Mardi 26 novembre 2024, INCLUSION4CHANGE reçoit Denis Cavillon (Directeur Général Adjoint en charge des Ressources Humaines, France Travail) , Fabienne Siebenborn (Directrice des Relations Sociales, France Travail) , Firmine Duro (Direction des développements des Talents et Compétences filière management, France Travail) , Hadrien Bureau (Conseiller lutte contre les discriminations, DILCRAH) , Alexia Sena (Fondatrice, Joyeux Bazar) et Maya Hagege (déléguée générale, AFMD)
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00:00Bonjour à toutes et tous et bienvenue sur Inclusion for Change, l'émission qui vise un
00:13horizon clair où chacune et chacun a sa juste place dans le monde du travail. Aujourd'hui,
00:18comme à chaque épisode, je suis accompagnée de Maya Ajej, déléguée générale de l'AFMD,
00:23qui est toujours présente sur nos plateaux et partenaire de cette émission, et nos deux
00:28invités d'aujourd'hui sont Adrien Bureau, conseiller à la lutte contre les discriminations
00:32à la DILCRA, on va parler de ce qu'est la DILCRA, et Alexia Sena, fondatrice du
00:39cabinet de conseil Joyeux Bazar, qui est un cabinet de conseil en diversité et inclusion,
00:44et autrice du livre d'ailleurs qui a été écrit en partenariat avec la DILCRA,
00:48Comprendre le racisme et l'antisémitisme, sorti cette année chez NAN Editions. Merci à vous deux
00:55d'être présents, et merci à toi évidemment Maya. Aujourd'hui, nous abordons deux critères
01:00dits oubliés, qui sont l'origine ethnique et la religion, qu'on qualifie ainsi d'oubliés
01:05parce qu'ils ne font pas l'objet de recensements et donc de mesures, et que régulièrement ils sont
01:11oubliés des politiques de diversité et d'inclusion des entreprises et des organisations du travail de
01:16manière générale. Pourtant, les chiffres montrent une urgence. En 2023, d'après le ministère de
01:21l'Intérieur, le nombre de crimes et d'élits à caractère raciste ont augmenté de 32 %, et
01:27concernant la religion, les chiffres sont également alarmants, puisque selon la Commission nationale
01:33consultative des droits de l'homme, entre 2019 et 2023, les faits antisémites ont augmenté de 144 %
01:41et les faits anti-musulmans ont augmenté quant à eux de 57 %. Donc comment les organisations de
01:47travail traitent-elles ce sujet lorsqu'elles le font ? En particulier dans un service public aussi
01:52implanté et vaste que France Travaille, c'est ce que nous découvrirons dans le reportage que
01:57nous avons tourné chez eux en première partie de cette émission. Et en seconde partie d'émission,
02:02nous reviendrons avec vous, nos invités, sur le reportage et évoquerons évidemment les enjeux
02:09et les moyens de la lutte contre le racisme ordinaire et les discriminations au motif de
02:14la religion. Inclusion for Change, c'est parti ! Et on commence cette émission avec l'édito de
02:24Maya Hagège. Maya, quelles sont les clés de lecture de ce reportage ? Merci Judith. Alors,
02:30le reportage que vous allez voir montre la place prégnante des formations et de la sensibilisation
02:35dans les politiques diversité en général et sur les sujets de racisme et d'expression religieuse
02:40en particulier. Ces émissions, elles témoignent de la volonté de France Travaille de sortir ces
02:46sujets du monde des tabous. Et ce qui est intéressant, c'est que face à ce travail
02:50sur l'intangible, on essaie également son pendant qui est rendre tangibles des sujets qui font
02:56parfois l'objet de dénis et ce en les mesurant. On voit bien que le sujet de la mesure cristallise
03:01des craintes mais aussi des attentes et pour le cas de France Travaille, ils ont décidé eux de
03:08mettre en place des enquêtes. Une enquête en particulier qui est quantitative et qui regarde
03:13la perception et l'expérience vécue des discriminations. Mais d'autres ont choisi
03:17d'autres méthodes. Par exemple, les campagnes de testing. Et je vous invite à regarder les débats
03:24de l'Assemblée nationale et du Sénat en 2023 sur le sujet. Il y a plein de manières de mesurer.
03:30Je vous invite déjà à aller sur le site de l'AFMD, de la CNIL et du Défenseur des droits qui
03:37expliquent des méthodes. Ce qui est intéressant de voir, c'est que ces sujets sont tellement
03:43questionnés que la CNIL a fait une consultation cet été et qu'elle rendra des recommandations fin
03:512024 et début 2025 sur la mesure de la diversité. Je voudrais enfin terminer avec trois éclairages
03:57car en apparence, dans le reportage, vous allez voir qu'on a l'impression que tout se passe bien,
04:02que le sujet est géré. Mais en réalité, ce que ça montre surtout et ce que montre le
04:07reportage, c'est qu'il est impératif de sans cesse répéter les règles, le cadre et les process. Et
04:12donc, moi je suis là pour rappeler le cadre, les règles et les process. D'abord, pour définir le
04:17racisme ordinaire. Le racisme, c'est une idéologie qui est fondée sur la croyance qu'il existe des
04:23hiérarchies entre les groupes humains selon la nationalité, la couleur de peau, la prétendue race,
04:28l'origine nationale ou ethnique ou encore l'ascendance. Et cette idéologie, elle se manifeste
04:34par des attitudes hostiles et haineuses, alimentées par des préjugés sur les modes de vie, la culture
04:40ou la religion. Et ça peut prendre la forme de propos insultants, de remarques infériorisantes,
04:47de blagues humiliantes ou encore de décisions discriminatoires, notamment dans le cadre
04:51professionnel. Et ce qui rend le racisme ordinaire, c'est l'aspect anodin, insidieux que peuvent
04:59revertir ces attitudes. Ça devient ok de dire, ah ben toi, t'es noir, tu manges du KFC ou là,
05:06t'as fait du travail d'arabe. Ce qui n'est pas ok, je le précise au cas où. Le deuxième éclairage,
05:11c'est l'amalgame qu'il peut y avoir entre racisme et expression religieuse. Et bien que l'appartenance
05:18ou non appartenance réelle ou supposée à une religion soit un critère à part entière de la
05:24loi, les passerelles entre ethno-racial et religion sont multiples. Et en réalité, ce qu'on voit,
05:30c'est que l'appartenance religieuse présumée est souvent le fondement de pratiques racistes. Et
05:36tout particulièrement, l'appartenance réelle ou supposée à la religion musulmane. Et c'est
05:40justement ce que j'ai trouvé intéressant, c'est que le fait religieux, je mets des guillemets,
05:45s'est imposé ces 13 dernières années comme un sujet d'entreprise, ce qui n'est pas le cas du
05:51racisme. Et, ou en tout cas, seulement très récemment. Le dernier point, enfin, ce sur
05:59quoi je voudrais revenir, c'est le principe de laïcité. Ce principe de laïcité qui s'impose
06:03en France est parfois confondu avec l'obligation de neutralité. La neutralité, c'est le fait de
06:08s'abstenir de toute manifestation de ses croyances religieuses, opinions politiques ou considérations
06:16philosophiques dans le cadre de ses fonctions. Et la neutralité, elle ne s'applique qu'à ceux et
06:21celles qui exercent des missions de services publics, les fonctionnaires, les contractuels
06:25ou les salariés des organisations avec une délégation de services publics. Cette neutralité,
06:29elle est motivée par l'impératif d'impartialité de l'État et pour garantir l'égalité de tous les
06:36citoyens et de toutes les citoyennes devant le service public. En dehors des heures de travail,
06:42la liberté de religion reprend le dessus. La laïcité, elle, elle garantit la liberté de
06:48conscience. De la laïcité découle la liberté de manifester ses croyances ou ses convictions dans
06:55les limites du respect de l'ordre public. Et ce qui est intéressant, c'est qu'en fait, la laïcité,
07:03elle assure le droit d'avoir ou de ne pas avoir de religion, d'en changer ou de ne plus en avoir.
