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La ville de Saint-Etienne en a été un acteur incontournable avec son musée devenu musée d'art moderne, et avec Bernard Ceysson en particulier qui est aujourd'hui le galeriste réputé des artistes Supports/Surfaces tels que Claude Viallat, Noël Dolla, Bernard Pages, Patrick Seytour et bien d’autres.

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00:00Je pense enfin que c'est un groupe qui naît de manière définitive, fin des années
00:2970, donc vraiment la constitution et les signatures, vraiment le côté très
00:36groupe constitué entre guillemets, et plus autour de 69-70. Après on considère
00:41que les premières manifestations de l'esthétique sur point surface, les
00:46principales oeuvres qui vont constituer après les oeuvres emblématiques de ce
00:51mouvement, naissent dès les années 66-67. La forme de Vialla naît en 66.
00:57Trouver une forme quelconque c'est difficile parce que si vous la dessinez,
01:03c'est n'importe laquelle, mais c'est vous qui l'avez faite.
01:07Mais après tout, donc je l'ai dessinée dans une plaque de mousse
01:13polyuréthane que je trempais dans de la couleur noire et que je pressais
01:19un certain nombre de fois, un nombre prévu de fois, sur la toile en acceptant
01:27le résultat. Donc c'est vraiment, on va dire, un mouvement qui a sa gestation à
01:30partir de 65-66, qui a son apogée en 69-70-71, et qui a une existence, on va dire,
01:37paradoxalement très courte, vu qu'il se dispute entre guillemets et il décide de
01:42se séparer plutôt autour de 71-72.
01:49Pour qu'un artiste réussisse, il faut bien sûr qu'il ait une galerie, c'est
01:54évident. Et Bernard Cesson, avant d'avoir une galerie, il a eu une galerie en
01:59partant à la retraite, était quand même conservateur du musée puisqu'il a
02:03terminé sa carrière à Pompidou. Et surtout, il a développé à Saint-Étienne
02:06un musée absolument formidable.
02:14Saint-Étienne n'est pas né à un art contemporain. En 1967, avec mon arrivée,
02:22Saint-Étienne est né à l'art contemporain avec la nomination de Maurice
02:29Allemand comme conservateur du musée en 1947. Maurice Allemand a fait un travail
02:35ici à Saint-Étienne tout à fait novateur. Il disait, Bernard Cesson et moi, nous
02:41avons eu la chance de voir, quand nous étions Stéphanois, des petits Stéphanois,
02:46on a vu des choses, des Malevichs, des Kandinsky, des choses que même des
02:50Parisiens ne voyaient pas. Et j'ai acheté, et j'en suis toujours encore très heureux,
02:56un Franck Stella. En 1972, j'ai acheté le premier Stella des collections publiques
03:04françaises. La chance d'être à Saint-Étienne, de faire l'École des
03:08Beaux-Arts de Saint-Étienne qui est une école de peinture, d'être à Saint-Étienne
03:11parce qu'il y a un musée. Moi, avant d'arriver à Saint-Étienne,
03:17comme je dis souvent, les seules peintures qu'il y avait chez moi, c'était les reproductions des
03:22PTT. Je vois les supports-surface au musée, les expressionnismes allemands, les trucs à tomber
03:30par terre. Et du coup, le musée de Saint-Étienne, c'est ma école, c'est ma formation. Stella,
03:42Vialla, Matisse-Terre, Helmuth-Fédéré. C'est de là que j'ai pu aller admirer. Je n'habite pas
03:55Paris, je ne suis pas au Louvre, mais c'est quand même pas mal. Supports-surface, c'est une
04:00histoire abracadabra. Parce qu'en 1971, quand cette bande-là a fait son exposition à l'Arc,
04:09et c'est pour cette exposition que Vincent Bioulez a trouvé le nom de supports-surface,
04:16toute cette bande de Niçois et d'Occitans ont été montrées par Pierre Godibert à l'Arc et j'ai vu
04:24cette exposition. Et la première fois que j'ai croisé des artistes de supports-surface, notamment
04:32Noël Dola, c'est chez Alexandre de La Salle, qui a exposé en 1972 dans un environnement d'artistes
04:41niçois qui était assez nombreux, puisqu'il y avait aussi bien Klein, Caloco, Carman, que Noël Dola,
04:49que Pierre Troyes, etc. Enfin bon, il y avait un certain nombre d'artistes et à ce moment-là,
04:55j'ai découvert Noël Dola qui était le plus jeune des artistes de supports-surface.
05:01J'ai trouvé ça médiocre, je me suis pris les pieds dans une pièce faite au sol par Claude Vialla,
05:08des bandes de feutres agrafées au sol, et je me suis cassé la gueule, et j'ai dit tout ça,
05:16c'est insensé. Et puis trois mois après, je me suis aperçu que je n'avais pas oublié l'exposition.
05:24Donc nous en avons parlé avec Jacques Beaufay et nous sommes allés voir les galeristes qui
05:30tentaient de montrer les supports-surface. À l'époque, il fallait un certain courage. Par exemple,
05:34je pense à Daniel Pampelon, ouvrir une galerie, commencer à montrer les artistes de supports-surface.
05:41Et Noël Dola était très branché sur le social. Et le côté social de Noël Dola,
06:04c'était d'utiliser des tissus que la mère de famille utilisait dans la vie courante,
06:13c'est-à-dire une serpillière, un torchon, des mouchoirs.
06:18Moi, j'ai connu Patrick Sétour et j'ai connu d'abord Claude Vialla en 1964,
06:28puisqu'il était prof à l'école nationale d'art décoratif de Nice, à partir d'octobre 1964.
