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Aujourd’hui dans « Les 4 V », Julien Arnaud revient sur les questions qui font l’actualité avec Raphaël Glucksmann, député européen du groupe Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D)

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Transcription
00:00Bonjour Raphaël Glucksmann, merci d'être là ce matin, vous pouvez boire de l'eau ici, n'hésitez pas.
00:06Bonjour.
00:07C'est vrai qu'il faut prendre un peu son souffle avant d'évoquer la situation internationale
00:10parce qu'il y a eu une accélération spectaculaire ce week-end avec la chute de Bachar el-Assad.
00:14Est-ce que pour vous, sans aucune nuance, c'est une grande nouvelle dont il faut se féliciter ?
00:18Ça fait 13 ans et demi que Bachar el-Assad massacre son peuple.
00:23Le seul crime des Syriens qui sont descendus dans la rue en 2011, c'était de vouloir vivre libre.
00:28Et depuis, ils ont été torturés, ils ont été gazés, ils ont été exilés, ils ont été massacrés.
00:35Et aujourd'hui, le sentiment qui domine, c'est d'abord celui qu'on éprouve face à la chute d'un bourreau.
00:43Ça ne veut pas dire qu'on sait de quoi l'avenir de la Syrie sera fait,
00:47ça ne veut pas dire qu'il faut faire confiance au groupe rebelle dont certains sont djihadistes.
00:52Mais ce que cela veut dire, c'est que la seule certitude que nous avons,
00:56c'est que Bachar el-Assad ne pourra pas continuer à massacrer les Syriens.
01:00Et vous savez, la Syrie, c'est la débâcle pendant 13 ans de l'Occident qui a complètement abandonné ce peuple.
01:08Et sans la Syrie, sans l'inaction de l'Occident en Syrie, sans le feu vert donné à Vladimir Poutine,
01:15il n'y aurait probablement même pas eu la guerre en Ukraine,
01:17puisque c'est en Syrie qu'on a vu à quel point les lignes rouges tracées par l'Occident étaient des lignes tracées dans le sable.
01:24Et c'est ça qui a encouragé Vladimir Poutine à porter la guerre en Europe.
01:27Alors vous nous avez parlé des successeurs, malgré tout,
01:30est-ce que ça ne vous inquiète pas de voir des islamistes anciens d'Al-Qaïda qui prennent le pouvoir en Syrie ?
01:36Est-ce que vous ne craignez pas peut-être la résurgence d'un califat qui pourrait nous menacer ici ?
01:40Il y a les prisons qui sont ouvertes avec des djihadistes, des terroristes dont certains vont peut-être revenir ici.
01:45On a raison d'être inquiets, mais la vérité c'est qu'on a abandonné la Syrie dans les mains d'un boucher, Bachar el-Assad.
01:54Les prisons qu'on ouvre, les prisons de Cednaya par exemple, cet abattoir humain, vous avez vu ces images ?
02:03Vous avez vu les images même des enfants qui sont nés en prison, qui n'ont jamais vu l'air libre dans leur existence.
02:08Les images de ces femmes qui sortent de ces jôles, de ces fantômes qui sortent des sous-sols de la prison Cednaya.
02:16Ces gens-là n'avaient rien fait d'autre que de vouloir vivre libre.
02:20Et donc aujourd'hui, on doit bien sûr être inquiet de l'avenir de la Syrie.
02:25Bien sûr, on doit faire attention.
02:27Est-ce qu'il faut les aider financièrement ? C'est ce que propose Ursula von der Leyen.
02:30Il faut les aider financièrement, il faut les aider politiquement pour qu'il y ait une transition vers la démocratie,
02:35pour qu'on puisse avoir enfin des élections dans ce pays.
02:38Mais cela fait des décennies qu'ils vivent dans ce que les chercheurs appellent l'état de barbarie,
02:43c'est-à-dire la mainmise totale du clan Assad sur l'ensemble de la vie sociale politique de la Syrie.
02:50Et ces gens se sont révoltés, ils ont manifesté, ils ont lutté pour leur liberté.
02:56Et aujourd'hui, bien sûr qu'on peut être inquiet, mais on doit d'abord écouter la voix des Syriens.
03:03Et moi, j'entends les commentaires ici des gens qui n'ont jamais rien dit pour condamner les crimes de Bachar,
03:08qui ont tout fait pour les excuser même, que je pense au Rassemblement national ou à une certaine partie de la gauche,
03:15qui ont mis en doute et relayé la propagande de Bachar Assad, mis en doute le gazage des enfants de la Ghouta.
