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Conférence Gingko, ail des ours et pissenlit. Les migrantes chinoises et la cueillette de plantes dans le Grand Paris : enquête sur des pratiques discrètes d’écologie populaire par Fabien Roussel, enseignant-chercheur en géographie de l'environnement à Université Sorbonne Paris Nord.
Présentation  du travail de recherche  sur la cueillette de plantes par les femmes chinoises mené par Flaminia Paddeu, Audrey Bochaton, Kaduna Demailly et Fabien Roussel.Mardi 5 novembre 2024 à 14h30.

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00:00:00Bonjour, merci d'être là. Je clôt ce triptyque de présentation qu'on vous fait aujourd'hui,
00:00:24avec une présentation dont l'intitulé est sans doute beaucoup trop long, même s'il y a un sous-titre.
00:00:32Donc Ginko, Aïe des ours, Pissenlit, les migrantes chinoises et la cueillette de plantes dans le
00:00:38Grand Paris. Enquête sur des pratiques discrètes d'écologie populaire. Alors j'ai pas mis invisible
00:00:45parce que c'est une présentation qu'on a déjà faite avec des collègues et que le titre était
00:00:48celui-ci. Mais vous voyez qu'en fait, l'idée de discrétion va quand même rejoindre pas mal le
00:00:54thème de votre atelier. Donc cette enquête, elle est menée dans le cadre d'un projet qui
00:01:04s'appelle Cueillir en ville, qui a été financé sur deux ans, 2023-2024. C'est le premier
00:01:12volet que je vais vous présenter, qui concerne donc les pratiques des femmes chinoises à Paris.
00:01:16Le second volet étant consacré aux cueillettes des populations migrantes à Marseille. Mais ça,
00:01:23j'ai pas les résultats encore. Donc c'est un projet qui a été mené en équipe. Je suis présent
00:01:31aujourd'hui, mais le travail a été mené en équipe avec Audrey Beauchaton de Paris-Nanterre,
00:01:36Kaduna Demahi de Paris-Huit et Flaminia Padeu de Sorbonne-Paris-Nord, qui est mon université
00:01:42également. Et puis j'évoque aussi Youyou Echen, qui était parmi vous l'année dernière et qui nous
00:01:51a accompagnés en M1. Donc ça remonte à il y a deux ans. Donc elle n'est plus associée au projet,
00:01:56mais elle l'a été un temps. Et vous verrez que ça a été indispensable, nous, d'avoir une étudiante
00:02:02qui parle chinois pour traiter du sujet. Donc je vous fais un rapide état de l'art pour vous
00:02:09expliquer dans quelles réflexions ça s'insère, ces questionnements-là. Alors il a été montré que
00:02:17la cueillette en milieu urbain constitue une pratique discrète qui contribue à l'alimentation
00:02:24et aux soins de certaines populations, mais aussi à la redécouverte de la botanique par
00:02:32des populations dites néo-cueilleuses. Alors qu'elle est, par ailleurs, pratiquée beaucoup par
00:02:40les populations migrantes, la relation finalement entre migration, cueillette, usage des plantes
00:02:49n'est pas tellement documentée, ce qui justifie ce projet. Il y a d'autres recherches qui ont montré
00:02:57que toutes les politiques d'aménagement et de gestion des espaces verts urbains reposent sur des paradigmes
00:03:04plutôt hygiénistes, plutôt récréatifs et de protection, voire d'adaptation au changement climatique.
00:03:12Et ces paradigmes ne conçoivent pas vraiment la nature comme une partie prenante de relations d'usage,
00:03:22voire de subsistance. Et en général, la cueillette est considérée comme indésirable dans ces espaces.
00:03:34Et enfin, dernier point de la slide, alors même qu'il y a une présence importante de populations migrantes chinoises
00:03:40dans l'agglomération parisienne, notamment de femmes isolées en situation précaire,
00:03:45c'est plutôt bien documenté, mais leur rapport à la nature et à des formes d'écologie n'est pas exploré du tout.
00:03:52Donc c'est à ça que vient répondre ce projet.
00:03:59Alors la question de recherche qui guide notre travail, c'est donc d'analyser ce que révèlent les pratiques de cueillette
00:04:09des femmes chinoises en région parisienne, de ce que ça révèle des relations au végétal et aux espaces qu'elles fréquentent en ville.
00:04:19Voir, c'était le sous-titre de la présentation, ce que ça révèle de relations à une forme d'écologie,
00:04:29même si elle ne dit pas son nom, de ces femmes en ville.
00:04:34Alors il y a pas mal de recherches qui ont été menées récemment pour réfléchir à ces écologies alternatives.
00:04:41On en cite quelques-unes ici, je ne les détaille pas plus que ça, écologie des dominés, écologie des pauvres,
00:04:48écologie populaire, de subsistance, écoféministe, décoloniale ou des marges.
00:04:56Et en fait, nous, aucun ne nous connaît vraiment, et on tourne un petit peu autour de ça,
00:05:05et on cherche un peu à qualifier ces relations singulières.
00:05:09Et c'est ce qui guide aussi nos réflexions sur le plan un peu conceptuel.
00:05:14Alors on verra qu'à la fin, on s'est quand même plutôt ancré dans l'idée d'écologie populaire.
00:05:20Bon, c'est pas tranché, c'est en cours de réflexion.
00:05:25Alors pour mener ce travail, la méthodologie employée sont des méthodes qualitatives,
00:05:30qui sont issues des sciences humaines et sociales.
00:05:33Le terrain, on l'a fait au printemps et à l'été 2023, et on a identifié trois types d'enquête.
00:05:43Les cueilleurs et les cueilleuses chinoises, les gestionnaires d'espace verts,
00:05:48c'est-à-dire gardes, jardiniers, jardinières, chargées de missions.
00:05:52Et puis aussi, on a eu des contacts avec des salariés d'associations
00:05:56qui organisent des activités auprès des populations chinoises.
00:06:02La principale difficulté que nous avons rencontrée, c'est des entrées en relation avec ces populations,
00:06:08avec ces cueilleuses chinoises, notamment du fait de la barrière linguistique.
00:06:12Très peu parlent français.
00:06:14Et on a pu initier des rencontres via des associations.
00:06:25Des associations culturelles franco-chinoises, alors j'en cite quelques-unes ici.
00:06:31Bon, peu importe, il y en a quelques-unes.
00:06:33Et puis du coup, forcément, le travail de Yueyue Shen nous a été indispensable,
00:06:40parce qu'elle parle français et chinois.
00:06:42Donc c'est vraiment elle qui nous a permis d'ouvrir ce terrain en menant des entretiens.
00:06:50On a quand même réussi à avoir aussi des observations un peu plus informelles
00:07:00avec les cueilleuses, en essayant aussi d'en passer par les gestionnaires,
00:07:06de demander aux agents des espaces verts de savoir un peu leur vécu, leurs observations de ces pratiques-là.
00:07:15Depuis le départ, on est aussi accompagnés par un photographe qui s'appelle Geoffroy Mathieu,
00:07:21qui nous accompagne depuis le début du projet, qui ne date pas de 2023.
00:07:25Le projet a été initié en 2019, mais qui a continué à Paris et à Marseille, et il est basé à Marseille.
00:07:32Ces enquêtes ont été menées sur 7 sites situés en région parisienne,
00:07:36qui ont été sélectionnés vis-à-vis de différents critères.
00:07:40D'abord en fonction de la géographie des populations chinoises à Paris,
00:07:45ce qui nous a fait cibler le parc de Belleville, nous rendre au Bervilliers aussi, ou à la Courneuve.
00:07:51Ensuite, on s'est appuyés sur notre connaissance préalable des terrains,
00:07:57et des observations de cueillettes qu'on avait faites, comme par exemple en 18ème.
00:08:02Et enfin, en fonction des opportunités durant le terrain qui nous étaient offertes,
00:08:09telle rencontre menant à tel lieu, et de fil en aiguille à telle autre personne.
00:08:14C'est comme ça qu'on s'est retrouvés en Vallée de Chevreuse, du côté d'Orsay,
00:08:18ou sur les bords de Marne à Champigny, en recourant notamment aux réseaux sociaux.
00:08:23C'est Yugué qui avait réussi à s'inscrire sur les réseaux sociaux, notamment WeChat,
00:08:28pour pouvoir identifier des lieux où les gens allaient cueillir.
00:08:32Dans cette présentation, je vais passer en vue 4 points.
00:08:38On va d'abord regarder le profil des cueilleuses.
