• il y a 2 ans
🇹🇳 "Pour moi, "africain" c’est un très beau mot. C’est une fierté d’être africain ! "

Hosni Maati, un avocat franco-tunisien a réalisé le documentaire "Tête levée" pour dénoncer le racisme en Tunisie. Un documentaire poignant où il donne la parole aux personnes victimes de discrimination. Pour Brut, il raconte son combat.

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Transcription
00:00Pour moi, « africain » c'est un très beau mot, c'est une fierté d'être africain.
00:04Et moi, je ne comprends pas que les Tunisiens parlent comme des Européens, finalement.
00:07Parce qu'un Européen qui vient en Afrique, il a le droit de dire « vous, les Africains ».
00:12C'est normal, il est Européen, il vient d'un autre continent.
00:16Et donc, en fait, les Tunisiens, et c'est plutôt récent, en réalité, dans l'histoire moderne de la Tunisie,
00:22ont commencé à parler comme, finalement, le colon.
00:25Je m'appelle Hosni Mahati, je suis avocat tous les jours, réalisateur de temps en temps.
00:33Beaucoup de Tunisiens ne se retrouvent pas dans cette Tunisie-là,
00:35c'est aussi ce que j'ai voulu montrer dans le documentaire.
00:36Sauf que les gens ont peur de parler, parce que la culture démocratique,
00:40elle est encore jeune en Tunisie, et les gens ont encore peur.
00:49Je suis avocat dans la vie, donc c'est ce que je disais aux réfugiés que je rencontrais il y a un an,
00:54qui dormaient dehors, dans les berges du lac.
00:56Ce qui m'avait surpris, parce que pour moi, en Tunisie, ce n'est pas comme la France, il n'y a pas de SDF.
01:00Sauf que là, il y en avait, ils étaient noirs, donc j'essayais de comprendre pourquoi.
01:03Et je leur disais « écoutez, moi, je ne peux pas plaider en Tunisie,
01:05mais je ferai tout pour que les gens sachent qu'il vous arrive. »
01:16Quand j'ai commencé à travailler sur la question du racisme en Tunisie,
01:19c'était pour essayer de sensibiliser sur une question.
01:22J'ai été très surpris, pas tant que ça, mais c'est surtout de l'ampleur du racisme,
01:29la manière dont il pouvait parfois s'exprimer de manière décomplexée.
01:40On avait lancé un certain nombre d'actions, notamment en 2019,
01:45on avait fait venir Lilian Thuram à Tunis,
01:48et on avait, un an avant, après la mort de Falikou Koulibaly,
01:52qui est mort dans la nuit du 23 au 24 décembre 2018,
01:56on avait lancé une action qui s'appelait « Stoppons le racisme au Maghreb ».
02:01En quelques jours, on avait réussi à mobiliser des personnalités françaises autour de la question,
02:06des personnalités françaises d'origine africaine, africaine du Nord ou subsaharienne.
02:11Et puis en fait, on m'a dit « Hosni, c'est bien ce que tu as fait,
02:13mais il y a beaucoup trop de Français, il n'y a pas assez de Tunisiens,
02:16donc il faudrait faire des choses avec des Tunisiens. »
02:17Et puis est née l'idée de faire un documentaire.
02:20L'idée, c'était de montrer que, notamment le terrain de basket,
02:22c'était un endroit où des jeunes étudiants subsahariens
02:25rencontraient des jeunes Tunisiens de quartier populaire,
02:28et jouaient ensemble, et s'appréciaient.
02:30Il y avait une dynamique plutôt positive,
02:33qui était loin de l'image du racisme habituel qu'on donne des Tunisiens.
02:43Et à partir de là, j'ai commencé à creuser cette question,
02:47et j'ai interrogé pas mal de personnes, des militants,
02:50mais aussi le rédacteur de la loi dite 2018-50,
02:54qui est la loi qui a permis de criminaliser le racisme en Tunisie.
02:58Je cherchais à montrer une image positive de la Tunisie en réalité au départ.
03:01Et après, ce qui s'est passé, c'est que quand je pensais avoir terminé,
03:04le 21 février 2023, un communiqué de presse a été publié sur la page Facebook
03:09de la présidence de la République tunisienne,
03:11avec des propos qui étaient très inquiétants.
03:13J'ai vu des gens se faire expulser de chez eux,
03:15j'ai vu des gens perdre leur emploi,
03:16j'ai vu des gens à la rue avec des enfants,
03:19j'ai vu des choses très très graves.
03:20Toutes ces personnes-là, tout le réseau que je m'étais constitué pendant cette année-là,
03:23finalement, je pensais que c'était un travail, en fait c'est juste une préparation.
03:26Ça a parfois pris du temps, notamment avec les réfugiés,
03:29parce que c'est des gens qui ont peur, qui vivent un peu de façon reclue.
03:34Des Tunisiens m'ont dit « mais comment t'as fait pour parler avec ces gens-là ?
03:36Ils sont plutôt agressifs. »
03:37J'ai dit non, si on leur donne du respect, ils vous rendent du respect,
03:39même si parfois, ils étaient un peu remontés.
03:42Il faut prendre le temps d'écouter et ils avaient des raisons objectives d'être remontés.
03:45Moi, quand je suis en Tunisie et que je suis avec ma femme et mes enfants,
03:47sachant que ma femme est d'origine sénégalaise et mes enfants sont noirs,
03:51on me demande si je suis un guide, si je suis un chauffeur,
03:55mais on ne me demande pas si c'est mon épouse et mes enfants.
03:57Il y a un manque de connaissances, il y a un manque de culture, tout simplement.
04:00C'est une région de la Tunisie qui a donné son nom à tout le continent
04:04et donc c'est une raison de plus d'être fier de se dire africain.
04:07« Tout l'Israël est l'Italien ! »
04:09« Pour l'Israël, on est français ! »
04:11« Tout l'Israël est l'Italien ! »
04:14C'était quoi les réactions après la diffusion de ce documentaire ?
04:17Les gens étaient très émus, comme à chaque fois qu'il a été diffusé d'ailleurs.
04:21C'est vrai qu'il y a beaucoup d'émotions dans ce documentaire,
04:23mais c'est le reflet de la réalité, de ce qui s'est passé.
04:26Il y a encore des ressorts intellectuels, culturels,
04:30qui permettront aux Tunisiens de se projeter de façon beaucoup plus favorable
04:33dans leur rapport à l'Afrique de façon générale
04:36et à la migration de façon particulière.
04:38Je peux comprendre qu'un pays qui fait face à des difficultés économiques et financières
04:43qui sont très très très très dures.
04:44Il y a des Tunisiens qui vivent des situations très très dures.
04:46Moi j'ai beaucoup de ma famille qui sont dans des situations très précaires.
04:49Je peux comprendre qu'on soit fragilisé,
04:51mais comme je dis souvent, le cours de la devise
04:55ne doit pas avoir de conséquences sur la valeur que l'on porte à l'être humain.
05:01« Femme, femme au noir africaine, c'est pour toi que je chante. »
05:08« Oh maman ! »

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