• l’année dernière
Thomas Bangalter x Riad Sattouf.
L'un est un ex-Daft Punk, président du Grand jury du Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême. L'autre est le Grand Prix du Festival mis à l'honneur cette édition avec l'exposition "L'Arabe du futur, œuvre-monde”. Discussion croisée autour de la bande dessinée et du visuel, menée par Augustin Trapenard.
Transcription
00:00Salut Brut, c'est Augustin. À l'occasion de la 51e édition du Festival de Bandes Dessinées d'Angoulême,
00:06je vous propose une rencontre exceptionnelle entre deux grands acteurs de la culture française,
00:11Thomas Van Galter, bonjour, Thomas Van Galter, musicien, l'un des deux Daft Punk,
00:16président du jury de cette édition du Festival d'Angoulême, et Riyad Satouf, bonjour.
00:20Riyad Satouf, grand prix l'année dernière à qui le festival dédie une grande expo qui s'appelle
00:25l'Arabe du Futur, oeuvre monde. Est-ce que vous vous connaissez tous les deux ?
00:29Moi bien sûr je le connais, je connais tout son travail.
00:33Mais personnellement non, on s'est croisés à un anniversaire.
00:37Il y a très très longtemps, je n'avais pas osé lui parler, parce que je me disais qu'il était trop connu.
00:42Moi non plus, je pense que je n'avais pas osé lui parler.
00:44Mais je m'étais dit, à l'époque, je lui ai dit qu'il avait l'air très sympa.
00:47Je lui ai dit, il est hyper cool et tout, et j'avais regretté après, je m'étais dit, c'est pour ça que là je suis content.
00:52Moi aussi.
00:53En fait c'est le gros paradoxe, parce que vous êtes très connu, Thomas Van Galter,
00:57Oui, mais je suis timide aussi, je suis très timide.
00:59Quel lecteur de bande dessinée est-ce que tu es, Thomas, qui est président du jury cette année ?
01:04Je ne suis pas un grand spécialiste de la bande dessinée,
01:07mais à la fois, c'est vrai que j'ai l'impression que ma personnalité a été façonnée par la bande dessinée,
01:16et qu'elle a finalement toujours été présente dans ma vie en filigrane comme ça.
01:21Je pense tout de suite, évidemment, à l'animation japonaise qui vous rassemble.
01:25Pour le coup, Thomas, pour Daft Punk, vous avez collaboré avec le regretté Leiji Matsumoto,
01:31qui on doit notamment les aventures d'Albator.
01:33Et chez vous, Riyad, c'est la figure de Goldorak, qui est très présente.
01:37Albator et Goldorak, c'est quoi ? Ce sont des lectures d'enfance, en fait ?
01:39Le manga est adapté en animé qui passe à partir de 1980 en France, je crois, et moi j'ai 5 ans à cette époque.
01:48Et c'est des images, pour la peine de manière vraiment inconsciente, qui ont marqué mon enfance,
01:56avec un univers qui s'est imprimé.
02:00Et des années plus tard, à la fin des années 90, on travaille sur Discovery avec Daft Punk
02:12pour notre deuxième album et qu'on a cette histoire qu'on a écrite.
02:18On a l'idée de se dire, ah tiens, ce serait super.
02:21C'est une idée un peu folle de pouvoir la raconter en animation.
02:28Et on part au Japon pour rencontrer Leiji Matsumoto.
02:33Et Goldorak ?
02:34Goldorak, en fait, j'ai jamais été ultra fan du dessin animé.
02:39C'est le jouet, en fait.
02:40Quand j'étais vraiment tout petit, je l'ai raconté dans la Rave du Futur,
02:44c'est qu'un jour j'ai vu un Goldorak en plastique géant fantastique.
02:48Et en fait, mon père me l'a promis en échange de me faire couper un bout de la bite.
02:54Et j'ai toujours gardé cette figure.
02:57Vous vous souvenez de la première bande dessinée que vous ayez lue ?
02:59C'était une aventure de Tintin.
03:03C'était Le Trésor de Rakim le Rouge.
03:05Moi, je me souviens du premier Tintin que j'ai lu.
03:08C'était l'Horacace.
03:09C'est un système de référence qui est toujours là chez vous ?
03:11Riyad, Tintin, par exemple ?
03:13Oui, c'est un petit peu vieux jeu.
03:15Mais j'avoue que j'adore RG.
03:18J'adore toutes les névroses qu'il a mises dans Tintin.
03:21Toutes les trucs qui ne vont pas.
03:23C'est souvent ce que je préfère dans Tintin.
03:25On ne pourrait plus faire une bande dessinée comme ça aujourd'hui.
03:27Par exemple, j'ai des enfants.
03:29Et donc, j'étais extrêmement pressé à l'idée de leur faire lire Tintin.
03:33Je me disais, tiens, je vais partager avec eux ce que j'adore dans Tintin.
03:37Le truc étrange et tout.
03:38Ils n'en ont rien à secouer.
03:40Ils détestent.
03:41Ils préfèrent les schtroumpfs déjà.
03:43C'est hyper bien les schtroumpfs aussi.
03:45J'adore Peyo et tout.
03:47Mais régulièrement, je reviens à l'attaque.
03:49Je leur dis, tu peux aller à un petit Tintin ?
03:50Regarde, l'heure noire, c'est vachement bien quand ils sont dans le désert.
03:53Et en fait, ils voient tout de suite ce qu'il y a.
03:56Ils disent, non, mais il n'y a pas de fille dedans.
03:58Après, il y a trop le capitalisme.
04:00Ils ne comprennent rien de ce qu'il dit.
04:03Je ne sais pas comment.
04:04Je n'ai pas réussi à faire tomber mes enfants dedans.
04:06Mais en tout cas, je sais que moi, j'en suis jamais sorti.