00:08:42Je vous parlerai ensuite des pratiques, des valeurs qui sont associées à cette pratique, et des usages.
00:08:48On regardera les espèces qui sont cueillies, et les espaces qui se sont parcourus.
00:08:53Et enfin, j'évoquerai avec vous les conflictualités auxquelles ça peut donner lieu,
00:08:59les enjeux politiques aussi, et les politiques qui sont menées,
00:09:02et les questions plus larges de relations entre cueilleurs et espaces publics, qu'on verra.
00:09:08Notre premier résultat concerne le profil des cueilleuses,
00:09:13que nous avons établi à partir d'une approche plutôt intersectionnelle, croisant nos observations.
00:09:21On utilise le terme de cueilleuse parce qu'en fait, ce sont surtout des femmes qui cueillent,
00:09:27en très grande majorité. Les hommes ne sont pas absents, mais ils sont vraiment minoritaires.
00:09:32Ces femmes sont souvent âgées de plus de 60 ans.
00:09:35Et entre elles, elles se nomment tantines, en chinois, d'un terme plutôt affectueux.
00:09:42Elles ont toutes grandi en Chine pendant la révolution culturelle,
00:09:46qui a conduit 40 millions de jeunes citadins dans les régions rurales, entre 61 et 76,
00:09:52dans le cadre de migrations forcées.
00:09:55Et aujourd'hui, elles sont à la retraite, ou pas loin de l'être,
00:09:58et font fréquemment face aussi à des problèmes de santé,
00:10:03de ce qu'on a recensé, cancer, AVC, troubles liés à l'aménopause.
00:10:08On verra que ça a une influence, puisque la cueillette répond aussi à des questions de médecine.
00:10:13La plupart d'entre elles appartiennent aux classes plutôt populaires.
00:10:17Et celles qui sont stabilisées sont souvent ouvrières dans l'industrie agroalimentaire,
00:10:23ou employées dans la restauration.
00:10:26Tandis que celles qui sont plutôt précaires, plutôt minoritaires,
00:10:30travaillent dans le soin, plutôt en s'occupant du foyer,
00:10:36en s'occupant des petits-enfants, en restant à la maison,
00:10:39en étant nounou, femme de ménage.
00:10:41Et on a certaines catégories qu'on a rencontrées qui sont travailleuses du sexe également.
00:10:47Ces femmes sont souvent seules, en situation de célibat, de divorce ou de veuvage,
00:10:53mais elles sont souvent dans des situations terminales de cohabitation,
00:10:58avec la belle famille, avec les enfants,
00:11:01dans des foyers intergénérationnels, voire même dans certains cas dans des dortoirs,
00:11:06pour ce qui est des travailleuses du sexe.
00:11:09Il y en a quelques-unes qui s'investissent dans des associations,
00:11:12qui pratiquent des loisirs collectifs.
00:11:14J'ai évoqué avec vous hier la danse.
00:11:16C'est un vrai moment de sociabilité, qu'on peut voir assez simplement dans les parcs,
00:11:23dont vous voyez la photo.
00:11:26Alors leur profil est marqué par des parcours migratoires résidentiels pas simples, compliqués.
00:11:32Leur projet de migration, en général, il est d'abord motivé par des questions économiques,
00:11:37mais qui sont souvent déclenchées par des parcours de vie,
00:11:43comme le chômage, la maladie, le divorce, des violences cisconjugales.
00:11:47Et la migration vise souvent à soutenir des enfants ou des parents qui sont restés en Chine.
00:11:52Leur origine géographique est assez diversifiée,
00:11:56et très caractéristique de différentes vagues migratoires,
00:11:59qu'on peut identifier dans le temps,
00:12:01et qui mettent en jeu des régions différentes.
00:12:04Les Chinois de l'Asie du sud-est continental, par exemple,
00:12:09c'est le début des années 70.
00:12:11Cambodge, Laos, Vietnam.
00:12:13La Chine du sud, c'est plutôt une deuxième vague migratoire,
00:12:17dans les années 80.
00:12:19La province du Zhejiang, qui est au sud de Shanghai.
00:12:24Et dans cette province, la ville de Wenzhou,
00:12:28dont est originaire la grande majorité des populations chinoises
00:12:33qui tiennent des commerces et des restaurants.
00:12:37Et enfin, la Chine du nord,
00:12:41qui est évoquée ici au travers de la province de Liaoning,
00:12:45ou de Jilin,
00:12:47qui est une vague migratoire de la fin des années 90,
00:12:50qui est, elle, marquée par plus de pauvreté des femmes isolées.
00:12:54Et à noter aussi quelques cueilleuses du Tibet.
00:12:57Bon, je n'évoque pas ici des vagues beaucoup plus récentes
00:13:01de migration liées aux études dans les années 2000,
00:13:05mais qui ne sont pas le public qu'on a rencontré.
00:13:09Donc, elles disposent la plupart du temps de titres de séjour temporaire,
00:13:13ou alors elles sont sans papier, et elles ne parlent quasiment pas français.
00:13:17Elles réussissent à accéder à des logements dans des quartiers
00:13:21qui concernent les populations chinoises,
00:13:25dans Paris intra-muros, le Belleville ou le 18ème,
00:13:29en première couronne, au Bervilliers, la Courneuve,
00:13:33voire en deuxième couronne, du côté de Créteil, Palaiseau ou Plaisir.
00:13:37Alors, c'est ce que dit la diapo.
00:13:43En général, il y a une forme de désenchantement qui existe.
00:13:47Alors, je cite ici la citation du responsable d'Association Les Roses d'Acier,
00:13:55qui disait, après, la France, les gens vont te dire que c'est Sophie Marceau,
00:13:59c'est la Tour Eiffel, c'est Chanel, en Chine.
00:14:01C'est tout ce romantisme, ce luxe qui attire.
00:14:03On ne dit pas que c'est Barbès, Rochechouart ou Saint-Denis.
00:14:06Il y a quand même un idéal qui les guide vers la France.
00:14:10Alors, pour terminer ce portrait, je vous évoque juste le cas d'une personne
00:14:17qu'on a rencontrée, ça permet de personnaliser un petit peu,
00:14:21de donner à voir un peu le profit de ces femmes-là.
00:14:25Là, on est avec Jingyu Yin, qui est une femme de 65 ans,
00:14:31originaire d'un village de la province de Zhejiang, près de Wenzhou,
00:14:37qu'on a rencontrée via une association.
00:14:39En Chine, elle travaillait comme ouvrière dans le textile.
00:14:43Elle est arrivée en France en 2010, où elle a travaillé aussi comme ouvrière
00:14:47dans une usine de raviolis, jusqu'à sa retraite en 2022.
00:14:51Elle a quitté son mari, dont elle nous a dit qu'il était violent avec elle,
00:14:55et habite aujourd'hui avec sa fille, son gendre et ses deux petits-enfants,
00:14:59dans un appartement d'une soixantaine de mètres carrés, à la Courneuve.
00:15:03Elle touche à peu près 400 euros par mois, elle a un titre de séjour de 10 ans,
00:15:07et elle cueille dans la Courneuve.
00:15:10Et le jour où on est allé chez elle, elle ramassait des bêtes goji.
00:15:14À la Courneuve, elle ramassait des bêtes goji, et elle nous amenait ici,
00:15:21à la Cité des Sciences, pour ramasser des pissenlits.
00:15:24La photo que vous voyez d'elle ici à gauche, c'est prise sur la petite parcelle
00:15:28qui est à l'entrée, dont on vous disait qu'elle était un petit peu difficile à identifier.
00:15:33Il y a des femmes qui cueillent ici, des pissenlits.
00:15:36Et du coup, elle nous a ensuite proposé de venir chez elle pour manger tout ça.
00:15:41Et pour terminer le portrait, il y a aussi la dimension médicinale,
00:15:46puisqu'elle nous a expliqué qu'elle se remettait par ailleurs d'un cancer de l'estomac.
00:15:50Je trouvais intéressant de partager la biographie de cette femme,
00:15:56parce qu'elle est assez représentative de ce qu'ils sont, ces femmes qui cueillent.
00:16:07Donc ça me fait le lien avec cette diapos là.
00:16:10Les pratiques de cueillette sont fortement ancrées dans des savoir-faire du pays d'origine,
00:16:17autour du principe de l'aliment médecine.
00:16:20Les plantes cueillies servent à agrémenter la cuisine du quotidien,
00:16:26comme on le voit dans ce tableau qui recense les recettes à base de plantes sauvages
00:16:31d'une cueilleuse chinoise des Bordes-de-Marne.