06:36Et donc je l'ai eu comme prof pendant deux ans, jusqu'en juin 1966, au moment où on s'est fait
06:42virer de l'école. Ce qui a valu par la suite, puisque Vialla nous avait soutenu que Vialla
06:48soit limogé à Limoges, donc renvoyé de Nice. Ce fils de pute qui était le directeur de Nice
06:56à l'époque, avait comme, je ne sais pas, beau frère ou autre truc, un des inspecteurs des beaux-arts
07:05dans sa famille. Et donc ça n'a pas plu et donc Vialla a été viré. Donc voilà. Donc Claude était
07:12à Nice. Moi, je travaillais à mi-temps, souvent comme peintre en bâtiment, et j'avais connu les
07:20parents de Sétour, qui étaient des gens des notables à Nice, du théâtre. Et Patrick Sétour,
07:28c'était quand même de la bonne bourgeoisie niceoise. Il y a quelque chose, une notion dont
07:35on ne parle jamais par rapport à ce qui se passe, c'est les athées, les cathos et les protestants.
07:40Moi, je ne vais pas refaire la guerre, une nouvelle Saint-Barthélemy-sur-France-Euphatienne.
07:51Mais pour moi, dans mon esprit, et dans la façon dont on a envisagé la peinture, ça a beaucoup
07:59compté. Un, l'appartenance au prolétariat réel, c'est-à-dire que vécue et non pas fantasmée par
08:07la bourgeoisie, comme ça a été le cas de tous les fils de bourgeois qui sont devenus des maoïstes
08:13ou des pseudo-trotskistes ou je ne sais pas quoi, mais qui en fait ne captaient rien à rien, un peu
08:19comme c'est encore le cas aujourd'hui. – Et le mouvement sur la surface, il s'est fondé dans les années 70-72.
08:26C'était un certain nombre d'artistes qui étaient de gauche, qui étaient marxistes, maoïstes pour certains,
08:32avec une contestation très importante de ce qu'ils appelaient l'art bourgeois.
08:39– Et on voit très bien comment, dans le support surface, il y a des œuvres extrêmement, qui sont, j'allais dire,
08:47catholiques, des œuvres protestantes, et puis il y a des gens qui ont été marqués par autre chose
08:54et d'une autre manière. Voilà, moi ça c'est des choses que peut-être on ne dit pas souvent,
09:00mais que moi j'ai bien envie de raconter parce que ça a beaucoup compté.
09:05– Noël Dola, c'était le plus jeune des tous, c'était le plus jeune. Il n'avait même pas passé son diplôme
09:15à l'École des Beaux-Arts de Marseille, qu'il exposait dans cette exposition qu'on appelle parfois
09:21une exposition Pompidou, que Pompidou a voulue en 1972 et qui s'est appelée 72-72.
09:29Il y a eu des bagarres dans les zones d'ouverture, les gens de la figuration narrative décrochaient
09:35systématiquement leurs toiles, ils se battaient avec les CRS, c'était bien, c'est fini, c'est bon moment comme ça.
09:44– Appartenir au prolétariat, c'est un État, c'est un État, c'est pas quelque chose qui s'invente,
09:54ça ne s'invente pas, c'est quelque chose, on est de là, voilà, et je crois que ça vous colle au cul toute la vie.
10:05Mon rapport à l'économie, mon rapport au social, mon rapport à, j'allais dire, à la vie.
10:14Là, il y a un manomètre, là, il y a un manomètre, et là, par exemple, là, j'ai mis la peinture.
10:31Tu vois le genre de connerie ? Et alors, quand j'ai fait mon dessin coloré, après, j'ai le choix entre être à cette distance,
10:49sous cet angle, là, ça va de 2 à 12 bars, donc je peux régler, mettre 5 bars seulement,
10:58après, je peux tirer comme ça, je peux tirer comme ça, comme ça, et en fonction de ce paramètre d'angle,
11:06de distance et de pression, mon explosion va être différente.
11:12– Donc il a utilisé une machine pour déboucher les WC, pour aller encore plus loin que son travail de sniper,
11:20pour faire des splashes, en gros, donc avec de la peinture sur une structure,
11:28ou en tapant, en envoyant très très fort, mais cette fois-ci en dirigeant par rapport aux couleurs, etc.,
11:37il obtient des gros splashes de peinture qui diffusent par rapport à la masse centrale de la couleur qui reste.
11:46– Donc je fais un dessin le plus juste possible, le plus agréable possible, le plus beau possible,
11:54et puis ce dessin est explosé, c'est-à-dire qu'il est soufflé,
11:59comme un corps qui reçoit une balle de calibre 50 à 1 km est soufflé, est explosé, déchiqueté par la violence du choc.
12:12C'est qu'il y a déjà un corps peinture qui est produit et que c'est ce corps peinture qui est déchiqueté
12:18pour devenir une fleur du mal, quelque part.
12:24– Là c'est un tiroir dans lequel il y a toute une série de dessins de la série des snipers, 14 mai 2018.
12:36En fait, là il y a pratiquement les 80 premiers que je n'ai jamais voulu mettre en circulation, en vente,
12:46ils n'ont jamais été montrés.
12:47Je fais un premier dessin, donc je pose mes couleurs, etc., et puis après ils sont explosés.
12:58Mais juste c'est un souffle, c'est de l'air, qui remplace une balle.
13:03Quand il tire avec un calibre 50, c'est le calibre d'une mitrailleuse 12-7 de l'époque.
13:10Et quand la balle vous touche, elle vous explose en fait.
13:16Si vous prenez une balle ici, vous avez les bras qui partent d'un côté et les jambes de l'autre.
13:20Tellement il y a d'énergie.
13:22Et oui, c'est beau les fleurs, mais si on ne regarde pas le titre des œuvres,
13:27je dis souvent qu'est-ce qu'aurait été Guernica si Picasso avait appelé « Tête de vache à la lampe électrique ».
