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Des comics et Superman avec Mathieu Charrier, chargé de la programmation à la cité internationale de la BD d'Angoulême. Hommage à Charles Aznavour avec son fils Mischa et un ciné-concert au palais des Congrès à Paris et Thibault Raisse pour son livre "Le Con de minuit : L'histoire vraie de Gérard de Suresnes, SDF devenu star de la radio malgré lui", publié chez Denoël.

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00:00Et d'abord, un super-héros à l'honneur dans le temple de la BD française.
00:22Ben oui, c'est Superman, le premier des super-héros, 85 ans déjà, et Angoulême va le célébrer
00:29avec une grande exposition pendant le festival, dont le programme a été annoncé aujourd'hui
00:33et qui s'attiendra du 30 janvier au 2 février prochain.
00:36Bonjour Mathieu Charrier.
00:37Bonjour.
00:38Vous êtes le chargé de la programmation à la Cité Internationale de la BD, à Angoulême.
00:44En ce moment, chez vous, il y a une expo Marvel, Superman, c'est un autre éditeur,
00:49mais ça veut dire que les comics américains ont toutes leurs places à Angoulême, Mathieu Charrier ?
00:53Oui, je crois.
00:54Le comics américain, et même j'allais dire la BD du monde entier, ça fait plusieurs
00:57années qu'on fait de plus en plus de place à Angoulême au manga, au manga japonais,
01:02parce que c'est vrai qu'aujourd'hui les lecteurs français, et notamment les jeunes
01:04lecteurs, lisent beaucoup de mangas, et donc cette année il y a un focus un peu plus important
01:09sur ces fameux comics, que ce soit Superman, que ce soit les héros Marvel, parce que ça
01:14fait partie de notre histoire en fait, quand j'écoutais l'extrait, ça nous ramène
01:18forcément tous à des vieilles séances de cinéma et à des vieux souvenirs, puisqu'il
01:23est intéressant aussi à travers les comics, que ce soit Superman ou que ce soit les comics
01:27Marvel, c'est que ça raconte la société en fait, ça raconte la société américaine
01:29dans ses évolutions.
01:30Ouais, un miroir dans lequel la société américaine se reflète, d'une certaine manière.
01:34Exactement, et c'est ça qui est intéressant aussi, et ce qu'on essaie de montrer à Angoulême,
01:37que ce soit au festival, que ce soit au musée toute l'année, c'est de montrer comment
01:40la BD raconte son époque, que ce soit en France, que ce soit au Japon avec les mangas,
01:44que ce soit aux Etats-Unis, c'est-à-dire que la BD elle est de plus en plus ancrée
01:47dans son époque, et elle raconte qui on est, les mouvements politiques, les mouvements
01:52sociaux, voilà, ça c'est intéressant, et ça se retrouve aussi dans le comics.
01:56Mais pour en rester à Superman, il en reste quoi en Amérique aujourd'hui du mythe originel
02:00de Superman, l'homme venu d'ailleurs, qui fait progresser l'humanité ?
02:03Bah je sais pas, ça m'a un peu l'impression.
02:05C'est un peu désuet aujourd'hui là-bas, on a l'impression.
02:08C'est un peu désuet mais c'est quand même un petit peu toujours des messages que certains
02:11politiques usent et utilisent, l'homme venu d'ailleurs, l'homme venu d'un autre milieu
02:15que celui de la politique, qui va tout révolutionner, qui a des super pouvoirs ou pas loin, qui
02:19a un côté un peu messianique, ce qu'on retrouve dans les comics, on le retrouve dans la société
02:24américaine et même dans la société française.
02:26Donc Superman, ça continue d'être un héros aux Etats-Unis, il continue à être édité,
02:30les éditions et les rééditions, même celles qui sortent en France chez les différents
02:34éditeurs que vous citiez, elles continuent à très bien se vendre, donc ça reste un
02:37héros important dans l'univers de la bande dessinée, notamment du comics.
02:41Il y a eu tant de séries, tant de films, encore un Superman l'an prochain, tant de
02:45produits dérivés de tous ces comics, mais le dessin, ça reste quand même un rapport
02:50particulier au super-héros, peut-être plus direct pour le lecteur ?
02:54Plus direct et plus facile et plus instantané.
