Bail commercial : jurisprudence avec Julien Chabanat, avocat collaborateur senior, K&L Gates.
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00:00On poursuit cette émission et on va parler de l'actualité jurisprudentielle en matière
00:15de bail commercial avec mon invité Julien Chabana, avocat collaborateur au sein du cabinet
00:21K.L.
00:22Gates.
00:23Julien, bonjour.
00:24Bonjour Arnaud.
00:25Alors on va faire un petit tour ensemble de la jurisprudence en matière de bail commercial
00:29Pour commencer, comment la jurisprudence a-t-elle évolué en matière de loyer binaire et la
00:35fixation de la valeur locative ?
00:38Effectivement, il y a eu une évolution très récente cet été, enfin cet été, au printemps,
00:46à la fin du printemps avec un arrêt de la cour de cassation le 30 mai, mais il faudrait
00:50effectivement revenir sur le contexte dans lequel cet arrêt est intervenu.
00:54C'est l'issue, ou plutôt une nouvelle pierre à l'édifice d'une construction jurisprudentielle
01:00qui date de plus de 30 ans désormais, c'est un premier arrêt de 1993, de la troisième
01:07chambre civile également.
01:08D'accord.
01:09Un arrêt qui est assez connu les praticiens, qui est l'arrêt Théâtre Saint-Georges,
01:13qui est tout simplement venu dire que dans le cadre d'un loyer binaire, donc d'un bail
01:18commercial qui stipule un loyer binaire, pour rappel un loyer binaire, c'est un loyer qui
01:22intègre à la fois une partie fixe ou un minimum garantie et un second volet avec
01:28une clause recette, c'est-à-dire qu'une partie du loyer qui est variable en fonction
01:34de la performance du preneur exploitant des locaux.
01:36La question qui se posait devant les juges était la suivante, à quel point le juge,
01:43à quel point les parties peuvent recourir au juge pour la fixation d'un loyer binaire
01:48à la valeur locative ?
01:49D'accord.
01:51La troisième chambre civile est venue répondre par cet arrêt fondateur que le juge ne pouvait
01:58pas fixer à la valeur locative un loyer qui avait été stipulé de façon binaire par
02:05les parties.
02:06Pourquoi ?
02:07Tout simplement parce qu'elle a considéré que les parties, par la stipulation d'un
02:14loyer binaire, avaient choisi de s'extraire des dispositions en principe applicables
02:22au loyer du bail commercial qui permettent au juge effectivement de fixer les conditions
02:28du loyer en renouvellement à la valeur locative.
02:30D'accord.
02:31C'est un arrêt qui a été réitéré par la suite, notamment avec l'arrêt Méridien-Montparnasse
02:36au début des années 2000.
02:41À partir de ce moment-là, la jurisprudence s'est un peu étoffée en précisant les conditions
02:49dans lesquelles, puisqu'on était dans une situation où le juge n'avait finalement
02:54pas le droit de citer, finalement les juges sont venus adoucir le mécanisme en remettant
03:03le juge dans le jeu, si j'ose dire, dans la mesure où les parties visaient les dispositions
03:12légales et typiques du statut des baux commerciaux, et également lorsqu'il y avait une stipulation
03:21contractuelle express qui permettait aux parties de recourir au juge.
03:26Alors justement, vous évoquez le rôle du juge, quel est le rôle du juge dans la fixation
03:33des loyers commerciaux binaires dans les récentes décisions ?
03:36Alors dans cette décision du 30 mai, ce qui est particulièrement important, c'est qu'on
03:41voit qu'il y a un effort de la cour de cassation qui est fait pour, à nouveau, réintégrer
03:47le juge dans le jeu de la discussion, puisque jusque-là le juge devait vérifier s'il y
03:55avait une clause express qui permettait l'intervention du juge, là à défaut de clause express,
04:03puisque c'était le cas en présence, la cour de cassation est venue dire d'une façon
04:13assez claire que même en l'absence d'une clause express, je cite à l'arrêt, même
04:17en l'absence d'une clause express de recours au juge des loyers commerciaux, il appartient
04:21à celui-ci de rechercher cette volonté commune contraire, soit dans le contrat, soit dans
04:28des éléments extrinsèques.
04:29On va même au-delà du contrat, on va explorer la volonté commune des parties, et donc même
04:40des éléments extrinsèques, vraiment une possibilité assez large pour le juge d'intervenir
04:45à la demande d'une ou l'autre des parties.
04:48C'est un arrêt de cassation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui avait pourtant suivi
04:52le corpus jurisprudentiel qui était en vigueur jusqu'alors.
