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Coco, dessinatrice et Michèle Halberstadt, productrice de cinéma, dans Tout public mercredi 27 novembre.

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00:00Et voilà d'abord celle qui plus que tout autre sans doute incarne la littérature jeunesse,
00:05Suzy Morgenstern, une grand-mère expiègle et pétillante, de 80 ans, un pied aux Etats-Unis
00:10où elle est née, un autre en France où elle réside et où elle publie, et le 6 novembre
00:13dernier a illustré jusqu'à la caricature cette réalité, jour noir, dit-elle de l'élection
00:18de Donald Trump, et baume au cœur parce que c'est le jour aussi où elle a eu le coup
00:21de fil des organisateurs du Salon du Livre et de la jeunesse de Montreux qui lui proposent
00:26de la célébrer pour la 40e édition qui commence aujourd'hui, elle va donc recevoir
00:30la grande dource du Salon, elle est passée avant dans le studio de France Info, elle
00:35a parlé de la concurrence féroce pour le livre aujourd'hui, bah oui le téléphone,
00:39portable, qu'on a et qu'elle a aussi d'ailleurs.
00:40Il y a de l'interférence aujourd'hui au collège, les enfants ont des portables, alors
00:50c'est plus dur maintenant, il faut plus d'énergie pour se battre pour le livre maintenant.
00:58Et c'est-à-dire qu'il faut écrire aussi différemment ? Est-ce que vous avez changé
01:02votre écriture pour s'adapter à ce nouveau lectorat ?
01:05Mon dernier manuscrit, pas encore un livre, s'appelle « Sans Wifi » où j'essaie
01:11de montrer le poison que c'est et la drogue dure que c'est.
01:17Vous parlez de poison et de drogue, vous iriez jusque-là ?
01:20Ah oui, parce que je vois sur moi-même, je suis toujours en train de scroller sur mon téléphone.
01:26Moi-même, comme lectrice, je lis moi-même.
01:30Pour un enfant, j'imagine ce que ça peut faire, on ne sait pas ce que ça va faire à leur cerveau.
01:39Et à aucun moment ça peut être aussi des bons compagnons les écrans, c'est forcément négatif ?
01:44Je crois qu'il faut être très strict, très dur, se battre contre ces écrans.
01:50Et pourtant, le secteur du livre jeunesse est dynamique et en bonne santé, même s'il
01:54y a eu un petit recul des ventes l'année dernière, est-ce que vous y voyez un paradoxe ?
01:58Je ne comprends pas l'économie de la chose.
02:02Je sais que nos livres marchent, que les gens les achètent et j'adore voir les enfants
02:08partir avec mes livres.
02:10C'est le parent aussi qu'il faut séduire quand on écrit pour les enfants, parce que
02:13c'est les parents qui achètent finalement.
02:14Est-ce que vous écrivez aussi pour eux ?
02:16Un de mes livres récents qui s'appelle « Mon arrière à moi » de Cheikh Léna, c'est
02:26un livre très original avec les calques pour représenter l'ami imaginaire de l'enfant
02:34dans le livre.
02:35Et les enfants sont fascinés, ils tournent les pages, ils sont fascinés, eux ils disent
02:40à leurs parents « je veux ça ».
02:42Voilà, Suzy Morgenstern avec Lucie Barbarin, grande ours donc de ce salon de la presse
02:48et du livre jeunesse de Montreuil, les pépites d'or ont été également décernées à
02:53une BD de Marie Boisson, Bianca et la forêt des parents égarés, les sujets douloureux,
02:59le deuil en l'occurrence souvent dans la littérature jeunesse, France Info installe
03:02son studio tout public demain dans ce salon de Montreuil qui reçoit 200 000 visiteurs
03:07chaque année.
03:08Nous recevons à présent une dessinatrice dont le nom n'est pas forcément associé,
03:12à la littérature jeunesse, mais dont le dernier livre est à mettre entre toutes
03:15les mains, y compris les plus jeunes qui sont sans doute sensibles à la cause qu'elle
03:19défend.