03:21Et je les vois aujourd'hui soudainement être extrêmement inquiets pour la guerre de la Syrie,
03:25par exemple Jean-Luc Mélenchon et d'autres.
03:27Eh bien, ces gens-là devraient avoir honte aujourd'hui.
03:31Parce qu'en réalité, le peuple syrien nous a donné une leçon d'attachement à la liberté pendant 13 ans et demi.
03:39Seul, seul au monde.
03:41Allez, revenons en France parce que la situation politique ne s'est pas décomptée.
03:44Pas encore, en tout cas. On verra peut-être, ça arrivera dans les heures qui viennent.
03:47Emmanuel Macron continue à consulter. Ce matin, il reçoit les Verts, également les communistes.
03:51Il y a un nom qui est en train d'émerger de plus en plus, c'est le nom de François Bayrou.
03:54Est-ce que ce serait un bon choix, d'après vous, vu les circonstances ?
03:58Emmanuel Macron est face à un choix extrêmement important.
04:02Soit on recommence la même chose.
04:05Un gouvernement minoritaire, de droite et d'extrême droite,
04:09faisant la danse du ventre devant Marine Le Pen.
04:13Ou alors, on tente d'être enfin fidèle au 7 juillet, au Front républicain.
04:19Mais il faut un nom qui rassemble tout ça.
04:21Est-ce que ce visage que vous voyez, il peut rassembler du PS au LR ?
04:24Parce que c'est ça l'idée.
04:25Il faut aller plus loin que le PS. Il faut aussi les communistes, il faut aussi les écologistes.
04:29Et un politique qui a choisi Emmanuel Macron depuis 2017,
04:33ça enverrait le message de la continuité politique.
04:36Et ce n'est pas ça qu'il faut.
04:38Donc pas François Bayrou ?
04:39Il faut une personnalité qui soit compatible avec la gauche.
04:42Et qui soit suffisamment ouverte.
04:44Et ça peut très bien être une personnalité de la société civile.
04:47Laurent Berger, c'est ça que vous pensez par exemple ?
04:49Laurent Berger, d'autres noms circulent.
04:52Des personnalités de la société civile qui permettraient justement de créer cette coalition,
04:57sans donner l'impression à aucun des camps politiques qui doivent aujourd'hui s'allier,
05:01de manger leur chapeau.
05:03Moi, ce que je veux dire aujourd'hui, c'est que contrairement au 7 juillet,
05:07il y a à gauche, moi le 7 juillet, au moment des résultats des élections,
05:10ce n'est pas que je sois quelqu'un de particulièrement intelligent.
05:12Vous savez, moi je suis même assez obtu et limité.
05:15Et donc je vois la composition de l'Assemblée.
05:17Le 7 juillet à 20h01, je sais qu'il faut une coalition majoritaire à l'Assemblée.
05:22Et que ça passera par un dépassement des clivages.
05:25Parce que cette Assemblée est éclatée.
05:27Oui, mais voyez vous-même, quand on vous montre François Bayrou,
05:29vous dites, ben non, ce n'est pas possible.
05:30On voit bien que le dépassement des clivages, il est quand même limité.
05:33Mais il faut consulter les forces politiques.
05:34Aujourd'hui, le pouvoir, il est à l'Assemblée nationale.
05:37C'est fini Jupiter.
05:38C'est fini Jupiter et on doit noter qu'aujourd'hui,
05:40c'est aussi fini dans l'attitude des dirigeants de la gauche,
05:42d'une partie en tout cas, c'est fini Robespierre.
05:45Donc là, il y a la possibilité de créer un compromis.
05:47Écoutez les forces politiques, écoutez l'Assemblée nationale.
05:50Montrez que vous avez l'ambition de rassembler bien au-delà de votre camp.
05:54Et cela passe, à mon avis, par des figures qui ne sont pas associées
05:57aux sept premières années du mandat d'Emmanuel Macron.
06:01Puisque nous, notre ambition, ce n'est pas de continuer la politique d'Emmanuel Macron.
06:04Ni des personnalités de droite.
06:05Mais là, vous êtes dans le casting.
06:06Ensuite, il y a la question.
06:08C'est ça qu'on attend et après, une capacité de rassemblement.
06:11Le choix que doit faire Emmanuel Macron maintenant, c'est celui de l'ouverture.
06:14Celui de montrer qu'il est prêt et qu'il a entendu le message.
06:17Il ne peut pas faire un gouvernement minoritaire.
06:19Il doit s'appuyer sur une majorité à l'Assemblée.
