39:10C'est un terme policier, en fait.
39:11C'est un terme policier, donc moi, je l'ai réemployé aussi dans mon livre, pour reprendre tout simplement ce qui était officiel, en expliquant quand même d'où vient ce terme,
39:18mais on ne peut pas déconnecter ces actes qui sont d'une violence extrême du socle idéologique, qui est celui de l'extrême droite, et qui est en fait un spectre très large,
39:26parce qu'il y a évidemment beaucoup de nuances différentes d'extrême droite, mais à la fin, effectivement, pour certains, ça produit la pire des violences.
39:34Et on ne peut pas faire comme si ça n'avait aucun rapport avec tout ce qui s'est passé en ligne, avec tout ce qui s'est passé dans les médias,
39:40avec toutes les peurs aussi qui ont été activées chez certaines personnes, avec tout cet imaginaire de la guerre civile notamment, qui est très mobilisé en ce moment.
39:46Et d'ailleurs, il y a un exemple concret que j'ai notamment, je crois, vu dans votre livre, Pierre et Maxime, c'est le Papacito et le Raptor qui avaient tenté de monter un truc
39:57pour en fait rejoindre cette communauté virtuelle dans la réalité. Comment ça s'est passé ?
40:02C'est ça. En fait, assez rapidement, à la fin 2016, je crois, le Raptor et Papacito, ils font une émission sur YouTube ensemble qui s'appelle le Rendez-vous dissidents,
40:11où ils invitent la crème de l'extrême droite parisienne à venir déblatérer pendant 3-4 heures.
40:18Et ils proposent à leurs abonnés de rejoindre un groupe, en fait, qu'ils vont monter eux-mêmes, qui s'appelle Monte une équipe,
40:25qui serait un groupe affinitaire où les gens se rassembleraient pour faire du sport, mais aussi pour se protéger entre eux parce qu'on vit dans un environnement dangereux
40:38et socialiser, s'aider pour les déménagements. Il y a vraiment tout. C'est presque un début de contre société.
40:45Et le projet va capoter parce qu'il faut s'investir et ils le font pas. Ils dénoncent, eux, pour leur part, des pressions de la part des autorités.
40:54Ça n'a jamais été prouvé. Et ce projet, il va être repris par un jeune homme qui s'appelle Lucas Standarovski, qui va reprendre le nom, le concept et qui va appeler ça
41:06Vengeance Patriote. Nous, on va tomber dessus, je crois, en 2021 avec Pierre. On va tomber sur beaucoup de textes qu'ils ont produits, sur des échanges qu'ils ont en ligne
41:17où ils font preuve d'une extrême radicalité, d'un racisme extrêmement violent. Dans les paroles, on parle de ratonnade, on parle de violence à l'encontre, de meurtre à l'encontre de personnes racisées.
41:30On est vraiment sur un groupescule qui est d'une extrême radicalité en ligne. Ils font des vidéos où ils s'entraînent au sport de combat dans des parcs parisiens.
41:40Et en fait, assez rapidement, on se rend compte qu'à côté de ce groupe qui s'appelle Vengeance Patriote, il y a tout un écosystème qui a été mis en place sur Internet,
41:50dont une boutique en ligne qui s'appelle la Bibliothèque Dissidente. Et sur la Bibliothèque Dissidente, on peut acheter toute la littérature d'extrême droite la plus violente,
42:00dont notamment des ouvrages qui sont interdits en France, comme les carnets de Turner à cause des appels à la haine et de la radicalité qu'il y a à l'intérieur,
42:08mais aussi le manifeste de Brenton Tarrant, le terroriste de Christchurch qui a tué 51 personnes dans deux mosquées en Nouvelle-Zélande,
42:19le manifeste d'Anders Breivik qui a tué plus de 77 personnes à Utoya et à Oslo. Et c'est des choses qu'il met en ligne et qui sont sous format à la fois physique,
42:31on peut se les faire livrer, c'est imprimé en Inde, alors ça ne doit pas être d'une très grande qualité, mais c'est des ouvrages qu'on va retrouver au domicile de Guillaume Chapeau.
42:40Guillaume Chapeau, c'est un militant d'extrême droite radicale limougeau, qui va être arrêté pour des projets d'attentat contre une synagogue.
42:47Chez lui, on va retrouver des armes, on va retrouver de la propagande de génération identitaire, mais aussi un livre de la bibliothèque dissidente.
42:54Donc, en fait, il va y avoir à travers ce...
42:57D'ailleurs, Standarowski a apparu dans le dossier Waffenkraft, donc ce groupe terroriste monté par un gendarme où il y avait des armes, des kalashnikovs, des fusils à pompe
43:06qui voulaient passer à l'acte, qui avaient produit et diffusé des manuels, vraiment, pour les avoir parcourus, on est vraiment sur des modes d'emploi.
43:18Est-ce que vous voulez faire tant de morts ? Est-ce que vous voulez survivre ou non ? Quel est l'équipement qu'il vous faut ? Etc.
43:24Et on l'a retrouvé aussi encore récemment devant un tribunal, aussi à cause de cette bibliothèque dissidente.