13:36Je crois qu'on était surtout une belle bande de chiens.
13:43Ce qui n'empêche pas que les chiens ont des amitiés.
13:47Mais il ne fallait pas trop prendre l'os du voisin.
13:52Et Viola en faisait partie, il ne laissait pas son os au voisin.
13:56Ce que j'apprécie beaucoup chez Noël, c'est cette volonté de se battre.
14:00Et Noël, si vous le regardez, tout pêcheur qui est devant l'éternel,
14:05mais plutôt devant la mer sur son bateau,
14:07est quelqu'un qui finalement se bat avec la peinture, se bat avec les éléments,
14:11et combat pour imposer sa vision de l'art, combat pour imposer son art aussi dans la scène contemporaine.
14:19Mais ce que je fais dans ma pratique est certainement plus important
14:24pour une idée du monde que ce que je peux exprimer par ailleurs
14:31sur les réseaux sociaux qui collent à l'actualité.
14:35Mon grand problème aujourd'hui, c'est surtout d'éviter d'être dans l'actualité dans mon travail.
14:43Sauf si la forme, elle, dépasse l'actualité.
14:49Dans la série des snipers, par exemple, ce n'est pas une question d'actualité,
14:53c'est la question de la façon dont, aujourd'hui, on tue.
14:57Oui, il y aura toujours des tarés qui continueront à faire des trucs bizarres.
15:24Non, je ne suis pas le dernier des moyens, il va y en avoir d'autres.
15:27Surtout qu'il va falloir qu'ils résistent aux sirènes de l'argent, parce que c'est ça le pire.
15:34Ce qui va tuer les mecs, c'est ça, c'est que tu es un type très connu,
15:41et bien il faut pouvoir exposer à Paris, 15 pièces à Paris, 15 pièces à New York,
15:4715 pièces à Tokyo, 15 pièces à Rome, et ainsi de suite.
15:53Et puis si tu as la chance que tu es international, et bien que veulent, tout ça c'est vendu.
15:59Donc il faut en faire d'autres.
16:00Et les marchands, eux, leur problème, c'est que tu leur fournisses de la camelote.
16:07Donc beaucoup d'artistes, aujourd'hui, ne produisent plus eux-mêmes.
16:12Ils ont le méga atelier avec 15, 20 personnes qui travaillent pour eux.
16:17C'est formidable.
16:17Moi, ça me déprimerait, parce que le matin, si j'ai envie de me gratter les couilles,
16:22j'ai pas envie d'être emmerdé par la voisine qui vient me dire qu'il faut que j'aille au travail, et tout.
16:29Bon, donc je suis peut-être un archaïque, artiste à la con, vieux ringard.
16:35Je crois que le monde des sales cons n'est pas prêt de disparaître.
16:40Si on revient stricto sensu aux 12 artistes qui constituent le groupe,
16:44on a André-Pierre Arnal, Vincent Gullès, Louis Kahn, Marc Devade, Daniel Dezeuze,
16:49Jean-François Assemin, Viala, Valassi, Patrick Sétour, Noël Dolat, Tony Grand, bien sûr.
16:55Je pense que je n'en oublie pas.
16:58Et nous, c'est vrai que souvent, on a tendance à rapprocher du mouvement, enfin du moment, comme on dit.
17:04Pierre Bouraglio, qui a été très proche de tous ces artistes,
17:07aussi par sa présence à la galerie Fournier et à son travail sur le châssis.
17:11Et la plupart du temps, on rajoutait aussi dans nos livres Jean-Michel Meurisse et Christian Jacquard.
17:16Les vrais fondateurs du groupe, c'est Claude Viala, Patrick Sétour, qui est mort récemment, et Daniel Dezeuze.
17:24Et ces trois-là ont été le ciment de Support Surface.
17:30C'est-à-dire que je travaille sur un matériau qui n'est pas neutre, ou plutôt qui n'est pas idéal.
17:38Quand vous tendez une toile sur châssis, que vous l'encollez et que vous l'enduisez, vous avez une surface idéale.
17:52Vous avez une surface idéale, c'est-à-dire une surface sur laquelle vous allez mettre les couleurs,
17:58mais la surface, en fait, n'existe plus.
18:02Elle est le support des couleurs que vous allez mettre dessus.
18:07Alors que si on travaille la toile crue, on travaille avec la matière même de la toile, et sa qualité, et ce qu'elle est.
18:18C'est-à-dire, si elle est imprimée, vous travaillez avec l'imprimée.
18:23Si elle est colorée, vous travaillez avec la coloration.
18:26Si elle est figurative, vous travaillez avec la figuration.
18:30Si elle est de couleur, vous travaillez avec la couleur.
18:36De toute manière, c'est une matière et un format, et vous avez une liberté extrêmement grande
18:46qui va, de toute manière, modifier la couleur que vous allez mettre dessus.
18:52Le trait, la tâche, le crayonnage, le barbouillage, tout ça fait partie des éléments constituants de la peinture,
19:05donc tout est permis, au sol, debout.
19:07Le problème, il n'est pas là, le problème, il est qu'à un moment donné,
19:10il y a un truc qui accroche au mur et qui est donné à voir.
19:13Donc, comment ça se passe ?
19:35Je m'appelle Franck Chalandart, et on est ici dans ce magnifique domaine de pannerie,
19:40près d'Uzès, près de Pouziac, donc je suis hôte de M. et Mme Ginon.
20:06Mon parcours, c'est tout ce qui est plus classique, c'est l'École des Beaux-Arts de Saint-Étienne.
20:14Et puis, quand même, quelque chose d'important dans ce parcours, c'est le passage au Musée d'art moderne.
20:20J'ai travaillé quand même longtemps dans ce musée, et cette collection si particulière m'a bien aidé dans mes recherches.
