• le mois dernier
Quand sa mère est décédée, elle lui a fait promettre de s'occuper des autres. Alors Mathieu Ferreira remue ciel, terre et mer pour venir en aide aux sans-abri marseillais.

Dans ce nouvel épisode d'Extra-ordinaire, notre journaliste Leïla Amrouche est partie à la rencontre de cet ancien garagiste, fondateur de l'association Les Pêcheurs du cœur.

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00:00Cet engagement-là, il est venu d'où ?
00:01Il est venu de ma maman.
00:02En faisant du bien, c'est comme si je lui rends hommage,
00:06mais surtout je la fais revenir.
00:08Tu peux le fermer, l'enrouler, c'est un tapis,
00:10tu peux te protéger avec du néoprène,
00:12c'est fait à base de combinaisons de plongée.
00:14Tu mets le tapis au sol, l'humidité ne passe pas.
00:16Il y a beaucoup de monde qui vont vous dire
00:17« j'aimerais gagner un euro-million ».
00:19Mais en fait, c'est ce que je gagne tous les jours en les aidant.
00:24On a pris quelques poissons et là, direction la maison,
00:27on va faire une soupe pour les voisines du trottoir.
00:30Quand vous aidez une personne qui en a besoin,
00:32on n'attend pas un merci,
00:33mais juste regarder le fond de ses yeux, l'âme,
00:36et on voit de suite qu'on fait quelque chose de bien.
00:38Qui c'est qui veut de la soupe aux poissons ?
00:40C'est bon ?
00:40Merci beaucoup messieurs,
00:41merci pour tout ce que vous faites pour nous
00:43et merci aux pêcheurs surtout.
00:48Salut, c'est Leïla de Brut
00:50et aujourd'hui, je suis à Marseille.
00:53Pourquoi je suis à Marseille aujourd'hui ?
00:54Parce que je viens retrouver Mathieu.
00:56Mathieu, on s'est rencontrés il y a quelques jours,
00:59à la suite d'un événement tragique,
01:02il a décidé de se consacrer totalement aux démunis
01:04et notamment aux sans-abri de Marseille
01:07et je crois qu'il arrive.
01:09Salut Mathieu, comment ça va ?
01:11Ça va, ça va et toi ?
01:12Ça va.
01:13Tu te rappelles la première fois que tu as aidé un sans-abri ?
01:15La première fois que j'ai aidé un sans-abri, j'étais tout petit.
01:18En fait, je suis parti prélever quelques poissons
01:22et ce jour-là, j'avais fait un énorme loup
01:24en le cuisinant, ma mère le cuisine
01:27et elle me dit, mais Mathieu, il y en a trop.
01:31Et en fin de compte, après manger, je la vois faire des...
01:35mettre du papier alu dans des assiettes, etc.
01:39Et elle me regarde, elle me dit,
01:40Mathieu, tiens, tu donneras Pierrot et Pierrette.
01:42C'était deux SDF qui vivaient à Bernabéau,
01:45qui faisaient la manche au feu rouge.
01:47Et je me rappelle, j'étais tout petit
01:49et je leur amenais l'assiette avec mon poisson
01:51et je leur disais, c'était moi, c'est moi, c'est moi
01:53qui ai prélevé le poisson et tout fier
01:56de partager un repas avec eux.
02:01On a les stacks et on va faire une petite pêche
02:04pour faire une soupe pour les SDF.
02:11C'est une méthode pêche sous-marine,
02:13c'est une méthode écoresponsable
02:14où on va essayer d'aller prélever quelques poissons
02:17avec mes amis.
02:18On est quatre aujourd'hui.
02:19L'eau, elle est à combien à ce degré ?
02:21Là, elle doit être entre 10 et 13 degrés.
02:24Mais je pense dans les 13 degrés, ouais.
02:27C'est froid en hiver,
02:28mais bon après, c'est pour la bonne cause.
02:31Donc il faut juste penser à ça,
02:33parce que je pense que les SDF,
02:34ils ont beaucoup plus froid que nous.
02:38Le déclic, c'est le mal-être des SDF
02:40et je voulais être là pour eux.