07:09Elle garantit le libre exercice des cultes, mais aussi la liberté vis-à-vis de la religion,
07:13c'est-à-dire que personne, par exemple, ne peut me contraindre au respect d'un dogme ou de
07:18prescription religieuse. Et donc, en fait, la laïcité, c'est pas une opinion parmi d'autres,
07:23mais c'est un principe de liberté. Je voudrais remercier les personnes qui ont inspiré ma
07:28chronique. Voilà, Hugo Gaillard, Anaïs Coulon, Dorothée Prudhomme, Patrick Simon, et je vous
07:37invite à aller sur le site de l'AFMD pour retrouver leurs informations. Merci beaucoup,
07:42Maya. Nous nous retrouvons donc après la diffusion du reportage que nous avons réalisé chez France
07:47Travail. Notre engagement sur le racisme et le fait religieux à France Travail, il est assez
08:02simple en fait, son origine, c'est que nous avons 55 000 collaborateurs, donc c'est forcément une
08:07question qui vient à nous à un moment donné. En fait, la diversité, c'est nous, c'est constituant
08:22de France Travail. Nous avons un grand nombre de nationalités différentes, d'origines différentes,
08:27et il faut absolument que tout ce travail serve justement à rendre absolument normal et je
08:34dirais que chaque personne ait sa place dans notre organisation. Lutter contre le racisme
08:37ordinaire est un sujet essentiel pour nous à France Travail, puisque nous sommes un service
08:42public dans un premier temps, mais aussi parce que nous avons une ambition collective d'être
08:48un service public de référence. C'est vraiment notre leitmotiv, une entreprise exemplaire dans
08:53un contexte de l'établissement public administratif, où la neutralité est importante et où les valeurs
08:59que nous représentons de respect vis-à-vis de l'individu doivent être incarnées. Dès que vous
09:05parlez de principe de non-discrimination, vous devenez clivant, ne serait-ce que de prononcer
09:09le mot déjà, tout le monde a un avis sur le sujet. On peut mener des enquêtes internes pour percevoir
09:18effectivement la température, entre guillemets, de comment les personnes au sein de nos organisations
09:23perçoivent ces sujets-là et comment ils les vivent au quotidien. Les conséquences que peut
09:27avoir le racisme sur un agent ou sur un demandeur d'emploi sont désastreuses, parce que c'est
09:32psychologiquement ne pas avoir les mêmes niveaux de chance que les autres et d'être dévalué par
09:38rapport aux autres. Et c'est inadmissible pour un service public comme le nôtre, qui se veut par
09:43nature sur un principe de neutralité, de respect de la laïcité. Tout ça fait qu'on ne peut pas
09:49admettre ce type de comportement et il faut qu'on lutte encore une fois de toutes les manières qu'on
09:53peut contre ce type d'attitude et d'approche. L'impact sur la santé mentale que procurent
09:59en fait les remarques qui n'ont l'air de rien, les attitudes sont absolument à combattre et chacun,
10:07chacune d'entre nous se doit absolument d'être en vigilance et en vigilance pour pouvoir éviter que
10:14ces situations dans lesquelles nos agents se sentent en difficulté ou se sentent mal ou se
10:18sentent dévalorisés n'ait pas d'existence en fait dans les relations au travail. Il faut qu'on
10:26combatte pied à pied chaque idée de ce type auprès de nos salariés puis aussi auprès de notre
10:33environnement plus général. C'est une globalité, on ne fait pas de distinction fondamentale entre
10:39la façon dont on doit s'adresser à un demandeur d'emploi ou à une entreprise et la façon dont
10:43on doit s'adresser à nos salariés. Ces principes de non-discrimination et de lutte contre le racisme
10:49on doit les appliquer à tous bien évidemment. Nous sommes très préoccupés aussi du bien-vivre
10:53ensemble, très préoccupés au sens positif du terme bien évidemment puisqu'au travers de nos accords
10:58qualité-vie au travail c'est vraiment un axe central le bien-vivre ensemble. Et bien vivre
11:03ensemble qu'est ce que c'est ? C'est d'être respectueux vis-à-vis des uns et des autres en
11:06tout cas du cadre dans lequel on évolue avec nos collègues. C'est à dire que chacun est important
11:11dans notre organisation et qu'il est normal d'exister, qu'il est normal de faire carrière,
11:15qu'il est normal de parler de sa différence et pour nous je pense que c'est vraiment ça qui est
11:21très puissant. Alors avant d'être un manager je suis finalement un agent et comme tout agent
11:25qui intègre France Travail nous sommes accompagnés dès l'embauche sur nos obligations professionnelles,
11:29sur le respect du règlement intérieur que nous signons. Ces documents nous sont remis dès la
11:35prise de poste et nous sensibilisent sur les sujets. Beaucoup d'employeurs passent par France
11:42Travail pour recruter et c'est important aussi de porter certaines valeurs auprès d'eux. Sur le port
11:47du voile par exemple, qui est un sujet prégnant aujourd'hui et sur lequel on travaille avec les
11:52demandeurs d'emploi, avec les entreprises et en interne aussi pour expliciter là où sont les
11:57règles, ce qu'on peut faire et ce qu'on ne peut pas faire. Il y a un cadre, il y a le cadre de la
12:02laïcité et le cadre de la neutralité. En tant que service public nous on doit respecter un principe
12:06de neutralité donc ça c'est un élément déterminant. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que nos salariés
12:12ne doivent pas porter de signes religieux ostensibles. Alors on peut évoquer le voile
12:18par nature mais c'est vrai pour d'autres signes distinctifs religieux. Lors de mon entretien
12:25d'embauche chez France Travail, je me suis présentée en portant mon voile qui fait partie de mon
12:29identité. J'ai été accueillie par ma manager qui m'a expliqué que le port du voile n'était
12:33malheureusement pour moi pas autorisé dans notre crise. Elle m'a alors demandé avec respect et
12:37bienveillance si je souhaitais malgré tout poursuivre l'entretien. J'ai apprécié cette
12:42approche honnête et respectueuse et j'ai accepté de poursuivre. L'échange s'est très bien déroulé
12:46et j'ai été heureuse d'être recrutée par la suite. J'ai été évaluée sur mes compétences et mon
12:50savoir-être sans que mon apparence n'entre en ligne de compte. Je me souviens lui avoir dit à
12:55l'époque pour la mettre un peu en confiance que de mon côté je souhaitais vraiment la recevoir en
12:59entretien, que son CV m'avait interpellée et que j'avais besoin du coup de savoir si elle
13:04acceptait de retirer son voile pour cette alternance, si c'était finalement envisageable.
13:10Elle m'a évoqué qu'elle maintenait son intérêt pour cette alternance et qu'elle acceptait
13:14finalement de retirer le voile. Ces compétences me convenaient, je l'ai recrutée et avec la même
13:19transparence et bien sûr son accord, j'ai partagé ces éléments auprès de mon collectif pour faciliter
13:26son intégration. Il arrive parfois qu'on déjeune le midi à l'extérieur. On est habitué, quand on
13:31voit un âne à l'extérieur, on la voit voiler. Ça s'est toujours bien passé, elle est complètement
13:35intégrée à l'équipe. Depuis 2011, où a vu le jour notre première charte de la laïcité et de la
13:45neutralité, nous travaillons sur ces sujets. En 2015, nous avons commandé un diagnostic sur les
13:53faits religieux en entreprise. Il s'est avéré que c'était les questions autour de la laïcité
13:58qui importait vis-à-vis de nos usagers et les questions de la neutralité vis-à-vis de nos
14:04agents. En 2016, la société se complexifiait autour de ces questions. Nous avons continué et en 2017-
14:112018, nous avons élaboré des charpes, des guides. La capacité que nous avons eue à développer la
14:18sensibilisation auprès de nos agents a fait qu'après les sujets de handicap, après les sujets
14:24d'égalité propre, après les sujets d'orientation sexuelle, d'identité de genre, nous avons souhaité
14:30complètement nous investir dans le racisme ordinaire, le racisme au travail.