02:57Vous savez, les comics, quand ils ont été créés, chaque semaine, ça coûtait quelques
03:02centimes de dollars et les jeunes américains pouvaient aller les acheter au coin de rue.
03:05C'est ça le dessin en fait, c'est la possibilité d'avoir des nouvelles histoires quasiment
03:11en continu pour assez peu de frais.
03:13Un dessinateur, ça ne coûte pas très cher, ça coûte beaucoup moins cher que de monter
03:16un film et toute la réalisation et la sortie qu'il y a derrière.
03:20Donc oui, ça reste l'instantanéité et ça reste un rapport différent.
03:23Oui, on parle beaucoup dans la dernière étude du CNL de la baisse de la lecture à
03:27cause des écrans.
03:28Superman, ça permet aussi de dire aux jeunes qui ont découvert Superman peut-être dans
03:33des séries ou dans des films, de leur dire « Superman, ça existe aussi dans des livres
03:36et allez-y, plongez-y-vous et je pense que vous allez aimer ».
03:38Plongez-vous là-dedans et allez voir, ça sera le 30 janvier ou le 2 février prochain,
03:44l'exposition à Angoulême.
03:45En attendant, votre exposition Marvel Mathieu Charrier à la Cité Internationale de la
03:50Bande dessinée à Angoulême.
03:52Un super chanteur à présent, tellement humain, mais qui était aussi un acteur très riche
03:57sa carrière.
03:58C'est pour ça qu'un ciné-concert exceptionnel est consacré au grand Charles Aznavour au
04:03Palais des Congrès à Paris.
04:04Après-demain, samedi, dès ce soir à Douai, dans le Nord, il s'est à l'initiative
04:08d'un des enfants de l'artiste.
04:10Bonjour Michel Aznavour.
04:11Bonjour.
04:12Mêlée cinéma et musique, pour votre père, c'est une évidence ?
04:16Pour moi, c'était une évidence.
04:20Pour la plupart des gens, non.
04:21Ils le voient surtout comme un chanteur et ils pensent qu'il a fait 2-3 films, mais
04:24il en a fait quand même presque une centaine.
04:27On va en écouter quelques-uns d'extraits de films.
04:29On parlait de Superman, le point commun, c'est qu'il a eu 1000 vies, votre père.
04:331000 et une au moins.
04:35Oui, et puis d'une certaine façon, il a un petit côté Superman parce qu'il n'était
04:43pas du tout...
04:44Il s'est vraiment, vraiment, vraiment battu pour s'imposer.
04:47Ce spectacle, c'est une façon de tisser le fil de toutes ses vies ? Il y a un côté
04:54album intime aussi ?
04:55Oui, il y a un côté album intime, c'était pour montrer une facette de lui qu'on connaît
05:00un peu moins.
05:01Parce qu'en fait, c'est toujours autour des mêmes chansons, la Bohème, Emmenez-moi
05:05tout ça.
05:06Et j'avais envie de faire quelque chose qui me ressemble et qui m'est plus intime.
05:11C'est un visage de mon père qui m'est plus intime.
05:14C'est une lettre à votre père un peu ?
05:17Oui, de toute façon, quand je m'exprime pour lui, c'est souvent en lettres.
05:24Puisque vous parlez de chansons, on vous a demandé, justement, on n'allait pas mettre
05:28comme ça une chanson à laquelle on aurait pensé.
05:30Est-ce que vous vouliez écouter ? C'est peut-être moins connu, on va l'écouter ensemble.
05:33Oui, merci.
05:34« Que Dieu me garde, loin les souffrances et les pleurs, que Dieu me garde du mal qui
05:46ronge bien des cœurs, si je n'y prends garde, tes caprices de femme, enfant, peuvent briser
05:55ma vie. »
05:56Pourquoi votre attachement à celle-là, « Que Dieu me garde, loin les souffrances et les
05:58pleurs ? »
05:59Parce que je la trouve drôle.
06:00En fait, c'est toujours des chansons un peu sérieuses, c'était pour montrer un autre
06:02côté.
06:03Et puis voilà, je trouve que ça parle un peu à tout le monde, en fin de compte, c'est
06:07un peu sur l'amour et d'une façon un peu plus amusante, c'est son côté un peu plus
06:11humoristique aussi, que j'aime bien aussi.
