Victime d’amnésie d’identité, Lyah Renar s’est réveillée en ayant oublié 25 années de sa vie. Pour neo, elle raconte l’impact de cette amnésie sur sa famille et sa vie de maman. 📖
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00:00Je ne savais plus qui j'étais, je ne savais plus où j'étais,
00:02et je ne sais pas pourquoi, dans ma tête, c'est qu'on m'a kidnappée.
00:04Il y a 11 ans, un matin comme les autres,
00:06je me suis réveillée en ayant oublié 25 ans de ma vie.
00:09Lorsque je découvre la personne qui dort à côté de moi,
00:11c'est un homme que je ne reconnais pas.
00:13Et mon premier réflexe, c'est d'aller me recocoviller sous une fenêtre.
00:17J'étais vraiment dans un état de tétanie complet.
00:20Je me suis laissée approcher difficilement par cet homme,
00:25qui était mon mari en fait.
00:26Et j'ai essayé de composer avec des émotions qui explosaient.
00:30La peur, l'angoisse, il m'a demandé de le suivre.
00:33J'y ai découvert deux petits garçons,
00:35et c'est là qu'il m'a dit que ce sont nos fils.
00:37J'ai hurlé, j'ai hurlé parce que je ne savais pas qui étaient ces petits garçons,
00:40je ne savais pas ce que ça voulait dire que ce sont mes fils, que ce sont nos fils.
00:44On m'a emmenée à l'hôpital, on m'a fait des examens.
00:46On nous a dit que c'était une amnésie transitoire,
00:49donc ça allait revenir peut-être dans quelques jours, peut-être dans quelques semaines.
00:53Et puis, les semaines sont devenues des mois.
00:55Et pendant ce temps, moi j'apprenais à stimuler ma mémoire,
00:59comme on me l'avait demandé, à rencontrer les personnes que je connaissais,
01:03surtout mes parents.
01:04Tout ce qui m'a permis de me construire depuis petite,
01:07tout ce qui touche à l'identité, ça, c'était oublié, effacé.
01:10Alors que ce qui fait appel à la mémoire autonome, au système nerveux autonome,
01:15ça, je savais des choses.
01:16Par exemple, compter, lire, même si à certains moments, je cafouillais un peu.
01:21Je voyais mon mari à l'époque pianoter sur un objet.
01:25Je ne savais pas que c'était un téléphone portable,
01:27je ne savais pas non plus comment m'en servir.
01:30Pareil pour la télévision, je l'appelais la grosse boîte noire.
01:32J'étais émerveillée devant le flot d'images qui défilait.
01:36Quelque chose que je ne savais plus quantifier, c'était l'argent.
01:38Donc la première fois que je suis allée acheter des vêtements,
01:40parce que je ne me reconnaissais pas dans ceux que j'avais chez moi,
01:43on m'a dit, ben, choisis ce qui te plaît.
01:45Sauf qu'arrivé à la caisse, il y a eu un moment de silence
01:49lorsqu'on a annoncé le montant à payer et moi, je ne comprenais pas.
01:53J'étais avec ma tante et mon mari à l'époque.
01:56On a dû m'expliquer que dans la société,
01:59on fonctionne avec de l'argent, avec un salaire.
02:01Ce qui touche à notre identité, c'est aussi nos relations familiales.
02:04Donc autant, je ne reconnaissais pas mon reflet dans le miroir,
02:07mais je ne reconnaissais pas non plus mes parents.
02:10Aussi difficile que ça puisse paraître, c'était des inconnus pour moi.
02:13À un moment donné, les médecins ont estimé mon âge mental
02:17à une enfant de 3-4 ans.
02:18À cette période-là, mes enfants avaient 3 ans.
02:20Mes jumeaux, parce que j'ai des jumeaux de 3 ans,
02:23et du coup, les relations avec eux étaient beaucoup plus faciles
02:26puisque j'apprenais comme eux.
02:27On a jusqu'à maintenant une complicité, je pense, qui est née de là
02:31parce qu'ils ont été comme des frères
02:33et c'était beaucoup plus facile de me construire en apprenant,
02:37les observant et en vivant les choses aussi par procuration.
02:40Je me sentais comme une usurpatrice.
