La fille de Jennifer, Assia, est tombée dans les griffes de la prostitution à 14 ans suite à sa rencontre avec un jeune homme lors d'une colonie de vacances. En fugue depuis quelques semaine, la jeune fille ne donne aucun signe de vie à sa mère. Grâce à la ténacité de Jennifer, Assia finira par être retrouvée. À ce moment, cette maman découvrira que sa fille, alors âgée de 15 ans, est enceinte. Elle accouchera quelques mois plus tard d'un petit garçon. Le géniteur n'est autre que le petit-ami proxénète. Il va être condamné 12 ans de réclusion criminelle.
#Justice #Témoignage #Société #Prostitution #France #Judiciaire #Mineur
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NewsTranscription
00:00C'est un gros sentiment de dégoût.
00:02Elle n'est plus ma fille.
00:03Ça va pas durer longtemps, ça va durer trois jours dans ma tête comme ça,
00:06mais à ce moment-là, c'est pas possible.
00:08Vendre son corps, c'est une limite que je ne pourrai jamais franchir.
00:11C'est quelque chose qui me dégoûte.
00:12Je m'appelle Jennifer Payet, je suis la maman d'Asia,
00:15qui s'est prostituée à l'âge de 14 ans.
00:17Elle avait rencontré son petit copain en colonie de vacances
00:20et aujourd'hui, il a été condamné à 12 ans de réclusion criminelle.
00:23Asia est née, j'avais à peine 16 ans.
00:25C'était une petite fille adorable, mignonne,
00:27qui évoluait comme une enfant de son âge.
00:30Après, ça a toujours été un petit peu difficile.
00:33J'étais moi-même dans un foyer maternel.
00:35À l'époque, quand j'arrivais à mes 18 ans,
00:37il y avait la sortie sèche.
00:39Il n'y avait pas de prise en charge derrière,
00:41forcément mise en place automatiquement.
00:43Donc, il y aura un premier petit placement.
00:46Je prendrai un appartement, je la récupérerai.
00:49Ces placements ont perduré.
00:50En fait, il faut savoir qu'avant cette colonie de vacances,
00:53elle connaîtra son père.
00:54Donc, elle partira vivre chez son père pendant deux ans
00:57sous la décision d'un juge des enfants.
00:59Et en fait, chez son papa,
01:02elle subira les incestes de son grand-père paternel.
01:05Elle n'obtiendra jamais sa reconnaissance de victime,
01:07et elle va se construire avec ça.
01:09Et du coup, ce garçon qu'elle va rencontrer à l'âge de 14 ans en colonie,
01:13qui est son premier petit copain,
01:15deviendra rapidement son proxénète.
01:17Alors moi, je vais me rendre compte de la prostitution de ma fille
01:19assez rapidement, au final.
01:20Je la sais en fugue.
01:21Son numéro de téléphone ne fonctionnait plus.
01:23Ses réseaux sociaux n'étaient plus actifs.
01:26Et comme son premier téléphone, c'est moi qui lui avais offert,
01:29c'est moi qui avais créé son Gmail.
01:31Et dedans, je vais y trouver des publicités de sites d'escorting
01:34que je ne connais même pas.
01:35Et en rentrant dedans, en faisant mot de passe oublié, etc.,
01:39je vais me retrouver à être connectée à la place de ma fille.
01:42Et donc, je vais voir les échanges avec ses clients,
01:46les grilles tarifaires d'annonces,
01:49et les lieux, les pratiques, les suppléments.
01:54C'est un gros sentiment de dégoût.
01:56Elle n'est plus ma fille.
01:57Ça ne va pas durer longtemps.
01:58Ça va durer trois jours dans ma tête comme ça.
02:00Mais à ce moment-là, ce n'est pas possible.
02:02Vendre son corps, c'est une limite que je ne pourrai jamais franchir.
02:05C'est quelque chose qui me dégoûte.
02:06Et ça a été très compliqué de recevoir ça.
02:10Surtout que quand je me connecte,
02:12je n'oublierai jamais cette image.
02:14La première conversation que je vois,
02:16c'est ma fille qui écrit à ce client.
02:20Et cet homme, en fait, est nu.
02:22Il envoie ses parties intimes en selfie.
02:25Ce n'est pas ma fille.
02:27Ce n'est pas possible.
02:28À ce moment-là, quand je lis ça, je ne peux pas.
02:31Ce n'est pas mon enfant.
02:32Quand je ressens ce dégoût,
02:33je n'ai pas conscience qu'elle est victime.
02:35À aucun moment, ça traverse mon esprit
02:37que mon enfant est victime d'un proxénète.
02:39Et donc, je vais être obligée,
02:41malgré que je suis dépositaire de l'autorité parentale,
02:43je vais être obligée de passer par sa référente ASE.
02:45ASE, Aide sociale à l'enfance.