04:55On va aborder un nouveau sujet, de nouvelles exigences jurisprudentielles ont émergé
05:01concernant l'indemnisation du bailleur pour l'état de restitution des locaux, quelles
05:06sont ces nouvelles exigences ?
05:08Le contexte est également important puisque c'est un classique du bail commercial, le
05:16plus souvent en fin de bail, le preneur se voit imposer par le bailleur des conditions
05:22de restitution qui ont été prévues contractuellement, mais c'est le moment de les dénouer.
05:26Or, il est possible qu'un preneur rentre des locaux dans un état qui n'est pas conforme
05:34aux prescriptions contractuelles, c'est des choses qui arrivent absolument.
05:38On peut penser que la solution est assez lapidaire en principe, c'est-à-dire que si je suis
05:45bailleur, je retrouve des locaux qui ne sont pas dans un état conforme, il est assez légitime
05:49que je demande au preneur des dommages intérêts devant le juge pour être indemnisé.
05:56Alors qu'est-ce qui se passe, dites-nous ?
05:58Alors, c'est l'arrêt du 27 juin 2024, une série d'arrêts d'ailleurs, trois arrêts
06:04en cas particulier, qui ont fait couler beaucoup d'encre, à juste titre.
06:08La question qui se posait devant le juge, c'est une question finalement de théorie
06:15générale des obligations.
06:16La question est la suivante, le manquement contractuel du preneur peut-il à lui seul
06:23permettre au juge d'octroyer des dommages intérêts au bailleur ?
06:25D'accord.
06:26Sous-entendu, est-ce que le bailleur doit absolument prouver l'existence d'un préjudice ?
06:30Il y avait un débat à ce titre-là.
06:35La Cour de cassation est venue désormais harmoniser sa jurispondance en considérant
06:39que faute pour le bailleur de prouver un préjudice, même si on constate un manquement
06:45qui est clair du preneur au contrat, le bailleur ne peut pas prétendre à l'octroi de dommages
06:50intérêts.
06:51D'accord.
06:52Alors, autre sujet intéressant, la jurisprudence concernant la mise en œuvre de la clause
06:58résolutoire.
06:59Pouvez-vous revenir sur les subtilités récemment mises en lumière sur cette question de la
07:04clause résolutoire ?
07:05Alors, la clause résolutoire, effectivement, est un nid incontentieux en baille commerciale.
07:10C'est un grand classique.
07:12On peut dire que la clause résolutoire, elle tend parfois à devenir une clause de style
07:18dans la négociation, alors même qu'elle est absolument importante, il est absolument
07:23important de garder une certaine rigueur dans la rédaction, dans la conception d'une
07:28clause résolutoire.
07:29Pourquoi ?
07:30Il y a tout simplement du fait que pour la mettre en œuvre, il faut se baser sur la
07:38clause en particulier puisqu'elle est mise en œuvre dans le cadre d'un texte très spécial
07:43du code de commerce, c'est le L145-41, lequel, par exemple, prévoit un délai d'un mois
07:53pour la mise en œuvre de cette clause résolutoire.
07:55C'est-à-dire que vous avez le plus souvent un preneur qui est en défaut de paiement,
07:59c'est le cas le plus classique, un bailleur va demander le paiement formellement par la
08:06voie de l'huissier avec un commandement de payé par exemple, ce commandement de payé
08:11fait courir un délai d'un mois, mais on a vu dans la jurisprudence plus ou moins récente
08:17d'ailleurs, qu'un délai d'un mois prévu par le texte, ça ne peut pas être confondu
08:22avec un délai de 30 jours par exemple, ce qui peut paraître rare d'un, mais ça peut
08:26être une subtilité qui met une procédure par terre.
08:31D'accord.
08:32C'est également une clause qui doit rappeler les manquements qui sont susceptibles d'être
08:39sanctionnés.
08:40S'ils ne le sont pas dans la clause ou au travers de la clause, on ne peut pas mettre
08:44en œuvre la clause résolutoire sur le fondement de ces manquements.
08:48Il reste néanmoins une résolution judiciaire outre la clause résolutoire, c'est également
08:56une clause qui est d'interprétation stricte, donc la rédaction est fondamentale pour cette
09:02mise en œuvre.
09:03On va conclure là-dessus.
09:04Merci Julien Chabannat pour ce panorama jurisprudent, je rappelle que vous êtes avocat collaborateur
09:09senior au sein du cabinet, Kael Gates.
09:12Merci beaucoup.
09:13Tout de suite, l'émission continue, on va parler protection des œuvres des arts appliquées.