06:13Oui, la légèreté.
06:14Parfois, ce n'est pas automatiquement quelque chose qui est associé à Aznavour.
06:18Ce n'est pas du tout ce qui est associé à Aznavour, mais c'était quelqu'un de
06:21très léger, qui aimait beaucoup rire, d'ailleurs ses amis de l'époque, Lino, Brassens, disaient
06:27qu'il passait son temps à faire des calembours.
06:30Et le spectacle, je crois, à Douai aujourd'hui, puis Paris, Palais des Congrès, où il y
06:36a tellement de fois chanté, donné des spectacles, samedi, il y a tout un décorum, orchestre
06:42symphonique, il y a des vedettes de la chanson qui seront là, Thomas Dutronc, Sylvie Vartan,
06:47mais c'est aussi intime à la fois, vous le dites, côté album de famille, ça résume
06:50assez bien Aznavour, spectaculaire et intime en même temps.
06:54Oui, oui, je pense.
06:55En fait, on a voulu faire quelque chose avec des gens qui l'aimaient bien.
06:57Je crois que pour finir, je crois que Sylvie Vartan ne sera pas là, Thomas Dutronc sera
07:03là, Alain Chanfort sera là, Noam sera là, donc ça va être très sympa.
07:08Et oui, c'était mélanger un peu autant les gens qui l'aimaient bien, qui avaient envie
07:13de venir lui rendre hommage, qui se mélangeaient à mon hommage à moi.
07:16Allez, le cinéma, avec Aznavour, allons-y, premier extrait, Blind Test.
07:21Tout le mal vient de là, c'est que personne ne veut être dérangé.
07:24La musique terrée sur le pianiste.
07:26Oh, vous n'allez même pas laisser finir, trop rapide.
07:28Truffaut, évidemment, un des premiers grands films.
07:31Le deuxième, ne parlez pas tout de suite, ne parlez pas tout de suite, on l'écoute ensemble.
07:34Dans la guerre, ce qu'il y a de plus chouette, c'est le défilé de la victoire.
07:38Taxi pour Tobon.
07:39Non mais non, c'est tout ce qu'il y a.
07:40On ne peut pas le retenir.
07:41Mais oui, avec l'ami Lino Ventura et Denis de la Patelière à la réalisation.
07:45Celui-là, il est plus compliqué, si vous le gagnez, pas mal.
07:47Quand on drague, on ne réfléchit pas, on fonce.
07:49Je fonce, elle m'arrête tout de suite.
07:51Les dragueurs.
07:52On n'a pas l'habitude.
07:53Oh là là.
07:54Il connaît bien son père.
07:56Je le dis pour vous tous les auditeurs, les dragueurs, effectivement.
07:59Film de Jean-Pierre Mocky.
08:00Oui, le film de Jean-Pierre Mocky avec Jacques Charié, c'est ça ?
08:04Oui, oui.
08:05Et pour la petite histoire, je crois que ma mère avait été voir le film avec une copine.
08:09Elle ne connaissait pas encore mon père et elle avait trouvé Jacques Charié très mignon.
08:12Elle n'est pas la seule.
08:13Elle n'avait pas remarqué.
08:14Elle n'est pas la seule.
08:16C'est assez partagé.
08:18Elle est l'une des derniers où on entend, on ne le voit pas, mais où on entend votre père.
08:22As-tu entendu parler du tabou ?
08:24Le tabou ?
08:25Un oiseau, avec de gros yeux.
08:27Toutes les nuits, il s'introduit dans mon jardin et dévore mes pauvres azalees.
08:31Son nid se trouve deux rues plus bas.
08:33Deux rues plus bas, d'accord.
08:34Tu as retenu, Michel Aznavour.
08:35Alors ?
08:36Là-haut.
08:37Oui, le film Pixar, c'est très bien que ce soit de ces derniers.
08:41Oui, oui.
08:42Magnifique ça aussi.
08:43Au cinéma, ces jours-ci, Charles Aznavour, c'est évidemment le biopic qui vient de sortir.
08:481,5 million d'entrées, je crois déjà.
08:50Ça vous touche ?
08:51Ça me touche.
08:52Surtout que c'est Jean Rachid Calouche, mon beau-frère, qui en est producteur avec les
08:56frères Altmaier.