14:37C'est sûr qu'on est dans un environnement et dans un contexte social où ces questions sont
14:42sensibles. Nous traitons l'humain, nous traitons la situation des demandeurs d'emploi, donc en interne,
14:47nous devons aussi être complètement alignés. Pour cela, les managers en écoutent, prennent
14:53en charge les situations et quand ils se sentent démunis, ils se tournent vers les équipes de
14:57professionnels que sont les équipes ressources humaines et qualité vie au travail. Si au cours
15:01après de notre expérience, nous rencontrons une situation plus spécifique et délicate,
15:06on a toujours la possibilité d'interpeller notre N1 ou même les services RH pour bénéficier d'un
15:11appui dans la gestion de cette situation. Donc on n'est vraiment jamais seul. Le gros effort que
15:16nous faisons, qui est un effort très important d'accompagnement de nos managers, ils sont
15:20extrêmement sensibilisés au bien vivre ensemble, à faire en sorte que les équipes puissent travailler
15:24dans un climat propice à leur épanouissement, au moins en tout cas espéré. Dès mon arrivée
15:33dans l'équipe, j'ai ressenti une ouverture d'esprit et un profond respect de la part de mes collègues,
15:37ce qui m'a permis de me sentir intégrée et valorisée dès le départ. Cette attitude de respect,
15:41d'égalité des chances m'a montré que l'équipe et l'entreprise attachent une importance à la
15:45diversité et à l'inclusion en se concentrant sur l'humain avant tout. Cette expérience contraste
15:50avec d'autres situations que j'ai vécues par le bassier où mon apparence a pu poser problème.
15:53Ces expériences ont été décevantes mais elles m'ont permis de reconnaître la valeur d'un
15:57environnement professionnel sain. Ils doivent savoir qu'ils ont des outils à leur disposition
16:01s'ils se sentent à un moment donné en déséquilibre, s'ils se sentent agressés. En tant que manager,
16:07ils peuvent être sensiblement plus exposés à avoir des propos qui sont mal interprétés par
16:12leurs collaborateurs. La crainte elle est vraiment là, celle de paraître justement raciste en
16:17abordant le sujet de front ou encore de ne pas utiliser les bons mots et être maladroit. Il
16:22faut prendre le temps d'exprimer les choses, de poser le sujet avec pédagogie, transparence,
16:27bienveillance et surtout l'écoute de l'autre aussi. C'est important de partager le sens et
16:33de rassurer notre interlocuteur pour montrer qu'on a une bonne intention. Et puis d'une façon générale,
16:39on essaie aussi d'apporter cet éclairage vis-à-vis des conseillers dans les conseils
16:44qu'ils donnent aux employeurs dans leur façon de recruter ou aux demandeurs d'emploi.
16:47On a 55 000 personnes et tout le monde ne perçoit pas la notion de racisme tout à fait de la même
16:56façon. Donc il faut faire de la pédagogie, il faut expliquer aux gens ce que ça englobe
16:59comme thématique et en quoi certains propos peuvent être perçus comme du racisme. C'est ce
17:06qu'on appelle le racisme ordinaire. Nous bénéficions d'actions de formation ou encore de sensibilisation
17:11de manière générale sur la lutte contre les discriminations, la promotion de la diversité et
17:16ce type d'ailleurs de formation est intégré dans les parcours de formation des nouveaux entrants.
17:21Des formations qui sont e-learning, c'est-à-dire ce qui permet à un agent, à tout moment lorsqu'il
17:28le souhaite, de pouvoir s'informer, développer ses connaissances sur comment lutter contre le
17:35racisme, les discriminations de manière large, le racisme bien entendu et promouvoir la diversité.
17:41Prendre connaissance des informations qui sont importantes pour pouvoir comprendre comment sur
17:48un sujet de cette nature on peut de manière inconsciente tenir des propos, avoir des
17:55attitudes, avoir des représentations qui peuvent blesser et qui sont inappropriées. Donc on a autour
18:01de ça aujourd'hui cinq modules de e-learning qui sont à la disposition de tous nos agents.
18:06Pour faciliter justement ce dialogue qui doit s'instaurer entre les individus et les managers,
18:11on les forme à expliciter le cadre dans lequel le principe de neutralité doit s'exercer. On leur
18:19apprend à utiliser des terminologies adéquates parce qu'il ne faut pas choquer, chacun est libre
18:26évidemment de sa pensée religieuse. On forme nos managers notamment autour de ces questions-là,
18:30il faut les sensibiliser, il faut leur expliquer, il faut faire de la pédagogie et puis il faut leur
18:34apprendre quelques éléments de langage pour qu'ils puissent aborder cette situation le plus
18:41facilement possible même si ça reste toujours assez complexe. On essaie aussi d'apporter cet
18:47éclairage vis-à-vis des conseillers dans les conseils qu'ils donnent aux employeurs dans
18:51leur façon de recruter ou aux demandeurs d'emploi. Notre directeur général a impulsé ce qu'on a
19:01appelé les journées engagées et je pense qu'en effet miroir il nous appartient aussi d'avoir ce
19:06même type de démarche pour l'interne et c'est pour ça qu'on souhaite poursuivre l'engagement
19:12de France Travail concernant la diversité et la lutte contre les discriminations à travers des,
19:17tout au long de l'année, des événements qu'on va organiser. Chaque année, pour pouvoir
19:21effectivement rappeler l'importance de ce sujet et qu'il reste un sujet d'actualité dans notre
19:28société, nous organisons des conférences pour permettre à nos équipes de pouvoir se refaire
19:37finalement une actualisation de leurs connaissances et une prise de conscience, en tout cas se rappeler
19:43de ce sujet-là. Pour exemple, cette année, on a accueilli deux personnalités sur cette thématique.
19:48Pascal Blanchard, qui est très connu sur ce thème-là, qui effectivement a abordé la question
19:54de comment lutter contre les discriminations liées à l'origine. Il y a un rejet de l'islam,
19:59il y a un rejet de l'islam qui existe sur les individus porteurs de cette religion ou qui
20:03pratiquent cette religion ou qu'on présuppose qui pratiquent cette religion. C'est une réalité.
20:06Et puis on a voulu rentrer de manière plus concrète sur le sujet en faisant appel à
20:11l'expertise d'une psychologue sociale, Raki Kassi, qui, à travers des exemples très concrets,
20:18a montré comment en entreprise, on peut par ses propos, même quelquefois sur le ton de la
20:24plaisanterie, être finalement dans une expression de ce qui est du racisme, ce qu'on appelle le
20:29racisme ordinaire. Ce que les entreprises me disent quand elles font appel à moi, c'est qu'on ne sait
20:34pas comment parler de racisme au travail. Pour l'instant, on laisse faire parce qu'on ne sait
20:38pas. Il n'est jamais trop tard pour commencer et pour rappeler que le racisme est un délit et que
20:43les blagues racistes ont un impact sur la santé des personnes. Les dérives, je n'en connais pas
20:50dans mon service, mais au sein de France Travail, nous sommes finalement le reflet de la société.
20:55Donc je ne peux pas vous affirmer qu'aujourd'hui, au sein de l'établissement, il n'existe pas
20:59d'amalgame, d'injure, d'éléments de langage sous couvert d'humour qui sont discriminants exprimés.
21:03N'oubliez pas qu'il y a une fiche de signalement qui a été mise à votre disposition sur les
21:08situations de discrimination. Donc n'hésitez pas effectivement à remplir cette fiche de
21:11signalement qui est traitée justement par le service qualité de vie au travail de votre
21:16établissement. Et dans ce système de remontée de fiches de signalement, nous pouvons voir dans
21:22ce qui est décrit s'il y a des terminologies racistes qui figurent dans ces fiches de
21:27signalement. Nous avons aussi les équipes de qualité de vie au travail qui recueillent des
21:31témoignages de personnes qui se sont senties agressées. Nous avons une ligne directe qui
21:36peut aussi écouter les agents. Et concrètement, ensuite, une enquête est mise en oeuvre par
21:44les équipes qualité de vie au travail qui sont vraiment des acteurs très très importants sur le
21:48terrain, qui peuvent déterminer de quels facteurs en fait est composé ce signalement. Est-ce qu'il
21:55faut uniquement faire de la pédagogie ? Revenir vers les intéressés pour leur apprendre à se
21:58parler ? Faire de la médiation ? Ou est-ce que les faits sont graves, caractérisés ? Et là nous passons
22:04à une procédure plus sur le sens de la discipline. Sur tout ce qui est les signes religieux,
22:13on a une politique à la fois d'explication, comme pour le reste d'ailleurs, et aussi éventuellement
22:20de sanction, le cas échéant. On demande au manager ou à la personne responsable de recevoir
22:25l'intéressé, de lui expliquer en quoi ce signe n'est pas admissible dans un établissement public
22:30comme France Travaille, au regard du principe de neutralité. En général, dans 99% des cas,
22:35il n'y a pas de suite, parce que la personne comprend les enjeux et respecte aussi le cadre
22:40d'exercice de son activité pour l'employeur France Travaille, donc ça se passe bien. Et dans 1% des
22:46cas, malheureusement, la personne n'entend pas cette demande et du coup on est obligé de monter
22:51dans l'échelle des sanctions disciplinaires. Mais c'est très marginal, fort heureusement.
