La dernière enquête annuelle "Fractures françaises", réalisée par Ipsos pour la Fondation Jean-Jaurès, dresse le portrait d'un pays inquiet et mécontent. Les Français expriment une défiance grandissante à l'égard de la classe politique et des institutions. Écoutez l'analyse de Gilles Finchelstein, secrétaire général de la Fondation Jean-Jaurès.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 04 décembre 2024.
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00:00RTL Soir, édition spéciale, Agnès Bonfillon et Yves Calvi.
00:05Il est 18h42, bonsoir Jelphine Goldstein.
00:08Bonsoir.
00:09Vous êtes politologue, vous dirigez la fondation Jean Jaurès
00:11et vous venez de publier une nouvelle enquête d'opinion intitulée
00:13« Fractures françaises », c'est au pluriel,
00:15réalisée avec l'Institut Ipsos.
00:18Comment les Français vivent-ils ce qui est en train de se passer à l'Assemblée Nationale,
00:21c'est-à-dire le renversement probable du gouvernement Barnier selon vous ?
00:25Alors l'enquête a été réalisée avant.
00:27Oui, bien j'entends bien.
00:28Mais elle éclaire beaucoup ce qui est en train de se passer
00:32parce que c'est une enquête sur laquelle on a une perspective historique,
00:35c'est la douzième édition, donc ça fait douze ans
00:38que l'on pose à peu près les mêmes questions aux Français
00:42et ce qui caractérise l'enquête de cette année, c'est la crise politique.
00:48C'est-à-dire que quand on regarde par exemple la confiance qu'ont les Français
00:52envers différentes institutions, institutions au sens très large,
00:56on teste vingt institutions différentes.
00:58Les entreprises, les petites, les grandes, le secteur du nucléaire,
01:02l'école, la justice, la police, l'armée.
01:05Tout cela progresse cette année.
01:08La confiance progresse, sauf les institutions politiques.
01:12La présidence de la République, les députés, les partis politiques,
01:17moins cinq, moins six, moins sept.
01:19Et donc ce qui vient se passer aujourd'hui, d'une certaine manière,
01:24vient éclairer cette crise politique, cette crise de défiance politique des Français.
01:29Donc les Français que vous interrogez vous ont annoncé, d'une certaine façon,
01:32la crise politique que nous sommes en train de vivre.
01:34Oui, ils nous ont...
01:37En fait, ce qui s'est passé, je crois, c'est qu'il y avait une fragilité depuis 2022
01:44et qui s'est amplifiée avec la dissolution.
01:47C'est une décision qui n'a pas été comprise par les Français, à aucun moment.
01:52Et il en reproche à la fois au président de la République d'avoir précipité le pays dans le chaos
01:58et aux députés et aux partis politiques de ne pas avoir été capables
02:02de faire les compromis nécessaires que la situation, l'absence de majorité impliquait.
02:08Mais alors la séquence politique inédite que nous sommes en train de vivre,
02:11est-elle de nature à aggraver la défiance des Français à l'égard du système politique ?
02:16Je le pense, à moins qu'un sursaut n'arrive, mais je vais vous donner une autre illustration.
02:24Une des questions qu'on pose est de savoir
02:26est-ce que vous avez le sentiment que la démocratie fonctionne bien
02:30ou que vos idées ne sont pas bien représentées ?
02:33On n'a jamais eu une assemblée nationale aussi représentative.
02:36Onze groupes politiques, c'est comme si on avait la proportionnelle.
02:4087% des Français disent « mes idées ne sont pas bien représentées ».
02:44Ça veut dire quoi ?
02:46Ça veut dire que ce n'est pas l'existence de leurs courants qui est en cause,
02:50puisque tous les courants sont à l'Assemblée,
02:52mais c'est la manière dont ils sont représentés qui ne le convient pas.
02:57C'est la qualité du débat public et de leurs représentants
03:00qui est aujourd'hui profondément questionnée.
03:03Les priorités des Français ne sont pas portées par nos élus, c'est ça ?
03:07C'est les priorités et puis c'est sans doute le sentiment
03:12que chacun reste sur son petit îlot,
03:17convaincu que la pureté est là
03:21et que la radioactivité est partout ailleurs
03:24et qu'ils sont incapables de faire des compromis.
03:28Autre illustration de cette même idée.
03:31On interroge depuis 2022, parce qu'on ne pouvait pas interroger avant.
03:35Est-ce que c'est mieux qu'il y ait une majorité absolue,
03:38parce que ça permet de gouverner,
03:40ou une majorité relative parce que ça oblige tout le monde à faire des compromis ?
03:44En 2022, 70% des Français disent une majorité relative, c'est très bien.
03:48Ça va les obliger à discuter.
03:50Deux ans après, il n'y a plus que 50%.