08:57Donc oui, ça touche.
08:58Ça fait plaisir.
08:59Vous avez trouvé ?
09:00Pour mon père aussi, puis pour l'image.
09:01Non, non, ça fait plaisir.
09:02Et surtout, l'interprétation de Tahar, je voyais qu'il était tellement stressé de
09:09vouloir nous plaire et de vouloir réussir son projet.
09:16Donc ça me fait plaisir, oui.
09:17T'as Rahim, évidemment, qui est l'acteur qui joue là-dedans.
09:21Oui, il a fallu l'imprimature de toute la famille Aznavour.
09:24Ça doit être un peu impressionnant, ça, quand même.
09:26Oui, mais c'était quand même un peu plus simple parce que déjà, Jean Rachid est marié
09:29avec ma sœur.
09:30Donc voilà, ça a facilité un petit peu.
09:34Vous ne voulez pas laisser Charles aux autres.
09:35On ne laisse pas papa aux autres.
09:36Voilà, on avait du mal.
09:37Non, en fait, en plus, il avait parlé du projet avec mon père à l'époque et avec
09:42Fabien.
09:44Ça va ressembler à quoi, ce soir à Douai ? Il y a une raison, d'ailleurs, la première
09:48à Douai ?
09:49Non, à Douai, je n'y serai pas parce qu'il me reste encore un petit peu de promo pour
09:53Vendée Globe.
09:54Mais il y a une raison de commencer là ?
09:55Parce que l'orchestre de Mardi Rossiant et l'orchestre de Douai, entre autres, je
10:00crois.
10:01Et je crois que c'est pour ça que ça permettait de faire la générale là-bas.
10:06Et à Paris, donc, au palais des congrès, samedi soir.
10:09Merci beaucoup, Michel Aznavour, d'être passé par le studio de France Info.
10:12Et tout public continue dans quelques secondes.
10:19Et tout public continue avec ce récit Frédéric Desravages, causé par une célébrité aussi
10:23éclaire que toxique, parce que basé sur le principe du souffre-douleur.
10:27Et on ne parle pas d'aujourd'hui, de l'ère des réseaux sociaux, même si, évidemment,
10:30on peut y voir une résonance, on est là dans les années 90, le Minitel, la Siby avec
10:35les routiers et l'âge d'or des libres antennes initiés par ce développement des
10:39radios libres après 1981.
10:40Et sur Fun Radio, des centaines de milliers d'adolescents ont, tous les soirs, rendez-vous
10:46avec Max, l'animateur vedette, qui laisse sa place, une fois par semaine, à Gérard
10:51Dessurenne, auditeur passé de l'autre côté de la vitre du studio et qui va connaître
10:55donc la gloire, puis l'oubli et une forme de déchéance.
10:58Bonjour Thibault Reyes.
10:59Bonjour Frédéric.
11:00C'est vous qui racontez ce parcours dans « Le con de minuit » chez De Noël, précisant
11:04d'abord que vous êtes un de ces adolescents.
11:06Oui, moi j'étais adolescent.
11:07Ça part de là.
11:08J'étais adolescent à la fin des années 90 et à l'époque, on n'avait pas Internet.
11:13Moi, je n'avais pas la télé dans ma chambre et donc, pour repousser le sommeil, le soir,
11:17dans le dos de mes parents, j'allais avec la radio et donc j'écoutais ces émissions
11:20très en vogue à l'époque, de libre antenne, dont le principe était la liberté la plus
11:26absolue.
11:27Et donc on appelait, on racontait n'importe quoi, ses peines de cœur au collège, on
11:31chantait une chanson à la guitare sèche, on faisait un canular à sa grand-mère, peu
11:36plus.
11:37Et ces espaces de liberté, comme ça, étaient, pour les adolescents de mon époque, très
11:41savoureux, très transgressifs aussi.
11:43Et Gérard, il appelait très régulièrement l'émission, c'était un des auditeurs
11:47phares, tellement bien pour Fun Radio et pour Max qu'à un moment, il lui dit « Viens
11:53et viens dialoguer toi avec les auditeurs aussi ».
11:54Oui, c'est ça.
11:55Au départ, c'est un auditeur comme les autres.