03:20Bonjour Coco.
03:21Bonjour Frédéric.
03:22Vous publiez « Pauvres bêtes », voyage au cœur de la condition animale aux éditions
03:27des échappées, bestiaires désopilants parfois, atterrants assez souvent aussi, séries de
03:33reportages que vous avez réalisées, c'est votre manière de faire, vous qui dessinez
03:38dans le Nibé, dans Charlie, dans d'autres genres, est-ce que c'est une préoccupation
03:42pour vous qui remonte à l'enfance ou est-ce que c'est plus récent cette prise de conscience-là ?
03:45Oui, j'ai toujours grandi avec des animaux et des tas d'animaux, des chiens, des chats,
03:51tortues, mon petit frère a eu un rat, on a eu des lapins, on a toujours été avec
03:56beaucoup d'animaux, des poules aussi, c'est incroyable les poules, c'est assez intelligent.
04:01Mais quand on est enfant, on considère souvent un animal comme sachose, vous étiez comme
04:04tous les enfants ou déjà vous aviez un autre regard sur ces animaux ?
04:08Non, j'aimais les animaux, on passait du temps avec eux et ça n'a jamais été
04:13un objet mais c'est vrai que dans ce livre et puis en grandissant on se rend compte à
04:19quel point la cause animale est un sujet essentiel, un sujet politique aussi, il faut les défendre
04:26et ils sont vraiment souvent maltraités, il faut aussi montrer ce réel-là pour pouvoir
04:34appeler à les défendre.
04:35Vous le montrez ce réel par une série de reportages, il n'y a pas que de la maltraitance,
04:42vous faites aussi, vous rendez un joli hommage à tous ceux qui accueillent, qui soignent,
04:47vous commencez et terminez votre BD là-dessus.
04:50Dans les refuges des soignants mais pas que, des gens qui sont passionnés par le monde
04:55animal, par la biodiversité, qui ont à cœur de préserver les espèces et puis aussi de
05:00les sauver de tout ce qui est humain en fait, tous ces dangers humains, que ce soit les
05:06collisions de voitures, que ce soit les maltraitances, que ce soit aussi plus largement l'élevage
05:12intensif en ce qui concerne la ferme Gouin-Gouin qui accueille des animaux dits de ferme, c'est
05:20très sympa et voilà, Caroline, Lucie travaillent vraiment à fond pour donner une retraite
05:27paisible à ces animaux qui clairement en ont bavé.
05:30Et le principe c'est que vous donnez aussi une identité à chaque animal, notamment
05:34dans cette ferme-là, c'est le même chouchou, le dindon Bounty, c'est ça Bounty mais avec
05:39un U en haut.
05:40Oui voilà, Bounty comme d'autres espèces en fait, je parle de souffrance animale mais
05:46j'en parle en parlant des animaux eux-mêmes.
05:50Et notre frère d'une certaine manière, ça crée évidemment une beaucoup plus grande proximité.
05:54Exactement, il faut avant tout défendre la cause animale, c'est être humaniste, c'est
06:00respecter les animaux, c'est respecter le vivant, les êtres vivants, donc c'est par
06:06là que je passe si vous voulez pour défendre cette cause aussi.
06:10Et si on vous dit c'est bébête ça ?
06:12C'est bébête ?
06:13Vous savez quand on voit des gens qui vous disent c'est bébête de défendre les animaux
06:17comme ça ?
06:18Non pas du tout, il y a de plus en plus de gens qui défendent la cause animale, de plus
06:24en plus de gens qui s'affirment contre la corrida, contre les maltraitances, on a l'impression
06:29qu'on voit tous les jours dans l'actualité des gens qui balancent leurs chats par la
06:33fenêtre, des syndromes de Noé en veux-tu en voilà, c'est des gens qui accumulent
06:40chez eux des chiens, des chats, jusqu'à parfois des centaines.
