Claire Suco est la créatrice de “Meuf”, le réseau social dédié aux femmes. Aujourd'hui, elle nous parle du harcèlement en ligne.
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00:00Il y a aussi des femmes qui parlent de violences qu'elles vivent et donc qui reçoivent de l'aide grâce à d'autres femmes sur l'application.
00:06Il y a au moins cinq femmes qui ont quitté des hommes violents.
00:09Potentiellement, on a évité cinq féminicides.
00:11Bonjour, moi c'est Claire Succot, je suis la fondatrice de Meuf, qui est le réseau social réservé aux femmes.
00:16Et aujourd'hui, je viens vous parler de violences en ligne.
00:18Alors, être une femme sur les réseaux sociaux aujourd'hui, c'est s'exposer à énormément de violences.
00:23On va se recevoir du coup des critiques sur son physique,
00:25ce qui arrive quasiment tout le temps quand une femme poste une photo ou une vidéo où elle ne parle absolument pas de ça.
00:30Mais voilà, on va, de manière non sollicitée, lui dire ce qu'on pense de son physique et toujours avec des critiques.
00:35Ensuite, il va y avoir le harcèlement.
00:37Il y a des gens et des hommes qui vont envoyer des messages et des commentaires pour draguer.
00:43Sauf que ce n'est pas de la drague et ça se transforme en harcèlement.
00:46Et puis après, il va y avoir ce qu'on appelle l'envoi de photos non sollicitées, donc des dick pics.
00:50Tout ça fait qu'être une femme sur les réseaux sociaux est extrêmement violent
00:54et que de plus en plus de femmes se censurent, n'osent pas prendre la parole,
00:58que ce soit sur des sujets politiques ou juste poster ce qu'elles font à manger ou comme sport, etc.
01:03par peur de tout ça, qu'elles l'aient vécu elles-mêmes ou qu'elles aient vu d'autres en être victimes.
01:07Alors, je pense que les hommes harcèlent en ligne effectivement parce qu'ils ont l'impression d'être anonymes.
01:12Et de toute façon, je pense que c'est un problème qui est beaucoup plus large et beaucoup plus global.
01:16On a reproduit sur Internet ce qu'on a fait dans la vraie vie, de manière parfois même plus violente.
01:20La violence envers les femmes, elle est quotidienne, elle est dans la vraie vie.
01:24Et sur Internet, et particulièrement sur les réseaux, qui sont pour moi très responsables aussi,
01:29parce qu'il y a quand même 92% des contenus sexistes signalés qui ne sont pas supprimés des plateformes.
01:35Donc c'est énorme.
01:36Oui, les plateformes laissent faire parce que c'est la haine qui vend et que c'est leur business model.
01:41C'est comme ça qu'elles font le buzz et elles décident sciemment de laisser cette haine
01:45et au contraire d'invisibiliser tous les contenus qui vont parler de cyber-harcèlement,
01:50mais parler aussi de violences faites aux femmes.
01:52Par exemple, sur les réseaux sociaux, on ne peut pas dire le mot « viol ».
01:54Là, vous allez sûrement devoir mettre un bip.
01:56Voilà, c'est très grave en fait.
01:57On ne peut pas nommer les choses, mais par contre, on peut se faire harceler et se faire menacer de viol.
02:01À tout va, quoi.
02:02Là, on parle de violences envers les femmes, mais il y a aussi du racisme, de l'homophobie, de la transphobie.
02:07Il faut que les plateformes aient des conséquences à laisser tout ça et qu'elle soit quelque chose de punitif.
02:13Moi, en fait, l'histoire de meuf, à la base, ce n'était pas forcément pour répondre à ce problème de violence en ligne,
02:19c'était pour répondre à un besoin de safe place pour les femmes, pour discuter de tous les sujets qui nous concernent.
02:24Moi, l'idée, je l'ai eue quand moi-même, j'ai eu ce besoin, parce que j'ai avorté en 2017.