11:57Il appelle la libre antenne de Max, au départ, pour réciter des poèmes d'amour de son
12:01cru.
12:02C'est un poète.
12:03Il écrit bien.
12:04C'est naïf, comme le humain, on va dire ça.
12:06Et évidemment, au départ, on se moque de lui de manière assez frontale.
12:10Et puis, le fait est que Gérard est totalement insensible à la critique.
12:14Et il va rappeler dans les jours suivants.
12:17Et là, il va y avoir un petit retournement de la part de Max et des auditeurs et il va
12:21être mis sur un piédestal.
12:22« Mais tes poèmes sont absolument magnifiques.
12:24Est-ce que tu en as d'autres ? » Et petit à petit, comme ça, il va devenir une figure
12:28de l'antenne.
12:29Il va aussi appeler pour raconter des histoires drôles, par exemple, qui n'étaient pas
12:31très drôles.
12:33Et puis, au bout d'un an, il va finir par être invité en studio.
12:36Il va dialoguer avec les auditeurs.
12:38Il est à l'aise.
12:39Et de ces interactions vont naître les fameux débats de Gérard.
12:43Cette émission que Gérard va animer tous les jeudis soirs.
12:46Alors, je ne vais pas faire des révélations sur mes confrères de France Info, mais en
12:49face de vous, parce qu'on va parler télé, réalité aussi.
12:51Au cinéma, il y a Matteo Maestraci, même génération que vous.
12:54Et vous étiez dans ces centaines de milliers d'auditeurs.
12:56Petit moment de gênance quand il y a Gérard, Matteo ?
13:00Oui, c'est marrant parce que moi, j'écoutais Doc Edifou l'avant et quand le dîner faisait
13:04que je ne pouvais pas écouter, j'enregistrais sur cassette à l'époque pour écouter l'émission.
13:07Après, le soir en me couchant, ça enchaînait évidemment avec Max.
13:10Et oui, il y a eu un moment où au début, c'était intriguant, cette histoire de Gérard.
13:16Et ensuite, ça a pris trop de place.
13:18Et moi, franchement, en tant qu'auditeur de 14-15 ans à l'époque, j'ai fini par arrêter
13:22d'écouter parce que je me suis dit d'une part, ce n'est pas intéressant.
13:24Et d'autre part, alors peut-être que je n'avais pas le dispositif critique que j'ai maintenant
13:29à l'époque, mais je me suis dit, ce gars-là, en fait, on se fout de sa gueule, clairement.
13:33Et on le jette en pâture tous les soirs.
13:35Et déjà, à l'époque, ça m'avait gêné.
13:37Il souffre douleur, en fait ?
13:39Oui, c'est le principe même de cette émission de débat.
13:42Les débats de Gérard, c'est une émission qui a deux particularités.
13:44Ce n'est pas vraiment une émission et ce n'est certainement pas une émission de débat.
13:48En réalité, la mécanique de l'émission, elle est comprise par tout le monde, les animateurs,
13:52les auditeurs, mais pas Gérard.
13:54La mécanique de l'émission, c'est de se moquer de lui, tout simplement.
13:57Il vient avec des thèmes de débat dont il n'est jamais question de débattre.
14:00En réalité, les auditeurs appellent pour se moquer de lui, de son inculture.
14:04C'est un représentant un peu de la France des bistrots.
14:07C'est un prolo, comme on pourrait dire Gérard.
14:09Et donc, on va se moquer de ses fautes de français, de se parler un peu des faubourgs,
14:14de titis parisiens et puis aussi de sa vie privée, parce qu'il a le tort de partager
14:19des éléments de sa vie privée à l'antenne.
14:21Et au final, le but ultime de cette émission, c'est de le faire enrager.
14:25Et ça ne rate jamais.
14:27Ça veut dire qu'on est dans quelque chose, on le comprend en vous écoutant tous les
14:30deux, d'infiniment générationnel.
14:32Je suis un peu plus vieux, je vous avoue que je n'avais jamais entendu parler de Gérard
14:35de Surette, mais en même temps de très universel.
14:37C'est le dîner de cons, c'est le dîner de cons, version consentant aussi, parce que
14:41Gérard, il y trouve sans doute son compte aussi.