00:16:34Alors j'avais une petite vidéo qui nous a été envoyée.
00:16:38Je ne sais pas si ça marche.
00:16:44Le son sort de mon ordinateur.
00:16:47Elle nous avait envoyé une vidéo pour nous expliquer comment préparer ce qu'elle avait ramassé.
00:16:54Donc l'idée de la cueillette, c'est un complément.
00:16:57C'est aussi retrouver des saveurs qui sont des saveurs culturellement très ancrées du pays d'origine.
00:17:06J'y reviendrai après, mais c'est par exemple le cas de l'ail des ours qui est cueilli en Vallée de Chevreuse,
00:17:13qui sert à confectionner des raviolis, qui n'est pas présent en Chine a priori,
00:17:18mais dont le goût se rapproche d'une autre espèce qu'on a identifiée comme étant la ciboule chinoise
00:17:26et qui donne en fait le même goût au plat.
00:17:32Je ne détaille pas tout le tableau, mais voilà un peu l'idée.
00:17:44Donc l'usage alimentaire des plantes, il est aussi, ce que je disais en commençant, indissociable de l'usage médicinal.
00:17:51Elle est liée à une imbrication et des usages qui est constitutive de la médecine chinoise,
00:17:56selon le principe de l'homologie, comme le rappelle la cueilleuse qu'on cite ici.
00:18:02C'est l'homologie de la médecine et de l'alimentation, et qui renvoie à un dicton dont on nous a parlé,
00:18:11où on retrouve cette idée, alors je ne vous le dirai pas en chinois,
00:18:15médicaments, nourriture, même source, si on traduisait la série de mots qui est ici.
00:18:25Cet attachement en fait à la médecine chinoise, il est aussi, il est très ancré,
00:18:30mais il est aussi à remettre dans le contexte d'un accès aux soins qui est limité pour elle.
00:18:35C'est compliqué pour ces femmes de se rendre à l'hôpital ou se faire soigner en ne parlant pas la langue.
00:18:41C'est d'ailleurs souvent une vocation des associations que de leur faciliter les démarches administratives
00:18:45et de leur permettre de se repérer.
00:18:47Mais face à cet obstacle, qui est quand même très fort, le lien aux plantes,
00:18:52c'est aussi là un complément médicinal pour les aider.
00:19:02Ce que nous disait d'ailleurs le responsable de l'association Les Roses d'Acier,
00:19:08je ne vous ai pas mis la citation à l'écran, moi je l'ai moi,
00:19:11comme elle ne parle pas le français, il y a très peu de médecins généralistes qui parlent chinois,
00:19:15et du coup l'automédication est une pratique très courante.
00:19:18Donc réguler le corps par les herbes, c'est aussi une culture en nous.
00:19:22L'usage médicinal des plantes est d'ailleurs celui qui est mis en avant par les gestionnaires.
00:19:27Quand on demande aux gestionnaires, quand ils interagissent avec les personnes,
00:19:34quand quelques mots sont échangés, c'est le mot médicament qui ressort systématiquement.
00:19:40C'est ce que j'évoque là à la fin.
00:19:44Pourtant les motivations de la cueillette ne sont pas réductibles à la nécessité de se nourrir ou de se soigner.
00:19:53J'ai déjà évoqué la question de la perpétuation d'une identité culturelle,
00:20:01mais c'est aussi une pratique récréative,
00:20:04qui est prétexte à une sortie en nature, à une balade en forêt,
00:20:08d'avoir une activité collective, de faire ça en groupe,
00:20:12de se retrouver entre amis ou en famille, d'avoir de l'activité physique,
00:20:17qui participe plus généralement de cette hygiène de vie.
00:20:22Une femme qu'on a rencontrée à Orsay, qui parlait un peu français, nous a dit
00:20:26c'est pour montrer un peu de nature aux enfants, un peu sortir, pas être dedans, devant un écran,
00:20:31pas tout le temps travailler ou être enfermé à la maison.
00:20:34Ils sont super mieux ici qu'à la maison.
00:20:39Pour finir, l'activité de cueillette, elle participe à l'économie du foyer,
00:20:44au sens où évidemment ça va être incorporé aux recettes,
00:20:49mais on n'a pas constaté d'activité commerciale.
00:20:54On avait cette hypothèse là au départ, qu'il y avait peut-être des réseaux informels
00:20:59de cueillettes, de plantes sauvages, nous n'en avons pas observé.
00:21:07Donc il n'y a pas de revente qu'on a vue.
00:21:12Alors, ces savoir-faire autour de la cueillette donnent lieu à des circulations
00:21:21de connaissances et de savoirs qui sont transnationales au sein même de la diaspora chinoise.
00:21:27L'acquisition de ces savoir-faire, qui sont des savoir-faire botaniques,
00:21:31il faut identifier les plantes, elle a d'abord eu lieu en Chine,
00:21:36via une transmission intergénérationnelle, et le nombre des femmes rencontrées
00:21:42nous témoignent de ça, c'est ce que dit Youyin Jin.
00:21:46Mon père en savait beaucoup sur la phytothérapie, il m'élevait comme un fils
00:21:50et m'enseignait beaucoup de choses sur les herbes.
00:21:53En France, via une transmission internationale qui passe par les amis, les voisins.
00:22:02Il y a aussi un accès à des traités botaniques qui sont assez bien édités en chinois
00:22:12autour des vertus médicinales alimentaires des plantes et auxquelles les femmes ont accès.
00:22:18Et la diffusion des connaissances se fait beaucoup par le bouche-à-oreille
00:22:24mais aussi les réseaux sociaux chinois dans la diaspora.
00:22:30On a même pu observer parfois des femmes qui cueillaient, reconnaissaient pas une plante,
00:22:38la prenaient en photographie, l'envoyaient à quelqu'un qui était en Chine,
00:22:42qui servait à l'identification pour que celles qui étaient en France puissent confirmer que c'était bien ça.
00:22:48On verra après que parfois, d'ailleurs, ça donne des contours très flous aux espèces dont on parle.
00:22:53En fait, on est parfois dans des ressemblances qui ont des caractéristiques gustatives similaires
00:22:58mais qui ne sont pas la même espèce.
00:23:01Donc ce fonctionnement par réseau fonctionne très bien.
00:23:09Il fonctionne d'autant mieux que souvent on s'est retrouvé à nous parler à Aubervilliers, à Montmorency, à Champigny
00:23:20de la même parcelle en vallée de Chevreuse, très clairement située, où tous la connaissent
00:23:27qui est clairement identifiée parce que c'est des informations qui circulent sur l'aile des eaux,
00:23:33notamment sur les lieux de cueillette.
00:23:40Pour illustrer aussi ce savoir-faire, je ne l'ai pas mis à l'écran, j'aurais pu le mettre,
00:23:46je vous cite Youyin encore qui nous parle de la connaissance des plantes.
00:23:51Elle nous dit, bref, les étrangers ont beaucoup d'herbes mais ils ne les connaissent pas,
00:23:55mais ils ne nous laissent pas les cueillir non plus, ils ne savent pas à quoi elles servent
00:24:00et nous ne leur disons pas.
00:24:02Il y a une défiance qui existe vis-à-vis de la pratique, parce qu'elle est interdite,
00:24:07et donc on verra après qu'elles sont souvent montrées du doigt.
00:24:10Et il y a vraiment une différence de savoir et de connaissance vis-à-vis de ce paysage végétal,
00:24:16de cette grille de lecture qui, elle, leur permet d'attraper finalement dans les jardins
00:24:24des plantes auxquelles on ne ferait pas attention sinon.
00:24:28Donc, dans cette troisième partie qui est consacrée aux espèces et aux espaces de la cueillette,
00:24:33je vais voir avec vous comment la cueillette de plantes par ces populations asiatiques
00:24:38donne à voir une flore urbaine et des espaces verts sous un nouveau jour,
00:24:44et montre en fait des relations écologiques en marge ou marginale.
00:24:51Alors c'est là qu'on va toucher peut-être un peu à l'invisible, en tout cas au discret, au peu visible.
00:24:58On a extrait de nos entretiens et nos observations une liste de 65 espèces
00:25:03mentionnées par les cueilleuses comme étant cueillies,
00:25:06et le graphique vous montre celles qui sont mentionnées cinq fois et plus.
