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Xerfi Canal a reçu Emmanuelle Léon, professeure associée, ESCP Business School, Directrice scientifique de la chair « Reinventing Work », pour parler de l'avenir du travail salarié.

Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00Bonjour Emmanuel Léon.
00:09Bonjour Jean-Philippe Denis.
00:11Emmanuel Léon, vous êtes professeur associé à SCP Business School,
00:14vous êtes directrice de la chaire Reinventing Work, réinventer le travail.
00:19Vous venez de commettre un chapitre, les défis des managers face au travail hybride,
00:23presse de l'Université de Québec dans le management à l'ère numérique.
00:28On va faire un grand point ensemble sur la question du travail et plus précisément du
00:33travail salarié. On en est où ? D'abord votre chaire, c'est 2019, c'est ça ? Inspirée.
00:39Octobre 2019, effectivement.
00:41Juste avant mars 2020.
00:42Avant mars 2020, oui. On s'est posé la question, on voyait déjà quand même toutes les évolutions
00:47dont on a abordé avec elle dans l'article. On voyait déjà des évolutions, on avait quand même
00:53eu beaucoup de discussions déjà autour du temps, autour de l'espace, autour du lien de subordination.
00:58Quelque part, l'épisode de la Covid et tout ce qui s'en suit, ça a été une cristallisation de
01:04tendances qui étaient déjà présentes et qui se sont bien sûr largement accentuées, avec un petit
01:10bémol qui est qu'on est un petit peu tombé dans la piscine sans forcément savoir toujours nager.
01:15Et quatre ans plus tard, je trouve qu'on a encore quelques progrès à faire sur ce domaine.
01:20Pour bien se clarifier les idées, temps et espace, d'abord, c'est ça. Travail à distance ou travail
01:25hybride, c'est la remise en cause de cette unité de temps, unité de lieu qu'incarnait le bureau.
01:31Alors, tout à fait. C'est-à-dire que pendant très longtemps, quand même, pendant toute l'ère
01:35industrielle, quelque part, aller au travail, c'était aller à l'usine. Et bien évidemment,
01:41si je vais à l'usine, j'y vais à un certain moment, pendant une certaine durée, avec un
01:45certain rythme. On voit bien que, bon, on est passé dans une économie post-industrielle pour
01:51beaucoup d'entre nous. Le souci, c'est qu'on a des sédiments de ce monde industriel. Et ces
01:56sédiments, ils ont du mal à partir. Et c'est pour ça que, quelque part, on continue de s'accrocher
02:01au fait d'être présent physiquement quelque part. Parce qu'au moment de l'ère industrielle,
02:06quand je suis physiquement dans l'usine, je suis capable de dire exactement combien de
02:10voitures je vais produire, par exemple. Ce n'est plus du tout le cas, mais ça ne l'était déjà pas
02:15avant la Covid. On avait déjà cette transformation. En revanche, le vrai débat de demain, c'est le
02:20temps. C'est-à-dire, qu'est-ce que je fais de mon temps ? Comment j'organise mon temps ? Et quelque
02:25part, moi, j'ai le sentiment qu'on a gagné en flexibilité au niveau du lieu. Et ce qu'on a
02:29gagné en flexibilité au niveau du lieu, on l'a perdu au niveau du temps. Bien sûr, sans même
02:33parler de ce que vous évoquez, c'est-à-dire la distinction vie privée, vie professionnelle,
02:37etc., qui vole en éclats avec toutes les questions que ça peut poser. Le lien de subordination dans
02:43ce cadre, c'est-à-dire le travail salarié, on en est où ? Le travail salarié, c'est intéressant
02:51parce que quand on parle d'engagement, on n'arrête pas de dire les jeunes et l'engagement, les gens
02:55sont de moins en moins engagés au travail, etc. Et je pense qu'effectivement, ils sont de moins en
02:58moins engagés dans un travail salarié si ce dernier ne fait pas sens pour eux. Et c'est pour ça qu'on
03:02voit l'apparition de plus en plus de freelance, de maths digitaux. Mais ça reste quand même un tout
03:08petit, petit échange qui… Enfin, on est quand même sur une toute petite proportion parce que
03:13finalement, le travail salarié, c'est aussi ce qui me donne accès à un logement, ce qui m'ouvre la
03:18porte des banques, etc., etc. À des congés payés.
03:21À des congés payés et à plein d'autres avantages par ailleurs. Par contre, il est évident que
03:26quelque part, le travail salarié qui était incarné dans l'entreprise, on va dire communautaire,
03:32où quelque part, il y avait, en échange d'un travail, une promesse déjà de salaire,
03:37voire d'emploi, voire de carrière. Ce contrat-là, il a été mis à mal,
03:42mais ça fait longtemps qu'il est mis à mal. Et donc, quand on demande aux gens de s'engager
03:46dans une entreprise dont ils savent que peu ou prou, elle ne va pas forcément être fidèle à
03:50leur égard, ça pose plus de difficultés. Et c'est vrai que dans ce contexte-là,
03:55la question du lien de subordination, elle se présente déjà au niveau de l'engagement
04:00vis-à-vis de l'entreprise. Après, au niveau du manager, ça pose aussi des questions. Pendant
04:05très longtemps, je manageais des gens que je voyais. Je ne les vois plus. Comment je fais
04:09pour les manager ? Ça, c'est une question qui existe depuis très longtemps. Le souci qu'on a
04:13dans beaucoup de contextes, c'est que très souvent, quand on est angoissé par la distance,
04:20les collaborateurs vont mettre en place une sorte de pathologie. C'est une pathologie du
04:23reporting, vous voyez ? S'il y a la pathologie du reporting, ce n'est pas grave. Moi, je vais
04:27informer mon manager de tout ce que je fais. Je vais lui demander de réagir à tout. Et donc,
04:31quelque part, par rapport à cet enchaînement de réunions, par rapport à cette surcharge
04:35collaborative qu'on voit de plus en plus, on n'a pas forcément encore résolu les choses.
04:39Merci à vous, Emmanuelle Léon.
04:40Merci Jean-Philippe.

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