23:05Ce qu'on a pu noter, c'est d'abord l'intérêt. Alors bien sûr, on a des personnes qui nous disent
23:09mais pourquoi on parle de ça, on n'est pas concerné, on est un service public, on accueille
23:13toutes sortes de personnes au sein de France Travaille, nos équipes sont diverses. Pour autant,
23:20certaines personnes nous ont dit mais il y a des propos que je pouvais tenir et je ne me rendais
23:24pas compte que ça pouvait blesser. Les collègues, qui sont effectivement d'une origine qui peut être
23:30minoritaire au sein de collectif, qui se sont trouvés aussi un peu réassurés, c'est-à-dire de se dire
23:35mais en fait on fait attention à moi. Le fait de parler en fait fait que je pense que les gens
23:40savent qu'ils sont importants, quelles que soient leurs origines, quelles que soient leurs
23:43spécificités, qu'ils peuvent discuter de leurs difficultés, qu'ils vont être entendus.
23:48Ce qu'on constate chez nos agents, dans les équipes, c'est que globalement c'est un sujet
23:54sur lequel une fois qu'on intervient dessus, il y a un point de vigilance et en fait les personnes
24:01se disent ok je dois être particulièrement attentive à comment les choses vont être perçues.
24:10Ça commence par des blagues en fait à répétition sur les Africains, sur sa tenue vêtementaire,
24:15sur ses goûts alimentaires par exemple. Je suis sûr que tu préfères aller manger au KFC toi,
24:19à la pause de midi. Donc petit à petit ça la dérange en fait. Quand elle arrive au travail
24:24le matin, elle a la boule au ventre et elle commence à s'en plaindre à son supérieur.
24:28La direction RH agit beaucoup en prévention. Donc elle accompagne et sensibilise régulièrement
24:33vraiment sur ces sujets. Les sanctions sont de plus en plus communiquées. Il y a une réelle
24:38évolution aussi des managers sur le courage managérial en fait à avertir et à ne pas laisser
24:43ce type de fait sans suite. Et les agents eux-mêmes s'expriment beaucoup plus. Ils dénoncent ce type
24:49d'agissement déviant. L'indicateur le plus simple c'est le nombre de participants. Sur les formations
24:59globalement on a un bon taux d'assiduité. Si je prends l'année 2023, plus de la moitié de nos
25:07managers ont suivi une action de formation portant sur le racisme ordinaire. Que ce soit des formations
25:14en présentiel ou sur du e-learning. Cette année on est sur une bonne progression qui devrait nous
25:22faire terminer à peu près sur les mêmes données. Et puis sur les conférences, on sait qu'aujourd'hui
25:27on est acheté un nombre de connexions d'environ plus de 200 sur ces conférences. 200 connexions
25:33avec plusieurs managers qui sont effectivement en écoute. On a aussi eu des appréciations qui sont
25:40remontées auprès de nos collègues qui sont en charge de ce sujet là spécifiquement. Ou des
25:46managers effectivement ont témoigné de leur intérêt et ont remercié d'avoir pris le temps de pouvoir
25:52aborder ce sujet là. Sur les conférences que nous avons faites dernièrement, mes équipes ont
25:57été surprises d'être remerciées. En fait d'être remerciées par des agents dont on n'a pas l'habitude
26:02finalement d'être en contact direct. Un agent dans une agence, dans un service qui envoyait un témoignage
26:07en disant simplement ou alors un simple mot merci. Et le fait de savoir que cet agent s'est
26:12senti reconnu par nos actions, par nos conférences et par le fait que nous parlons ouvertement d'un
26:17sujet qui est clément, ça nous incite à continuer et à continuer encore plus fortement.
26:23Et puis moi ce qui m'avait particulièrement marquée à titre personnel c'est le nombre de
26:28collègues qui ont fait le déplacement. Parce qu'en fait on est dans ce site et il y a des
26:33collègues qui sont venus physiquement assister à ces conférences. Ce qui montre effectivement
26:37l'intérêt et puis l'attention que les personnes portent à ce sujet. Nous allons lancer une enquête
26:44justement sur le sentiment de discrimination. Voilà parce que ça nous paraît important aussi
26:48d'interroger l'ensemble de notre corps social sur cette perception là. On parle bien de perception,
26:54pas forcément d'éléments factuels, en tout cas s'ils sont difficiles à identifier. Mais ne serait-ce
27:00qu'avoir cette perception ça serait un axe de travail très important pour nous parce que
27:05c'est pas possible que nos salariés aient la perception d'un sentiment de discrimination
27:10quelconque. Donc on va lancer une enquête cette année justement pour essayer de combattre
27:16ces éventuels éléments de ressenti.
27:22Aujourd'hui je pense que nos campagnes de communication, notre intranet, les efforts qui sont faits sur le terrain par les équipes spécialisées, les élus et
27:31représentants du personnel aussi, permettent de diffuser l'information, des outils à disposition
27:36et du fait que tout individu à France Travail est important, il a sa place et qu'il est écouté.
27:52Il peut y avoir aussi de la valorisation de situations dans lesquelles ils se sont sentis à l'aise, dans
27:58lesquelles ils ont pu parler de leurs problématiques ou de leurs sujets, partager avec leur équipe,
28:03partager avec leur manager, s'ouvrir auprès de professionnels qui les écoutent et c'est plutôt
28:09ça notre marque de fabrique, c'est-à-dire d'être disponible pour parler de tout sujet et surtout
28:13de combattre toute forme de discrimination.
28:15Alors à France Travail nous n'avons pas choisi l'option de rôle modèle autour de ces questions de discrimination et de racisme.
28:22On croit plus au collectif en fait et ce qu'on veut c'est plutôt identifier des actions menées par des collectifs sur tous les aspects,
28:31encore une fois, de la lutte contre la discrimination ou la lutte contre le racisme.
28:35On a signé des chartes aussi, avec l'autre cercle notamment, on travaille avec les entreprises sans gage aussi
28:42pour lutter contre les discriminations concernant le handicap par exemple.
28:46Donc on a tout un panel de partenaires qui nous aident et assistent et puis qu'on met en avant vis-à-vis de l'ensemble de notre collectif,
28:53vis-à-vis de l'ensemble de nos 55 000 salariés, justement pour que tout le monde prenne conscience de ces enjeux
28:59et voit que chacun à son niveau peut agir.
29:06C'est à chacun d'entre nous de faire le petit pas nécessaire pour lutter contre les discriminations et le racisme.
29:12Chaque entreprise doit se mobiliser pour ça.
29:14Nous ce qu'on essaie de faire auprès de nos salariés, c'est de faire passer ces idées-là.
29:18Donc plutôt que d'attendre de nos politiques, agissons nous-mêmes, chaque établissement,
29:24chaque établissement public par nature en premier lieu, mais chaque entreprise privée peut agir sur ce type de comportement.
29:31Je pense que c'est par l'exemple qu'on fait avancer les sujets et que c'est en se mobilisant tous qu'on pourra lutter contre ce type de déviance.
29:39Comme toute chose, il faut poursuivre notre effort et notre investissement.
29:43Parce qu'au fur et à mesure, si on lâche prise sur la communication, sur les outils,
29:47forcément il va y avoir un temps d'arrêt sur toutes ces préoccupations sociétales
29:54et ça ce n'est pas envisageable pour nous.
30:06De retour sur le plateau d'Inclusion4Change.
30:08D'abord, pour commencer cet entretien, j'aimerais bien avoir vos réactions sur le reportage qu'on vient de voir.
30:14Alexia Sena, Adrien Bureau, qui veut commencer.
30:17Allez, je me lance.
30:19Très très intéressant ce reportage évidemment.
30:22Quelques aspects, deux ou trois aspects qui m'ont vraiment particulièrement marqué.
30:26Le premier, c'est la notion de courage.
30:28Courage d'aller aborder un sujet dont, vous l'avez bien dit, on l'entend aussi dans le reportage,
30:33dont on préfère en général ne pas se passer, ne pas parler.
30:38On a parlé d'ailleurs de courage managérial aussi pendant le reportage.