02:48Dans les institutions,
02:49ils ont ce qu'on appelle informations préoccupantes.
02:51Ils font une information préoccupante de la fugue.
02:54Mais derrière, ce n'est jamais qualifié de disparition inquiétante.
02:56Enfin, du moins, pas tout de suite.
02:57Ça prend beaucoup de temps.
02:58Il va me falloir commencer à arpenter la France
03:01et à me déplacer dans les endroits
03:03où je vais localiser ces annonces,
03:05aller dans les commissariats de secteur,
03:07venir avec mes procédures de fugue,
03:10les captures d'écran, mes informations.
03:12Et c'est vraiment au fil du temps
03:14que la machine va se mettre en place.
03:15Il va se passer quelques semaines,
03:17je pense deux, trois semaines,
03:19avant que j'arrive réellement à savoir
03:21à quel endroit elle se situe.
03:23Et donc, je vais partir dans le 77.
03:26Et c'est là, c'est à ce moment-là
03:28que, quand je vais la retrouver,
03:30que je vais la voir dans cet état nauséabonde.
03:34Elle sent très mauvaise.
03:35Elle a plein de maladies.
03:38Elle n'a pas de vêtements.
03:41C'est une clocharde.
03:42Enfin, je veux dire, quand je la récupère,
03:43vous pourriez l'identifier à ça.
03:45Quand je vais repartir avec elle sur la route,
03:47je vais discuter.
03:49Et c'est là que je vais comprendre, en fait,
03:51qu'il y a quelque chose de pas normal.
03:52Elle va rester avec moi pendant deux mois.
03:54Et pendant ces deux mois-là,
03:56je vais avoir pris son téléphone.
03:58Je vais lire les conversations avec les clients.
04:01Je vais même échanger avec des clients par téléphone
04:03qui me disent dans quel état ils ont retrouvé ma fille.
04:06Certains clients vont même m'expliquer
04:08qu'ils n'ont pas payé la passe.
04:09Enfin, qu'ils ont payé la passe, je veux dire,
04:10parce que c'était une enfant qui ne voulait pas
04:11qu'elle se fasse frapper.
04:13Mais ils ne vont pas avoir fait leurs actes, là.
04:17Et du coup, je vais comprendre que ma fille,
04:18dans ces moments-là,
04:19c'est pas elle qui récupère l'argent,
04:20puisqu'on va me dire qu'il y avait un homme
04:22caché dans la salle de bain.
04:23On va m'expliquer qu'elle avait des hématomes,
04:26des contusions.
04:26Et c'est comme ça, en fait, que je vais comprendre
04:28qu'il y a quelque chose de pas normal
04:29et qu'en fait, c'est pas elle, mais quelqu'un d'autre.
04:31Et il va arriver le moment où elle va repartir
04:35au bout de deux mois.
04:36À ce moment-là, en plus, je viens de recevoir
04:38le courrier du juge des enfants
04:40qui me dit que la main levée de placement est faite.
04:42C'était juste qu'en fait, elle était arrivée
04:44dans une situation où ils ne voulaient plus
04:45qu'elle dépende de leur système,
04:47puisqu'ils étaient en échec.
04:48Dans mon malheur, il y a du bonheur.
04:50Elle va être enceinte.
04:52C'est cette grossesse qui va être le début de quelque chose.
04:55Par contre, elle va quand même repartir malgré la grossesse
05:00et il va la faire bosser jusqu'à sept mois de grossesse à peu près.
05:04Mais juste à cette période-là,
05:06je vais avoir la chance de tomber sur un enquêteur différent
05:10des dix précédents.
05:12Quelqu'un qui va faire son travail avec envie et empathie.
05:15Et cette fois-là, quand ma fille rentrera,
05:18il ne lâchera pas l'enquête.
05:20Il continuera.
05:21La grossesse me permet de créer
05:23une complicité différente avec ma fille.
05:25On avait instauré un journal intime.
05:27Elle écrivait dans un journal intime,
05:29donc chaque jour, elle changeait de couleur.
05:31Et elle le laissait en vue sur son lit.
05:35Je l'ai lu plusieurs fois et je le prenais même en photo.
05:38C'est des choses qu'on a utilisées dans la procédure aussi.
05:42Elle racontait tout ce qui lui a fait vivre.
05:44Elle racontait les coups, la violence.
05:46Elle racontait l'amour qu'elle avait pour lui.
05:48Elle racontait le fait qu'elle avait envie de mourir,
05:52qu'il lui a donné envie de mourir.
05:53C'était très profond de ses émotions.
05:57Ensuite, nous sommes montés à Paris avec ma fille.
05:59Son fils était né.
06:02On a été auditionnés.
06:04Et il est rentré en mandat de dépôt.
06:06Et du coup, deux ans plus tard,
06:08on a eu cette cour criminelle en 2023.