14:43Exactement, c'est une histoire qui est un peu plus complexe, pas aussi simple qu'elle
14:48n'y paraît.
14:50Gérard, c'est un peu l'oncle du 31 décembre, qui raconte des blagues pas très drôles,
14:58dont on se moque assez facilement et en même temps, on a une tendresse pour lui.
15:01Attachant.
15:02Il est très attachant.
15:03Et c'est vraiment le cas de Gérard, parce que tous ces auditeurs qui se moquaient de
15:06lui tous les jeudis à l'antenne, ce sont les mêmes qui, hors antenne, lui ont apporté
15:11beaucoup d'affection.
15:12Gérard a signé des autographes, sortait en boîte de nuit, ne payait jamais son entrée.
15:16Il a voyagé, il a été invité au festival de Cannes.
15:18Il a été invité dans une avant-première incroyable à New York avec Jean Reno, Mathieu
15:22Broderick, Jennifer Lopez.
15:24Il a rencontré l'amour grâce à cette émission.
15:27Et puis, quand la déchéance a commencé, ces mêmes auditeurs qui se moquaient de lui
15:32lui ont apporté un soutien moral, financier, allé le voir dans son centre pour sans-abri
15:36où il résidait à Nanterre.
15:38Donc l'histoire n'est pas aussi monolithique qu'elle y paraît.
15:41Vous racontez l'histoire de Gérard, vous lui donnez un visage, un parcours.
15:45J'imagine que c'était ça, votre volonté.
15:47Vous racontez aussi l'histoire d'une France dont on ne parle guère, d'une certaine
15:50manière avec ça.
15:51Oui, bien entendu, parce qu'en fait, les histoires de personnes qui sont nées dans
15:55la misère, en librairie ou dans les films, ce sont toujours des histoires où comment
15:58ils en sont sortis.
15:59Et la particularité de Gérard, c'est qu'il est né dans la misère, il est mort dans
16:03la misère.
16:04Carré des indigents, il est mort.
16:05Carré des indigents, dans la banlieue de Montluçon, alors que dans son émission, je
16:09le rappelle, ont défilé des stars comme Cyril Hanouna, Franck Dubosc, Jean-Paul Rouve,
16:15Jean-Luc Delarue est venu dans l'émission de Gérard, il s'est fait passer pour son
16:18propre sosie et Gérard, comme d'habitude, n'y a vu que du feu.
16:21Et donc, c'est l'histoire de ce quart d'heure de gloire improbable dans une vie qui a été
16:28une vie de misère quand même au départ et à la fin.
16:31Et pourquoi il s'achève ce quart d'heure de gloire ? Comment arrive cette déchéance ?
16:35Alors, l'émission Les débats de Gérard va durer six ans, ce qui est quand même déjà
16:38en soi incroyable.
16:39Le CSA n'a jamais rien trouvé à y redire, l'ARCOM on dirait aujourd'hui.
16:44Et en fait, les trois dernières années de cette émission, surtout les deux dernières,
16:49c'est vraiment un jeu de massacre.
16:50Il n'y a plus cette bienveillance et cette tendresse que je décrivais à l'instant.
16:54Et on se moque de Gérard de manière très frontale.
16:56L'un des derniers slogans de l'émission, c'est le SDF et ses débats.
17:00Donc, ça montre la violence sociale qui entoure ce concept.
17:04Mais lui ne claque pas la porte ? Lui, jamais ne se dit « je m'en vais, le bar ferme, allons-y ! »
17:09Parfois, il a déserté l'antenne.
17:12Il faut savoir que sur les six ans qu'on durait cette émission, il n'a été payé
17:15que pendant un an et vraiment pas beaucoup.
17:18Parfois, il a un peu traîné des pieds, mais il revenait.
17:21C'est un homme qui, en dehors de cette émission, était un marginal, qui souffrait de dépression,
17:26qui était alcoolique.
17:27C'est une maladie.
17:29Et donc, paradoxalement, cette émission, avec tous ses défauts, représentait pour
17:35lui une forme de parenthèse enchantée, malgré tout.
17:37Dans ce que vous racontez, il y a évidemment des résonances aujourd'hui, je le disais
17:41tout à l'heure.
17:42Ce que vous dites de Gérard, c'est tous les codes de la téléréalité, presque.