06:45Et c'est une maladie qui est absolument terrible puisque ces gens-là n'ont pas l'impression
06:49de mal faire.
06:50Pour eux les animaux c'est leur bébé, ils les soignent, mais en attendant, ces gens-là
06:57comme leurs animaux vivent dans des conditions épouvantables et il y en a beaucoup des cas
07:01comme ça.
07:02Et j'ai appris des choses en lisant votre livre, heureusement, vous allez me dire que
07:05c'est journalistique.
07:06C'est absolument journalistique, ce combat pèse par la reconnaissance, j'aime beaucoup
07:10le mot que j'ai découvert, la sentience animale.
07:12La sentience que j'ai découvert sur France Culture, figurez-vous, des voisins de chez
07:16vous.
07:17On est tellement riches à Radio France.
07:18C'est quoi la sentience ?
07:19La sentience c'est à la fois la conscience de l'animal et sa sensibilité en fait, c'est
07:26le fait que les animaux ont conscience de ce qui leur arrive et aussi ont une sensibilité
07:31face à comment on les traite.
07:35Sensibilité c'est reconnu, on appelle ça instinct animal.
07:38Parfois.
07:39Ça change quoi la conscience ?
07:40Tout, beaucoup en l'occurrence.
07:41Ça change que dès le moment où on sait, nous, que les animaux ont conscience de ce
07:45qu'on leur fait, c'est un problème éthique, moral, on ne doit pas leur faire du mal.
07:49Donc c'est en cela que j'aborde ce thème-là et en particulier dans le livre où je parle
07:55des gens qui s'occupent bien des animaux pour montrer qu'il y a un intérêt, un respect
08:00du monde animal.
08:01Mais aussi je parle des gens qui maltraitent et qui parfois n'ont pas l'impression de
08:05maltraiter.
08:06La corrida par exemple, bon nombre de gens m'ont dit « c'est une tradition, c'est
08:10une culture, c'est un art », se sont retranchés derrière ces choses-là.
08:13C'est le taureau qui est le héros, on entend ça ?
08:16C'est une manière de nier cette souffrance.
08:19Il y a ces passages, j'allais dire obligés, évidemment la corrida, il y a un reportage
08:24là-dessus.
08:25Il y a les parcs animaliers avec les spectacles de cet ACM, Marine Land, mais il y a aussi
08:30une forme, je ne sais pas si le mot maltraitant c'est juste, mais en tout cas mauvaise façon
08:35de faire, très quotidienne, le chien en laisse en ville.
08:38Oui, c'est des petites choses, j'ai fait aussi ça, des petits moments un peu observés.
08:41Vous n'êtes pas la seule, vous savez, je me disais ça avant-hier.
08:44Mais le chien en laisse en ville, parfois oui, ce n'est pas de la maltraitance, mais
08:49en permanence tiré dessus.
08:51Voilà, tiré sur la laisse, et ne pas prendre en compte le chien ou alors être…
08:59La dame parlait tout à l'heure de téléphone, j'ai vu bon nombre de gens qui avaient la
09:03tête rivée sur leur téléphone, sans voir que le chien avait la patte complètement
09:08emmêlée dans la laisse.
09:09C'est vrai qu'on ne peut pas appeler ça une maltraitance techniquement, mais ça
09:13fait partie de toutes ces choses auxquelles on doit faire attention quand on a un animal.
09:18On doit faire en sorte qu'il soit bien et qu'il soit bien tout le temps.
09:21C'est une responsabilité.
09:22Si vous n'aviez pas été dessinatrice, vous dites que vous auriez été animaliste.
09:25J'aurais rêvé d'avoir la vie de David Attenborough qui part dans tous les coins
09:31du monde.
09:32Ah oui, plus David Attenborough que Groin-Groin, la ferme Groin-Groin, voyez-le-moi !
