Né en Afghanistan, où l’alcool est interdit, Haroon Rahimi est amoureux du vin depuis qu’il en a gouté lors d’une dégustation clandestine à Kaboul. Arrivé en France en 2016 il devient vigneron et s’installe en Alsace.
Il revient sur son parcours et sur sa passion qu’il n’aurait pas pu vivre dans son pays d’origine.
Il revient sur son parcours et sur sa passion qu’il n’aurait pas pu vivre dans son pays d’origine.
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00:00Oh là là, incroyable, un Afghan qui fait du vin, un réfugié qui fait du vin.
00:04L'alcool en Afghanistan c'est interdit par l'État islamique.
00:08Quand je rêve, ça m'est arrivé que je vois des chars, des talibans
00:11qui descendent ici, qui veulent venir me chercher.
00:14Mon seul arme, c'est mon vin, c'est mes vines.
00:21Les cépages Alsaciens, ça me rappelle beaucoup d'Afghanistan.
00:24Il faut que je trouve un peu une petite note des amandes douces,
00:27de ce côté safran un peu, les épices douces de l'Afghanistan dans mes vins.
00:31Ce n'est pas évident, ce n'est pas facile.
00:33Pour moi, c'est important de faire revivre ma Madeleine de Proust.
00:41L'alcool en Afghanistan, c'est interdit par l'État islamique.
00:44La première fois que j'ai goûté une tasse de vin,
00:48j'avais à peine 18 ans et cette dégustation clandestine
00:53a eu lieu dans un atelier d'un ami peintre à Kaboul.
00:57Je vois qu'il ouvre un seau et c'est là que j'apprends qu'en fait, c'est de l'alcool.
01:01Et là, je me dis comment c'est possible d'avoir autant d'arômes,
01:05autant de voyages et de rêves dans un verre de vin avec un seul fruit.
01:10Le vin, il essaie de me dire quelque chose et c'est aujourd'hui que je comprends les choses.
01:19On fait du grand vin en Alsace, avec ce temps-là, avec la brume,
01:22ça permet le développement de champignons, on appelle la pourriture noble.
01:26Donc, ça permet de monter en degré d'alcool.
01:29C'est moisi, mais c'est là où il y a plus de sucre.
01:33Mais les connaisseurs, ils vont savoir.
01:35Et moi, je travaille beaucoup pour les connaisseurs,
01:36parce que c'est eux qui vont acheter en grosse quantité.
01:43Après cette dégustation, si je t'ai dénoncé et que j'étais repéré,
01:47je serais déjà allé en prison.
01:49Le crime pour eux, c'est d'être artiste, chanter,
01:53danser, faire de la peinture, de théâtre.
01:56Ça, c'est des crimes pour eux.
01:58Si j'ai quitté l'Afghanistan en mars 2016, parce que ma vie était menacée.
02:04Lorsque je suis arrivé en France en 2016,
02:06j'ai commencé à faire un CAP hôtellerie et restauration.
02:08Je devais apprendre sur le vin et j'ai décidé d'aller toucher
02:12pour la première fois la terre et d'être dans la nature.
02:16Donc, j'ai fait un bac pro vin et vin pendant deux ans.
02:18Et c'est là que je décide de venir en Alsace en 2020.
02:22Et en 2023, j'ai sorti mon premier vin.
02:24Bah, fais-le.
02:26De quoi ?
02:26De la plaie.
02:28On est devant mes cuvées, mes différentes cuvées de maisons 2023.
02:334000 bouteilles, là.
02:34Ça, c'est un travail de 7 ans.
02:37Et parce qu'il y a 7 ans, j'ai rêvé de faire ça.
02:43Les Alsaciens, ils m'ont fait confiance.
02:45J'ai un hectare et demi de vines aujourd'hui.
02:47Je les loue.
02:47En Alsace, le foncier, c'est cher.
02:49Une petite rangée comme ça, trois pieds de vines,
02:51ça fait presque un mois de loyer de ma cave et de mon appartement.
02:57Donc, oui, c'est cher, ouais.
03:07J'ai pressé cette année 4,5 tonnes de raisins comme ça.
03:14Non, c'est pas bien pressé.
03:17Il faut que je presse encore.
03:20C'était un pressoir qui était resté ici.
03:23J'ai reconnu Sinecam, les portables, j'ai reconnu Sinanov,
03:25j'ai Darty, tu vois.
03:26J'ai retapé et tout, donc on m'a dit, l'autre jour,
03:28j'ai appris que ce pressoir, il a plus de 80, 90 ans,
03:31donc bientôt centenaire, hein.
03:33Tiens, c'est du jus sans alcool.
03:35Tu vois, je suis vigneron, mais je bois beaucoup de jus de raisin.
03:39C'est ça que j'aime bien.
03:41Aujourd'hui, je n'ai pas encore obtenu ma nationalité française.
03:44J'ai un titre de soujours de 10 ans qui va prendre fin dans 2 ans.
03:48En sachant que, voilà, j'ai donné tout à la France.
03:50J'ai donné tout ce que j'avais.
03:51Je paye mes taxes, je paye mes impôts.
03:57C'est bon, ça.
03:58Il y a une femme musulmane qui avait dit,
04:01ouais, c'est interdit le vin en islam.
04:04C'est sûr qu'il va aller en enfer, qu'il va souffrir,
04:07et sa famille aussi avec.
04:09Les talibans, ils nous ont fait tellement souffrir,
04:11et on a tellement bougé à cause d'eux
04:12et qu'on n'a pas eu une vie stable.
04:15Donc, c'est ce genre de souffrance,
04:17de l'enfer et de souffrir encore plus.
04:20Franchement, ça nous fera du rien parce qu'on a l'habitude.
04:23J'ai vécu des explosions, j'ai vu des morts à côté de moi.
04:26Je rêve, ça m'est arrivé que je vois des chars,
04:28des talibans qui descendent ici, qui veulent venir me chercher.
04:31Mon seul arme, c'est mon vin, c'est mes vignes.
04:38J'ai mon histoire, j'ai mon travail.
04:40Je fais du vin qui n'est pas dans la religion.
04:42C'est tout ce que je demande de ne pas me juger.
04:44Et moi, je ne vous juge pas.
04:46T'as vu ?
04:46Ah oui !
04:47Tu peux le croquer si tu veux.
04:49Moi, je n'ai pas eu une vie que je voulais avec mes parents,
04:53donc j'essaye de donner cette opportunité-là,
04:56ce cadeau-là à mes enfants.
04:58Vous savez c'est quel cépage ?
05:00Pinot ?
05:02Gris.
05:03Oui, t'as vu, il a dit Pinot Gris.
05:06Guy, you're ?
05:07You're commoner.
05:08Oui, ça me fait plaisir ça.
05:11C'est eux qui me donnent envie,
05:12c'est eux qui me permettent d'être courageux aussi
05:14et de tenir le cap et de ne jamais rien lâcher.