02:43Et puis, je ne sais faire que ça en fait.
02:44J'aime aider, c'est ma nature
02:46et c'est ce que je veux faire et c'est ce que je suis.
02:48On a pris quelques poissons et là,
02:50direction la maison.
02:55Et voilà, la pêche du jour.
02:57On a un petit peu de tout, du congre, du sard,
02:59un pajeau, rouger, vieille.
03:02Là, ça va faire une bonne, bonne soupe.
03:06Là, je suis en train d'éplucher les carottes.
03:08On va mettre aussi des pommes de terre à la fin
03:10pour mettre un petit peu de féculents
03:12pour agrémenter, pour avoir un peu plus une soupe,
03:14un peu plus costaud.
03:15Vu que c'est des personnes,
03:17on va dire fragiles,
03:18les voisins du trottoir,
03:19donc on va leur donner un petit peu
03:21le goût de la Méditerranée
03:23à travers tous ces beaux légumes.
03:24Et là, on est sur à peu près 28 litres.
03:28Mathieu, c'est notre coluche à nous.
03:29C'est notre coluche des mères.
03:30Une fournée.
03:31Merci, trop cool.
03:33L'essentiel, en fait, c'est qu'il y ait du partage,
03:35de la générosité, de l'entraide
03:37et surtout de l'amour,
03:38parce que si tu n'as pas d'amour pour l'être humain,
03:41tu ne peux pas faire ça.
03:42Tout est filtré avec les chiffons à l'ancienne.
03:44Voilà la soupe,
03:46celle qui va être distribuée aux voisins du trottoir.
03:49On y va.
03:52Vous êtes de grosse, t'as dit.
03:54On va s'éteindre la rouille.
03:55Allez.
04:04Soupe ?
04:05Soupe de poisson.
04:09Bon appétit.
04:11Merci à vous.
04:11Encore une soupe ?
04:12Ça change beaucoup du quotidien.
04:14C'est très, très rare qu'on ait
04:16de la soupe de poisson fraîche
04:18et avec des personnes très sympathiques.
04:23J'ai même plus de sentiments.
04:25En vérité, j'en suis un bébé.
04:27Merci, merci.
04:29C'est juste exceptionnel quand on voit
04:31toutes ces personnes manger notre soupe de poisson
04:33avec l'équipe.
04:34C'est juste magnifique.
04:35Qui c'est qui veut la soupe de poisson ?
04:37C'est bon ?
04:38Alors qu'est-ce qu'on dit aux pêcheurs ?
04:40On dit merci pour la bonne soupe qu'ils nous ont faite.
04:45Une soupe qui nous a réchauffé le cœur.
04:48Bon appétit.
04:49Ça me rappelle mon enfance.
04:50Ma mère, elle la faisait déjà.
04:52Oh mon Dieu.
04:53Cœur.
04:53C'est ce qu'on appelle la soupe populaire.
04:55C'est magnifique.
04:56Un petit peu.
04:58Il reste juste un fond.
05:01Ça y est.
05:02À peu près 30 litres de soupe
05:04et parti.
05:05Magnifique.
05:06C'est les oubliés en fait.
05:07C'est les oubliés des rues.
05:09C'est pour ça que...
05:10Tu dis, c'est nos voisins du trottoir.
05:12Oui, oui, oui.
05:12C'était une association à l'époque.
05:16Corinne.
05:17Qui m'avait dit les voisins du trottoir.
05:20Hein ?
05:22Ah mais c'est un truc de fou.
05:24Attends, c'est ta voix qu'on entend ?
05:25Ah oui, c'est la mienne aussi.
05:27OK, alors là, c'est très bizarre ce qui se passe.
05:30Alors, quand je parle...
05:32Bah voilà, tout le monde peut entendre dans Marseille
05:35de manière très forte.
05:36C'est un truc de fou.
05:37C'est que le haut-parleur a pris le micro
05:40et là, tout Marseille nous entend.
05:42Ah mais c'est trop amusant.
05:45Mais c'est un truc de fou quand même.
05:46Non mais c'est...
05:48J'ai entendu dire que tes amis,
05:51c'était ton surnom, t'appelais le coluche des mers.