30:43Ça c'est vraiment la première chose.
30:44On est sur un sujet qui est tabou, clairement, sinon cette émission n'aurait pas ce thème.
30:48Ça c'est la première chose qui me frappe venant des équipes de France Travail.
30:53La deuxième chose, c'est vraiment comment est-ce qu'on allie à la fois sanctions et accompagnement.
31:02Il y a cette notion, moi je dis souvent en entreprise, en fait les sanctions ou en tout cas le process,
31:07il doit exister, il doit être formalisé, il doit être respecté.
31:10Mais ça c'est juste un cercle.
31:12Ensuite, à l'intérieur du cercle, on a un terrain de jeu.
31:14Et sur ce terrain de jeu, on peut décider des règles et on peut notamment accompagner les personnes
31:17parce qu'on leur demande de changer des blagues, des réflexes, des propos qu'elles tiennent depuis des années.
31:23Et nous sommes toutes et tous rétifs aux changements, donc ça prend un peu de temps.
31:26Et j'ai trouvé que, en tout cas dans ce que j'ai entendu, il y avait un bon équilibre
31:29entre la sanction ou en tout cas le cadre qui est posé très clairement
31:33et d'un autre côté l'accompagnement et notamment l'accompagnement des managers.
31:37Et puis le dernier élément aussi qui me frappe en bien, je suis très contente de voir ça,
31:43c'est le nombre de dispositifs possibles pour lutter contre ces discriminations-là.
31:49Et donc on parle de critères qui sont oubliés, qui sont je pense surtout invisibilisés
31:54parce qu'ils sont délicats.
31:56Et ça fait du bien, je trouve, de voir qu'il y a plein de choses qu'on peut faire,
32:00des chartes, de la sensibilisation, de la formation, des conférences, plein de choses.
32:04Je trouve que c'est rassurant.
32:06Merci.
32:08Merci. Adrien, vos réactions ?
32:10D'abord, ce reportage, il invite à adresser un constat lucide,
32:13c'est que si France Travail met en place des politiques de lutte contre le racisme et la discrimination,
32:18c'est d'abord parce que ce phénomène existe.
32:20Et malheureusement, et vous l'avez rappelé, on le sait, en France aujourd'hui, en 2024,
32:24le racisme et les discriminations augmentent dans notre pays.
32:27Et ce constat est grave parce que pour les personnes qui subissent le racisme ou les discriminations,
32:31c'est toujours une violence intime très forte, ce ressenti-là.
32:37Et par ailleurs, collectivement, ce sont des entailles profondes et majeures
32:40aux principes d'égalité que porte la République.
32:42Donc déjà, ça révèle un constat un peu grave.
32:45L'autre élément plus positif, c'est que face à ce constat, il faut être combatif.
32:49Et le fait que France Travail ou que la DILCRA ou que plus largement les pouvoirs publics
32:53mettent en œuvre des politiques durables de lutte contre le racisme et les discriminations,
32:58c'est la preuve que l'État se saisit pleinement de ces questions et que les choses avancent.
33:02Et on n'est pas les seuls à les faire avancer.
33:04Il y a beaucoup d'entreprises et d'organismes privés ou publics qui se saisissent de la question,
33:07qui en parlent ouvertement, qui osent effectivement en parler ouvertement
33:10et qui mettent en place des politiques durables.
33:13Effectivement, c'est long, c'est laborieux de lutter contre ces sujets-là.
33:16Il n'y a jamais de progrès qui sont définitivement acquis, on le sait.
33:18Et donc, l'enjeu, c'est toujours d'être dans la pérennité de ces politiques publiques
33:22pour avoir, on l'espère, un effet durable.
33:25Merci beaucoup de ces premières réactions.
33:29Moi, j'ai une première question parce que je voudrais poser un peu plus le cadre.
33:33Est-ce que, Adrien, vous pourriez nous dire où on en est en France
33:37sur les deux sujets qu'on vient d'évoquer, le racisme et l'expression religieuse ?
33:43Alors, malheureusement, je n'ai pas de bonnes nouvelles sur ce terrain-là.
33:46Et l'année 2024, particulièrement, est dure, douloureuse sur ce terrain-là
33:51puisque les constatations qu'on a, les chiffres qu'on nous remonte ne sont pas bons.
33:54Donc, je vais prendre quelques éléments de fait.
33:57Le premier phénomène inquiétant, c'est une hausse exponentielle et inédite de l'antisémitisme en France.
34:02Effectivement, il y a plus de 192 % d'actes antisémites en France sur le premier semestre 2024
34:07par rapport au premier semestre 2023.
34:09Et les Françaises et Français de confession juive, qu'on estime à 1 % de la population,
34:14représentent 58 % des victimes d'actes racistes qui sont signalés.
34:19Donc, c'est considérable.
34:21Mais pas seulement, il y a aussi les actes anti-musulmans
34:23qui augmentent aussi à hauteur de plus de 30 % aujourd'hui.
34:26Et au-delà de ces deux formes de racisme, l'ensemble des racismes augmente dans notre pays.
34:31Et ce n'est pas seulement depuis 2024, c'est aussi un phénomène qu'on repérait déjà en 2003.
34:35Donc, c'est une tendance qui n'est pas une tendance que de court terme.
34:38Il y a une lame de fond et c'est ça qui est inquiétant.
34:41Il faut quand même savoir qu'on estime à environ 1,2 millions de personnes,
34:44de Françaises et de Français, qui chaque année subissent une parole,
34:47un acte raciste ou discriminatoire, ce qui est considérable.
34:50Et sur les discriminations particulièrement, puisque c'est aussi le cœur de notre sujet,
34:54ce qu'on sait, c'est que la dernière grande enquête sur cette thématique-là, TO2,
34:59nous enseigne que 18% des 18-49 ans subissent chaque année
35:04au moins un traitement inégalitaire, défavorable, discriminatoire.
35:07Donc là aussi, c'est très considérable.
35:09Et donc, ça appelle forcément de la part de l'État, notamment,
35:11une mobilisation extrêmement importante, mais aussi des entreprises,
35:14parce que ces phénomènes ne s'arrêtent pas aux portes de l'entreprise.
35:17Et donc, l'entreprise a aussi une responsabilité sociétale et sociale à jouer sur ces questions.
35:22Alexia Senna, selon vous, c'est quoi les enjeux et les tensions
35:27qui gravitent autour de ces grands points que sont le racisme
35:33et l'effet anti-religieux au sein des entreprises ?
35:36Aujourd'hui, au sein des entreprises, en tout cas celles que j'accompagne,
35:40la tension, c'est vraiment ce terme-là,
35:42elle se situe entre, d'une part, une libération de la parole raciste
35:47ou des paroles racistes ou qui visent une communauté religieuse ou une religion.
35:52Il y a vraiment une libération.
35:54Les chiffres l'ont montré, les vôtres et ceux d'Adrien.
35:57Et effectivement, les entreprises ne sont pas perméables aux sociétés
36:01dans lesquelles elles sont implantées et dans lesquelles elles opèrent.
36:04Donc, il y a vraiment ça au travail.
36:06Et malheureusement, face à ça, toujours une forme de frilosité de la part des entreprises,
36:13parce qu'on ne sait pas très bien.
36:15On ne sait pas très bien comment gérer ça.
36:17On se dit que le sujet est tellement délicat qu'en fait, ça va être impossible d'en parler.
36:22Il y a aussi cet amalgame qui est fait, si je prends le cas du racisme,
36:25entre personnes racistes et comportements racistes.
36:27Et donc, si j'arrive et que je dis,
36:29écoutez, là, on va poser un plan de sensibilisation et de formation sur la question du racisme.
36:34Non, on n'est pas raciste ici.
36:36Qu'est-ce que vous sous-entendez ?
36:37En fait, non, on n'est pas en train de dire que vous êtes raciste.
36:39On est en train de dire que vous avez des comportements racistes.
36:41Et ça, on peut le dire de manière assez sûre,
36:43pour la simple et bonne raison que nous en avons toutes et tous,
36:46parce que nous sommes imprégnés de la société dans laquelle on vit.
36:48Donc voilà, la tension pour moi, elle est vraiment là.
36:51C'est à quel point est-ce qu'on se saisit de ces enjeux et on passe à l'action ?
36:54Et quelque part, on dépasse nos peurs.
36:56Je parlais de courage tout à l'heure.
