Elles sont les invisibles, les entravées. Les femmes migrantes, les travailleuses et travailleurs du sexe, victimes de violences sexuelles et souhaitant porter plainte, sont exposées à une «double violence», alertait en septembre, l’ONG Amnesty International dans un rapport dédié. Si plus d’une femme victime de violences sur deux rapporte avoir essuyé un refus de plainte ou avoir été découragée d’aller au bout de sa démarche, selon une enquête du collectif féministe NousToutes de 2021, ces obstacles se démultiplient lorsque les victimes cumulent plusieurs facteurs de discrimination.
Libération a enquêté sur ces victimes au centre de toutes les suspicions, dont la parole est niée et pour qui les dispositifs de protection législatifs sont insuffisants, si ce n’est inexistants. Pire encore, pour celles qui sont en situation irrégulière, pousser la porte d’un commissariat et d’une gendarmerie peut même exposer à des risques : celui d’être placées en centre de rétention voire expulsées du pays.
Libération a enquêté sur ces victimes au centre de toutes les suspicions, dont la parole est niée et pour qui les dispositifs de protection législatifs sont insuffisants, si ce n’est inexistants. Pire encore, pour celles qui sont en situation irrégulière, pousser la porte d’un commissariat et d’une gendarmerie peut même exposer à des risques : celui d’être placées en centre de rétention voire expulsées du pays.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Comme je n'ai pas de papier, j'avais peur d'aller porter plainte.
00:02J'avais peur qu'en me rendant au commissariat, on me renvoie aux frontières.
00:06En France, elles sont 321 000 à avoir été victimes de violences conjugales en 2021.
00:11217 000 à avoir été victimes de violences sexuelles.
00:14La même année, plus d'une femme sur deux rapporte avoir essuyé un refus de plainte
00:17ou avoir été découragée d'aller au bout de leur démarche
00:19selon une enquête du collectif féministe Nous Toutes.
00:22Maintenant, imaginez ce qu'il peut se passer quand une travailleuse du sexe,
00:25une personne trans ou une femme en situation irrégulière
00:28trouve la force de pousser la porte d'un commissariat.
00:30Nous avons accompagné 17 personnes étrangères
00:33qui ont demandé de l'aide à la police ou à la gendarmerie
00:36et qui ont été placées en centre de rétention après avoir demandé cette aide-là.
00:39À l'IB, on a enquêté sur ces femmes surexposées aux violences.
00:42Dans l'année 2023, on a repéré 265 viols.
00:49Dès qu'on sache, personne n'a déclaré avoir porté plainte.
00:53On a enquêté sur ces victimes qui se retiennent de porter plainte.
00:56En fait, elles vont se dire plutôt subir en silence
01:00et ne pas aller acerter la police sur ma situation
01:02parce que ça pourrait se retourner contre moi.
01:03On a enquêté sur ces femmes qui peuvent se mettre en danger
01:06simplement en voulant faire valoir leurs droits.
01:07J'ai eu peur d'aller porter plainte,
01:09donc je ne pouvais que rester seule dans mon appartement à pleurer.
01:16En France, quand on est victime de violence et qu'on veut déposer une plainte,
01:19les forces de l'ordre doivent l'enregistrer.
01:20C'est l'article 15-3 du Code de procédure pénale.
01:23Mais dans la pratique, ça peut être beaucoup plus complexe que ça.
01:28En avril, un homme est rentré dans mon appartement.
01:31Il m'a violée et frappée.
01:34On a pu échanger au téléphone avec Min Min,
01:36une travailleuse du sexe chinoise de 47 ans.
01:39On a reconstitué la discussion qu'on a eue avec elle dans notre studio.
01:43Ça fait un peu plus de 5 ans que je suis en France et je n'ai pas de papier.
01:47Ces dernières années, il m'a déjà violée à plusieurs reprises.
01:51Comme je n'ai pas de papier, j'avais peur d'aller porter plainte.
01:55J'avais peur qu'en me rendant au commissariat,
01:57on me place en centre de rétention et qu'on me renvoie aux frontières.