09:36Moi j'aime tout le monde chez les animaux, j'aime aussi bien les animaux dits domestiques
09:43ou dits de ferme que les araignées, les paradisiers dans des pays exotiques.
09:50J'aime les insectes aussi, les fourmis.
09:53Vous avez un chouchou ?
09:54Non.
09:55C'est difficile cette question.
09:56J'aime beaucoup les céphalopodes.
09:58Comme beaucoup de gens, j'ai été vraiment conquise par le reportage sur la pieuvre.
10:04Vous savez qui a gagné un documentaire ?
10:06C'est exceptionnel ça !
10:07Comment il s'appelle déjà ?
10:08Je ne sais plus, on va retrouver, on va retrouver, c'est le documentaire « L'homme qui
10:12est un peu sauvé par une pieuvre » d'une certaine manière.
10:15Oui, en fait c'est marrant l'attachement qui se crée.
10:18L'homme est surpris par sa rencontre avec une pieuvre et il en vient à s'attacher
10:25à elle.
10:26À chaque fois qu'il nage, elle vient.
10:27Il y a des interactions entre eux, une forme de communication et à la fin, la pieuvre
10:32meurt parce qu'elle ne vit qu'un an et c'est presque une forme de déchirement.
10:35Ça s'appelle la sagesse de la pieuvre.
10:37Exactement, pardon.
10:38Vous connaissez Michel Albert-Stadt, notre futur invité ?
10:40Non, je ne le connaissais pas.
10:41Mais je vous encourage à le…
10:42Sur Netflix.
10:43Parce que je n'aime pas aller sur Netflix.
10:46On va écouter des fois.
10:47Des fois, on est un peu indigéalistes.
10:48Mais là, c'était une bonne chose.
10:49On va parler avec vous dans deux minutes.
10:50Mais je suis tellement d'accord sur les chiens en ville.
10:53Souvent, je me dis mais si tu prennes ton chien, tu prennes ton chien.
10:56Tu ne fais pas deux choses en même temps.
10:58Je vous présente Michel Albert-Stadt, distributrice, productrice, Coco, dessinatrice.
11:03Et propriétaire de Debrillard qui occupe tout mon espace.
11:06Merci en tout cas du cadeau Coco parce que vous m'avez aussi ramené à l'enfance.
11:12Moi, j'adorais.
11:13C'est ma génération.
11:15La coccinelle, évidemment.
11:16Mais le professeur Burp.
11:17Ça vous dit quelque chose le professeur ?
11:19Absolument.
11:20C'était absolument acceptable.
11:21Alors, il n'y avait peut-être pas le regard sur la condition animale que vous portez aujourd'hui.
11:25Mais dans grand grand, j'ai retrouvé le professeur Burp et son cochon.
11:28C'est gentil.
11:29Merci.
11:30En tout cas, n'importe qui qui aime les animaux doit avoir ce livre.
11:34Écoutez, vous faites bien votre B.O.
11:37Je trouve que c'est un sujet important.
11:39J'ai à cœur de le défendre.
11:40Je vous avoue que ça me tient à cœur.
11:43On l'a compris Coco.
11:44C'est pour ça qu'on vous a fait venir et vous m'avez précédé.
11:47Je donne le titre quand même de votre livre.
11:49« Pauvre bête voyage au cœur de la condition animale » publié aux éditions des Échappées.
11:53Merci.
11:59Forcément, une cérémonie d'ouverture de Jeux Olympiques est politique.
12:02Et certaines resteront du bon côté de l'histoire.
12:05Paris 2024, évidemment.
12:06Mais aussi, on pourra citer tant d'autres.
12:08Londres 2012, Barcelone 92.
12:10Spectaculaire et inventif à la fois.
12:12Et puis, il y a Berlin 1936.
12:14Et l'aude à la pureté de la race dans l'Allemagne nazie qui vient de s'installer.
12:18Le culte du corps, l'homme nouveau, célébré par Lénie Riefenstahl.
12:21Dans son film sans doute le plus connu, « Les dieux du stade ».
