• il y a 2 ans
"J'ai toujours rêvé de venir en France pour pouvoir être libre."

Mami Watta participe à l'émission Drag Race France, mais c'est en Côte d'Ivoire qu'elle a grandi avant de tout quitter pour s'installer à Bordeaux. Son premier jour en France, voici comment elle l'a vécu.

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Transcription
00:00Mon premier jour en France, je suis arrivée directement de Côte d'Ivoire
00:03à l'aéroport de Bordeaux-Mérignac.
00:05Il y a ma tante qui est venue me chercher,
00:06qui m'a ramenée directement chez elle, ici, à Baffins.
00:10C'est la banlieue un peu éloignée de Bordeaux,
00:13donc je m'attendais à plus de grands buildings, plus de civilisations,
00:16mais c'était toujours cool.
00:18Psychologiquement, c'était vraiment un mix d'émotions.
00:20J'avais toujours rêvé de venir en France pour pouvoir enfin être libre,
00:23donc il y avait ça d'un côté,
00:25et de l'autre côté, je ne savais pas à quoi m'attendre
00:27parce que tout était extrêmement nouveau pour moi,
00:30donc c'était vraiment un sentiment partagé.
00:33Alors, la première fois que je suis sortie dans Bordeaux,
00:36j'ai pris le tram et je suis venue rencontrer la fac
00:40où j'allais être pendant l'année scolaire.
00:43En Côte d'Ivoire, quand tu rentres dans un transport en commun,
00:45tu dis toujours bonjour à tous ceux qui sont dedans.
00:47Donc la première fois que j'ai pris le tram,
00:49je suis montée, j'ai dit bonjour dans le tram
00:51et personne n'a répondu, tout le monde m'a regardée en mode
00:54« Mais c'est qui cette folle ? »
00:56Du coup, je suis venue un peu en France pour deux raisons.
01:01La première, c'était la plus facile, la plus logique pour mes parents surtout.
01:05C'était pour continuer mes études
01:06parce que je venais d'avoir ma licence en droit privé,
01:10mais en dessous de ça, il y avait évidemment la raison,
01:13la recherche de liberté.
01:15Je suis toujours sûre que j'étais queer.
01:17À l'époque, j'essayais de me convaincre que je ne l'étais pas.
01:20Je fais des copines, les pauvres.
01:23Aujourd'hui, on se parle, on rigole.
01:25La communauté queer ivoirienne, elle est tellement petite
01:28et en plus, elle n'existe que la nuit.
01:31Parce qu'on n'a pas forcément la possibilité ou la chance
01:35de pouvoir être queer dehors, dans le tram, dans les transports.
01:38C'est ce qui a aussi motivé ma venue en France
01:41parce que j'avais envie d'aller dans un pays où c'était possible,
01:45c'était légal, c'était autorisé de dire « Oh, il faut qu'on est queer ».
01:48On est sur la rue iconique de Bordeaux pour moi,
01:51c'est la rue Sainte-Catherine.
01:53C'est là que j'ai commencé à acheter mon maquillage
01:56avec mes propres mains et mes propres sous.
01:58C'est vraiment ma rue préférée à Bordeaux.
02:00J'ai commencé à me maquiller quand j'ai découvert « Au Place Drag Race ».
02:03C'était un peu le cumul de tout ce que j'aimais faire.
02:05Je voyais des gens qui étaient artistiques,
02:07qui aimaient chanter, qui aimaient danser,
02:08qui aimaient être sur scène, qui étaient des stars.
02:10Et moi, c'est tout ce que j'avais envie d'être,
02:12tout ce que j'avais envie de faire, tout ce que j'avais envie de devenir.
02:14Au tout début, je me maquillais avec le maquillage de ma mère,
02:17mais je le faisais dans la douche, donc quand ils n'étaient pas là.
02:20J'étais très, très laide, mais j'étais contente du résultat
02:24parce que je me sentais moi, je me sentais belle,
02:26alors que ce n'était clairement pas le cas.
02:27De plus en plus, ça devenait compliqué de prendre le maquillage de ma mère.
02:31Je prenais celui de mes copines et après,
02:33je demandais à mes copines de m'en acheter.
02:35Elle essayait sur elle et elle disait « Ah, tu penses que ça passe et tout ? »
02:39Et moi, j'étais à côté, je disais « Ouais, ouais, ouais, ça passe ».
02:41Mais c'était en fait pour moi.
02:42C'était pour ne pas que les vendeurs sachent.
02:46Mais là, c'est la première fois que j'ai acheté du maquillage pour moi-même
02:50et par moi-même.
02:51De plus en plus, je commençais à expérimenter des nouveaux looks.
02:53Je m'achetais des petites perruques, je les posais
02:56et c'est là que j'ai vu que c'était une drag queen.
02:58Et il est venu, là, pour moi, le moment de me trouver un nom drag.
03:03Et en Côte d'Ivoire, Mami Wata, c'est une déesse,
03:06c'est une divinité faite par du folklore ivorien.
03:09Et toute ma vie, on m'avait dit que j'avais l'esprit de Mami Wata,
03:12mais d'un aspect négatif.
03:14Parce que cet esprit-là, c'est celui qu'ont toutes les personnes efféminées,
03:17ont toutes les femmes un peu libérées.
03:19Et c'est un esprit duquel il faut se libérer.
03:21Donc moi, quand j'ai commencé le drag, je voulais me réapproprier mon histoire,
03:25me réapproprier ma culture.
03:27Et j'ai choisi ce nom-là parce que je voulais dire
03:29qu'on peut très bien avoir cet esprit-là
03:31et être fantastique, et être fabuleux, et faire ce qu'on a envie de faire.
03:43Quand j'ai reçu l'appel pour Drag Race, ça m'a fait plaisir
03:46parce que c'était un peu l'accomplissement de tout ce que j'avais travaillé
03:49pour être là aujourd'hui.
03:51J'ai eu un parcours un peu atypique,
03:54parce que passer du monde juridique au monde de la nuit,
03:58en plus en tant que drag queen,
04:00c'est pas forcément le truc le plus classique ou le plus attendu.
04:04Mais je suis satisfaite de mon parcours.
04:06J'ai aujourd'hui la chance de pouvoir exprimer ma queerness
04:10au plus fort, au plus haut, à la télévision.
04:13Chacun son parcours, et le mien, il me plaît, il est parfait comme idée.

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