02:06Cette année, il est revenu me violer et m'a blessée encore plus gravement.
02:09Je ne pouvais plus le supporter.
02:11J'avais peur qu'un jour, il finisse par me tuer.
02:15Je suis allée au commissariat et au guichet,
02:18j'ai utilisé une application de traduction pour leur dire
02:21que j'ai été violée et que je souhaiterais déposer plainte.
02:24La personne au guichet a essayé de me poser une question.
02:27Je lui ai dit que je ne parlais pas français.
02:29Je suis restée quelques minutes et on m'a fait signe de partir.
02:35Est-ce que vous étiez sur le point d'abandonner ?
02:38Oui, parce que je ne voyais pas d'autre moyen.
02:41Je me suis sentie très triste et vraiment impuissante.
02:45Après avoir quitté le commissariat, une amie la met en contact
02:48avec l'association communautaire Les Roses d'Acier.
02:50Le collectif lui indique l'hôpital le plus proche,
02:52l'accompagne par téléphone et demande aux urgences d'appeler la police.
02:56Les agents qui la prennent en charge enregistrent sa plainte.
02:59Son agresseur a été retrouvé et l'enquête est encore en cours.
03:07À en croire le ministère de l'Intérieur, ce qu'a vécu Minmin, c'est plutôt une exception.
03:10Ils ont réalisé une étude en 2019 selon laquelle 80 % des victimes
03:13de violences sexuelles et sexistes ont jugé satisfaisant leur accueil
03:16dans les commissariats et les gendarmeries.
03:18Mais dans son audite, l'inspection générale de la police nationale
03:21n'a interrogé que des femmes ayant déposé une plainte ou une main courante,
03:24mais aucune qui y a renoncé.
03:26Dans le jargon, on appelle ça un bien méthodologique.
03:29Si on se tourne vers le collectif féministe Nous Toutes,
03:32on se rend compte que Minmin est plutôt dans la majorité que dans l'exception.
03:35Elles ont interrogé 3696 femmes.
03:38Plus d'une sur deux a essuyé un refus ou a été découragée à porter plainte.
03:42On est allé voir Lola Schulman.
03:45Elle est charlotte médouillée chez Amnesty International.
03:48Elle a écrit ce rapport publié en septembre où elle affine le constat.
03:51Les personnes migrantes, travailleuses du sexe,
03:54en situation précaire, administrative,
03:57parce qu'en situation irrégulière ou demandeuse d'asile,
04:00vont être confrontées à de nombreuses violences.
04:03Des violences du fait de leur travail,
04:06des violences du fait de leur situation administrative
04:10qui les met dans une très grande précarité.
04:13Lorsqu'elles sont victimes de violences sexuelles
04:16et qu'elles souhaitent porter plainte,
04:19elles vont être confrontées à de nombreux stéréotypes et préjugés
04:22de la part des forces de l'ordre.
04:25Et ça va avoir des immenses conséquences parce que ces préjugés
04:28et ces stéréotypes de la part des forces de l'ordre vont créer
04:31d'autres violences en elles.
04:34Dans l'année 2023 seulement,
04:37on a repéré 265 viols.
04:40Dès qu'on le sache,
04:43personne n'a déclaré avoir porté plainte.
04:46Elle, c'est P.G. Maciotti.
04:49Elle est coordinatrice du programme Jasmine chez Médecins du Monde.
04:52Pour elle, la loi de 2016 de pénalisation des clients
04:55a rendu les travailleuses du sexe plus vulnérables aux violences.
04:58Pour les signaler, le programme Jasmine a lancé une plateforme en ligne en 2019.
05:01Ça peut être des clients agressifs,
05:05ça peut être des agresseurs tout court,
05:08ça peut être des violeurs,
05:11ça peut être des braqueurs avec des armes,
05:14ça peut être des tentatives de meurtre.
05:17Il y a un très fort stigma contre le travail du sexe.
05:20On sait que dans les commissariats,
05:23souvent, on refuse même de prendre la plainte.
05:26On a eu des témoignages
05:29des travailleuses du sexe
05:32qui ont essayé de porter plainte.
