"Comme on arrive pas à prendre tout le monde, on a toujours ce risque de louper l’urgence."
Pour avoir un rendez-vous avec un dermatologue conventionné, il faut attendre cet automne, voire début 2025. Mais pourquoi c'est si long ? On a posé la question à Gaëlle Quéreux, présidente de la Société française de dermatologie.
Pour avoir un rendez-vous avec un dermatologue conventionné, il faut attendre cet automne, voire début 2025. Mais pourquoi c'est si long ? On a posé la question à Gaëlle Quéreux, présidente de la Société française de dermatologie.
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00:00Vous aussi, ça fait des mois que vous cherchez un rendez-vous chez le dermatologue,
00:03mais vous ne trouvez rien avant 2025 ?
00:05Ou au mieux en automne 2024 ?
00:06Il n'y a pas de rendez-vous avant 6 mois.
00:08On vous explique pourquoi.
00:09On a un énorme problème démographique dermatologique à l'heure actuelle.
00:12En 10 ans, on a perdu à peu près 1000 dermatologues en France.
00:15On est passé de 4000 dermatologues à moins de 3000, de 1981 pour être précis.
00:20Donc forcément, le délai s'allonge.
00:22On a à peu près 250 à 300 dermatologues qui arrêtent chaque année
00:25et seulement 100 nouveaux jeunes internes en dermatologie qui rentrent dans la filière.
00:30Donc c'est insuffisamment compensé.
00:31Pour vous, la raison première, c'est le numérosus clausus en médecine ?
00:35Ah oui, alors là, sans hésitation, c'est un problème qui est évident en dermatologie.
00:38Quand on voit les cours, il n'y a aucun doute.
00:40C'est un problème qui est globalement connu en médecine.
00:43Ça fait déjà plusieurs années que les professionnels du secteur alertent sur cette situation.
00:47En mars 2023, une tribune publiée dans le journal Le Monde
00:51et signée par Gaël Guéreux, dénonçait une organisation des soins en déshérence,
00:55faisant de la dermatologie la pire spécialité en médecine pour l'obtention d'un premier rendez-vous.
01:00En France, le délai d'attente varie selon les territoires.
01:03En jaune, sur cette carte, apparaissent les départements français
01:06où la moyenne de dermatologues pour 100 000 habitants se situe entre 0 et 1,8,
01:10alors que la moyenne nationale, elle, est fixée à 3,4.
01:14En creuse, il n'y a plus du tout de dermatologues.
01:16Même situation dans certains territoires d'outre-mer,
01:18comme Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte, Wallis et Futuna.
01:21Obtenir un rendez-vous sans attendre des mois, c'est possible,
01:24mais c'est souvent avec des dermatologues en secteur 2 ou 3,
01:27donc avec des frais peu voire pas du tout remboursés par la Sécurité sociale.
01:31Et souvent, ces dermatologues proposent aussi des services en dermatologie esthétique.
01:35S'il n'y a pas de dermatologues dans la creuse, c'est pas parce qu'ils font de l'esthétique
01:38qu'il n'y a pas de dermatologues dans la creuse, il n'y a pas assez de médecins.
01:40On en entend plus parler parce que comme il y a moins de dermatologues
01:43et qu'on a plus de difficultés à avoir un rendez-vous,
01:45on parle de cette difficulté-là et on se dit que peut-être que le dermatologue
01:48est occupé par l'esthétique.
01:49Quand on regarde réellement les chiffres, on voit que beaucoup de dermatologues
01:52ne font pas du tout de dermatologie esthétique et que ceux qui en font,
01:56cette activité esthétique, c'est qu'une partie assez mineure,
01:59souvent c'est à peu près moins de 10% de leur activité.
02:01Concrètement, c'est un vrai souci quand les patients n'arrivent plus à avoir
02:04de rendez-vous chez le dermatologue, ils sont plus en charge plus tard,
02:07et c'est en particulier un vrai souci dans la prise en charge des cancers cutanés.