12:23Ce qui est fascinant, c'est qu'à la fois, elle aura été la cinéaste officielle du régime.
12:27Et elle aura conservé jusqu'à sa mort une forme d'ambiguïté sur ses liens avec le nazisme.
12:31Tout cela, voile un éclat dans un documentaire qui démystifie Lénie Riefenstahl.
12:36Et dont, vous l'avez compris, la distributrice Michèle Albertstadt est avec nous.
12:40Thierry Furel, il faut quand même poser d'abord quelques repères historiques.
12:44Tout le monde ne connaît pas Lénie Riefenstahl.
12:46Oui, elle est née à Berlin en 1902 dans une famille aisée, sportive.
12:50Sa première passion, c'est la danse.
12:52Carrière modeste, mais elle découvre le cinéma dans les années 1920.
12:55Elle enchaîne comme actrice des films muets de montagne.
12:58C'était à la mode à l'époque.
13:00Puis, passe à la réalisation en 1932, « La lumière bleue », primée à Venise.
13:04Et c'est la même année qu'elle se rapproche du parti national-socialiste.
13:07Rencontre avec Adolphe Hitler, dont elle devient la cinéaste.
13:10La victoire de la foi, le triomphe de la volonté.
13:13Quand Hitler s'installe au pouvoir, elle a fabriqué avec talent les images de sa conquête.
13:18En 1936, Berlin accueille les Jeux Olympiques.
13:21Hitler lui donne des moyens colossaux, les dieux du stade.
13:24C'est une façon nouvelle de filmer les corps, qui fera école jusqu'à Spielberg et Ridley Scott.
13:29On va revenir sur sa longue vie, Thierry.
13:31Mais pour bien comprendre, à la fin de la guerre, elle aurait pu être condamnée pour collusion avec le nazisme.
13:36Le nazisme, elle s'en sort bien.
13:37Avec un discours bien rôdé.
13:39Moi, la seule chose qui m'intéressait, c'était mon art.
13:42J'aurais pu aussi bien filmer pour Staline Roosevelt.
13:45La vérité est tout autre.
13:46Quand son compagnon Horst Kettner, plus jeune qu'elle de 40 ans, meurt en 2016,
13:51on découvre alors 700 boîtes d'archives personnelles.
13:54Un trésor, elle le gardait tout, enregistrait même ses conversations téléphoniques.
13:58Et là, le mensonge est dévoilé.
14:00C'est tout l'objet du film d'Andrés Veilleul.
14:02Leni Riefenstahl n'est plus là pour réécrire son histoire,
14:06ni envoyer balader les journalistes qui la mettaient face à ses contradictions.
14:10Leni Riefenstahl, qui ne supporte pas qu'on lui dise que dans ses mémoires,
14:31Goebbels raconte des scènes privées où elle était là avec Adolf Hitler.
14:40Leni Riefenstahl, la lumière et les ombres, c'est fait.
14:43Oui, Michèle Albert-Stadt, c'est absolument fascinant ce documentaire.
14:47Le fond, la forme, peut-être la forme d'abord.
14:49Enfin l'histoire, le fait qu'elle garde absolument tout.
14:53Toutes ses photos, toutes ses conversations téléphoniques.
14:56C'est une stasie à elle toute seule.
14:57Elle s'auto-enregistre.
14:59C'est quoi ? C'est pour contrôler tout de sa vie ?
15:01Oui, je pense aussi qu'il y a des trous dans les archives
15:05qui sont tout aussi intéressants que ce qu'elle a gardé.
15:07Je pense qu'elle a vraiment soigneusement choisi ce qu'elle garde et ce qu'elle ne garde pas.
15:10Mais oui, elle a passé son temps à créer une espèce d'autel d'elle-même.
15:15Pendant des décennies, elle l'avait fait jusqu'à 100 ans.
15:17Vous vous rendez compte qu'elle garde les cassettes des répondeurs téléphoniques quand même.