05:53Oui, le coluche des mers.
05:54Oui, c'est vrai.
05:55Il y a beaucoup de monde en fait.
05:57Je ne sais pas comment c'est arrivé.
05:59Et on m'a surnommé le coluche des mers.
06:01Le coluche des mers.
06:03Et c'est vrai que c'est resté.
06:06Ça reste encore depuis un certain temps.
06:09Je suis honoré, mais après...
06:12Je n'ai pas...
06:14Je ne suis pas coluche, mais bon, voilà.
06:16L'idée des combinaisons, comment c'est venu ?
06:18J'ai réfléchi à un concept
06:19de récupérer les combinaisons usagées,
06:22de les transformer et d'en faire des tapis
06:24pour les SDF avec les coussins.
06:25Tu peux le fermer, l'enrouler, c'est un tapis.
06:28Tu peux te protéger avec du néoprène.
06:30C'est fait à base de combinaisons de plongée.
06:32Tu mets le tapis au sol,
06:33l'humidité ne passe pas, ça se nettoie à l'eau.
06:35J'ai fait une maraude et en distribuant
06:37ma soupe de poisson qu'on a pêchée nous-mêmes,
06:39je me suis aperçu que les SDF étaient
06:42directement sur du carton et n'avaient rien, en fait.
06:46Donc, en parlant avec eux,
06:47ils avaient un problème de froid.
06:48Et vu que je suis pêcheur sous-marin,
06:50je me suis dit, mais attends,
06:51moi, j'ai une combinaison qui me protège du froid.
06:54Donc, ce que je vais faire,
06:55c'est que je vais récupérer mes combinaisons
06:57et je vais en faire des tapis et des coussins
06:59pour les SDF,
07:01pour essayer de réchauffer le corps et le cœur.
07:03Je pensais que j'allais faire cinq, six tapis.
07:06Pour moi, c'était cinq, six personnes
07:07qui allaient dormir sur les tapis.
07:09Et en fait, aujourd'hui, on sort une trentaine,
07:12trente-cinq tapis.
07:19Alors là, on est dans l'atelier découpage.
07:22On prend les combinaisons usagées.
07:25On fait une découpe avec un patron.
07:28Là, il nous faut quatre hauts de combinaison
07:31pour faire un tapis.
07:33Et après, pour les bas,
07:34il nous faut trois bas et demi pour faire un tapis.
07:36On a récupéré les bras pour faire les coussins.
07:41Et après, tout le reste a été découpé en petits copeaux
07:44pour faire le coussin qui est directement là.
07:48On peut voir vraiment la matière.
07:49C'est vraiment moelleux.
07:51Je suis vraiment fier de mon équipe.
07:54Tous les ateliers qu'on a pu faire,
07:55c'est un travail de trois mois.
07:57Trois mois de travail tous les samedis matins.
08:00Être là, travailler le néoprène.
08:02On n'est pas des professionnels.
08:03On a appris dans le tas,
08:04mais je pense que le résultat est là.
08:07Et voilà, une de plus.
08:08Il y a eu un engouement dans toute la France.
08:10J'ai reçu pas mal de combinaisons
08:12avec des félicitations, avec des mots.
08:13La première cause de mortalité des SDF, c'est le froid.
08:15Donc là, on essaye d'ajouter notre pierre à l'édifice,
08:18de les aider avec notre passion et notre association.
08:28Ils sont là pour récupérer les tapis, les coussins,
08:31tout ce qu'on a fait, en fait,
08:33pour distribuer directement auprès des voisins du trottoir.
08:36Ils sont très, très connus à Marseille.
08:38Ils sont toujours dans les rues,
08:40toujours à faire des choses pour les autres.
08:42C'est génial parce que ce qu'il a fait,
08:44le sans-abri va pouvoir se concentrer dedans.
08:46Il n'a rien pour transporter le sans-abri.
08:48Il n'a pas de maison.
08:49Donc, il va pouvoir plier le maximum
08:53dans une petite capacité, s'isoler du froid.
08:57C'est précieux, ce qu'ils ont fait.