36:57On dépasse notre peur de heurter, notre peur de l'amalgame,
37:01notre peur de ne pas être bien compris.
37:03Et on y va parce qu'on l'a dit, il existe des outils, en fait.
37:06Et concrètement, quels sont les effets, en fait,
37:09qu'a le racisme, l'effet anti-religieux, etc.
37:14et leur montée sur les individus qui travaillent
37:18et qui veulent juste être tranquilles ?
37:21Merci pour cette question, parce qu'effectivement,
37:23c'est aussi quelque chose qu'on entend beaucoup dans le reportage,
37:25la question de la santé mentale.
37:27Et c'est vraiment un axe qui a été pris par France Travail
37:29pour parler de ces deux sujets-là.
37:32D'ailleurs, ils font un lien avec la QVT,
37:34avec la qualité de vie au travail, qui est très claire.
37:37Donc le premier impact pour les personnes qui sont concernées,
37:39c'est un impact de santé mentale.
37:41C'est je me sens dévalorisée, je me sens moquée,
37:43je ne me sens pas respectée.
37:45Je me sens isolée aussi quand il n'y a pas de réaction.
37:48Je me dis, il n'y a que moi qui ai entendu cette blague horrible,
37:50il n'y a que moi qui ai perçu ça.
37:53Donc un sentiment d'injustice, un sentiment d'impunité aussi.
37:57Et le fait que parfois, dans certaines organisations,
37:59les ressentis de ces personnes, ou leurs plaintes,
38:03ou les informations qu'elles remontent,
38:06puissent être minimisées parfois,
38:08parce qu'on va en parler peut-être,
38:10mais le racisme ordinaire que vous avez défini,
38:13comme c'est anodin, comme c'est juste une blague,
38:15comme Alexia, ça fait 15 ans que je la connais,
38:17je sais qu'elle est hyper sympa,
38:18ben oui, ok, elle t'a dit ça, mais c'est peut-être pas grave.
38:20Et donc le fait que ce soit minimisé, ça ajoute encore,
38:22en termes de santé mentale, ça ajoute encore un poids.
38:25Et face à ça, que font les personnes qui sont touchées par ces questions-là ?
38:29Elles développent des stratégies.
38:31Alors il y a la stratégie du déni,
38:33il y a la stratégie de l'isolement,
38:35il y a la stratégie de je vais quand même essayer de garder
38:37une forme de légèreté dans ma vie.
38:39Il y a la stratégie de je vais faire comme si ça n'existait pas,
38:42je ne vais plus rien dire.
38:43Mais en fait, ces stratégies, on le sait, elles ne marchent pas.
38:46La parole, elle est quand même décrédibilisée.
38:49Le respect de la personne a été atteint.
38:52Et donc il y a vraiment une espèce de cercle vicieux.
38:55Je ne vais pas bien, j'essaye de développer des stratégies,
38:57elles ne fonctionnent pas et donc ma santé mentale
38:59est d'autant plus impactée.
39:01Et dans ce cas-là, qu'est-ce qu'on peut dire à des employeurs
39:04qui nous disent que le sujet des origines,
39:07c'est un sujet tabou ?
39:09Parce que c'est aussi pour ça qu'il y a assez peu d'employeurs
39:12qui travaillent sur les questions qu'on traite dans cette émission.
39:15Qu'est-ce qu'on peut leur dire ?
39:20D'abord, heureusement, il y a de plus en plus d'entreprises
39:23qui se saisissent de ces questions et qui mettent en place
39:25des politiques de lutte contre les discriminations
39:27ou des politiques plus largement de diversité et d'inclusion.
39:29Mais c'est vrai qu'on constate aussi une frilosité
39:33de la part de certaines entreprises.
39:35Et souvent, ce qu'on a comme remarque, c'est
39:37pour mettre en place une vraie politique de diversité,
39:39encore faut-il mesurer la diversité.
39:41Or, c'est impossible en France, puisque la France interdit
39:43les statistiques ethniques et donc on ne pourrait rien mesurer.
39:46Et là, il y a vraiment une espèce d'a priori sur le droit français
39:50parce qu'en fait, le conseil consignel et la CNIL
39:52le rappellent souvent, et vous l'avez rappelé Maya.
39:55En fait, on peut mesurer beaucoup de choses
39:57et donc ils servent dans un cadre légal,
39:59avec des obligations à respecter, notamment de confidentialité
40:02Mais au-delà de ça, on peut mesurer
40:04et beaucoup d'entreprises se saisissent de ces questions-là.
40:06Et donc, notre travail, c'est aussi de sensibiliser
40:08les entreprises et les employeurs sur le fait qu'ils peuvent mesurer
40:10et ensuite, du coup, avoir une politique de diversité
40:13extrêmement cohérente par rapport à leur propre spécificité.
40:16Et indépendamment de ça, il y a de plus en plus d'employeurs
40:18qui comprennent que non seulement c'est un enjeu
40:20qui est éthique et moral fondamental, absolument fondamental,
40:23mais par ailleurs, c'est aussi un enjeu économique
40:25parce que beaucoup de recherches ou d'études l'ont montré.
40:27Les politiques de diversité et de lutte contre les discriminations
40:30créent de la performance économique.
40:33J'aimerais rebondir sur effectivement la question de la mesure
40:36parce qu'il y a beaucoup d'incompréhension sur ce qui est possible ou pas.
40:40Donc, merci Adrien d'avoir rappelé ça.
40:42Et puis, dans le reportage, on voit aussi que
40:45si on ne veut pas mesurer, si on ne veut pas savoir
40:48s'il y a 27,3% ou 15,4% de personnes non-blanches au sein de l'entreprise,
40:52on peut néanmoins mesurer le sentiment d'appartenance.
40:55On peut demander, est-ce que vous avez l'impression
40:57que vos caractéristiques ethno-raciales
41:00ont un impact sur la manière dont vous êtes promu,
41:03dont vous avez été recruté ?
41:05Est-ce que vous avez entendu parfois,
41:07dans l'open space auprès de la machine à café,
41:09des remarques, des blagues qui ont pu vous offenser
41:11de ce point de vue-là ?
41:12Ça, c'est des questions qu'on peut poser.
41:14C'est vrai qu'on a un cadre juridique qui est strict sur cette question-là.
41:18Ce n'est pas une interdiction, mais en revanche,
41:20c'est strictement encadré, c'est vrai.
41:22Si on se sent mal à l'aise, parce que culturellement,
41:24c'est vrai qu'on est tous et toutes imprégnés de l'idée que c'est interdit.
41:27Donc, si on n'a pas envie de poser ces questions-là directement,
41:29il y a quand même plein d'autres choses qu'on peut mesurer,
41:31si ce n'est de manière quantitative,
41:33aussi de manière qualitative pour dresser un état des lieux.
41:36Et pour répondre à la question sur le tabou,
41:38souvent, je dis que c'est tabou justement parce qu'on n'en parle pas.
41:40Ce n'est pas tabou en soi comme ça.
41:42Vous voyez, c'est un fait, c'est tabou, on n'y peut rien.
41:44Donc, poser les conditions d'une conversation
41:47apaisée et constructive sur ces questions-là,
41:49c'est des choses qui se font, ça existe.
41:51Et donc, voilà, c'est tabou jusqu'au moment
41:53où on décide que ça ne doit plus l'être
41:55et où on se regarde les uns les autres
41:57au sein de la communauté de travail et on se dit,
41:59on a des collègues qui ne vont pas bien,
42:01on a des collègues qui vivent des situations
42:03qui sont inappropriées, qui sont malaisantes,
42:05qui sont irrespectueuses pour eux.
42:07Et donc, qu'est-ce qu'on peut mettre en place ?
42:09Et on en discute. Et ce n'est pas une question de bonne ou de mauvaise personne.
42:11Je ne fais pas des blagues à caractère raciste
42:13parce que je me suis levée le matin en me disant,
42:15j'ai vraiment envie d'embêter.
42:17Aujourd'hui, je serai méchante, tiens.
42:19Voilà, ça c'est mon... Sur ma tout doux, je mets ça.
42:21En fait, j'ai fait cette blague
42:23parce que je l'ai entendue ici ou là,
42:25parce qu'on ne m'a jamais dit qu'elle pouvait être offensante,
42:27parce que je n'en avais pas conscience.
42:29Et donc, voilà, on revient aussi à la question de la sensibilisation.