15:20Qui a fait ça dans sa vie de garder les cassettes de ses répondeurs ?
15:23Uniquement parce que les admirateurs et les nostalgiques du Reich lui disent
15:26« Vous êtes génial, vous êtes extraordinaire.
15:28Ça va revenir, on va revenir, on va reprendre le pouvoir.
15:31Continuez, continuez, on est avec vous. »
15:33Mais ça, ça bat en brèche effectivement tout ce qu'elle s'est construit pendant des décennies.
15:36Qui essaie aussi de dire « J'étais ingénue d'une certaine manière.
15:39Je ne savais pas ce qui se passait.
15:41Je ne pouvais pas savoir ce qui allait arriver dans les années 40. »
15:43Voilà. Et si je le savais, de toute façon, la seule chose qui compte, c'est mon art.
15:47Et ce qui restera de moi, ce sera exclusivement mon art.
15:50Mais ce n'est pas si simple.
15:51Oui, vous parlez des trous qu'elle laisse volontairement mais qui la desservent finalement.
15:55Puisque le réalisateur trouve que dans ses journaux,
15:59elle dit « Une interview au Daily Express en 1934, il n'y a pas d'interview. »
16:03Elle finit par la retrouver et dedans, elle dit très ouvertement dans ces années-là
16:09que oui, elle est une ferfante nazie tout simplement.
16:12En plus, il y a dans tout ce qu'elle a gardé, une lettre.
16:16Parce qu'après avoir fait « Les dieux du stade », elle voyage dans toute l'Europe.
16:20Le film est sélectionné à Venise.
16:22Et il y a une lettre d'elle à Hitler qui est lue dans le documentaire par elle.
16:26Mais c'est une lettre d'une jeune fille amoureuse qui est créée à son fiancé.
16:29Mais ça, c'est presque qu'elle le reconnaît.
16:32Et elle dit d'ailleurs que la première fois qu'elle l'a entendue,
16:35elle a senti un frisson lui traverser le corps.
16:37Quand même, c'est clair et net.
16:39Et cette lettre, c'est « Vous avez pensé à moi pour mon anniversaire et les fleurs étaient si belles. »
16:43Et vous voyez la photo du bouquet de fleurs.
16:45Pour tenir les fleurs, un filet, un bouquet,
16:49une espèce de fil à l'effigie de la croix gamée.
16:53Tout est comme ça.
16:54Et elle ne se rend pas compte.
16:55Et après, des années plus tard, elle revoit des images qu'elle a filmées d'Hitler accédant au pouvoir
17:00et elle est là à admirer ses propres images.
17:03Vous avez vu, c'est en rythme.
17:05Mais elle est là devant ses images, totalement obsédée par elle-même et par ce qu'elle a vécu avec lui.
17:10Et puis on se rend compte que les fake news, ça ne date pas d'aujourd'hui.
17:13Parce qu'on la voit à un moment en train de dire
17:15« Oui, mais regardez, quand je fais le triomphe de la volonté,
17:17donc quand je filme le grand congrès du parti NSDAP, le parti nazi,
17:21il n'y a jamais de choses sur la pureté de la race, sur l'antisémitisme. »
17:24C'est absolument faux.
17:26Ce qui est fou, c'est qu'elle a inventé la contre-plongée.
17:29Vous savez qu'Anne Hurenberg, elle a fait creuser une fosse autour de l'estrade où était Hitler
17:34pour que les caméras les filment par en dessous et qu'il les lèrent encore plus puissants.
17:38Elle a vraiment inventé une manière de filmer qui était le culte du corps et le culte de la personnalité.
17:42Donc elle ne peut pas dire que sa manière de filmer soit neutre.
17:45Sa manière de filmer est profondément politique.
17:47Et il y a, je pense, une phrase dans le documentaire qui la résume totalement,
17:50je l'ai dit de mémoire ou à peu près,
17:52« Quand on a la passion brûlante de l'art, il n'y a aucune place pour le monde réel. »
17:56C'est ça.