02:28Et j'avais vraiment besoin de pouvoir échanger avec des femmes qui avaient vécu ça.
02:31Et je ne trouvais pas d'endroit pour le faire.
02:33Et clairement, je n'aurais jamais parlé de ça sur Insta.
02:36Donc, je me disais, OK, il faut un endroit pour qu'on s'exprime et pour qu'on soit entre nous,
02:40pour qu'on puisse se soutenir, pour qu'on puisse se réparer aussi.
02:42Parce que pour moi, c'est quelque chose qui est très important, la réparation des violences entre femmes.
02:47C'est quelque chose auquel je crois beaucoup.
02:48Et la sororité qui peut vraiment changer les choses et qui peut permettre de se sentir mieux par la suite dans des espaces mixtes.
02:54Ensuite, en ayant un compte sur les réseaux sociaux avec quand même pas mal d'abonnés,
02:59j'ai pu observer tous les jours des femmes qui venaient me voir en me disant,
03:02j'ai envie de parler de ce sujet, mais moi, je n'ose pas le faire sur les réseaux.
03:05Est-ce que vous, vous pouvez le faire ?
03:06Puis comme ça, je regarderai les réponses.
03:08Ça pouvait être, je pense que j'ai de l'endométriose.
03:11Je me suis dit, OK, donc il y a un vrai sujet.
03:13Il n'y a pas que moi qui suis concernée.
03:14Il n'y a pas que moi qui ressens ce besoin de safe place.
03:16Du coup, sur l'application Meuf, il y a vraiment tout type de conversations.
03:20Il va y avoir évidemment des conversations sur la santé, donc les règles, la sexualité, la ménopause, la contraception, la grossesse, l'allaitement.
03:28Après, il y a aussi, je dirais, 60% qui sont des conversations qui pourraient être sur Instagram ou sur TikTok,
03:34mais qui sont là de manière beaucoup plus libre.
03:36Il y a beaucoup de femmes qui vont poster en disant, ah waouh, ça fait trop du bien.
03:40Je n'ai même pas réfléchi en postant cette photo.
03:43Et après, je dirais qu'on a 30% de conversations qui concernent les violences, violences conjugales ou sexuelles.
03:48Et ça va être des violences qui soit ont été vécues, donc il y a des femmes qui ont besoin d'en parler et, comme je le disais, de se réparer entre elles.
03:55Et franchement, ça, c'est hyper beau.
03:57Enfin, je chiale à chaque fois que je vais dans cette catégorie de l'application qui s'appelle Je te crois.
04:01Et sinon, il y a aussi des femmes qui parlent de violences qu'elles vivent et donc qui reçoivent de l'aide grâce à d'autres femmes sur l'application.
04:08Voilà, il y a au moins cinq femmes qui ont quitté des hommes violents.
04:12Je pense que ça, c'est une de mes plus grandes fiertés, évidemment, de me dire que potentiellement, on a évité cinq féminicides.
04:17C'est très chouette à voir et très émouvant de voir cette liberté, cette réparation entre femmes, cette sororité.
04:24C'est au-delà de mes espérances, vraiment.
04:26Pour conclure, je dirais que les violences en ligne ne sont absolument pas normales, qu'on a tendance à les minimiser,
04:33alors qu'en fait, elles ont un impact tout aussi important, voire parfois plus que les violences qui ne sont pas en ligne
04:38et qu'il faut vraiment continuer d'en parler, continuer de dénoncer.
04:41Si ça vous arrive, ne vous n'êtes pas seule et surtout, venez sur Meuf si vous êtes une femme,
04:46parce que ça fait du bien d'avoir un endroit justement où il n'y a pas de haine.
04:50C'est un peu le monde des bisounours et ça fait vraiment du bien comparé aux autres réseaux.
04:54Ça fait une petite pause, quoi, voilà.