17:45Le parcours chaotique, la recherche de reconnaissance, d'amour sans doute aussi, d'affection,
17:51une personnalité attachante, on y est ?
17:53Oui, pour moi, c'est un peu la matrice de la téléréalité.
17:56Les débats de Gérard, on parle de 1995, 1996 surtout, et jusqu'en 2002.
18:01Et c'est la première fois qu'un anonyme est, comme ça, poussé sous les feux de la
18:06rampe, va avoir un rendez-vous régulier qui est suivi par jusqu'à 200 000 personnes,
18:10alors qu'on parle d'une émission qui a été diffusée le jeudi à minuit.
18:13Et donc, oui, c'est un peu le kilomètre zéro de ces émissions de téléréalité,
18:18avec des différences quand même, c'est que Gérard ne sait pas qu'il est dans une
18:21émission dont il est l'objet, dont il est le souffre-douleur, alors que les candidats
18:25de téléréalité aujourd'hui savent où y mettre les pieds quand même.
18:27Et puis il n'y avait pas de montage, c'était du direct 100%, rien n'était scripté.
18:31Mais c'est quand même, effectivement, ça rappelle ça, et puis ça montre aussi, c'est
18:36peut-être le point de départ de ces stars éclairs qui ne savent pas comment gérer
18:40la célébrité, qui ne savent pas comment gérer cette surexposition, et on l'a vu
18:45très tôt avec Loana et l'après-loft qui a été très difficile à gérer pour elle.
18:50Et puis on le voit surtout aujourd'hui sur les réseaux sociaux, avec ces stars qui
18:54se montent sur quelques tweets ou quelques vidéos sur TikTok et qui se prennent comme
18:58ça des centaines ou des milliers de messages très malveillants ou des menaces de mort.
19:02Gérard, lui aussi, a été harcelé dans la vraie vie, mais ça n'a, heureusement
19:06pour lui, jamais été jusqu'à ce genre de menaces.
19:08Et un dernier mot, vous citiez tous ceux qui étaient allés dans cette émission, vous
19:11citiez Hanouna, le principe du souffre-douleur comme personnage d'une émission, on y est
19:16au cœur là aussi.
19:17Oui, peut-être que, effectivement, l'émission d'Hanouna a repris quelques codes de cette
19:22émission des débats de Gérard.
19:24Et le souffre-douleur qui trouve son compte aussi, on se demande tout le temps, mais pourquoi
19:27il reste ? Pourquoi il ne part pas ?
19:28La victime consentante, oui, mais la victime consentante, finalement, c'est une figure
19:31universelle, elle aussi.
19:33Merci beaucoup, Thibaures, passionnant, vraiment, ce récit, donc, pas le dîner de cons, le
19:41con de minuit, absolument, aux éditions de Noël, ça vous passionne.
19:47Oui, franchement, ça donne envie.
19:49Je vous conseille de le lire, effectivement.
19:51Merci beaucoup, Thibaures.
19:52Merci Frédéric.
19:53Bon, on reste là-dedans, dans toutes ces histoires-là, Mathéo Mestraci, téléréalité,
19:58culte, dictature de l'apparence, mais aussi célébrité, popularité via les réseaux
20:02sociaux, comme TikTok ou Instagram, c'est au cinéma, Diamant Brut, le film d'Agathe
20:07Réguingé, qui est en salle depuis hier.
20:09Il avait été présenté à Cannes, Mathéo, il avait reçu un joli succès d'estime.
20:13Oui, en grande partie, d'ailleurs, grâce à la prestation de la jeune comédienne Malou
20:16Kebizi, assez bluffante dans le rôle principal, celui de Liane, 19 ans, incandescente, à
20:21la fois touchante et grande gueule, qui vit dans un milieu modeste avec sa mère et sa
20:24petite sœur dans un petit appartement de Fréjus, dans le Var, obsédé par son apparence
20:28de la coiffure aux ongles, de ses seins refaits à ses tatouages auto-réalisés aux airs
20:33de scarification, sans oublier les vêtements et parfums de marque qu'elle aimerait posséder.
20:37La promesse d'une émission de téléréalité, pour laquelle elle passe un casting, va donner
20:42un temps de l'espoir à Liane, pour le meilleur et surtout le pire.