20:31J'ai commencé un travail artistique à un moment donné où la peinture n'était plus d'actualité du tout.
20:37C'est-à-dire qu'aujourd'hui, bien sûr, on voit de la peinture plus que jamais,
20:44mais pendant longtemps, ça a été compliqué, ça a été compliqué de justifier cette pratique.
20:49Le support surface fait partie de mes pères, les artistes qui composent ce mouvement.
20:57C'est vrai qu'aujourd'hui, on a une logique un petit peu différente, parce que peut-être que l'île d'avant-garde, c'est loin derrière nous.
21:04Et aujourd'hui, on est plus peut-être des artistes individuels, où on se retrouve moins pour revendiquer un espace, ou à remettre en cause un état.
21:21Pour vous citer un artiste de la galerie, Franck Chalandart par exemple,
21:25dans le travail de Franck, formellement, on ne va pas être dans les questions de support surface, on va dire évidente.
21:32Mais si vous regardez dans cette manière de tous les jours remettre en question son travail, répéter ses gestes, répéter ses formes, jusqu'à l'épuisement parfois d'un sujet,
21:41on se rapproche énormément de la pratique de Claude.
21:43Dans la manière d'organiser l'espace formel, dans la manière d'organiser la tension sur la toile, on a évidemment des liens avec Noël de l'art, qu'il cite parfois par ailleurs.
21:52Et aussi, ce qui est très intéressant chez Franck, c'est ce rapport à la peinture comme surprise.
21:58Et en fait, ce qu'il faut bien à mon avis comprendre, que ce soit chez Viala surtout,
22:02c'est que support surface, ce sont des gens qui ont une énorme confiance à la peinture et à la sculpture, bien sûr, chez Tony Grandopagesse.
22:08Mais Claude vous dira sans cesse que ce qui l'intéresse, c'est la surprise, c'est de voir comment la peinture réagit, comment chaque toile est une nouvelle surprise,
22:17un nouvel éblouissement dans un sens, mais une nouvelle aventure à sans cesse renouveler.
22:22Et je pense que chez Franck, on a vraiment ça, ce rapport à un infini finalement, dont on arrive à attraper quelques bribes,
22:29mais de manière assez surprenante ou instinctive parfois.
22:33Je n'ai pas cet engagement-là. Evidemment, il n'y a pas à remettre en cause les mêmes choses aujourd'hui.
22:39Dieu sait s'il y en a, mais ce ne sont pas les mêmes idées, évidemment.
22:43Et c'est vrai qu'on reste peut-être plus aujourd'hui sur le côté formel de support surface.
22:49C'est bien dommage d'ailleurs, mais moi, ça me questionne tout le temps parce que finalement,
22:58ils ont rejeté ce que j'essaye moi de... ce qu'ils m'affairent tous les jours, c'est-à-dire sur le tableau.
23:06Eux, ils ont essayé de casser le tableau et toutes ses références.
23:09Moi, j'ai essayé plutôt de revenir, de remettre cet espace, cet espace très matériel parce qu'il est fait de peinture.
23:19Donc voilà, je joue avec ça, avec ces choses bien opposées en fait.
23:28Le mur sans fond et le mur tout court, du coup, l'espace sans fond, on pourrait dire, et puis le mur.
23:38Donc j'évolue là-dedans en essayant de jouer un peu avec cet héritage occidental finalement.
23:49Et puis tout ce qui est permis aujourd'hui, parce qu'aujourd'hui, je ne vois pas ce qu'on pourrait démonter, tout a été démonté.
23:55Donc toutes ces, j'aime bien dire, ces expériences de laboratoire des années 70, aujourd'hui, il faut faire avec et derrière surtout.
24:06Je me signifie toujours dans tout ce que je fais comme faisant de la peinture.
24:11Je suis peintre.
24:13J'ai écrit un texte qui s'appelle Peintre comme, et c'est vrai que je me considère comme étant l'héritier du Caravage de Velázquez,
24:26de Matisse, de Marcel Duchamp et de Picasso ou d'autres gens que je connais, que j'admire.
24:38Et que tout mon combat, il est dans le champ de la pratique picturale.
24:44Quand je réfère à la peinture, je réfère à l'histoire de la peinture.
24:49Et quand en 67, je faisais un étendoir au serpillère, par exemple, je faisais de la peinture.
24:59Et que lorsque je nonce, si je dis je fais un truc, un machin ou une chose, ce n'est pas important, ça peut être n'importe quoi.
25:08Mais si je dis, en montrant un étendoir au serpillère, c'est de la peinture, je veux dire que je réfère à toute l'histoire de la peinture.
25:17Et c'est comme ça qu'il faut le regarder, c'est là que le regardeur doit se déplacer par rapport à l'idée qu'il se fait de la peinture.
25:25Je ne sais plus de qui est ce vers célèbre du milieu symboliste au XIXe siècle,
25:33fumé au nez des dieux d'une cigarette.
25:38Et Patrick Seytour leur a pris ça, un certain dandisme ironique.
25:47Vianna leur a appris un sérieux et à prendre en compte les matériaux et toute la logistique qui va avec une toile.
26:00Quand la toile est montée sur le châssis, et que l'on doit appliquer, ce n'est pas monter sur le châssis.
26:07Et Noël Donat a été un professeur d'une grande ouverture, et son sortie de l'atelier de Noël Donat a donné à la vie d'un garçon
26:17quelques-uns des plus grands artistes contemporains de ce temps.
26:23Moi ce qui m'intéresse c'est de me dire, il y a Matisse, il y a Franck Stella, il y a Viala, et je fais quoi moi derrière ?
26:32Je ne sais pas, moi je n'ai pas envie de faire des guenilles qui pondent, moi non, c'est le tableau.