00:25:11Vous voyez ici le pissenlit qui est le champion de toute catégorie, j'y reviendrai,
00:25:18mais on a le chèvrefeuille du Japon aussi, le plantain, l'ail des ours, l'armoise,
00:25:23en tout cas au niveau du genre, le ginkgo, la laitue sauvage, le goji ou le lycée,
00:25:31et l'ortie, qui reviennent assez souvent.
00:25:36Je disais le pissenlit le roi des espèces cueillies, ça revient très souvent dans les enquêtes,
00:25:43et dans nos observations. Alors je cite là encore Yu Yin qui nous dit
00:25:49le pissenlit est un trésor, le pissenlit est partout en France, dans les parcs,
00:25:53nous ne pouvons même pas le faire en Chine, je vous le dis, il y a très peu de pissenlits en Chine,
00:25:58ils sont essentiellement cultivés ici en France, ils sont tous sauvages.
00:26:06Pour faire écho à la citation que je disais tout à l'heure du gestionnaire de l'association
00:26:10qui disait que la migration ne donne pas accès à Sophie Marceau ou à la tour Eiffel,
00:26:14mais les populations finalement trouvent d'autres types de richesses insoupçonnées
00:26:18par ces connaissances là, qui sont insoupçonnées des parisiens eux-mêmes,
00:26:23non visibles des parisiens eux-mêmes. Alors le pissenlit il est emblématique, pourquoi ?
00:26:27Parce que c'est caractéristique de ces plantes alimentaires dont on peut faire plein de choses,
00:26:31et qui ont aussi des vertus médicinales, que je liste ici mais que je ne vais pas vous le dire à l'oral.
00:26:38On a juste mis à côté une copie de la page d'un ouvrage qui date de plusieurs siècles,
00:26:49qui s'appelle le Ben Cao Gang Mu en chinois, ou en anglais vous le trouvez sur le nom de
00:26:56Compendium of Materia Medicae, il n'a pas été traduit en français,
00:27:00mais c'est une somme de à peu près 8 ou 9 tomes de 1500 pages chacun,
00:27:07de toutes les vertus des plantes vis-à-vis de la médecine chinoise,
00:27:14et qui sont des choses que ces femmes là finalement connaissent et mettent en oeuvre.
00:27:20Un ouvrage à viser, vous voyez par le dessin, un botanique, vraiment d'identification aussi.
00:27:29Ce qu'il faut retenir globalement de cette flore cueillie, c'est qu'elle transcende les catégories admises dans le champ de l'écologie,
00:27:36notamment du point de vue de la protection de la biodiversité,
00:27:39mais aussi vis-à-vis des catégories gestionnaires entre plantes horticoles, plantes sauvages.
00:27:44Les cueilleuses focalisent leur attention sur tout type de plantes, tout type de contexte.
00:27:50Les plantes des interstices, celles que l'épice en lit, le plantain, les laitues,
00:27:55on a vu aussi ramasser des capsules boursapasteurs, du pourpied, des armoises, des orties,
00:28:01mais aussi des plantes horticoles de jardin, comme le chèvrefeuille du Japon, le ginkgo, le goji, les bambous, même des poiriers.
00:28:11Et enfin aussi des plantes des milieux naturels, comme l'ail des ours, que vous ne trouverez pas dans les parcs et jardins,
00:28:18mais plutôt dans les vallées fraîches de la périphérie parisienne.
00:28:23Et aussi des champignons. On en parlait hier des champignons.
00:28:26Elles cueillent des champignons, même si on n'a pas recensé les espèces.
00:28:35Cette citation de Madame Lynn illustre le regard porté sur le chèvrefeuille du Japon,
00:28:40qui est en décalage avec son utilisation dans les parcs.
00:28:44Elle nous dit que le chèvrefeuille est abondant dans les banlieues.
00:28:46Beaucoup de clôtures en dehors de Paris sont couvertes de chèvrefeuille.
00:28:50Les français l'utilisent comme haie.
00:28:52Vous voyez le décalage de perception finalement d'une même plante par rapport aux usages.
00:28:59Ce sont les fleurs, notamment, qui sont ramassées comme infusions,
00:29:05et qui ont des vertus médicinales aussi sur le soin, notamment les rhumes, la gorge.
00:29:13Je n'ai plus exactement en tête, mais c'est de ce registre-là.
00:29:17D'ailleurs, ce chèvrefeuille est intéressant,
00:29:20parce qu'il est aussi représentatif d'un intérêt marqué pour les plantes qui viennent d'Asie.
00:29:25Elles sont choisies par les gestionnaires en général pour des qualités esthétiques,
00:29:30voire de robustesse.
00:29:32On disait tout à l'heure que les plantes souffrent en ville,
00:29:34et que le fait de choisir une espèce, il y a ce critère-là,
00:29:37d'aller choisir une espèce qui va correctement résister à l'urbain.
00:29:42Et on a comme ça des espèces qui se sont retrouvées sur les trottoirs parisiens,
00:29:46ou dans les haies.
00:29:48Et ce qui se produit, c'est qu'en croisant ces espèces à Paris,
00:29:55ces femmes-là retrouvent tout simplement des plantes qui poussent chez elles.
00:29:59Alors le chèvrefeuille du Japon, contrairement à ce que son nom l'indique,
00:30:02il pousse en Chine aussi, et de manière plus spontanée.
00:30:10La question des espèces exotiques envahissantes,
00:30:14pareil, ce n'est pas une grille de lecture opérante.
00:30:17Elle cueille de la renouée du Japon,
00:30:20les jeunes pousses sont ramassées pour être cuisinées.
00:30:24Ce registre-là n'est jamais mobilisé d'espèces envahissantes.
00:30:30On les connaît, on sait ce qu'on peut faire avec,
00:30:33ça poussait en Chine quand j'étais petit,
00:30:35dans mon village dont je venais, etc.
00:30:37C'est tout.
00:30:39C'est vraiment l'usage qui va donner la grille de lecture.
00:30:43J'expliquais avant que ça peut donner lieu à des confusions,
00:30:52parce que, par exemple, l'ail des ours et la ciboule,
00:30:56c'est bien clair que ce sont deux espèces différentes.
00:30:58Elles le savent parce qu'elles ont repéré que la forme des feuilles n'était pas la même.
00:31:01La ciboule est plus allongée, alors que l'ail des ours est plus renflé.
00:31:06Par contre, pour ce qui est du lycée, enfin le goji,
00:31:09qui est le lycée chinois,
00:31:11on n'a pas été capable de savoir si c'était du lycée européen,
00:31:16parce que les deux espèces existent,
00:31:18et qu'en fait le lycée chinois a les mêmes fruits, les mêmes feuilles,
00:31:21et que peu importe l'espèce, ça marche dans les deux cas.
00:31:25Pour ce qui les concerne, elles vont l'appeler du même nom.
00:31:29Donc il y a ces translations d'espèces qui sont assez marrantes
00:31:33et qui perturbent pas mal la grille de lecture.
00:31:38La pratique de la cueillette donne lieu, d'un point de vue spatial maintenant,
00:31:43à des formes d'itinérance, voire de vagabondage.
00:31:48C'est-à-dire qu'elle se laisse un petit peu porter sur des mobilités
00:31:53au gré de ces cueillettes.
00:31:56Mais ce n'est pas anodin, parce que par ces mobilités,
00:32:00elles renforcent finalement un habité à l'échelle du quartier,
00:32:05mais aussi à l'échelle de la métropole.
00:32:07Ting Chen, qui est le responsable de l'association des roses d'acier,
00:32:10nous disait, elles peuvent prendre le RER B pour aller très loin,
00:32:13car elles ont des cartes à tarif réduit, la distance n'est pas un problème.
00:32:17C'est plus là où il y a un bon paysage, et il y a moins de monde,
00:32:20et il y a des herbes qui poussent, on peut aller cueillir là-bas.
00:32:24Donc quelle que soit la durée du déplacement, une fois sur place,
00:32:28en revanche, ce sera cette échelle micro-locale
00:32:31qui va attirer l'attention des personnes,
00:32:35et elles vont choisir tout espace qui va se prêter à la présence de plantes.
00:32:41Lui nous racontait une anecdote dans le cadre de son association.
00:32:46Il a organisé une sortie au château de Versailles,
00:32:51et arrivés sur place, les trois quarts des femmes ont sorti
00:32:56leurs petits sacs plastiques pour se mettre à cueillir,
00:32:59et on n'avait absolument rien à faire du château,
00:33:02et étaient par contre ravis d'avoir en profusion
00:33:06une quantité d'espèces à ramasser et à utiliser.