42:31Mais on peut ouvrir des conversations là-dessus
42:33et trouver une forme de nuance, mais qui nous amène quand même
42:35vers un mieux-être pour nos collègues.
42:39Sur les moyens qui existent
42:41et qui sont en train de se déployer,
42:43en 2023, le gouvernement
42:45a dévoilé
42:47le plan national de lutte contre le racisme,
42:49l'antisémitisme et les discriminations
42:51liées à l'origine. Adrien Bureau,
42:53est-ce que vous pourriez rappeler
42:55d'abord le rôle de la DILCRA, parce qu'on ne l'a pas
42:57exactement évoquée,
42:59et sa place au sein du gouvernement,
43:01et donner les grands axes
43:03du plan que je viens de citer ?
43:05La DILCRA a été fondée
43:07en février 2012
43:09et donc c'est un service du Premier ministre,
43:11ce qui montre aussi l'importance que la France donne à ces sujets-là.
43:13Et en effet,
43:15son principal rôle, c'est de concevoir,
43:17de coordonner et d'animer l'ensemble
43:19des politiques publiques sur la lutte
43:21contre le racisme, l'antisémitisme, la haine
43:23anti-LGBT et les discriminations liées à l'origine.
43:25Et on fonctionne par des plans d'action.
43:27Il y a un plan d'action tous les trois ans.
43:29Ce plan est conçu à la fois avec l'ensemble
43:31des grandes administrations françaises, mais pas seulement.
43:33On le fait aussi avec les grandes associations.
43:35Je pense notamment à SOS Racisme,
43:37à la DILCRA, mais aussi beaucoup d'autres assos,
43:39beaucoup plus petites, dont on parle beaucoup moins,
43:41mais qui font un travail très important et fécond
43:43sur l'ensemble du territoire, et donc on construit ces plans
43:45avec eux. Et donc en effet, le dernier plan,
43:472023-2026, contient 80 mesures
43:49qui s'appliquent durant ces trois ans.
43:51Et la philosophie d'abord de ce plan,
43:53c'est évidemment
43:55la mise en avant et la défense de l'universalisme
43:57français et républicain.
43:59Et il y a quatre axes prioritaires.
44:01Le premier, c'est la question effectivement d'objectiver,
44:03de quantifier. On sait qu'il y a encore
44:05un manque en termes de quantification de ces phénomènes,
44:07ce qui permet du coup à certains de penser
44:09qu'il n'y en a pas, en fait, de racisme. Ce que je vends, c'est mal quantifié.
44:11Donc un, c'est objectiver,
44:13de trouver des outils pour objectiver. Deux, c'est renforcer
44:15la formation. La formation, c'est un levier
44:17considérable pour justement déconstruire
44:19les préjugés racistes et avancer sur ces thématiques-là.
44:21Et pour ça, le plan pose
44:23un objectif qui est très fort, c'est que demain,
44:25en 2026, 100% des agents
44:27publics de l'État vont avoir ou auront
44:29reçu une formation sur
44:31les thématiques du racisme, de l'antisémitisme,
44:33de la haine anti-LGBT, etc.
44:35Troisième axe fort,
44:37c'est la sanction des auteurs.
44:39Là aussi, trop peu de sanctions. Donc l'enjeu, c'est comment
44:41on fait pour que demain, ces faits-là,
44:43ces actes-là, ces paroles-là, soient davantage sanctionnés.
44:45Et enfin, et ça aussi, c'est
44:47très important, c'est considérable, c'est l'accompagnement des victimes.
44:49Il y a beaucoup d'autocensures,
44:51beaucoup de gens qui n'y croient pas, qui n'osent pas porter plainte.
44:53Et donc là aussi, il y a un enjeu en termes d'accompagnement.
44:55Ça, c'est le plan. Parallèlement à ça,
44:57la DILCRA a d'autres activités, qu'on va dire
44:59quotidiennes, notamment une qui nous
45:01tient beaucoup à cœur et qui est très importante, c'est
45:03les subventions, le financement du secteur
45:05associatif. On a chaque
45:07année un appel à projet
45:09local et national,
45:11et donc on distribue 15 millions d'euros
45:13chaque année au secteur associatif
45:15justement pour aider, parce qu'ils ont
45:17un rôle très important au quotidien.
45:19Par ailleurs, on participe directement à la formation
45:21des fonctionnaires, puisqu'on dispense des formations
45:23et des sensibilisations auprès des
45:25policiers, des gendarmes, des magistrats, des
45:27professeurs. On mène aussi tout un travail
45:29sur la question de la haine en ligne, puisque la haine
45:31se déporte sur la question numérique
45:33et donc il y a un enjeu aussi pour nous à saisir cette question.
45:35Et enfin, la DILCRA porte la voix
45:37de la France en Europe et international pour aussi
45:39construire les politiques européennes
45:41en matière de lutte contre le racisme, l'antisémitisme,
45:43la haine anti-LGBT et les discriminations.
45:45Et là, la feuille de route de la DILCRA,
45:47c'est quoi ? Alors, on a
45:49une feuille de route spécifique sur les discriminations au travail,
45:51puisque, j'ai oublié de le rappeler, mais c'est très important à rappeler,
45:53c'est que le défenseur des droits le rappelle souvent,
45:55l'emploi est le premier domaine
45:57où s'exerce la discrimination en France.
45:59Et donc, ça demande pour nous
46:01d'avoir des spécificités sur une action en tout cas
46:03spécifique sur le marché du travail. Alors, il y a
46:05trois volets dans cette feuille de route. Un, je l'ai dit,
46:07c'est objectiver. C'est ça qui est le plus important.
46:09Pour ça, l'État pense à créer,
46:11enfin travaille en tout cas à créer,
46:13un baromètre national des discriminations.
46:15L'idée est la suivante,
46:17c'est de tester chaque année des milliers d'entreprises françaises,
46:19des centaines d'entreprises françaises, dans différents secteurs
46:21d'activité, sur différents critères et
46:23motifs de discrimination, pour
46:25savoir quels sont les secteurs où il y a le plus
46:27ou moins de discrimination, quels sont les
46:29critères qui sont plus ou moins discriminés, en quelle proportion.
46:31Ça, c'est essentiel, encore une fois, pour ensuite
46:33pouvoir cibler l'action. Donc ça, c'est objectiver.
46:35Le second point important, c'est
46:37l'accompagnement des entreprises
46:39dans la transformation des pratiques.
46:41Pour ça, je voudrais citer un exemple
46:43de choses qu'on a menées. C'est une convention
46:45qu'on a signée entre la FNAIM,
46:47qui est le plus gros réseau des agences immobilières de France,
46:49et SOS Racisme. Que dit cette convention ?
46:51SOS Racisme va
46:53tester, secrètement, les agences immobilières
46:55du réseau FNAIM. Si on
46:57constate, puisqu'il y a aussi beaucoup de discrimination dans l'accès au logement,
46:59si on constate des discriminations,
47:01eh bien, SOS Racisme va
47:03former
47:05les gens qui travaillent dans l'agence particulière
47:07où des discriminations ont été repérées.
47:09Et deux testings sont faits plusieurs
47:11mois après pour s'assurer qu'il n'y a plus de discrimination.
47:13Ce type de convention,
47:15qui, en fait, allie contrôle, test et formation,
47:17et qui nous semble très féconde,
47:19pourrait être, en fait, multiplié sur différents
47:21secteurs, et pas seulement, encore une fois,
47:23le secteur de l'immobilier, mais aussi
47:25le BTP, l'intérim, etc.
47:27Et enfin, dernière chose,
47:29c'est, encore une fois, le financement des secteurs,
47:31très important, et l'échange de bonnes pratiques,
47:33puisque, par exemple, quand vous parlez de la CNIL,
47:35encore une fois, il faut qu'on sensibilise
47:37les acteurs, comme les entreprises,
47:39aux outils dont elles peuvent se saisir
47:41pour, elles-mêmes, ensuite avoir des politiques de diversité
47:43et de lutte contre les discriminations.
47:45Alexia Sena,
47:47on vient de parler
47:49des dispositifs qui existent à l'échelle de l'État.
47:51Quels sont les leviers
47:53au sein des organisations, elles-mêmes,
47:55pour modifier les comportements ?