26:37Je suis toujours omnibulé par cette idée de dire, c'est quoi peindre aujourd'hui ?
26:53C'est le projet suivant, c'est l'espace de la Gare de Sainte-Étienne,
27:20avec, on va essayer de montrer les tableaux de ces 4 dernières années à peu près.
27:28En même temps ce n'est pas des grands tableaux pour faire du grand, c'est un espace qui me convient, un petit peu plus grand que mon amplitude.
27:53Il me semble un espace d'expression qui me convient bien, je fais aussi des choses plus petites, mais c'est un petit peu plus compliqué pour moi,
28:00ça a toujours été un peu des tableaux à peu près de la même taille, pas gigantesques, mais c'est vrai de grands tableaux.
28:23Les hasards de la vie ont fait que je suis arrivé ici à Gien, vraiment par hasard, en 2018,
28:43et puis en 2019 j'ai commencé à chercher un lieu justement où exposer mes œuvres.
28:49J'ai visité beaucoup de choses, beaucoup de villas, beaucoup d'hôtels, en particulier dans Hier,
28:54parce que dans Hier il y a beaucoup de très belles maisons, un peu laissées à l'abandon.
28:59J'en ai visité beaucoup et aucune ne me satisfaisait, et puis un jour ma compagne me parle de ce bâtiment sur le port du Niel,
29:08que je connaissais comme étant un espèce de bâtiment assez moche, abandonné depuis plusieurs années, en vente depuis 4 ou 5 ans,
29:15et je suis venu, j'ai visité, je suis monté sur la terrasse, et quand je suis monté sur la terrasse, immédiatement j'ai eu le coup de foudre.
29:20Quand j'ai vu la vue sur le port du Niel, je me suis dit que c'est là qu'il faut faire ce lieu où montrer ma connexion.
29:26Voilà, c'est comme ça que tout a commencé.
29:28Ça vient de loin, parce que ça vient de l'enfance.
29:44Moi j'ai eu, tout à fait par hasard, quand j'étais enfant, je devais avoir 8, 9 ans, peut-être 10 ans, je ne me souviens pas bien,
29:50j'avais un parrain qui était architecte, et je lui rends un jour visite avec ma mère,
29:56et je vois chez ce monsieur, chez cet architecte très doué, un petit tableau de 3 cm sur 10, peut-être une toute petite œuvre,
30:06dont je pense qu'elle était de Nicolas de Stal, et donc compte tenu de mon âge, ça se situe dans les années 58-59,
30:16et j'avais vraiment eu une émotion assez extraordinaire qui m'avait impressionné dans le bon sens du terme, dans le sens propre du terme.
30:28Sachant que je venais d'un milieu très modeste où la peinture n'avait pas vraiment sa place, même si c'était un milieu bienveillant,
30:34mais on n'y parlait pas peinture, culture, artistique.
30:38Et puis la vie a continué, et au fil de ma vie professionnelle, très tôt, j'ai eu l'occasion de voyager pour des raisons professionnelles,
30:46et à chaque fois que je voyageais, en France ou à l'étranger, j'allais toujours visiter le musée local, les galeries, etc.,
30:55et j'avais ça en moi, cette envie de peinture, de comprendre, de connaître.
31:08Avant d'arriver ici, ça a été un long chemin, parce qu'au départ, en effet, je voulais quelque part, comme vous le disiez, rendre l'émotion que j'avais eue.
31:37Moi, en France, si je n'avais pas croisé ce tableau, je n'aurais pas eu cette émotion, et peut-être que ça se serait produit avec une autre œuvre.
31:44Mais en tout cas, je voulais rendre l'émotion que j'avais ressentie, et donc je voulais, au départ, ouvrir ma collection aux enfants.
31:51Alors, dès le départ, dans le projet, bien sûr, c'était de faire partager au plus grand nombre la collection de M. Drouin,
31:58mais c'est vrai que, dès le départ, M. Drouin m'a confié vraiment ce souci de partager aussi aux jeunes générations et au public qui, d'habitude, ne franchissait pas la porte d'un musée ou d'un lieu d'art.
32:14Donc, c'était de décloisonner le musée pour l'ouvrir à tous ceux qui nous entourent, c'est-à-dire qu'on soit un musée aussi de proximité.
32:24On parle de cette notion pour beaucoup d'autres activités, pas forcément pour le musée.
32:30On est dans un territoire où il y a beaucoup d'écoles, il y a des lycées, le territoire de Hyères est très actif à ce niveau-là,
32:38et donc on est tout de suite rentrés dans un dispositif qui a pour mission d'ouvrir le musée et nos expositions aux scolaires.
32:47Et puis surtout, on construit vraiment les médiations pour les adapter à chacun de nos publics,
32:52parce qu'évidemment, on n'accueille pas un élève de maternelle de la même façon qu'un lycéen,
32:57surtout pour des expositions qui sont quand même liées vraiment à des chapitres de l'histoire de l'art.
33:06Et cette année, on a décidé de faire une exposition sur le thème de la confrontation de deux avant-gardes,
33:13à la fois une première avant-garde qui était la Nouvelle École de Paris,
33:16la première avant-garde qui était basée sur une exposition qui avait lieu en 1940,
33:21qui se présentait comme l'avant-garde de la peinture française,
33:25et puis une autre qui a eu lieu 30 ans plus tard, basée sur le mouvement support-surface,
33:28qui venait en opposition justement à cette Nouvelle École de Paris.
33:32Donc voilà, on a voulu confronter en fait ces deux avant-gardes,
33:35justement pour faire réfléchir les gens, et également leur faire partager,
33:41parce que moi j'aime beaucoup la Nouvelle École de Paris,
33:43mais j'aime également beaucoup le mouvement support-surface.