00:33:09Donc elles ont toujours dans leurs poches un sac, au cas où.
00:33:15Donc voilà les espaces, vous en reconnaîtrez un, dans les trois.
00:33:21Dans le cœur de l'agglomération, les itinéraires des cueilleuses
00:33:25vont vraiment mettre en lumière une sorte de micro-micro-tramverte.
00:33:29Faites de délaissés, faites de tâches de gazon, faites de pieds de clôture ou d'arbres,
00:33:35voire de rebords de murs ou de trottoirs,
00:33:39qui sont considérés un peu comme des coins, un peu comme les coins à champignons.
00:33:44La femme dont vous voyez, alors ça c'est Youyoué qui est en bas à droite,
00:33:47mais au fond vous voyez la femme qui nous a montré à Belleville,
00:33:50elle nous a fait faire tout un serpentage dans le quartier,
00:33:53parce qu'elle avait en tête l'oxalis, dont elle se souvenait qu'elle poussait quelque part,
00:33:58et avant qu'elle s'en souvienne, elle l'a ciblée,
00:34:02vous voyez on est en fond d'une cour qui pousse sur un rebord,
00:34:05et l'oxalis elle l'utilisait pour les problèmes rénaux de son mari.
00:34:09Donc c'était ça.
00:34:13La dame au milieu qui cueille là, vous voyez c'est du puissant lit
00:34:17sur le bord du canal à Aubervilliers, le long d'une clôture.
00:34:21Et là c'est Youyoué qui nous avait emmené, vous voyez bien où on est,
00:34:26c'est la parcelle devant la cité des sciences.
00:34:30Dans les espaces végétalisés un peu plus conséquents,
00:34:33ce qui est étonnant de remarquer, c'est que finalement, là aussi,
00:34:36elles ciblent les marges, les franges.
00:34:39Sur les bords de Marne, les cueilleuses se focalisent ainsi sur les côtés herbeux.
00:34:44Dans le parc de Belleville, elles vont aller dans les espaces de gestion différenciée,
00:34:48qui les intéressent. En vallée de Chevreuse, secteur réputé de promenade,
00:34:53de nature aux portes de l'agglomération parisienne,
00:34:56elles vont cibler cette fameuse parcelle dont je vous ai parlé,
00:34:59qui est en fait un coin de bois abandonné derrière la gare du RER B
00:35:03sur le campus d'Orsay, qui n'est absolument pas fréquentée,
00:35:06que aucun chemin ne permet d'identifier, mais il y a de l'ail des ours.
00:35:12Donc c'est cette focalisation finalement sur la ressource.
00:35:16Donc ça témoigne en fait d'une très faible attention au mode de gestion,
00:35:21comme on atteste aussi les nombreux gants en caoutchouc qu'on a retrouvés
00:35:25dans les bois d'Orsay, parce que pour cueillir l'ail, des ours,
00:35:29ils ont des sacs, ils ont des couteaux, ils ont des gants en caoutchouc.
00:35:32Et quand ils s'en vont, il y a quand même pas mal qui ont tendance
00:35:35à laisser les gants sur place.
00:35:38Mais on peut aussi y voir une forme de remise en cause des modes de gestion,
00:35:46comme en témoignait tout à l'heure la citation de Yuyin Jin,
00:35:50qui faisait référence aux étrangers, sous-entendu les français.
00:35:55Alors, dernier point de cette présentation, ça me donne une transition
00:36:01sur ces enjeux de tolérance, stigmatisation des cueilleuses chinoises
00:36:07vis-à-vis des gestionnaires.
00:36:10La cueillette est une activité officiellement interdite dans les parcs et jardins.
00:36:18Et le tableau qui vous est présenté ici synthétise différents contextes rencontrés,
00:36:26selon que vous êtes à Paris, sur des parcs en Seine-Saint-Denis,
00:36:34sur des friches ou dans des forêts.
00:36:38Pour ce qui est de Paris, c'est tout simplement interdit.
00:36:43Je vous donne les extraits du règlement.
00:36:47Et pour ce qui est des forêts, on a une limitation, une autorisation sous condition.
00:36:53Si on prend des exemples de lieux où la cueillette est interdite,
00:37:07ce qu'on voit, c'est que cette interdiction est quand même l'objet de l'appréciation des gardes,
00:37:14qui, en fonction de différents paramètres, vont plus ou moins tolérer les choses.
00:37:20Alors, ça dépend du profil des gestionnaires, d'une part.
00:37:26Leur statut va jouer.
00:37:29Les jardiniers, par exemple, sont assez bienveillants.
00:37:33Alors que les gardes sont en charge de l'application du règlement.
00:37:39Alors du coup, eux, forcément, ils vont appliquer le règlement.
00:37:42Ce qui n'est pas une mission qui est un combo jardinier.
00:37:45Mais il va y avoir aussi une différenciation en fonction de l'âge et de la trajectoire professionnelle
00:37:50et du rôle des jardiniers et des gardes.
00:37:55Si on devait forcer le trait, les individus plus jeunes,
00:37:58qui ont présenté souvent un parcours de reconversion professionnelle vers le métier jardinier,
00:38:03donc avec une fibre environnementale qui est plus affirmée,
00:38:07vont apparaître plus tolérants vis-à-vis de ces pratiques,
00:38:10par rapport à des personnes plus âgées, formées dans les années 80,
00:38:13à des pratiques horticoles très strictes,
00:38:16où on ne s'approche pas, on ne touche pas, c'est fait pour faire joli.
00:38:21Donc moins sensibles à l'écologie.
00:38:24Cette tolérance, elle varie aussi en fonction des espaces verts.
00:38:28C'est pour ça que je vous ai mis ici deux cas.
00:38:30Le parc de Belleville à gauche et le parc Georges Valbon à la Courneuve à droite.
00:38:36Ces deux espaces sont contrastés du point de vue de la taille.
00:38:39Il y en a un qui fait 410 hectares, Georges Valbon, et l'autre qui en fait 4,5, Belleville.
00:38:44Valbon a 350 hectares d'espace classé nature à 2000.
00:38:50Ce n'est évidemment pas le cas à Belleville.
00:38:53Et les deux ont en commun de s'inscrire dans des quartiers où les populations chinoises sont présentes.
00:39:00Le parc de Belleville, lui, il apparaît comme un espace vert de proximité
00:39:04pour les populations chinoises qui sont très présentes dans le parc.
00:39:07Si vous y alliez tous les matins, de janvier à janvier, à 9h30 jusqu'à 11h, il y a des gens qui y sont.
00:39:16Les femmes font de la danse et les hommes font du ping-pong ou des jeux de cartes en général.
00:39:23Et eux, la proximité, la vie de quartier fait que les gardes, les jardiniers sont en contact très régulier
00:39:31avec ces populations-là et échangent plus volontiers avec eux.
00:39:35Il y a des conversations qui s'engagent. Il y a même des dispositifs qui se mettent en place.
00:39:40Les jardiniers échangent leurs parterres floraux deux fois par an pour renouveler à l'été et à l'hiver.
00:39:46Eh bien, il s'est mis en place une espèce d'échange des bulbes.
00:39:50C'est-à-dire que les bulbes dont on n'aura plus besoin pour la saison sont récupérées par certaines populations pour replanter,
00:39:55notamment les populations chinoises.
00:39:57Donc il y a ces rapprochements qui se font dans le cadre de cette vie de quartier, de cette proximité.
00:40:01Les jardiniers nous ont ayant par ailleurs dit qu'ils étaient complètement habitués à travailler le matin
00:40:06sur fond de musiques chinoises qui servent à la danse.
00:40:11Dans le parc Georges Valbon, avec cette superficie beaucoup plus conséquente,
00:40:15ces enjeux de fonctionnement interne de la structure avec une équipe beaucoup plus grosse,
00:40:21un système de reporting des règles, le classement Natura 2000,
00:40:26ça donne lieu à une approche totalement différente de saisie,
00:40:32et de saisie des collectes dans le règlement, avec les sacs qui sont ramassés et écrasés.
00:40:42On nous a dit qu'elles se mettaient par terre, elles devaient marcher sur leurs cueillettes pour ne plus les utiliser.
00:40:49Elles étaient reconduites à la sortie.
00:40:51Il y a un reporting précis, en 2022, il y a 78 rapports journaliers qui ont été faits sur le sujet,
00:40:59avec des pics en avril-mai-juin, ça fait 153 notations de cette pratique en une année.