20:44Coucou mes bébés, grâce à l'émission, vous allez vraiment m'aimer.
20:48Je suis un soldat et cette revanche, on va la faire ensemble.
20:51Oui, Alexandra Ferrer, je suis directrice de casting pour la société Starshine, qui
20:55produit des émissions de téléréalité.
20:57Je vous appelle parce que la vidéo que vous nous avez envoyée nous intéresse beaucoup.
21:01La téléréalité, est-ce qu'elle provoque, est-ce qu'elle cause au corps des femmes ?
21:06Agatrie Dungé, la réalisatrice, nous en parle.
21:08La fabrication de la téléréalité fabrique des valeurs hyper réactionnaires et crée
21:13du divertissement sur le corps des femmes, ce qui est absolument scandaleux.
21:16Entre autres, il y a le mépris de classe, il y a le harcèlement, la compétition qui
21:22sont des valeurs délétères.
21:24Du point de vue des candidats, c'est tout autre chose.
21:27La téléréalité, c'est une alternative au chômage, c'est un moyen de gagner de l'argent
21:30et d'en gagner vite.
21:31C'est un moyen de se revendiquer, de convoquer sur soi les valeurs de réussite telles que
21:36la société le dit, à savoir réussite égale argent, égale beauté, égale perfection,
21:41etc.
21:42Est-ce que par leur corps, c'est le résultat d'injonctions patriarcales vieilles comme
21:45le monde qui suppose qu'une femme est vraiment une femme si elle est désirable ? Ou est-ce
21:49qu'au contraire, ces femmes-là, elles s'emparent de ça, elles le renversent, elles arrivent
21:53avec une vérité, avec une revendication et elles utilisent leur beauté comme arme
21:56pour s'émanciper ?
21:57Et un peu dans un autre genre, évidemment, comme Coralie Fargeat avec The Substance,
22:01qui était aussi un film de jeune réalisatrice française en compétition à Cannes, Agathe
22:05Ridinger joue avec la notion de ce qui est jugé de bon ou de mauvais goût.
22:08L'une des réussites du film, c'est qu'Agathe Ridinger ne juge pas ses personnages.
22:12Il n'y a pas de discours condescendant ou de ton moralisateur ici, on est, nous, spectateurs
22:16partagés entre l'envie que Liane, pour qui l'empathie est évidente, réussisse
22:20dans sa vie et se sorte de la misère, tout en trouvant certains de ses choix au mieux
22:24idiots ou au pire pathétiques, Agathe Ridinger ne surplombe donc ni son histoire, ni ses
22:28personnages et évite aussi ce qui est remarquable, le poverty porn qui consisterait à esthétiser
22:33la misère sans la comprendre, la clé, nous dit-elle, c'est l'écriture.
22:37On reste à la hauteur des personnages, on ne va pas filmer plus loin que ce que je voulais
22:42pas filmer plus loin que ce que eux voient, je ne voulais pas m'attarder dans le montage
22:47trop longuement sur les plans, donc c'est couper au bon moment, c'est filmer avec le
22:51bon cadre, c'est ne pas en montrer plus qu'il n'en faut.
22:56Si moi je ne la juge pas, j'ai l'espoir que le spectateur va aussi changer son regard
23:00sur elle, changer son regard sur son rêve et va voir que rien n'est futile dans sa
23:06manière d'être, dans sa manière de se présenter au monde et dans son projet de vie,
23:11il n'y a rien de futile derrière ça.
23:13Et s'il n'évite pas, Frédéric, certaines maladresses qu'on peut retrouver dans n'importe
23:16quel premier long métrage, Diamant Brut, on en parlait un petit peu avec Gérard, a
23:20ce mérite de représenter une France dite, faute de meilleur terme, périphérique, qu'on
23:24voit peu, qu'on entend peu, mais pourtant majoritaire, avec son quotidien, ses propres
23:28références culturelles et ses espoirs.
23:30Et l'autre point commun, merci beaucoup Mathéo Mestracci, c'est que Thibaurette dans son
23:33livre ne juge pas lui non plus et ne décrète pas ce qui est de bon ou de mauvais goût.
23:39C'était Tout Public, qu'on écoute au Récoute Frédéric sur franceinfo.fr et en podcast
23:43évidemment sur toutes les bonnes appli.

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