33:46Puisque si au départ, le mouvement de la Nouvelle École de Paris était un peu le cœur de ma collection,
33:51je pense qu'aujourd'hui, c'est un peu la même chose.
33:54Très vite, je l'ai ouvert à d'autres artistes, d'autres mouvements,
33:57dont le mouvement support-surface, qui était en effet un mouvement pour moi qui était intéressant,
34:02parce qu'il correspond aussi à ma jeunesse, post-1968,
34:06et je trouvais que ce mouvement très avant-gardiste et très novateur pour l'époque,
34:12méritait d'être remis un petit peu à l'honneur.
34:16Dans la logique de la Nouvelle École de Paris,
34:19ce qu'il faut comprendre, c'est que support-surface garde une spécificité,
34:23c'est que c'est la dernière avant-garde,
34:25donc c'est vraiment un des derniers groupes qui a été constitué en tant que tel,
34:29d'un groupe d'artistes qui avait une esthétique commune,
34:32qui défendait des préceptes communs, même si ça a duré très peu de temps,
34:36et donc il y a un peu une espèce de fantasme sur ça,
34:39sur le fait qu'il n'y ait pas d'artiste,
34:41qu'il n'y ait pas d'artiste,
34:43qu'il n'y ait pas d'artiste,
34:45donc il y a un peu une espèce de fantasme sur ça,
34:48sur le côté des révolutionnaires, plutôt engagés politiquement à gauche,
34:53qui essayent de faire une page blanche et de tout redémarrer.
34:58Donc il y a un héritage un peu dépossible.
35:01Je pense que les artistes aujourd'hui qui s'y support-surface,
35:04ils sont nombreux, notamment beaucoup aux Etats-Unis et en Asie,
35:08aiment ce côté « tout est à réinventer, tout est à refaire,
35:11et on est libre de créer et de faire ce qu'on veut ».
35:14Je me souviens de discussions avec les 68 arts stéphanois,
35:19où je leur disais « merci les gars,
35:22vous avez contribué à nous faire passer dans la société de consommation,
35:27parce que la blanchisseuse, elle n'a la barre d'aller au lavoir,
35:33et elle veut sa machine à laver ».
35:35Et ça, ils ne l'avaient pas compris.
35:37Et ça a été un mouvement de libération qui a été important pour tous.
35:41La vie a changé, a changé après 68.
36:00Il y a un peu opposition sur les thèmes,
36:04parce qu'on a voulu décliner la séance de thèmes,
36:08où on retrouve ces thèmes de la couleur chez les deux avant-gardes,
36:13et on n'a pas voulu faire une première partie « Nouvelle École de Paris »,
36:18puis une deuxième partie « Sports-surface »,
36:19au contraire, on a voulu avoir trois thèmes,
36:21et sur ces trois thèmes, mettre à chaque fois en regard ces deux avant-gardes,
36:24pour montrer que finalement, elles s'inscrivaient elles-mêmes,
36:27et quelque part, elles le revendiquent de façon sous-jacente,
36:29dans une forme de tradition française, sur des thèmes comme, entre autres, la couleur.
36:33Et on va retrouver, si on prend Viala,
36:36il est très impliqué dans tout ce qui est couleur.
36:41Pour lui, c'est quelque chose de très important.
36:43Je me mets à travailler, les choses se font,
36:47je les regarde se faire, je les accepte telles qu'elles se sont faites,
36:52c'est-à-dire j'essaie d'intervenir le moins possible,
36:55d'être le moins activiste sur ma toile,
37:01de laisser venir les choses,
37:03regarder la manière dont la couleur se répand, etc.,
37:07dont la toile voit la couleur et l'accepte,
37:11je mets tout ça en mémoire,
37:13et puis j'accepte le résultat à partir du moment où la peinture l'a mis dehors de la toile.
37:19Et à chaque fois que j'accepte le résultat,
37:22j'analyse ce que je fais,
37:24je revois tout ce que j'ai fait,
37:26tous les gestes que j'ai faits,
37:28j'essaie de les reprendre en compte,
37:30et j'oublie pour passer à autre chose.
37:33On va retrouver ça chez Esteve,
37:35alors qu'à priori ils n'ont rien en commun.
37:37Donc c'est ces thèmes,
37:39on a voulu aller chercher un petit peu les points communs
37:41de ces deux avant-gardes qui s'inscrivaient en opposition,
37:43c'est ce petit travail de réflexion intellectuelle qu'on a voulu faire,
37:49enfin qu'Antoine a fait,
37:51parce que c'est Antoine qui a vraiment créé ce thème
37:55de la mise en perspective de ces deux avant-gardes,
37:59et je trouve que c'est un thème amusant, audacieux,
38:03qui interpelle et qui finalement étonne les gens,
38:06mais que finalement les gens ont l'air d'apprécier.
38:20La peinture c'est aussi ça,
38:22c'est des mélanges, c'est des épaisseurs,
38:24et peindre ce n'est pas toujours de la peinture pas mélangée,
38:33ça se mélange quand on est en train de le faire,
38:37donc c'est des questions aussi basiques que ça.
38:40Je me dis, moi je pars d'une génération des avant-gardes,
38:49la fin des avant-gardes, la remise à zéro de tout,
38:53et je veux peindre.
38:56Comment ça se passe ?
38:59Après la déconstruction de tout, le cynisme,
39:05comment faire une peinture qui m'émeuve autant que celle que je vois dans les musées ?
39:12Il y a un désir de réflexion,
39:14il y a un désir de faire passer ce message,
39:19cette petite, j'aime pas trop le terme,
39:22cette petite leçon d'histoire de l'art,
39:24oui, on a envie de faire passer quelque chose.