00:41:07Evidemment, ce n'est pas du tout la problématique principale des gestionnaires des gardes,
00:41:14ni à Valbon, ni à Belleville.
00:41:20Il y a d'autres enjeux qui sont plus problématiques.
00:41:23Georges Valbon, il ne s'en passe des vertes et des pas mûres.
00:41:30Mais ça reste vu quand même comme une pratique qui n'est pas complètement adaptée aux espaces verts, à la gestion,
00:41:38et qui rentre quand même un peu en l'expression marcher sur les plates-bandes,
00:41:43elle fonctionne très bien, en gros ça marche sur les plates-bandes littéralement des gestionnaires.
00:41:50Alors les gestionnaires soulèvent plusieurs problèmes quand on les interroge.
00:41:55La question de la surexploitation de la ressource, souvent évoquée.
00:41:59On a même pu entendre parler de rats de zira dans leur bouche.
00:42:02On a pu aussi parfois observer des prélèvements en quantité importante d'ail des ours, notamment à Orsay,
00:42:10ou alors de capsules boursapasteurs à Valbon.
00:42:15La photo que vous voyez, les sacs sont remplis de capsules, qui est ici, en haut à droite.
00:42:21On a pu évoquer aussi, des gestionnaires ont pu évoquer des questions de dégradation de l'espace et du paysage.
00:42:30Notamment un membre d'un jardin partagé craignait par exemple que toutes les fleurs de chèvrefeuille soient ramassées,
00:42:37alors qu'elles sont là pour faire joli, et pas pour être mangées.
00:42:42Et enfin, certains ont évoqué la perturbation d'un fonctionnement écologique du milieu,
00:42:50comme étant une nuisance vis-à-vis des autres espèces.
00:42:54Le fait de cueillir des fleurs, ce serait autant qu'il n'y aurait pas pour les abeilles, ou les oiseaux, pour les fruits, pour les baies.
00:43:01Pour autant, plusieurs cueilleuses sont loin d'être inattentives à ces plantes,
00:43:08et il y a une forme de soin qui est présente, et la question du discernement ressort dans les enquêtes.
00:43:14C'est ce que nous disait Youyin, ici que je cite, mais il ne faut pas les cueillir sans discernement.
00:43:20D'autres ont planté du chèvrefeuille ou du gogi, ça le gogi il y en a beaucoup.
00:43:23Si on en cueille un peu, ce n'est pas grave, mais plus les gens du parc le verront aussi.
00:43:28Et ce qui me donne lieu, avant de conclure à cette dernière slide, à des stratégies qui permettent aux femmes de se positionner.
00:43:45On a constaté des formes de discrimination, de moqueries aussi,
00:43:51qui sont liées à la barrière de la langue, où on nous parle de femmes, on a même eu le droit à des imitations un peu gênantes sur ces femmes-là.
00:44:05Et du coup, la conséquence, c'est que ça induit à une forme de discrétion.
00:44:10Ce que dit Madame Wang, par exemple, ici que je cite,
00:44:14Quand on sort du parc, parfois ils nous confissent nos sacs, donc chaque fois qu'on les voyait, on partait.
00:44:18J'ai entendu qu'on a demandé à quelqu'un de payer une amende de 30-40 euros.
00:44:22C'est mieux de cueillir toute seule, on est plus en sécurité, de plus on ne comprend pas de quoi parlent les français.
00:44:28La barrière de la langue, il y a un vrai problème pour expliquer ce qu'on fait.
00:44:32Donc il y a des stratégies pour éviter ces confrontations qui sont toujours un peu humiliantes vis-à-vis de leurs pratiques.
00:44:40Alors en conclusion, on a des pratiques de femmes migrantes plutôt précaires,
00:44:47qui sont de subsistance pour partie, de soins et aussi de loisirs,
00:44:51qui donnent lieu, dans un rapport aux jardins, aux espaces verts, à des formes de vagabondage,
00:44:57mais qui sont quand même très ancrées dans des quartiers, dans des micro-échelles,
00:45:00et qui restent discrètes, en marge, voire transgressives vis-à-vis des règlements.
00:45:07Alors si je devais conclure, ce n'est pas tellement le but de la présentation d'aujourd'hui,
00:45:10mais sur ces histoires d'écologie, est-ce que finalement, là, ça ne donnerait pas à voir d'autres formes d'écologie,
00:45:17au sens de la relation, en fait, au milieu, et de la manière d'investir les milieux,
00:45:23sous la forme d'un peu d'un compagnonnage végétal transnational,
00:45:28qui serait invisibilisé, invisible, visibilisé, voire dévalorisé.
00:45:35Voilà, je m'arrête là.
00:45:38Merci. Moi, j'avais une question. Par rapport, quand vous nous avez présenté le lien entre automédication et cueillette de plantes,
00:46:01vous avez parlé, en premier lieu, des difficultés d'accès aux soins.
00:46:05Et ça, je voulais savoir si c'était plus, vous, une conclusion de chercheur.
00:46:09Parce qu'après, vous nous avez montré un verbatim en disant « c'est la culture en nous ».
00:46:15Vous nous avez présenté d'autres verbatims qui disaient qu'il y avait un savoir-faire avec une volonté de transmission intergénérationnelle.
00:46:25Et du coup, je voulais savoir si, elles, dans leurs entretiens, elles ont parlé, en premier lieu, des difficultés d'accès aux soins.
00:46:36Elles ont relié ça en premier lieu, ou c'est vous qui avez fait ce choix-là, ou c'est une conclusion de chercheur. Je ne sais pas.
00:46:44Alors, il y a des articles qui ont été écrits sur le sujet.
00:46:47C'est-à-dire que de collègues sociologues, notamment, qui ont suivi ces parcours-là.
00:46:53Et après, ça nous a été dit.
00:46:55On a beaucoup pu échanger avec l'association qui s'occupe des travailleuses du sexe de Belleville.
00:47:02Et lui nous disait que c'est un vrai souci, en fait, de se retrouver dans un hôpital, quand on ne parle pas la langue.
00:47:11On ne sait pas ce qui nous arrive, et de trouver des interprètes dans ces institutions-là, aussi.
00:47:16Donc, il y a une méfiance qui conduit même, parfois, certaines à revenir en Chine, soigner leur cancer.
00:47:23Parce que plus simple, en fait.
00:47:26Sans parler, ensuite, de toutes les démarches administratives qu'il faut régler.
00:47:30Et donc, ça nous a été dit.
00:47:32On ne posait pas la question.
00:47:37Après, pour ce qui est du soin, c'est pareil. C'est un résultat d'enquête.
00:47:40Ça nous a été dit pareil. On se soigne avec ça.
00:47:43Ça répond à la...
00:47:48Oui, oui, j'imagine vraiment que c'est un facteur important.
00:47:52Mais juste, je voulais savoir si c'était vraiment le facteur prédominant ou pas.
00:47:56C'est plus ça.
00:47:58Non, pardon, je me suis mal exprimée.
00:48:01Le fait, le lien entre l'automédication via les plantes médicinales.
00:48:07Est-ce que le premier facteur de cette automédication, c'est des difficultés d'accès aux soins?
00:48:12Non, je ne pense pas.
00:48:14Je pense que d'abord, c'est cette pratique culturelle très marquée, en fait.
00:48:19Ça fait partie de leur rapport aux espaces verts.
00:48:22Elles se promènent et dans un rapport préventif à la santé aussi.
00:48:30Quand elles ont des maladies graves, évidemment, elles ne vont pas se manier qu'avec un cercle de plantes.
00:48:35Mais par contre, dans la santé au quotidien, ça fait partie d'une pratique culturellement ancrée, je dirais.
00:48:47Les Européens accueillent, enfin les Français en tout cas, accueillent plein de trucs, des champignons, des châtaignes.
00:48:52Mais pas en ville, parce que la nature est perçue comme dégradée.
00:48:59Et est-ce qu'en ville, il y a des hydrocarbures?
00:49:04Est-ce qu'il y a des contaminations?
00:49:07Est-ce qu'il y a des dangers particuliers à accueillir en ville?
00:49:13L'accueillette, effectivement, en Europe, elle est très présente dans les milieux ruraux.
00:49:18Elle est encore toujours vivace, d'ailleurs.
00:49:20Et en ville, c'est assez récent, il y a un arrivé de ces pratiques en ville, y compris de la part de la population européenne.
00:49:27Ça, ça, on l'avait documenté dans un autre projet, avant.
00:49:31Donc, ça arrive aussi.