47:57Les leviers, une grande partie de ces leviers,
47:59on les a vus dans le reportage,
48:01de la sensibilisation, c'est-à-dire que les personnes
48:03prennent conscience de ce dont on parle,
48:05pas seulement en aient une connaissance
48:07intellectuelle, mais vraiment arrivent à comprendre,
48:09y compris d'un point de vue des émotions, quand vous me demandiez
48:11tout à l'heure quel est l'impact
48:13du racisme sur les personnes.
48:15Donc, vraiment, prennent conscience du phénomène, à la fois d'un point de vue
48:17émotionnel incarné, et aussi à travers
48:19des chiffres. Donc ça, c'est la sensibilisation.
48:21La formation, c'est-à-dire qu'est-ce que j'acquierre
48:23en fait, comme compétence
48:25quand je suis témoin d'une situation
48:27et je me rends compte qu'en fait, je ne sais pas comment réagir.
48:29Quand j'ai fait cette blague
48:31qui a heurté une personne, comment est-ce que
48:33je réagis pour
48:35montrer que je suis attentif, attentive
48:37à mon collègue ou à ma collègue, et pas faire comme si
48:39ça n'existait pas. Donc la formation, c'est
48:41un vrai sujet, et il y a vraiment
48:43cette différence entre sensibilisation et formation,
48:45c'est un vrai sujet.
48:47Donc ça, c'est vraiment des leviers,
48:49c'est les principaux leviers. Il y a la question
48:51aussi des process.
48:53Donc là, par exemple, France Travail nous parlait de la
48:55charte qu'ils ont signée, de nombreux
48:57partenariats aussi avec des acteurs associatifs
48:59sur des thématiques spécifiques.
49:01Donc ça, ça fait vraiment partie des outils
49:03et aujourd'hui, les entreprises
49:05s'en saisissent plutôt
49:07avec quand même beaucoup de recours
49:09à la sensibilisation, un peu moins sur
49:11la formation. Or, c'est elle qui permet d'ancrer
49:13vraiment des apprentissages de manière durable
49:15et de se dire, voilà, j'ai compris, en gros,
49:17je caricature un peu, mais j'ai compris que le racisme, c'était pas bien.
49:19Mais maintenant, de manière très concrète,
49:21quand je recrute, à quoi est-ce que je dois faire attention ?
49:23Quand je suis témoin d'une situation qui ne va pas, à quoi
49:25est-ce que je dois faire attention ? Et si je veux, dans mon
49:27organisation, créer une culture
49:29d'alliés, donc pas simplement des personnes bienveillantes,
49:31mais une culture de personnes
49:33qui peuvent dire, que je sois concernée ou pas
49:35par la blague, je trouve qu'elle est malaisante et
49:37je lève, j'ouvre
49:39ma bouche pour dire
49:41qu'elle est inappropriée, en fait.
49:43Et bien, tout ça, ça passe vraiment par de la formation, c'est-à-dire
49:45en petits groupes, avec de l'interaction, etc.
49:47Donc c'est une chose qui existe et dont les entreprises
49:49se saisissent plus ou moins.
49:51Un tout petit mot pour réagir sur ce que dit Alexia sur les process.
49:53L'Etat a déjà
49:55testé plusieurs fois, a fait plusieurs fois de
49:57testing et une chose qui nous remonte
49:59dans les testing, c'est que
50:01plus une entreprise décentralise son
50:03recrutement et l'externalise, plus elle discrimine.
50:05Quel que soit le secteur. A l'inverse, plus
50:07l'entreprise centralise son recrutement
50:09et l'internalise, moins elle discrimine.
50:11Donc ça, et encore une fois, changer un process
50:13de recrutement, se questionner sur le process de recrutement,
50:15c'est un moyen très simple et très efficace,
50:17en plus pas forcément très coûteux,
50:19de limiter les discriminations.
50:21Sur une partie des
50:23domaines de l'entreprise.
50:25Et juste, je veux réagir
50:27parce que dans vos travaux, Alexia, il y a aussi
50:29beaucoup de discussions autour de la
50:31diversity fatigue. Parce que là,
50:33créer une culture d'alliés, c'est aussi beaucoup parler
50:35du sujet. On parle, on parle, on parle et parfois
50:37on est fatigué d'entendre parler du sujet.
50:39Évidemment, on est fatigué et quand je parlais
50:41de libération de la parole raciste,
50:43alors que ce soit cette parole-là
50:45ou d'autres paroles,
50:47LGBTphobes, etc. Les personnes
50:49qui, au sein des organisations, sont en charge
50:51de la diversité,
50:53de l'équité, de l'inclusion,
50:55effectivement sont fatiguées parce qu'il y a un contexte
50:57déjà sociétal et politique qui n'est pas forcément très
50:59porteur là-dessus. Et puis parce que
51:01il peut y avoir
51:03aussi des coupes budgétaires, il peut y avoir des choses
51:05qu'on propose et qui ne sont pas retenues.
51:07Donc tout ça, ça crée effectivement
51:09une forme de fatigue, de lassitude, un sentiment
51:11d'isolement.
51:13Et très rapidement, une des
51:15bonnes pratiques que
51:17en tant que consultant ou consultante,
51:19on donne souvent, c'est justement ne pas être
51:21la seule personne ou la seule équipe qui
51:23incarne ça. Et je pense que dans le reportage, il y a quelqu'un
51:25qui le disait, qui disait que c'est l'affaire de tous.
51:27En fait, on a toutes et tous un rôle
51:29à jouer là-dessus, donc c'est pas juste Alexia
51:31au RH qui va s'occuper de ça
51:33quand il y a un problème, je l'appelle. C'est moi en tant que
51:35collègue, qu'est-ce que je peux faire, est-ce que je suis outillée
51:37pour le faire, évidemment. C'est en tant
51:39qu'organisation personne morale, est-ce que j'ai mis en place des
51:41processes, est-ce que je les respecte ? Et,
51:43désolée pour les managers qui nous regardent, ça tombe toujours sur eux et sur
51:45elles, mais en tant que manager, en tant que leader,
51:47est-ce que je suis exemplaire
51:49et est-ce que je suis capable d'ouvrir de manière très simple
51:51ces conversations dans mon équipe ?
51:53Sur ces sujets-là, j'ai regardé
51:55l'émission Inclusion4Change
51:57et je me suis dit que tiens, on n'en avait jamais parlé
51:59au niveau de l'équipe, que je ne sais pas comment vous vous sentez,
52:01est-ce que vous avez des choses à
52:03dire, à remonter là-dessus ? Et sachez que ma porte
52:05est ouverte. Ça peut être juste ça comme premier
52:07petit pas, mais ça,
52:09dans le reportage encore, quelqu'un disait que les gens se sentent
52:11rassurés. Les personnes minorisées
52:13se disent « Ah, on fait attention à nous ! »
52:15Je crois que c'est ça que disait la personne, on fait attention
52:17à nous. Donc voilà, c'est des petites choses
52:19mais qui peuvent vraiment faire la différence pour nos collègues.
52:21C'est un parfait
52:23mot de la fin.
52:25Très bien, c'est un mot de la fin. Et oui, c'est frustrant,
52:27on aurait encore plein de choses à se dire.
52:29Néanmoins, il existe des ressources.
52:31D'une part, le site internet
52:33de la DILCRA, où il y a quand même beaucoup de choses,
52:35le site internet de l'AFMD, le site
52:37internet de Joyeux Bazar et le livre
52:39que vous avez écrit,
52:41« Comprendre le racisme et l'antisémitisme »
52:43sorti cette année chez NAN Éditions
52:45et qui est disponible partout
52:47chez votre libraire de proximité
52:49en particulier.
52:51Je vous remercie infiniment pour ces échanges.
52:53Je suis très heureuse qu'on ait pu
52:55les avoir sur un sujet
52:57aussi grave, aussi effectivement tabou
52:59que celui qu'on a
53:01abordé aujourd'hui. On se retrouve
53:03le mois prochain pour parler du rôle
53:05des alliés, des sponsors et des ambassadeurs
53:07afin de lutter
53:09contre toute forme de discrimination au travail.
53:11On vient de parler du rôle des alliés
53:13et de cette culture.
53:15Qu'est-ce que cette présence change
53:17à l'intérieur du cadre du travail ?
53:19Toutes les infos relatives
53:21à l'épisode seront de toute façon
53:23sur le site de BeSmart4Change.
53:25A très bientôt, au revoir !