39:27On fait visiter ces expos à beaucoup d'enfants des écoles,
39:30et pas plus tard qu'hier,
39:32on avait encore une classe de lycée pro qui est venue,
39:36et puis finalement, il semblerait qu'à la fin de la visite,
39:39ça leur arrive beaucoup plus.
39:41Là quand même, on a une exposition qui a eu lieu en 1941,
39:46c'est quand même important de leur expliquer le contexte de cette exposition.
39:50Et ça les intéresse, il ne faut pas avoir peur.
39:54Dès qu'on les imprègne de choses réelles,
39:57ils sont très ouverts et très intrigués,
39:59et cette période de la Deuxième Guerre mondiale,
40:02qu'ils étudient beaucoup, qui les intéresse beaucoup,
40:05de dire que des artistes ont eu, avec leur pinceau,
40:09le courage de résister à la censure de l'occupant allemand,
40:13c'est un acte de courage, et ce n'est pas de la violence.
40:15Pour moi, c'est très important.
40:17Si on arrive à faire passer à quelques élèves, à quelques enfants,
40:22ce message que la peinture, ce n'est pas que des images,
40:25il y a quelque chose derrière, il y a une démarche,
40:27il y a une réflexion, il y a une émotion,
40:30il y a des choses comme ça, c'est bien.
40:46Il y a eu trois mouvements d'avant-garde dans les arts plastiques.
40:50Il y a eu, d'une part, tout le mouvement avec Rastani,
40:56César Klein, etc.
40:58Ensuite, il y a eu la figuration narrative,
41:00et le troisième mouvement, c'est ce support-surface
41:04qui est le mouvement le plus récent.
41:11Quand on découvre la peinture américaine,
41:13quand on découvre la peinture américaine à l'époque,
41:16alors, c'est Pollock, Barnes-Urban, Mark Roscoe,
41:22De Kooling, Archie Gorky.
41:29Bon, soyons justes.
41:35Nous sommes à côté, nous ne sommes plus leaders.
41:39Comme l'a dit Harold Rosenberg, en 1941,
41:44la porte du laboratoire parisien s'est définitivement fermée.
41:49Quand, dans les années 60,
41:53l'idée qui traînait, c'est que la peinture était morte.
42:01La peinture, il y a eu la publication du livre de Taraboukine,
42:07le dernier tableau, et c'était la fin de l'art.
42:11On considérait que l'art était fini.
42:15Donc, il y avait les nouveaux réalistes,
42:19tout un travail qui déplaçait la peinture
42:25sur le collage ou le montage d'objets, l'installation et tout ça.
42:33Donc, si la peinture était finie, il fallait la recommencer.
42:37Donc, c'est ce qu'on a essayé de faire.
42:40Et subitement, surgit Support Surface,
42:44qui fout en l'air tout ça, qui veut faire disparaître tout ça,
42:48changer les accrochages du musée, se passer du musée,
42:52parler directement à la population.
42:54Support Surface s'est inventé tout seul,
42:57et ce qui s'est passé, c'est qu'ils sont tous allés enseigner.
43:01On les a fait entrer dans les écoles des Beaux-Arts,
43:04et ils se sont dit que c'était la bonne place
43:07pour propager d'autres idées sur l'art.
43:11Il y a aussi quelque chose que je note plus directement,
43:14notamment dans des jeunes artistes avec qui on travaille,
43:17qui n'ont pas forcément un rendu de travail proche,
43:20formellement, de ce que faisaient les artistes de Support Surface,
43:23mais il y a un rapport au faire, il y a un rapport à « je vais à l'atelier ».
43:26Ce qui est important, parce qu'aujourd'hui, parfois dans l'art contemporain,
43:29on peut être un peu déconnecté que ça,
43:31où les artistes peuvent avoir tendance à produire,
43:33à penser à la production, à penser au projet,
43:36avant de penser à la pratique.
43:38Et les gens de Support Surface sont des peintres et des sculpteurs,
43:40c'est-à-dire qu'ils vont à l'atelier tous les jours, ils travaillent.
43:43L'art est assez décorrélé, finalement, dans leur cas, du projet.
43:47Le projet est l'aboutissement d'une pratique d'atelier,
43:50mais chez tous ces artistes-là, il y a une pratique d'atelier.
43:53Les œuvres ne sont pas faites pour des expositions,
43:55les œuvres sont un travail quotidien et indispensable à la vie, en fait.
44:01L'atelier, finalement, il détermine tout.
44:04Il détermine la façon dont on travaille,
44:08les conditions qu'on met en place.
44:12Donc c'est vrai que sa taille, sa lumière, c'est important.
44:15Puis la proximité aussi, je trouve, avec le lieu de vie,
44:19parce que, bon, moi j'habite au-dessus,
44:21donc l'atelier, c'est un endroit où je suis tout le temps, en fait.
44:24Je peux y aller tout le temps.
44:26Il n'y a pas un moment d'une disponibilité, c'est tout le temps.
44:31Je descends, je monte, même des fois où je ne travaille pas,
44:34je regarde ce que j'ai fait, la façon dont ça sèche.
44:38En fait, c'est toujours en éveil, finalement, quand on est à côté,
44:43on est toujours en éveil par rapport à ce qu'on fait.
44:46Et mes trucs, là, c'est qu'il n'y a pas de personnages,
44:51il n'y a pas de scènes de l'extérieur,
44:54mais pourtant, pour moi, ce ne sont que des souvenirs.
44:57Ce sont des souvenirs de signes, des choses que je vois,
45:00un rapport de couleur que j'ai vu quelque part, un rapport de matière,
45:04parce que ce n'est plus une histoire de teinte,
45:06c'est une histoire de gestes, de couleurs, de lumières,
45:10de formes, d'épaisseurs, et tout ça se mêle dans la mémoire
45:16et à un moment donné, ça ressurgit dans la peinture
45:19parce qu'il y a une ambition, à un moment donné, il y a un cadre,
45:22et ces choses viennent se mêler parce qu'il y a la place pour ça.