03:5350% disent une majorité absolue finalement,
03:55ce n'est pas si mal parce qu'ils ne sont pas capables de se mettre d'accord.
03:58C'est ça le défi devant lequel les députés,
04:01après la censure de ce soir, vont se trouver.
04:04C'est être capable de se hisser, je ne dirais pas à la hauteur des enjeux,
04:08mais à la réalité de cette situation.
04:11Parce qu'au fond, si le gouvernement tombe ce soir,
04:14c'est pour une raison un peu tautologique,
04:16c'est qu'il n'y ait pas de majorité.
04:18Dans un régime parlementaire, ce qu'on essaye de commencer par faire,
04:22c'est de constituer une majorité.
04:24Et ça, ça nécessite de faire des compromis.
04:26Cette séquence politique actuelle peut-elle profiter à quelqu'un ?
04:31Alors, je n'en sais rien.
04:36On vous oblige à faire de la prospective.
04:38Vous êtes un spécialiste de l'analyse a posteriori.
04:42Oui, c'est beaucoup plus facile.
04:44On est dans ce moment classique
04:48où tout le monde essaye de faire porter la responsabilité de la crise aux autres
04:53et tout le monde dénonce l'irresponsabilité de chacun des acteurs.
04:57Chacun, de bonne foi, est persuadé d'être responsable et cohérent
05:00et que tous les autres sont irresponsables.
05:02À la fin, que va retenir de cette séquence l'opinion ?
05:06Franchement, je n'en sais rien.
05:09Il est possible que pas grand monde en profite
05:11et que ce soit une forme de distance plus importante envers la politique.
05:17Les Français attendent des compromis ?
05:19Oui.
05:21Absolument.
05:23Ce n'est pas comme ça que fonctionne notre vie politique.
05:26Elle a même été construite d'une certaine façon contre ça.
05:29C'est des majorités qui sont désignées
05:32et qui ensuite imposent ce pour quoi elles ont été élues.
05:35Vous avez parfaitement raison.
05:37Non seulement ce n'est pas comme ça que fonctionne la Ve République
05:40dont la logique est un scrutin majoritaire à l'Assemblée
05:44et puis un Président de la République élu au suffrage universel direct
05:47et que tout ça entraîne des choses.
05:50Ce n'est pas comme ça même que s'est construite l'histoire de notre pays.
05:53On a fait la révolution et pas la réforme.
05:56On a un État qui a toujours été très centralisé.
05:59Là où, dans beaucoup d'autres pays européens,
06:01il y avait des compromis entre l'État central et les collectivités locales
06:06ou entre l'État central et les partenaires sociaux.
06:09Donc ce n'est pas comme ça que s'est construit ni l'histoire de notre pays
06:12ni la Ve République.
06:14Mais c'est ce que souhaiteraient davantage les Français
06:16avec leurs propres contradictions aussi
06:19parce qu'ils disent vouloir des compromis.
06:22C'est quoi la phrase qu'on entend tout le temps ?
06:24On ne lâche rien.
06:26C'est au Président de rebattre les cartes en démissionnant ?
06:31On a posé la question, là aussi.
06:3453% des Français disent être favorables à la démission
06:39et 30% seulement y être opposés.
06:43Je pense que cette question, par la force des choses,
06:45au fur et à mesure que la crise s'amplifie,
06:48ça va se concentrer sur Emmanuel Macron.
06:52Pour le coup, c'est une question d'opinion et pas une question d'expert.
06:56Je pense que ce n'est pas souhaitable.
06:58A la fois parce que si ça se faisait aujourd'hui,
07:01ça crée un problème supplémentaire sans régler le problème actuel
07:04puisqu'il n'y aura pas plus de majorité à l'Assemblée nationale.
07:07Et puis pour une autre raison qui tient à une haute idée
07:10qu'on doit se faire du débat démocratique et du débat présidentiel.
07:14S'il y avait une présidentielle anticipée,
07:16c'est une élection improvisée, c'est une élection bâclée,
07:19la France passerait à côté de ce rendez-vous
07:22qui est le moment où il faut trancher des questions
07:26à partir de programmes que l'on prend le temps d'examiner.
07:29Et donc, si on peut éviter cette situation-là,
07:33je pense que ça serait mieux pour le pays.
07:35Merci beaucoup Gilles Finkelstein, directeur de la Fondation Jean Jaurès.
07:38Vous venez donc de publier une nouvelle enquête d'opinion intitulée
07:40« Fractures françaises, c'est au pluriel »
07:42réalisée avec l'Institut Ipsos.
07:44Dans un instant, un homme qui n'oserait surtout pas censurer,
07:47un libertaire que dis-je, un homme libre,
07:49Marc-Antoine Lebret, pour le Breaking News.