05:35Ils ont reçu le commentaire
05:38« mais c'est partie de ton travail,
05:41toi t'es violée et toi, en TDS,
05:44change de boulot. »
05:47Ça, c'est arrivé.
05:50Et pas une fois.
05:53Des textes sont pourtant censés protéger ces personnes
05:56au croisement de plusieurs discriminations.
05:59La Convention juridique du Conseil de l'Europe
06:02sur la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes
06:05ratifiée par la France il y a déjà 10 ans.
06:08Son article 4 impose que des mesures soient mises en œuvre
06:11pour protéger les droits des victimes sans discrimination.
06:14Son application, bien trop parcellaire,
06:17révèle les lacunes de nos circulaires.
06:20En 2021, Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur,
06:23a demandé aux préfets de régulariser les femmes victimes
06:26parce que cette circulaire reprend peu ou prôt une autre de 2011
06:29adossée au Code des étrangers ou CÉZEDA.
06:32Et en plus, elle ne protège qu'une poignée de personnes.
06:35Les victimes de violences sexuelles, de violences au travail,
06:38en sont par exemple exclues. De même que les femmes non mariées.
06:41Impossible de savoir combien de femmes ont pu en bénéficier.
06:44Le ministère de l'Intérieur n'a pas répondu à nos sollicitations sur ce point.
06:47Autre angle mort, le droit de faire appel à un interprète
06:50inscrit dans notre Code de procédure pénale.
06:54Problème, il ne s'applique pas au stade de la plainte.
06:57Résultat, des avocats se retrouvent régulièrement à devoir rappeler
07:00aux forces de l'ordre leurs obligations les plus élémentaires.
07:03Quand on leur dit que vous êtes obligés de prendre leur plainte au téléphone,
07:06parfois ça bégaye un peu, il faut le dire.
07:09C'est le cas de Catherine Tailleb, avocate pénaliste au barreau de Paris.
07:12On a beaucoup de clients qui viennent nous voir en nous disant
07:15« j'ai voulu aller déposer plainte et on m'a refusé ma plainte ».
07:18On m'a dit que très souvent, ce n'était pas constitutif d'une infraction.
07:21C'était une dispute, on va les décourager.
07:24Comme notre droit est protecteur des victimes
07:27et qu'il peut permettre une facilitation
07:30de l'accès à la régularisation,
07:33parfois on va les suspecter
07:36d'instrumentaliser ces mécanismes.
07:39Il y a une décrédibilisation de leur parole, parfois.
07:42Sinon, on va leur dire « on ne va pas prendre une plainte,
07:45vous allez déposer une main courante,
07:48qui n'aboutit nulle part.
07:51Elles vont repartir avec l'impression qu'elles ont fait quelque chose.
07:54Au final, rien, ça ne les protège en rien.
07:57Parfois, même quand elles ont un rendez-vous,
08:00autre type d'obstacle, la langue.
08:03Mais cette fois-ci, on va vous prendre votre plainte sans interprète.
08:06La plainte sera partielle, inexacte,
08:09les propos mal retranscrits.
08:12Certaines de ses clientes lui ont même partagé leur crainte
08:15sur leur situation irrégulière.
08:18En fait, elles vont se dire « plutôt subir en silence
08:21et ne pas aller acerter la police sur ma situation,
08:24parce que ça pourrait se retourner contre moi. »
08:27Ce qui arrive, vraiment.
08:30Une victime de traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle.
08:33Elle a 29 ans, nigériane et sans papier.
08:36En juin 2022, un client tente de la tuer dans sa camionnette au bois de Vincennes.
08:39Ses amis appellent la police qui ne se déplace pas,
08:42elles finissent par la déposer agonisante au pied du commissariat.
08:45Elle est finalement prise en charge.
08:48Cette jeune femme, cette même victime, a ensuite été hospitalisée
08:51longuement en soins intensifs, puis s'est vue délivrer
08:54quelques temps plus tard une OQTF,
08:57alors même qu'elle s'était constituée partie civile
09:00dans le cadre de l'instruction criminelle.