43:32C'est-à-dire que la justice reconnaît, il faut le dire, la gravité de ces faits, mais par contre, c'est vrai qu'il y a quand même, et tu as tout à fait raison Salomé,
43:43il y a une question aujourd'hui de la transversalité et du fait de saisir l'extrême droite dans son intégralité, c'est quelque chose qui est plus compliqué.
43:53Moi, dans le livre, j'essaie vraiment quand même de distinguer. On ne peut pas dire, et c'est là où c'est complexe,
43:58c'est qu'on ne peut pas dire que c'est la même chose, des militants d'extrême droite qui sont dans un parti et des personnes qui vont aller jusqu'à prendre des armes.
44:06Ce n'est pas la même chose, mais il y a des points communs dans l'idéologie et c'est cette nuance-là qui est compliquée à aborder et en tant que média, c'est super complexe.
44:15Au-delà des points communs dans l'idéologie, il y a aussi des points communs... En fait, on va retrouver les uns et les autres à différents endroits.
44:23C'est-à-dire typiquement, quand on retrouve des militants ou des militantes de groupuscules qui sont radicaux, à l'intérieur desquels, quand on est dans ces soirées-là,
44:32il y a eu des caméras cachées, diffusées récemment par BFM TV, d'ailleurs rendons-lui grâce, qui vont diffuser des discours qui relèvent du néonazisme.
44:43Mais quand on va les retrouver, donc, collaborateurs de députés du Rassemblement National, quand on va les retrouver à côté, sur les réseaux sociaux, à produire de la propagande,
44:55et quand on va s'apercevoir que cette propagande, elle est consommée, en tout cas qu'elle est invoquée comme source et comme référence par des gens qui se préparent à passer à l'action violente,
45:05on est au-delà du simple point commun idéologique.
45:09Je me permets de recommander quand même ce reportage qui a été fait par BFM TV, parce que c'est vraiment un très très bon reportage.
45:15C'est sur, j'essaie de retrouver le titre, je crois que ça s'appelle « Lignes rouges, l'infiltré au cœur de l'ultra-droite ».
45:21Et ça explique, et ça montre très bien la différence de ces militants entre la manière dont ils vont parler quand ils sont entre eux,
45:28où ils ont été infiltrés, là en l'occurrence, par des caméras cachées, où c'est des propos qui sont très ouvertement racistes, néonazis, tout ce qu'on veut,
45:35et quand ils sont face à la caméra, et c'est ça que je trouvais très malin de la part des journalistes, on les a interrogés face caméra,
45:41là ils ont des propos beaucoup plus policés, ils vont faire beaucoup plus attention.
45:44Et c'est ça aussi qu'il faut essayer de débusquer, et qui n'est pas simple à débusquer, c'est que, évidemment, tenir des propos racistes, c'est juste illégal dans l'espèce publique,
45:51donc ils ne peuvent pas le faire, mais essayons de quand même être les plus lucides possibles sur ce que nous propose le monde que nous proposent les personnes,
46:00enfin, de ce qu'on qualifie ultra-droite, extrême-droite, en fonction des définitions.
46:04J'ajoute juste qu'il faut rendre hommage au journaliste qui s'est infiltré dans ce reportage, parce qu'il a fait vraiment un excellent travail,
46:11notamment sur les concerts néonazis, dans lesquels il s'était aussi infiltré.
46:16Et ce sont des espaces, si les gens s'étaient rendus compte qu'il était un journaliste infiltré,
46:22il y a des précédents de concerts, on ne va pas donner les noms, parce que probablement que ça fait longtemps,
46:30mais nous, c'est l'objectif de cette newsletter frontale que Libé, on est quatre à Libération, Affaires de l'extrême droite,
46:37et on produit cette newsletter qui est frontale, qui justement s'intéresse aux 360 degrés de l'extrême droite.
46:43Pourquoi ? Parce qu'il y a bien cette dimension à la fois, un, de famille idéologique, deux, d'unicité de l'objectif,
46:50trois, de répartition peut-être plus ou moins consciente, ou conscientisée, ou organisée des modes d'action,
46:57mais qui, au final, servent la même cause et la reconnaissance aussi du fait qu'on est une seule et même grande famille.
47:02On peut peut-être mentionner aussi le travail de Street Press, quand même,
47:04parce que c'est un média qui travaille, il n'y en a pas beaucoup en fait, des médias qui travaillent sur l'extrême droite,
47:09Street Press qui a produit toute une cartographie aussi de l'extrême droite,
47:12et c'est aussi quand on va pouvoir la connaître qu'on va pouvoir documenter le danger que ça peut représenter.
47:18Tu touches un point qui est super important, tu travailles sur l'extrême droite, on travaille sur l'extrême droite,
47:22à Street ils sont plusieurs à travailler sur l'extrême droite, à Mediapart, à Blast,
47:26au Monde, etc. On ne sera jamais assez,
47:29notamment dans tout ce qui concerne l'extrême droite en dehors de sa simple expression politique.

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