17:57Tout va bien.
17:58Je suis exonérée de tout.
18:00Sauf qu'il y a ces rapports avec les Juifs.
18:02Elle, elle n'a connu que des Juifs qui sont partis en Amérique,
18:04donc elle ne voit pas de quoi on parle.
18:06Les Juifs en Allemagne dans les années 30, je ne vois pas où est le problème.
18:09Il y a l'histoire du tournage qu'elle a fait où il y a des enfants qui ont fini dans des camps
18:14qu'elle jure avoir revus après la guerre en pleine forme, alors qu'évidemment, non.
18:18Elle les a quasiment sortis des camps parce qu'elle ne pouvait pas tourner en Espagne.
18:22Elle prend des ciganes pour le film Tiefland qu'elle tourne en 40-41.
18:27Et puis après, ces pauvres gamins, ils partent encore en concentration directe.
18:30Et elle le sait très bien.
18:31Évidemment, évidemment.
18:32Sans doute un cas très singulier, peut-être unique dans l'histoire du cinéma, Linaire et Feinstein.
18:37Mais au-delà de ça, et vous êtes à quel point une passionnée de cinéma, Michelle Elberstedt,
18:43ce qui est posé, c'est la responsabilité aussi des images, de celui qui les tourne et qui s'anexonère.
18:49On est au cœur sans doute de la plus importante question du cinéma.
18:52Absolument.
18:53Qu'est-ce que vous filmez ? Et la manière de le filmer, ça dit quelque chose de son époque.
18:57Et elle ne peut pas prétendre, ayant filmé ça, que ces images étaient juste faites pour être jolies.
19:02Et d'ailleurs, ça continue après.
19:04Dans les années 60, elle va en Afrique et elle se met à filmer des Africains comme elle a filmé les corps des athlètes.
19:10Donc il y a quand même une manière de regarder l'être humain qui est profondément raciste et anormalement subjectif.
19:17Et elle s'en défend jusqu'au bout.
19:19Mais ce qu'il y a de formidable dans ce documentaire, moi la raison pour laquelle j'avais vraiment envie qu'il sorte en salle,
19:23c'est qu'il pose des questions mais il ne répond à aucune.
19:27Il vous laisse libre de juger ce que vous voulez.
19:30Il y a sûrement des gens qui vont trouver que cette femme est extraordinaire et qu'il faut qu'on arrête de lui taper dessus avec des reproches.
19:35Qu'elle est fascinante en tout cas.
19:37Elle est fascinante.
19:38Elle est parce qu'elle est ambiguë, parce qu'elle est multiple, parce qu'elle est tout aussi talentueuse que monteuse
19:43et qu'elle a vraiment inventé quelque chose dans la manière de filmer les corps.
19:46Mais justement, cette manière de filmer est profondément, encore une fois, politique même si elle s'en est toujours dédouanée.
19:53Et Andrés Weigel, le réalisateur, vous dit que comprendre ce n'est pas excuser.
19:58Il a envie de comprendre parce que c'est vrai qu'il y a aussi dans ce film la part psychanalytique de son éducation.
20:05Avec un père très violent et ça a forcément joué.
20:08Et elle était une femme dans les années 1920, réalisatrice.
20:11Elle crée sa société de production.
20:13C'est impensable pour l'époque.
20:15Et en plus, vous savez que pour filmer les dieux du stade,
20:17elle a eu 33 caméramans et 33 caméras qu'elle a dirigées elle-même, toute seule.
20:21C'est un pouvoir énorme pour l'époque.
20:24Excusez-moi.
20:26On n'aurait pas boire d'eau pendant l'antenne.
20:29Ça pose aussi la question de celui qui regarde.
20:32Absolument.
20:33Parce que Léni Riefenstahl, oui, sans doute, la réputation, c'est qu'effectivement, elle a accompagné ce régime-là.