08:58Ce n'est pas incroyable de dire,
09:01moi, Mathieu, avec évidemment tes collègues, etc.,
09:04j'ai aidé au moins une centaine et une centaine de sans-abris.
09:09Quand tu t'entends dire ça, je me dis, qu'est-ce que ça te fait ?
09:12Ça me fait de la peine, honnêtement.
09:14Ça me fait quelque chose parce que là, je me dis...
09:17Et en fait, il faut être dans les rues
09:19pour voir la souffrance que ces personnes ont.
09:21Et je ne compte pas.
09:22Cet engagement-là, il est venu d'où ?
09:24Il est venu de ma maman,
09:25atteinte d'un cancer en phase terminale.
09:27La veille, avant qu'elle décède,
09:30elle m'a demandé tout simplement,
09:31elle m'a dit, Mathieu, fais comme tu faisais pour maman.
09:34Tu te rappelles, quand je mangeais ton poisson,
09:36j'oubliais ma maladie.
09:38Donc, essaye de le faire pour les autres.
09:40Essaye de faire oublier la maladie
09:42à travers ta pêche.
09:44Tu es un don, tu aimes la mer.
09:46Et essaye de le faire pour les autres.
09:48Elle a fermé les yeux le lendemain
09:50et je n'avais que ces paroles-là.
09:54Depuis 2007, j'aide le centre de soins palliatifs, les SDF.
09:58En faisant du bien, c'est comme si je lui rends hommage.
10:02Mais surtout, je la fais revenir toutes mes actions.
10:05C'est comme si j'avais ma maman à côté de moi.
10:08Je le fais pour elle et je le fais pour les autres.
10:12Mais je le fais par amour.
10:17Là, on est chez moi, avec ma femme, ma fille, mes enfants,
10:20mes amis, Fabrice et Laurent.
10:24Tous ces gens autour de la table,
10:25c'est des gens qui sont importants pour toi
10:28et qui ont toujours fait partie de ton aventure.
10:29Oui, toujours, c'est ma famille.
10:31Je suis très fière de ce qu'il fait.
10:32Je trouve qu'il fait bien vivre la mémoire de sa maman.
10:35Je trouve qu'il procure beaucoup de plaisir et beaucoup de joie,
10:39beaucoup de paix à des gens qui en ont besoin.
10:42J'en attends pas moins de lui.
10:43Je sais qu'il est capable même de plus.
10:46Quand tu as un travail, que tu as une famille
10:49et qu'à côté de ça, tu arrives à libérer ton temps,
10:53comme tu dis, pour aider les autres.
10:55Être sur le terrain, c'est un vrai engagement.
10:57C'est beaucoup de temps.
10:58C'est des week-ends, c'est tout ça.
11:01Moi, je tire mon chapeau.
11:02Il faut vraiment aimer ce qu'on fait.
11:04C'est là que tu vois que ça triche pas.
11:05Il y a des choses qui coûtent et il y a des choses qui valent.
11:09Et en réalité, Mathieu, aujourd'hui, ce qu'il fait, ça vaut du temps.
11:13Ça en coûte pas.
11:14Je sais pas, tu en penses quoi toi, Lolo ?
11:15Tu trouves que le temps que papa, il passe à faire des actions,
11:19tu trouves que c'est du temps raté pour la famille ou des choses comme ça ?
11:23Ça nous apprend tellement de choses.
11:25Moi aussi.
11:27C'est des filles, Mathieu.
11:29En réalité, ça apprend tellement de choses.
11:31Je pense que maintenant, c'est génétique.
11:34Justement, t'aimerais que tes filles reprennent un peu ce que tu fais là ?
11:38Oui, en fait, c'est pas qu'elles le reprennent, elles le sont.
11:41C'est toi qui va leur permettre de le reprendre.
11:44Peut-être que c'est « on veut ».
11:45Ouais, mais c'est pas vraiment une obligation.
11:49C'est ça, c'est lui qui va leur permettre de laisser perdurer ça.
11:52On n'est que des êtres humains, on n'est que de passage,
11:53donc pour ce passage-là, il faut qu'on le fasse bien, quoi.

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