06:22Cette majorité suppose d'écouter la gauche, ce qu'il n'a pas fait en juillet.
06:26Et il prenait comme prétexte pour ne pas le faire que la gauche n'était pas prête à discuter.
06:30Aujourd'hui, le Parti socialiste, les écologistes, les communistes ont dit qu'ils étaient prêts à discuter.
06:34Vous avez vu, à peine Olivier Faure dit ça, il y a une levée de boucliers massive dans son propre camp.
06:39Mais dans son propre camp, non, je ne trouve pas, non.
06:42On a entendu des voix sur ce qu'il a dit le matin sur France Info.
06:46Si Jean-Luc Mélenchon critique la décision d'Olivier Faure, ce n'est pas son propre camp.
06:52C'est Jean-Luc Mélenchon qui veut, lui, une présidentielle anticipée
06:55et qui est prêt à tout pour cela.
06:56Est-ce qu'il faut rompre une bonne fois pour toutes, d'ailleurs ?
06:58Est-ce que le PS doit rompre avec l'État une bonne fois pour toutes ?
07:01Mais la rupture, elle est là.
07:02Non, pas encore. Ils sont dans le NFP ensemble.
07:05On a une attitude qui est extrêmement simple.
07:07Vous savez, moi, j'ai eu une attitude extrêmement claire depuis le 7 juillet 21.
07:10Oui, mais vous, vous n'êtes pas le PS.
07:12Je suis en accord.
07:13C'est un parti qui s'appelle Place publique, je ne suis pas le PS.
07:15Mais il se trouve que j'ai fait des élections avec le Parti socialiste
07:17et que nous sommes en discussion permanente.
07:19Moi, je peux vous dire qu'aujourd'hui, il y a la volonté du Parti socialiste
07:23d'entrer dans ces discussions,
07:24que cette volonté se heurte à l'opposition frontale de Jean-Luc Mélenchon
07:28qui n'a qu'un seul intérêt, c'est l'élection présidentielle,
07:30et que nous, nous devons dire une bonne fois pour toutes.
07:33Nous ne sommes pas là pour servir les ingénieurs du chaos.
07:36Nous ne sommes pas là pour servir le destin personnel de Jean-Luc Mélenchon.
07:39Et donc, nous ne sommes pas liés à ces calculs et à ces paris.
07:44Donc voilà, maintenant, on a une gauche qui est prête à entrer en discussion.
07:47Et il faut que le président de la République sorte de son propre logiciel.
07:50Vous savez, cette situation qui est inédite dans l'histoire de France,
07:53qui est absolument inédite dans l'histoire de la Ve République,
07:56cette situation suppose que chacun sorte de ses murs.
07:59Mais il y a une leçon, et c'est les Français qui nous l'ont donnée, cette leçon.
08:03Le 7 juillet, pour barrer la route à Marine Le Pen et à Jordane Bardella,
08:07qu'est-ce qui s'est passé ?
08:07Des Français de gauche ont voté pour des candidats de droite.
08:11Des Français de droite ont voté pour des candidats de gauche.
08:13Ça leur a fait plaisir ? Non.
08:15Mais ils l'ont fait en responsabilité.
08:17Eh bien, il est temps que la classe politique française
08:19se montre à la hauteur des Françaises et des Français.
08:22Et c'est ce qu'on n'a pas fait cet été,
08:24c'est ce qu'on n'a pas fait pendant trois mois,
08:25et c'est ce qu'il est impératif de faire maintenant,
08:27parce que sinon le pays peut sombrer.
08:29Peut sombrer à cause d'une classe politique qui refuse
08:32de prendre le moindre risque en parlant à des adversaires.
08:36Et moi, je ne veux pas que mon pays sombre
08:39par incompétence de sa classe politique.
08:41Oui ou non, si on vous appelle pour être ministre, vous y allez ou pas ?
08:43Je veux dire, je ne suis pas du tout devant vous
08:46en train de faire acte de candidature.
08:47Ce que je veux, moi, c'est œuvrer au fait
08:52qu'il y ait une coalition stable pour notre pays.
08:55C'est vraiment un enjeu extraordinaire.
08:57Vous vous rendez compte, tous nos voisins européens
08:59regardent notre Assemblée nationale et disent
09:01« Mais comment c'est possible qu'il y ait un tel blocage ? »
09:03Parce que nous avons besoin d'inventer quelque chose en France
09:06qui est la culture du compromis.
09:08On surveille ce qui se passe du côté de l'Élysée.
09:10Merci beaucoup Antoine. Merci à vous.

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