09:03Vous avez réussi à faire annuler l'OQTF ?
09:06Oui, l'OQTF a été annulé, mais vraiment quelques jours
09:10et on attend encore le réexamen de sa situation.
09:13Le cas de Joy n'est malheureusement pas isolé.
09:16Le GREVIO, l'organisme indépendant en charge
09:19de contrôler l'application de la Convention d'Istanbul,
09:22a fait état en 2019 de cas de femmes sans papier
09:25arrêtées après avoir déposé plainte pour violence.
09:28L'organisme avait alors sommé les autorités françaises
09:31de respecter l'exigence de loyauté de la Cour européenne des droits de l'homme
09:34en matière d'interpellation des étrangers en situation irrégulière.
09:37Au terrain, la CIMAD, une association de défense des droits des immigrés,
09:40y est directement confrontée.
09:43On est allé voir Violette Nusson, responsable des questions genre et protection.
09:46Jusqu'en 2010, on a eu écho de situations
09:49de personnes qui portaient plainte
09:52et qui étaient placées en garde à vue puis en centre de rétention
09:55parce qu'en situation irrégulière.
09:58A partir de 2010, on considère qu'il y a deux éléments
10:01qui ont fait que ça a changé positivement.
10:04Depuis 2011, on n'a plus la possibilité
10:07de placer en garde à vue une personne
10:10juste parce qu'elle est en situation irrégulière.
10:13Et d'autre part, depuis 2010, c'est développé dans la plupart des commissariats,
10:16notamment des commissariats centraux,
10:19la présence de psychologues, d'assistantes sociales
10:22qui permettent de faire le lien avec un officier de police judiciaire
10:25qui sera moins regardant sur la situation administrative.
10:28Et donc ça, ce sont deux facteurs qui ont amené le fait
10:31que les personnes étrangères avaient plus confiance pour pouvoir aller demander
10:34de l'aide à la police ou à la gendarmerie.
10:37Depuis janvier 2023, mais c'est sans doute lié aussi
10:40au contexte national et à tout ce qu'on entend
10:43de nauséabond à l'égard des personnes étrangères,
10:46depuis 2023, dans les seuls centres de rétention
10:49où la CIMAD intervient, nous avons accompagné 17 personnes étrangères
10:52qui ont demandé de l'aide à la police ou à la gendarmerie
10:55et qui ont été placées en centre de rétention
10:58pour pouvoir demander cette aide-là.
11:01Les personnes qui ont été retenues, il y en a plusieurs
11:04qui ont été expulsées, mais la majorité des personnes ont été libérées
11:07par le juge de la liberté de la détention,
11:10considérant que les interpellations étaient déloyales et illégales.
11:13La politique répressive du nouveau locataire de la Place Beauvau
11:16Bruno Retailleau en matière d'immigration pourrait laisser craindre
11:19une aggravation de ces situations. Parmi les pistes esquissées
11:22par le ministre, l'allongement de la durée maximale de placement
11:26de 90 à 210 jours pour faciliter les expulsions.
11:29Ces femmes injustement placées en CRA
11:32pourraient donc y rester encore plus longtemps.
11:35La loi immigration portée par Darmanin et votée le 26 janvier 2024
11:38avait déjà facilité les placements en centre de rétention
11:41en s'appuyant sur la notion très floue de menace à l'ordre public.
11:44À ce moment d'entre-enquête, les questions qu'on se pose, c'est celles-là.
11:47Qu'est-ce qu'on apprend à un agent des forces de l'ordre
11:50qui doit prendre une plainte d'une victime de violences de genre ?
11:54Alors on a contacté le ministère de l'Intérieur
11:57pour avoir des réponses sur ces points.
12:06En formation initiale et continue, elle s'appuie notamment
12:09sur des mises en situation, l'intervention de psychologues, d'associations
12:12mais aussi sur des guides et modules en ligne.
12:15Concernant les discriminations, le ministère précise que
12:18pour la police nationale, il n'y a pas de formation spécifique
12:22Il est difficile de regrouper avec certitude le nombre d'agents
12:25effectivement formés sur les questions de violences.