06:10Donc il est rentré en mars 2021.
06:12Et en mars 2023, le procès a eu lieu.
06:17Ça a été deux années très, très compliquées.
06:20Il y a eu au début beaucoup de bonheur.
06:21Mon petit-fils était né.
06:24Elle créait beaucoup de liens avec son fils.
06:26C'était beau à voir.
06:27Et en fait, ma fille a rencontré un autre homme
06:31qui était le sosie de son proxénète physiquement,
06:33mais par contre, qui ne l'a jamais prostitué,
06:35mais qui était un homme violent.
06:36J'ai retrouvé ma fille avec des hématomes.
06:38Je repartais en arrière, en fait.
06:39Ça a duré jusqu'au procès.
06:42Et au moment d'ouvrir le procès,
06:44elle était à ma gauche
06:45et lui est arrivée en face de nous dans le box.
06:48Et la première chose que ma fille m'a dit,
06:50c'est le sosie de...
06:53Bon, je ne vais pas donner son prénom, voilà,
06:55de son nouveau petit copain.
06:56Et elle m'a expliqué que cette relation toxique-violente,
07:00elle voulait y mettre fin.
07:01Et en fait, elle m'a demandé de lui faire confiance
07:04et elle m'a expliqué qu'elle avait besoin, elle,
07:05de mettre fin à cette relation,
07:07que je l'avais toujours fait pour elle,
07:08mais que cette fois-ci, elle avait besoin de le faire.
07:10Elle l'a fait.
07:11Ça a pris du temps.
07:12Ça a pris trois mois, mais elle l'a fait.
07:14Je pense que la lenteur du système
07:17est compliquée sur la reconstruction.
07:20Les faits commencent en 2018-2019.
07:232021, le mandat de dépôt.
07:252023, la condamnation.
07:26Là, 2024, les expertises.
07:292024, lui demande une baisse de sûreté,
07:31donc il est encore de nouveau dans notre existence.
07:34Et ce n'est pas fini,
07:36puisqu'il y a encore des audiences en partie civile.
07:39Il y a encore quand même des choses
07:40qui font que ça dure six ans.
07:42Comment est-ce que vraiment la victime,
07:44elle peut engager une reconstruction complète
07:48alors qu'il y a encore des relents de son parcours de victime ?
07:53Et en plus de ça, son grand-père paternel
07:55n'a jamais été auditionné, n'a jamais été condamné.
07:57Le premier trauma de sa vie,
07:59elle n'obtiendra jamais de réponse.
08:02Et je pense que c'est très compliqué pour elle, ça.
08:04Du coup, elle fait un peu l'ascenseur émotionnel,
08:07l'ascenseur de stabilité.
08:09Mon petit-fils, voilà, ma fille n'arrive pas à l'assumer,
08:13il n'est pas avec nous à temps plein, c'est vrai,
08:14parce que j'ai pris la décision de le placer.
08:17J'ai choisi de garder ma fille avec moi
08:21et continuer de l'accompagner à devenir une bonne maman,
08:23une maman à la hauteur,
08:24et laisser mon petit-fils évoluer dans un lieu sain,
08:28loin de l'émotion de son histoire, en fait,
08:32parce qu'il naît quand même de cette prostitution.
08:34Son géniteur, c'est quand même à 99% sûr
08:37que ce soit son proxénète.
08:38Et même là, je vais prendre mon petit-fils tous les week-ends,
08:41je le prends en vacances,
08:43je maintiens du lien par des photos,
08:46je parle de ma fille et vice-versa dans l'autre sens.
08:49Maintenant, l'environnement est largement sain,
08:51mais à l'époque où je prends cette décision,
08:53ma fille est en couple avec cet homme qui la frappe.
08:56Ce n'est pas possible,
08:57je ne peux pas laisser mon petit-fils au milieu de ça.
08:59Je vais l'amener une fois aux urgences
09:00parce qu'il avait soi-disant trébuché,
09:02en fait, non, il se sent embrouillé, il est tombé du lit.
09:04Je ne peux pas fermer les yeux sur ça.
09:06Il a besoin d'être en sécurité.
09:07Et je ne peux pas le garder et mettre ma fille dehors
09:09parce que sinon, qu'est-ce qu'elle va devenir ?
09:11Je la laisse aux mains de cet individu.
09:13Quand je vais aller pousser la porte de la MDS
09:16et demander qu'on m'aide,
09:20c'est vraiment compliqué.
09:22C'est mon objectif maintenant,
09:23c'est de demander le retour de Kelvin à la maison.
09:26Ça, c'est indéniable.
09:28Peut-être qu'il restera encore quelques mois,
09:30peut-être que ça prendra un an ou deux, j'en sais rien.
09:32On fait comme on peut, bien sûr.
09:33Mais bien sûr, Kelvin...
09:35Il faudra qu'il revienne.