02:42Donc j'avais cette pression inconsciente,
02:44attention, vraiment inconsciente des autres
02:47qui attendaient que je redevienne la personne que j'étais avant.
02:50Les médecins aussi demandaient de stimuler la mémoire,
02:52de me montrer une femme que je voyais, qui me ressemblait,
02:55mais à laquelle je n'arrivais pas à m'identifier.
02:58C'est d'ailleurs l'une des raisons qui m'ont poussée à changer de prénom
03:01à un moment donné pour me réapproprier ma vie.
03:03Pour mes proches aussi, c'était difficile
03:05parce qu'ils avaient physiquement la personne qu'ils connaissaient avant,
03:08mais dans nos liens affectifs, dans nos relations,
03:11je n'étais plus cette personne-là.
03:12À un moment donné, j'ai sombré.
03:14J'ai sombré parce que je me sentais redevable envers cette famille.
03:17Je me sentais illégitime.
03:19Ce sentiment d'illégitimité est resté et parfois même il revient.
03:23Tout ça m'a conduite à une grosse dépression,
03:25voire même des tentatives de suicide
03:27parce que pour moi, la mort devenait beaucoup plus simple.
03:32Parce que là, je n'aurais pas à composer avec qui que ce soit
03:35et je ne serais plus là en fait.
03:36C'est uniquement comme ça que je pourrais soulager mes souffrances
03:40parce que ça devenait insoutenable.
03:42Lors de ma dernière véritable tentative où j'ai limite flirté avec la mort,
03:49je me suis dit que ça serait beaucoup plus simple.
03:51J'ai fait, je ne sais pas aujourd'hui si je peux parler de rêve éveillé
03:55ou d'hallucination ou autre,
03:57mais en tout cas, je me suis laissée littéralement tomber.
03:59J'ai eu cette petite fille qui est venue vers moi.
04:02On était dans un jardin et elle m'a dit « Lia, lève-toi et vis ».
04:06Pour la première fois, je me sentais appelée.
04:08Je ne savais pas qui était cette Lia,
04:09mais ce n'était pas comme mon ancien prénom Yasmine
04:12où je savais que ce n'était pas moi.
04:14Et du coup, je lui demande « Mais qui est Lia ? »
04:16et elle m'a souillée, elle m'a dit « Mais c'est toi, Lia ».
04:18Et c'est vraiment ce jour-là où ce prénom,
04:22pour moi, je dis qu'il m'a choisie.
04:24Et ça a été un moment salvateur pour moi
04:25parce que ça a été le point de bascule positif.
04:28C'est-à-dire ce jour où j'ai décidé d'arrêter de stimuler ma mémoire,
04:31d'arrêter de me voir à travers les yeux, les souvenirs des autres
04:35et de vraiment faire le choix d'apprendre à me connaître
04:37et non pas de me reconnaître ni de me reconstruire,
04:40mais d'apprendre littéralement à savoir qui est Lia,
04:43ce qu'elle aime, ce qu'elle n'aime pas
04:45et ce qu'elle veut ou ce qu'elle ne veut pas dans sa vie.
04:48La petite fille que j'étais à ce moment-là,
04:50psychologiquement en tout cas,
04:53n'a fait que ce qui lui paraissait juste.
04:55Donc j'ai envoyé un message groupé à tout mon répertoire
04:58sans distinction de famille ou autre,
04:59en disant « Ce soir, Yasmine est morte et Lia choisit de vivre.
05:04Donc je vous demande de ne plus m'appeler Yasmine et de m'appeler Lia ».
05:08Ils ne comprenaient pas en fait ma décision
05:10et pour eux, c'était comme si j'étais égoïste
05:12parce que je pensais à moi mais je ne pensais pas à eux.
05:14L'écriture m'a beaucoup aidée.
05:15Mon premier livre a été publié en février 2023.
05:19Il s'appelle « Elle et moi, je ne sais plus qui je suis ».
05:21Je n'ai pas eu beaucoup d'infos au début sur l'amnésie dont je souffrais.
05:25On m'a juste dit que c'était une amnésie transitoire.
05:27J'ai trouvé les réponses lorsque je ne les cherchais plus,
05:29lorsque j'avais fait la paix avec le fait de ne pas savoir.