20:39Mais faut-il aujourd'hui effacer les documentaires, les films de Léni Riefenstahl ?
20:44Il ne faut rien effacer du tout.
20:45Il faut juste contextualiser et savoir qui l'a fait et dans quel esprit et dans quelle intention.
20:49Il n'empêche que la manière de filmer est extraordinaire
20:51et que tout le monde a pompé Léni Riefenstahl depuis.
20:54On ne va pas interdire les contre-plongées parce qu'elles ont été faites.
20:57Exactement, parce qu'elle les a inventées.
20:59Il faut juste savoir en quoi ça manipule un discours.
21:02Vous voyez un homme qui parle à une estrade,
21:04la manière que vous avez de le filmer, de le représenter,
21:07change l'influence qu'aura le discours sur vous-même.
21:10Et ça dit aussi qu'on n'a pas une bonne éducation à l'image.
21:12On maîtrise mal l'image.
21:13Ça reste quelque chose dans nos sociétés occidentales plus littéraires que tourner vers l'image.
21:18Regardez Trump quand il a été blessé à l'oreille.
21:20La manière qu'il a eu de mettre sa main au-dessus de sa tête,
21:23il savait très bien que c'était une image qui allait être iconique
21:26et qu'elle allait lui gagner l'élection.
21:28Est-ce qu'il y a d'autres Léni Riefenstahl de Staline justement ?
21:31Parce qu'elle dit « j'aurais pu être la cinéaste officielle de Staline ou de Roosevelt ».
21:36Il y a eu des cinéastes officiels en Russie.
21:39Mais ce n'était pas la même chose.
21:41Parce qu'ils étaient assumés, reconnus comme étant officiels.
21:44Vous voyez ce que je veux dire ?
21:45Léni Riefenstahl, c'est-à-dire quelqu'un qui invente une manière de filmer
21:48et qui en plus se dédouane de la portée de ce qu'elle filme,
21:51elle est unique au monde.
21:53Le talent, il existe.
21:54Son talent existe.
21:55Absolument.
21:56Et sa méchanceté conserve puisqu'elle est morte à 101 ans.
21:59Et quand on le voit dans ce documentaire, c'est aussi une grande actrice.
22:02Ah oui, obsédée par le mal et par la lumière.
22:05C'est quasiment le jour de ses 100 ans qu'elle est interprouvée chez elle.
22:09Quand elle descend l'escalier, elle sait qu'elle est filmée.
22:12Alors que ça n'apparaîtra sans doute pas dans le documentaire.
22:15Mais c'est une descente d'escalier de star et elle a 100 ans.
22:18Elle contrôle tout.
22:19C'est ça, jusqu'au bout.
22:21Et bien voilà, fascinant, inquiétant, visionnaire et folle.
22:26Et très contemporain du coup malheureusement.
22:28Incroyablement contemporain.
22:30Cette façon, à l'heure des Fake News,
22:32cette façon de regarder les images et de comprendre que la façon dont on les filme
22:38en change la portée.
22:39Jamais ça n'a été plus actuel qu'aujourd'hui.
22:41Il y a effectivement des leçons à tirer aujourd'hui.
22:43On comprend à quel point, vous avez raison de le souligner,
22:46on ne donne pas toutes les réponses là-dedans.
22:48A chacun de regarder.
22:49C'est ça qui est intéressant dans un documentaire.
22:52Sur la forme, c'est un documentaire très rare.
22:55Il faut le souligner.
22:56La voix off n'est pas trop présente.
22:58Et encore une fois, 700 boîtes à 4 ans de travail, de désarchivage.
23:02C'est colossal.
23:03Il ne suffit pas de désarchiver.
23:04Après, il faut monter ça.
23:05Il faut coller.
23:06Merci beaucoup Michel Alberstadt.
23:07Je rappelle ce documentaire.
23:09La lumière et les ombres.
23:10Leni Riefenstahl au cinéma.
23:12Merci Thierry Fioril.

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