00:49:34Pour ce qui est de la pollution, alors, c'est en tout cas présent, ça ressort.
00:49:41On ne cueille pas là parce que c'est trop au bord de la route.
00:49:45Alors, pour ce qui est des femmes chinoises, c'est présent aussi chez les cueilleurs parisiens, citadins, français.
00:49:53Qui ont aussi des stratégies vis-à-vis de la proximité à la route au moment de cueillir.
00:49:59Ce qui ressort aussi beaucoup, c'est la question des chiens.
00:50:02Et donc de laver, en fait.
00:50:05Quand elles ont une plante qu'ils intéressent vraiment et qu'elles ont un doute, c'est laver.
00:50:09Avec du vinaigre, c'est bouillir.
00:50:12Après, nous, on n'a pas documenté ça, la pollution aux hydrocarbures.
00:50:17Il y a des projets qui existent pour voir ce que les fruits urbains, les plantes urbaines contiennent.
00:50:22Donc, c'est identifié par les cueilleurs.
00:50:28Ils en ont conscience.
00:50:30Ils s'adaptent.
00:50:32Et il y a quand même, vous avez vu dans un verbatim, l'idée de la bonne nature qu'on va chercher loin.
00:50:37Mais quand on est accroché de chez soi, on va être vigilant à des micro-effets.
00:50:43Ah non, là, les chiens vont ici.
00:50:45Donc, je vais me mettre juste là.
00:51:01Je crois que la question a déjà été répondu juste avant, mais je vais quand même la poser.
00:51:05Est-ce que du coup, c'est plus lié au fait que ces femmes soient précaires
00:51:12ou est-ce que c'est vraiment lié à leur culture, le fait qu'elles cueillent ?
00:51:16Ma question, c'est aussi sous-entendre, est-ce que les Européens, ils cueillent en situation de précarité aussi
00:51:25ou c'est vraiment quelque chose qui est culturel ?
00:51:28Alors, la cueillette précaire, c'est la réalité des campagnes du XIXe siècle, voire même avant encore, voire XXe siècle.
00:51:45Et les collègues ont montré, il y a un numéro de la revue qui s'appelle l'étude rurale de 1982
00:51:52qui fait un état des lieux de ces questions-là pour la lausère et qui montre un basculement
00:51:58entre des pratiques qui étaient précaires, donc c'est un soutien à l'économie, on revend les plantes sur les marchés,
00:52:04on s'en nourrit même, et l'arrivée des populations urbaines qui vont faire revivre ces pratiques dans une logique de loisirs.
00:52:12Et ça, c'est très présent encore de nos jours sur les champignons, sur les châtaignes, sur des espèces comme ça,
00:52:24des choses très ciblées quoi, et qui sont pas liées du tout à la précarité, qui sont vraiment dans une perspective de loisirs.
00:52:32Par rapport à ces femmes-là, la précarité, elles sont relativement précaires, mais elles n'ont pas de faim,
00:52:38elles vont faire leurs courses au supermarché, et en fait c'est un complément.
00:52:43Forcément, ça joue un petit peu dans la note, à la fin du mois, d'avoir incorporé des ours pour agrémenter les repas,
00:52:48mais elles vont quand même faire leurs courses. Et comme elles ne sont pas désociabilisées,
00:52:54elles ont quand même accès, via leur famille, leurs gendres, nièces, cousins, que sais-je encore, à de la solidarité aussi là-dessus.
00:53:06Donc c'est pas une précarité qui les mettrait dans la famine.
00:53:12Oui, il y a une dimension culturelle très forte.
00:53:16Moi je voulais savoir si, vous avez dit tout à l'heure que c'était pas une valeur marchande,
00:53:29elle revende pas ce qu'elle cueille, est-ce que dans ce cas-là, elle le diffuse, elle le partage, elle le troque autour d'elle ?
00:53:36Si c'est le cas, est-ce que c'est parce qu'elles ont en charge cet aspect du soin, si c'est lié à la médecine et à un aspect nourricier ?
00:53:45Et ma deuxième question c'était, est-ce qu'à côté des populations migrantes chinoises,
00:53:50il y a d'autres populations migrantes en région parisienne qui pratiquent la cueillette de manière suffisamment importante comme ça ?
00:54:04Oui, je termine par la deuxième. Il y en a d'autres populations, on a croisé des personnes d'origine turque, kurde, maghrébine, sur d'autres types de plantes.
00:54:15Mais comme c'est très compliqué d'identifier comme ça un groupe de populations et de le voir cueillir, on s'est focalisé sur les populations chinoises.
00:54:25À Marseille, c'est sur les populations maghrébines, par exemple. Comment, en fait, partie de la Méditerranée, compte tenu de l'histoire de Marseille,
00:54:33avec la migration des populations, migrent aussi des connaissances dans ce registre-là.
00:54:37Mais oui, il y a d'autres populations, c'est moins flagrant.
00:54:40Clairement, quand vous discutez avec les gestionnaires, ils vous parleront des Chinois.
00:54:44Dès qu'on parle cueillette, c'est le premier truc qui arrive.
00:54:47Ah oui, on a vu des populations chinoises cueillir. Donc c'est vraiment majoritaire.
00:54:52Mais voilà, à la marge, il y a quand même d'autres traditions qui sont portées par d'autres origines.
00:54:59C'était quoi la première question, déjà ?
00:55:01Ah oui, le partage.
00:55:04Oui, c'est ramené à la maison, c'est partagé avec les voisins, les amis, la famille.
00:55:09Et pour certaines femmes, effectivement, ça leur sert à préparer le repas pour la famille.
00:55:13Une djinne qu'on a vue, en fait, elle vit avec sa fille, son gendre et ses deux petits-enfants.
00:55:20C'est elle qui s'occupe de la cuisine, qui fait la cuisine.
00:55:24Et donc, elle prépare des plats, avec ses plantes notamment.
00:55:30Oui, moi, j'avais une autre question par rapport aux difficultés d'avoir accès aux résultats.
00:55:42Est-ce que vous avez eu des difficultés dans le sens où, à un moment dans la présentation,
00:55:47vous disiez que ce n'était pas partagé avec tout le monde.
00:55:50C'était plus des savoir-faire qui restent dans la communauté.
00:55:53Et donc, du coup, vous, comment vous avez réussi à avoir accès à ça ?
00:55:56Est-ce qu'il y avait, par exemple, des fois des appréhensions de la part de vos entretiens
00:56:02sur le fait que vous alliez voler leurs recettes ?
00:56:06Comment vous avez pu régler ces biais, justement ?
00:56:11Oui, il y a une récrinte. Ce n'est pas facile.
00:56:13Parce qu'avant qu'Oyuyou et nous rejoignent, on s'est régulièrement approché de femmes qu'on voyait cueillir pour expliquer nous.
00:56:22Alors, l'argument, je ne parle pas français, il sort très vite.
00:56:24Et en fait, on comprend bien qu'elles n'ont pas envie d'en parler.
00:56:27Parce qu'il y a cette crainte, il y a cette ambiance qui n'est pas favorable.
00:56:31Et elles n'ont pas envie de ça.
00:56:33Elles n'ont pas envie non plus de montrer du doigt.
00:56:35C'est-à-dire qu'on dise qu'elles font mal ou qu'elles ont un mauvais comportement.
00:56:41Puisqu'elles savent qu'il y a des amendes qui sont posées.
00:56:45Elles n'ont pas envie de véhiculer cette image.
00:56:47Donc, elles esquivaient souvent, d'ailleurs.
00:56:50Alors, dès lors qu'Oyuyou et nous a rejoint, forcément, la barrière de la langue sautait.
00:56:54Mais même Oyuyou et, parfois, a eu du mal.
00:56:56A eu des refus de femmes qui n'avaient pas envie d'en parler plus que ça.
00:57:03Mais à l'inverse, ça nous a quand même facilité.
00:57:06Et en passant par les associations, ça a très bien marché.
00:57:11Parce qu'en passant par les associations, notre présence a été légitimée, en quelque sorte, par la présidente de l'association
00:57:19qui nous a présenté.
00:57:21Ils sont chercheurs, ils s'intéressent à ce que vous faites.
00:57:26Donc, du coup, ça rassurait sur nos intentions et sur le fait qu'on n'était pas là pour lister des choses.
00:57:32Et d'ailleurs, c'est revenu, parfois, de dire, vous n'écrirez pas.
00:57:35Vous n'écrirez pas à ce qu'on fait.
00:57:37Les français ne doivent pas savoir.