05:32Je suis tombée sur un article qui expliquait l'histoire d'un homme
05:36qui a vécu exactement la même chose que moi
05:37mais d'une façon encore plus brutale.
05:39Et c'est avec cet article que j'ai pu mettre un mot sur ce qui m'arrivait.
05:44Je l'ai fait valider après par un médecin.
05:46Mais c'est vrai que le mot « amnésie d'identité »,
05:48je l'ai trouvé par moi-même après cinq ans.
05:50On vit avec une crainte quand on souffre de cette forme d'amnésie.
05:53C'est que d'un moment à l'autre, tout peut revenir.
05:56Ou même, tout peut être à nouveau effacé.
05:59On apprend à vivre avec, c'est une épée d'amoclès sur notre tête.
06:02Aujourd'hui, c'est vrai que j'ai fait la paix avec cette amnésie,
06:05même si, je le dis souvent, c'est quand même un handicap invisible
06:09avec lequel on compose, parce que j'ai toujours ces 25 ans de vie qui manquent.
06:12Quand j'ai échangé avec mes proches,
06:13parce qu'aujourd'hui, je suis beaucoup plus à l'aise pour ça,
06:16ils m'ont dit que la personne qu'ils voient aujourd'hui,
06:18la femme que je suis devenue, leur rappelle la petite fille que j'étais avant.
06:23Donc avant, justement, l'éducation, les épreuves de la vie.
06:27Et c'est comme si je m'étais, à un moment donné, éloignée de moi-même
06:30et que la vie a décidé, en tout cas, c'est ma croyance,
06:34la vie avait décidé, de par cet oubli, de me remettre dans mon essence,
06:38de me remettre sur mon chemin, celui qui me fait vibrer.
06:41Et aujourd'hui, je décide de le voir comme ça, de le voir comme un reset
06:44qui m'a reconnectée à la personne que je suis vraiment au fond de moi.
06:49Pour moi, l'IA, c'est la version même originale de Yasmine
06:53puisque je réalise même ses rêves à travers l'écriture,
06:56à travers le métier que je fais aujourd'hui de conférencière, par exemple.
07:00C'était vraiment ses rêves à elle.
07:01Mes enfants, j'ai dû les adopter.
07:03J'ai choisi d'apprendre à les aimer, d'apprendre à être leur maman,
07:08à être une bonne maman pour eux.
07:09Donc aujourd'hui, je les élève seule puisque mon mari est devenu mon ex-mari.
07:14J'ai divorcé de lui, mais je ne me souviens pas d'avoir été mariée avec lui.
07:17J'ai dû adopter mes enfants, mais aussi adopter mes parents,
07:20adopter même mon ex-mari d'une certaine façon,
07:23parce qu'il fait partie de ma vie par rapport à mes enfants,
07:25d'adopter aussi les amis que j'ai choisi de garder, mon frère, ma soeur.
07:30Et eux-mêmes ont dû, d'une certaine façon, même inconsciemment, m'adopter également.
07:34C'est comme un choix à double tranchant, c'est-à-dire est-ce que je les garde
07:38ou est-ce que je les sors de ma vie ?
07:40Et il s'agit d'amour en réalité.
07:42Est-ce qu'on s'aime suffisamment pour s'accepter tel que l'on est ?
07:46Personne ne change, tout le monde se sublime.
07:48On apprend à transformer nos blessures, nos fêlures, en quelque chose de plus harmonieux.
07:53Mais notre essence même ne change pas.
07:54Et ces épreuves, peut-être, nous réconcilient avec cette essence.
07:58Ce que l'amnésie m'a apporté, c'est les ressources insoupçonnées du « je ne sais pas ».
08:02Voilà, alors qu'avant, je le prenais comme une faiblesse, le fait de ne pas savoir.
08:06Mais quand je regarde mon parcours jusqu'à aujourd'hui,
08:08et c'est ce que je transmets aussi dans mes conférences,
08:10c'est le fait de ne pas savoir nous offre un trésor insoupçonné.
08:14Parce que comme on ne sait pas, on va s'autoriser certaines choses
08:18qu'on ne ferait pas si on savait en fait, si on pensait qu'on savait justement.