02:10C'est également un souci pour d'autres choses, des maladies,
02:13on pourrait considérer comme éventuellement moins graves ce qu'on appelle
02:16les dermatoses inflammatoires, l'acné, le psoriasis, l'eczéma,
02:19pour lesquelles il y a eu des innovations thérapeutiques majeures,
02:22c'est-à-dire qu'il y a des traitements et on a malheureusement des patients
02:25qui n'y ont pas accès parce qu'ils n'arrivent pas à avoir un rendez-vous
02:27chez le dermatologue.
02:28Sinon il faut d'abord passer par son généraliste, voir si lui peut régler
02:31la question typiquement, je prends un exemple basique, un kyste qui s'inflame
02:35et qui s'abcède, ça il y a beaucoup souvent comme demande en urgence,
02:38ça le généraliste peut très bien mettre en route les antibiotiques
02:42et prescrire le traitement local, après s'il y a un petit geste chirurgical
02:45effectivement c'est plus compliqué, mais en tout cas il peut y avoir
02:48un premier passage par le généraliste qui va traiter un petit peu
02:50et mettre en route le traitement, et après si effectivement ça se complique
02:53là il faut voir autrement.
02:55Mais il y a quand même beaucoup de patients qui, c'est vrai, oublient de consulter
02:58en premier lieu leur généraliste, même pour une acné, parfois ils peuvent
03:01mettre en route juste le petit traitement du début, et après nous on gère le reste.
03:04Si les généralistes sont un peu plus formés en dermatologie,
03:06ils vont pouvoir aider à désengorger aussi toutes ces petites urgences.
03:10Former un dermatologue ça prend 10 à 12 ans, donc il faut débloquer dès maintenant
03:15pour avoir dans 10 ans plus de médecins.
03:17C'est sûr que si on veut moins travailler, avoir une meilleure qualité de vie,
03:20l'esthétique c'est plus facile, mais après en général quand on a fait
03:24beaucoup d'études pour être dermatologue, c'est souvent une passion,
03:27on a du mal à lâcher la dermatologie médicale et on a envie de continuer à pratiquer.
03:30J'aurais dû aller chez le dermatologue suite à ça.
03:32En fait je veux bien moi, mais il n'y a pas de rendez-vous.
03:35Il n'y a pas de rendez-vous avant 6 mois.
03:37Les dermatos la plupart ne prennent plus de nouveaux clients,
03:40de nouveaux patients en tout cas dans ma région.
03:42Mon médecin ne pouvait même pas me recommander un dermatologue
03:45parce qu'il ne prenait plus de patients.
03:47Moi j'entends un ras-le-bol, mais des deux côtés.
03:49J'entends un ras-le-bol les patients quotidiennement,
03:51qui quand on commence une consultation nous expliquent à quel point
03:53ils ont eu du mal à avoir le rendez-vous avec nous, etc.
03:55Et ça c'est vraiment très embêtant.
03:57Et puis effectivement, une détresse de certains dermatologues
04:00parce qu'on vit cette agressivité, et c'est pas confortable du tout
04:04d'être en sous-nombre comme ça parce qu'effectivement
04:06on a cette agressivité des patients que l'on comprend
04:09parce qu'ils n'arrivent pas à avoir de rendez-vous.
04:11Et puis c'est très stressant, parce que comme on n'arrive pas
04:13à prendre tout le monde, on a toujours ce risque de louper l'urgence.
04:17Il faut absolument filtrer parmi toutes les demandes
04:20celle qui va vraiment être à traiter.
04:22C'est ça qui est angoissant.
04:23Dans les pistes qu'on a aussi, c'est faire de la dermatologie itinérante.
04:26C'est-à-dire, c'est un projet qu'on a pour l'année prochaine
04:29avec un camion, pouvoir aller dans les zones soudances en dermatologue.
04:32Le camion est acheté et il est en cours d'aménagement,
04:35ça prend à peu près un an.
04:36Donc on espère commencer au printemps 2025
04:39avec deux régions qui sont déjà identifiées,
04:41la Nouvelle-Aquitaine et puis également les Hauts-de-France.