12:28Sur le volet discrimination, les chiffres sont un peu plus précis.
12:44Comme on ne connaît pas le contenu exact de ces formations,
12:47c'est compliqué de juger l'efficacité de ces efforts.
12:51Il coordonne des formations auprès des forces de l'ordre en Ile-de-France depuis 2021.
12:55Et il pointe des marges de progression, notamment sur l'accueil
12:58des personnes LGBTQIA+, et des femmes étrangères.
13:02Alors on voulait mieux comprendre comment tout ça prend forme sur le terrain.
13:05Donc on a interrogé Yann Bastière, délégué national investigation du syndicat de police Unité.
13:21Vous avez des grands points de passage.
13:24On est formé différemment si on est juste l'enquêteur qui prend la plainte
13:28ou alors si après on mène l'enquête.
13:31Il y a des petits modules légèrement différents.
13:34Mais c'est vrai que sur la prise de plainte,
13:37cette trame extrêmement précise, extrêmement détaillée,
13:40ce qui n'était pas le cas avant,
13:43n'oblige pas du moins à être très formé,
13:48mais juste suivre les points de passage obligatoires de cette plainte
13:52pour prendre une plainte correcte et qui peut être exploitée parfaitement par les enquêteurs derrière.
13:56Est-ce que les forces de l'ordre ont connaissance de la Convention d'Istanbul,
13:59des recommandations du GREVIO en ce qui concerne le dépôt de plainte ?
14:02Vous allez peut-être un petit peu trop loin.
14:07Nous on reste quand même sur nos textes de base.
14:11Et puis je vais être franc avec vous,
14:14chaque agent de police,
14:17parce que la personne qui prend la plainte,
14:20peut-être pas dans des gros services qui sont spécialisés pour prendre les plaintes,
14:23mais vous allez dans d'autres commissariats en France
14:26où une heure avant, l'agent est en train de patrouiller,
14:29de traiter un accident de la circulation et qui ensuite va aller prendre des plaintes.
14:32Vous vous doutez bien qu'on lui demande d'être extrêmement généraliste
14:35dès qu'on va descendre sur des circonscriptions de plus en plus petites.
14:39Ce dont vous venez de me parler,
14:42pas un seul instant on attire l'attention là-dessus.
14:45Comment sont reçues les personnes migrantes en situation irrégulière,
14:48les travailleuses du sexe, quand elles viennent déposer plainte pour violences sexuelles ?
14:51Alors on va dire, si on a en plus la barrière de la langue,
14:54là c'est extrêmement compliqué de déterminer quelle est la langue,
14:57et puis là c'est tout simple.
15:00On est sur les mêmes process,
15:03mais là il va falloir intégrer l'interprète.
15:06Donc là, ça complique encore la chose.
15:09Sur les travailleuses du sexe, là aussi vous vous rendez compte,
15:12c'est la difficulté qu'il va falloir déterminer l'auteur des faits,
15:15quel était le degré de consentement ou de pas consentement.
15:18Là vous êtes en train d'appuyer sur des cas extrêmement précis,
15:21mais qui complexifient le travail de l'enquêteur,
15:24mais dès la prise de plainte,
15:27qui est l'acte souvent primordial.
15:31Alors est-ce que cette trame standardisée,
15:34et les efforts de formation vantés par le ministère de l'Intérieur,
15:37suffisent à assurer l'accès à la plainte pour toutes les victimes
15:40dans l'ensemble des commissariats et des gendarmeries de France ?
15:43Il y a des endroits où on n'a pas le droit d'appuyer,
15:46on n'a pas le droit d'appuyer,
15:49on n'a pas le droit d'appuyer,
15:52on n'a pas le droit d'appuyer,
15:55on n'a pas le droit d'appuyer,
15:59Il y a des endroits où vraiment ça se passe très bien,
16:02dans les commissariats et dans les gendarmeries,
16:05mais on suppute le fait que c'est lié aussi à la formation
16:08des différents acteurs,
16:11et puis il y a d'autres endroits où on ne conseillera pas
16:14à une personne d'aller porter plainte dans tel commissariat ou gendarmerie,
16:17parce qu'en fait elles seront mal reçues,
16:20il y a un risque d'interpellation, et donc ça les met en danger.