00:57:39C'est pas tant pour une histoire de ressources, je ne crois pas que ce soit pour se garder ses coins.
00:57:45Plutôt qu'on ne veut pas être montré du doigt.
00:57:49Mais on est arrivé par ces cadres associatifs, par Youyouwei, la langue chinoise.
00:57:55Elle s'est très bien débrouillée, je dois dire, sur le terrain.
00:57:59Elle était quasi en autonomie, parce que nous, on ne pouvait pas l'aider.
00:58:02On a juste préparé en amont les entretiens et les questions qu'on voulait poser.
00:58:05Mais moi, je me suis retrouvé deux heures avec elle dans les locaux d'une association au Bervilliers.
00:58:09J'étais totalement spectateur.
00:58:11Elle me traduisait un petit peu de temps en temps.
00:58:13Mais à un moment, je lui ai dit, écoute, vas-y, débrouille-toi.
00:58:15Et puis moi, je verrai après.
00:58:18Donc ça, je dois dire, ça a quand même été super pour accéder et prendre du temps.
00:58:27Est-ce qu'il y a des exemples de parcs qui ont assoupli un peu leur règlement
00:58:33pour permettre justement à des populations de cueillir pour se nourrir ?
00:58:39Non, le règlement, il est communal.
00:58:42C'est mairie de Paris.
00:58:43C'est le même partout.
00:58:46C'est au niveau de la commune que ça se décide.
00:58:49Ce n'est pas au niveau de chaque parc.
00:58:52Après, je sais qu'à Marseille, il y a une géographie des espaces verts beaucoup plus floue,
00:59:00beaucoup plus d'interstices.
00:59:05Là, on peut avoir des associations qui se sont emparées de friches
00:59:09et qui mettent en œuvre leurs propres règles.
00:59:11Mais à Paris, non.
00:59:13Que vous alliez à Belleville, Montceau, Montsouris, que sais-je.
00:59:19C'est toujours les mêmes règlements.
00:59:31Je voulais savoir, vu que vous parliez du fait de la peur d'être montré du doigt,
00:59:38de la peur du regard des autres, etc.
00:59:41Pourquoi ne pas faire sa propre réserve de ressources ?
00:59:48Pourquoi décider de quand même aller à l'extérieur, de se montrer
00:59:52et non pas de prendre les plantations et de les faire personnellement, de son côté ?
01:00:03Il y a des envies.
01:00:04C'est souvent couplé avec du jardinage sur les balcons.
01:00:10Ceux aussi, parce qu'il y a des hommes qu'on a croisés qui font ça,
01:00:13qui cultivent des plantes sur leur balcon.
01:00:15Il y a souvent aussi le souhait d'accéder à une parcelle de jardin partagé.
01:00:19Nous, on nous l'a demandé quand la relation se passait bien.
01:00:24Tiens, vous pourriez nous trouver une parcelle dans un jardin partagé ?
01:00:28Et on a récemment, on a eu une rencontre avec un jardin partagé,
01:00:32et on s'est dit qu'on allait en faire un jardin partagé.
01:00:35Tiens, vous pourriez nous trouver une parcelle dans un jardin partagé ?
01:00:39Et on a réussi comme ça, pour l'association Les roses d'acier de Belleville,
01:00:46à donner accès à l'association à un jardin partagé.
01:00:50C'était vraiment un souhait.
01:00:51En fait, la cueillette est complètement intégrée à tout un rapport
01:00:56qui va jusqu'au potager.
01:00:58Par contre, les espèces ne sont pas les mêmes.
01:01:03Si elles continuent de faire de la cueillette, c'est parce qu'il y a des espèces
01:01:05qu'on ne peut pas cultiver sur un balcon.
01:01:09Donc on les trouve que dans la nature.
01:01:13Et d'ailleurs, sur leur balcon, c'est marrant, parce que là,
01:01:15il y a beaucoup plus de... On voit même des choses qui sont directement
01:01:18amenées de Chine.
01:01:20Et alors là, la flore devient complètement étrangère à nos yeux parisiens.
01:01:26C'est que vraiment, là, on trouve plein de trucs qui viennent de Chine,
01:01:29à qui elles ont fait venir, parfois même sous forme de graines ou de plants.
01:01:35Donc ça donne lieu à un autre type de flore.
01:01:38Mais c'est tout un continu, en effet, de pratique.
01:01:42Parce qu'en fait, quand ces femmes, elles vivaient en Chine,
01:01:50elles cueillaient aussi... Elles venaient du milieu urbain,
01:01:53elles faisaient de la cueillette comme ça, ou c'est des personnes
01:01:55qui venaient du milieu rural, qui avaient l'habitude d'avoir un jardin
01:01:57et donc, du coup, de cultiver.
01:02:00Elles viennent plutôt du milieu rural.
01:02:03Et elles ont découvert ça en travaillant au champ,
01:02:07dans les accotés de la vie au champ, comme une manière d'arpenter l'espace
01:02:11et puis de cueillir.
01:02:13C'est un savoir, je ne l'ai pas dit, qui se perd.
01:02:15Il y a un problème de transmission, un problème.
01:02:17Il y a une perte.
01:02:19Leurs enfants, surtout les enfants qui sont nés en Chine,
01:02:22qui sont intégrés à la vie urbaine, en emploi,
01:02:26ne s'intéressent plus trop à ça.
01:02:29Ça reste un truc de grand-mère, un peu entre guillemets.
01:02:33C'est-à-dire qu'elles déplorent le fait que leurs enfants
01:02:36ne s'intéressent pas trop à ces choses-là.
01:02:40Mais parce que leurs enfants, leurs petits-enfants même maintenant,
01:02:44grandissent en ville.
01:02:46Ce n'était pas leur cas.
01:02:53Merci.
01:02:57Moi, c'était plus par rapport à la légalité de la cueillette.
01:03:01Je sais qu'il y avait le droit de glane dans les années 1500 qui existait.
01:03:05C'était pour permettre aux personnes précaires de pouvoir se nourrir.
01:03:09Je voudrais savoir si vous saviez pourquoi ça a été interdit et quand.
01:03:13Si c'était uniquement pour préserver les espaces verts de Paris
01:03:19ou si c'était aussi pour exclure une partie de la population plutôt précaire.
01:03:27Ça suit un courant qui est celui qui démarre avec les enclosures
01:03:31de privatisation des terres.
01:03:34Dès lors que vous avez un propriétaire et une propriété privée,
01:03:38on exclut tous les usages qui ne seraient pas celles du propriétaire.
01:03:42Le droit de glanage commence un peu à disparaître.
01:03:47C'est un courant du 19ème siècle qui disparaît avec ça.
01:03:58C'était le droit de ramasser du bois en forêt.
01:04:01C'était le droit de se chauffer.
01:04:03C'était tous ces droits-là d'aller, après la récolte,
01:04:06dans les terrains communaux glaner les blés, les pommes de terre
01:04:11qui étaient organisées.
01:04:13Avec la disparition de tous ces droits communaux et l'instauration
01:04:18de la propriété privée, ça a donné d'autres rapports,
01:04:21y compris à ce qui pousse sur ces espaces et à ce qu'on peut y faire.
01:04:25De fait, l'espace public, ce n'est pas un espace privé,
01:04:30mais il appartient à quelqu'un, à l'État, à la commune,
01:04:34et donc il dicte ses propres lois.
01:04:38Il y a un mouvement actuel, vous l'avez peut-être vu,
01:04:44de replantation d'arbres fruitiers en ville, de vergers urbains,
01:04:50avec l'idée de réinstaurer ça.
01:04:53Venez vous servir.
01:04:55Ce n'est pas lié à la subsistance, c'est purement de l'agrément.
01:04:59Mais ça revient, ça pose plein de questions,
01:05:01sur la pérennité de la ressource, quand est-ce qu'on cueille.
01:05:05D'ailleurs, ce qu'on nous dit, c'est qu'il y a eu beaucoup trop tôt.
01:05:08Les jardiniers ne sont pas contents.
01:05:10Les gens cassent les branches, il y a eu trop tôt.
01:05:14Je ne parle pas que des populations chinoises.
01:05:16Quand ils parlent de ça, ils parlent de tout le monde.
01:05:18Donc il y a des villes qui ont essayé de mettre en œuvre ça.
01:05:20Je pense à la ville d'Arcueil, qu'on avait rencontrée.
01:05:24Mais ce n'est pas simple.
01:05:35Merci pour toutes ces questions.

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