45:28Et puis je travaille d'un côté, je vais à l'autre, je change de pinceau,
45:32mais ça se fait debout, je ne suis pas à ce croupi.
45:36Par contre, c'est sûr, je suis toujours debout.
45:39Quoi qu'il arrive, je suis debout, je ne suis jamais assis.
45:42Et pour passer de l'un à l'autre, j'ai tous mes pots de peinture
45:46qui sont à côté, je travaille avec.
45:49Il y a mes couleurs qui sont préparées à l'avance.
45:52Et puis c'est parti, parce que ça doit être simple,
45:55ça doit se passer ailleurs que dans une contrainte technique.
46:16Le temps de la peinture, c'est un temps long,
46:19donc ça ne sert à rien de se précipiter.
46:22Il faut le faire, ça se fait petit à petit,
46:25petitement souvent, un petit peu.
46:30C'est le temps de la peinture, c'est-à-dire qu'il y a le temps,
46:35quand il n'y a pas de temps, il n'y a pas de peinture,
46:38c'est-à-dire qu'il n'y a pas de temps,
46:41c'est le temps de la peinture, c'est-à-dire qu'il y a le temps,
46:45quand on y a passé, il est dedans, le temps qu'on y a passé, je trouve.
46:49Et ça, il me semble qu'en vieillissant, on comprend petit à petit.
46:55Au début, on a envie de dire, je vais y passer tout le temps,
46:59mais non, ça ne sert à rien, ça ne sert à rien,
47:02parce qu'il faut que le temps vienne au milieu.
47:05Et c'est dur des fois de l'accepter ça,
47:08de dire non, je ne le fais pas, je ne fais rien.
47:11Ça ne se règle pas toujours au travail, ça ne se règle pas toujours en faisant,
47:15ça se règle des fois.
47:18Dans la réalisation de ça, il y a une détermination,
47:23il y a une autorité quelque part qui fait que le truc, on le fait.
47:27Et tout ça, pour mettre ça en jeu, des fois, il faut laisser passer du temps.
47:39Les artistes qui nous intéressent sont des artistes souvent qui questionnent le médium,
47:44qu'est-ce qu'une peinture, qu'est-ce qu'une sculpture, comment je vais tourner autour,
47:47comment je vais la déconstruire pour mieux la réinventer.
47:50Et pour vous citer deux exemples d'artistes avec qui nous travaillons récemment,
47:55je penserais à Aurélie Petrel en photographie,
47:58qui a un travail qui est très formellement éloigné de surface en surface,
48:01quoique vous mettez un beau Daniel Desosade,
48:04elle réfléchit à ce que c'est la photo.
48:07Je dissèque ce qu'est la photo, je dissèque ce qu'est une image,
48:10et après je remonte tout ça dans l'idée de recommencer un process.
48:14Et si vous prenez Lionel Sabaté, c'est éminemment loin aussi de surface en face,
48:19mais c'est quelqu'un qui ne fait que questionner le médium.
48:23Ce qui m'anime, c'est la curiosité.
48:26Je pense qu'il y a quelque chose qui m'anime,
48:30ce qui m'anime, c'est la curiosité.
48:35Je pense que quand on est collectionneur, il faut être curieux et ouvert.
48:41Après, lorsqu'on est curieux et ouvert, on fait un tri.
48:46En tri, il y a des choses qu'on va aimer, d'autres qu'on aimera moins,
48:51en fonction de son éducation, entre guillemets,
48:56mais c'est presque une auto-éducation sur le plan culturel.
49:00Disons que c'est un choix à un moment donné,
49:03soit on reste à l'intérieur de cet espace qui n'en est pas vraiment un,
49:09soit on envahit le sol, le mur et le plafond.
49:14J'ai décidé de rester dans le tableau.
49:17Je voulais resserrer, je recommence à zéro,
49:22c'est-à-dire que je me dis qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui,
49:25je suis ému quand je vais dans un musée voir des expos
49:28et que je suis bouleversé par une peinture.
49:31Notre rôle, à nous, artistes, c'est d'être efficaces,
49:37efficients dans le champ qui est le nôtre.
49:40Pour moi, c'est dans la peinture.
49:43C'est-à-dire que mon combat, il se trouve là.
49:46Et s'il y a un déplacement des croyances et des consciences dans ce champ-là,
49:53par effet, j'allais dire presque effet papillon,
49:58c'est le monde qui va changer.
50:01Je veux dire encore aujourd'hui, sans se voir,
50:04je pense qu'une exposition de ces tours de Dezeuse et de mon travail
50:09montrera des œuvres parallèles, des préoccupations parallèles.
50:15Donc il y a là, à mon point de vue, quelque chose là, entre nous trois,
50:20qui se passe, qui est d'un ordre peut-être irrationnel.
50:25Pour parler en employant un langage normal,
50:30parfois je me dis, quelle bande d'emmerdeurs,
50:33mais tous les douze, les douze de ce groupe,
50:37oh, pardonnez-moi le mot, plus que du talent.
50:41Je ne veux pas dire qu'ils ont du génie,
50:43parce que ça, on n'emploie pas ce mot,
50:46on l'emploie quand tout le monde est mort, quand Deuze, c'est loin,
50:50mais ils ont tous un talent immense,
50:53et ce sont des artistes d'une importance capitale.
50:57Ils vont peut-être connaître une déshérence,
51:00ça va être normal dans les dix prochaines années,
51:04mais on en reparlera dans quarante ans, cinquante ans,
51:09vous m'interrogerez, je vous répondrai,
51:11et vous verrez qu'à nouveau, on dira qu'ils sont extrêmement importants.
51:16Voilà.

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