04:09Et je continue à lire quand je suis un peu stressé.
04:11Je me lis un petit Tintin que je connais par cœur.
04:13Et ça me détend.
04:14En tout cas, il y a des bonnes dessinées.
04:15Vous en avez à lire, Thomas.
04:16Président du jury cette année.
04:17Il y en a combien ?
04:18J'ai l'impression qu'il y en a un peu plus de 50.
04:2250 ou 55.
04:23Pour le faire bien.
04:25Moi, j'aimerais les relire aussi un petit peu.
04:27Mais ça prend du temps.
04:28Qu'est-ce qui vous frappe tout de suite dans une sélection comme ça ?
04:31Ce qui me frappe, c'est la richesse formelle qu'on peut trouver.
04:39La liberté, la recherche aussi formelle.
04:43Je pense que la bande dessinée reste une forme d'expression artistique extrêmement libre.
04:51Et qui est en permanence, qui cherche et qui se remet en question.
04:58Et qui essaye.
04:59Je me demandais ce qui me plaisait dans mes lectures en ce moment.
05:02Je trouve que la richesse visuelle et la richesse de la variété de propositions visuelles,
05:09on ne la retrouve pas forcément autant dans le cinéma aujourd'hui, en tout cas, visuellement.
05:16Il y a des super films.
05:17Mais c'est comme si finalement, on avait l'impression que le fond était vraiment beaucoup plus important que la forme.
05:28Et moi, j'ai toujours aimé, apprécié, essayé d'explorer et de créer des images fortes.
05:38Je me suis demandé, Thomas, tu dessines toi ?
05:40Non.
05:41Par exemple, le casque, la pyramide, tu n'en as pas du tout fait de croquis à aucun moment ?
05:45Non, non.
05:46Guy Manuel, avec qui je travaillais...
05:49L'autre Daft Punk.
05:50L'autre Daft Punk avait dessiné le logo de Daft Punk.
05:55Et c'est un bon dessinateur, il dessine très bien.
05:58Mais non, moi, je ne dessine pas.
06:01Alors, avant de dire bon dessinateur, on va demander au dessinateur, c'est un bon logo ou pas Daft Punk ?
06:05Hyper bien.
06:06D'ailleurs, je l'avais vaguement semi-pompé pour faire le logo de Pascal Brutal.
06:11C'est un logo comme ça dessiné, qui impulse une vitesse.
06:15Et je crois que ça m'avait influencé.
06:19Ils apparaissent les Daft Punk dans vos médias ?
06:21Non, non, non.
06:22J'avoue, non.
06:24Je ne sais pas si ça va te faire plaisir, Thomas, ce que je vais dire.
06:26Mais pour la simple raison que je me suis toujours un petit peu concentré sur l'univers de la loose.
06:29En tout cas, de ma loose, adolescent.
06:31Et pour moi, le fait de dire que...
06:33Parce que j'adore Daft Punk, bien sûr.
06:34J'adore ce que fait Thomas.
06:36J'ai tout suivi.
06:37Mythologie, l'Assemblée nationale, c'est génial et tout.
06:39Mais si j'en parlais, ça ferait comme...
06:42Si je parlais de trucs trop...
06:43Je ne sais pas, ce n'est pas comique.
06:44Je ne peux pas dire, j'étais un ringard et j'écoutais Daft Punk.
06:48D'un coup, ce n'est pas possible.
06:49Parce que normalement, voilà.
06:50Mais c'est vrai que la dimension graphique semble très importante
06:53dans l'imaginaire des Daft Punk,
06:55dans l'identité des Daft Punk.
06:57Oui, je pense.
06:59Avec Emmanuel, quand on s'est rencontrés à 12 ans ou 13 ans,
07:03on adorait le cinéma, la pop culture.
07:09Albator, du coup.
07:10Albator, Andy Warhol, Le Velvet Underground,
07:15les pochettes de Led Zeppelin.
07:18Et finalement, cette idée de créer des personnages aussi.
07:21C'est peut-être ce qui se rapproche avec la bande dessinée.
07:24En lisant L'Arabe du futur,
07:26je me suis un peu, dans certaines circonstances ou situations,
07:31en tout cas à l'école,
07:33j'ai pu me reconnaître un peu.
07:35J'étais un peu timide.
07:39Il était de la loose, en fait.
07:40Un peu de la loose.
07:43Et l'idée ensuite de créer des personnages
07:48qui sont presque un peu comme des super-héros
07:52qui n'auraient pas de super-pouvoirs,
07:54mais un peu comme dans Watchmen ou Batman,
07:57où il n'y a pas de fantastique.
08:00Mais c'était aussi pour prendre sa revanche
08:05sur toutes les situations ridicules
08:09dans lesquelles j'avais pu me retrouver
08:12ou vaincre un peu sa timidité.
08:16Je crois que l'anonymat que vous aviez
08:19était extrêmement fécond.
08:22Il y avait quelque chose de très...
08:25C'était vraiment fascinant.
08:27Il y a un côté, c'est onirique, c'est hyper puissant.
08:30Il y a des situations un peu amusantes
08:32où même il y a longtemps, au début,
08:35à Londres, j'étais en concert
08:37et je marchais dans la rue.
08:39J'étais allé prendre un sandwich dehors.
08:42Et j'arrive et il y a quelqu'un
08:46qui essaie de me vendre une place
08:48pour mon propre spectacle.
08:51En fait, à un moment, je me suis dit
08:54que ce serait marrant.
08:56Pourquoi ? OK, je prends la place,
08:59je l'achète, je vais dans la salle
09:02et j'attends.
09:05Merci à tous.
09:06Merci, Augustin.
09:07Merci, Thauvin-Borgalta.
09:08Merci, Augustin.

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