16:23On a encore des pratiques qui changent tellement
16:26d'une personne à l'autre qu'il y a un effet roulette russe,
16:29parce que tout va dépendre
16:32de la personne qu'on a en face de soi.
16:35Il y a une autre personne qui nous disait
16:38« c'est au petit bonheur la chance ».
16:41Et c'est terrible parce qu'il s'agit de devoir témoigner
16:44concernant des violences sexuelles.
16:47Une étude publiée en 2023 dans E-Lancet
16:50avec l'assistance publique des hôpitaux de Marseille
16:5475% des demandeuses d'asile en France ont été victimes de violences sexuelles
16:57dans l'année suivant leur arrivée sur le territoire.
17:0075% l'ont été avant leur entrée en France.
17:03Tout ça va avoir pour conséquence que les femmes victimes de violences sexuelles
17:06et d'autant plus ces femmes qui sont au croisement de discrimination,
17:09qui subissent des violences, vont renoncer à porter plainte.
17:12La démarche judiciaire, le fait d'obtenir justice n'existe plus.
17:15Il n'y a même plus d'espoir,
17:18même plus d'envie d'obtenir justice.
17:21Les personnes qui sont dans une situation de violence
17:24vont rester enfermées avec leur auteur
17:27et leur auteur va pouvoir continuer à être auteur de violences
17:30sans aucune possibilité d'être inquiétée pour ce qu'il fait.
17:33Donc on rentre vraiment aussi dans une relation de domination et d'emprise
17:36qui est encore plus importante
17:39liée à la situation administrative des personnes.
17:42Cette situation de vulnérabilité
17:45que décrivent Violaine Husson et Lola Schulman,
17:48l'a subie depuis son arrivée en France en 2014.
17:51Travailleuse du sexe, cette femme chinoise de 60 ans,
17:54régularisée depuis 5 ans, a subi de nombreuses violences sexuelles.
17:57Quand j'ai été violée, il a pris un air triomphant.
18:00Moi, j'étais très, très mal.
18:03J'avais très peur, mais je ne pouvais pas crier.
18:06Si je criais, je perdais mon appartement.
18:09Je ne pouvais que prendre sur moi.
18:12À ce moment-là, tout ce à quoi je pensais était de rester en vie.
18:15J'étais très en colère aussi,
18:18mais j'ai eu peur d'aller porter plainte,
18:21donc je ne pouvais que rester seule dans mon appartement à pleurer.
18:27Au début, comme on n'avait pas de papier,
18:30quand on était confrontés à des agresseurs,
18:33on avait peur d'aller porter plainte,
18:36par crainte d'être envoyés en Chine.
18:39Comme on ne connaît pas nos droits,
18:42parce qu'on ne sait pas comment se défendre
18:45et comment aller porter plainte.
18:48C'est pour ça que les agresseurs pensent qu'on a plutôt peur d'eux.
18:53Quand l'État n'est pas en mesure de garantir à ces femmes l'accès à la justice,
18:56quand la porte du commissariat est trop lourde à pousser,
18:59ces femmes sont bien obligées de toquer à d'autres portes.
19:02Les avocats des associations comme la CIMAD,
19:05Médecins du Monde, les Roses d'Acier,
19:08ce sont elles qui informent les victimes sur leurs droits.
19:12Elles qui font office de relais pour accéder à un interprète.
19:15Elles qui s'assurent que les droits sont respectés.
19:19Grâce au travail d'information pédagogique des associations,
19:22de plus en plus de femmes savent comment se défendre
19:25et font valoir leurs droits.
19:28Maintenant, c'est beaucoup mieux.
19:31Beaucoup de femmes savent qu'elles peuvent aller porter plainte
19:34pour arrêter les agresseurs. Il y aura moins de victimes.
19:37Grâce à l'association, plusieurs agresseurs ont été arrêtés.
19:41C'est une bonne nouvelle pour les femmes.