Lyah est une rescapée d'une amnésie qui a bouleversé sa vie en 2013. Cette maman de jumeaux a dû réapprendre à vivre, à aimer, à s'émerveiller du monde qui l'entoure. La perte de mémoire a été comme une seconde naissance pour elle, à tel point qu'elle a même changé d'identité. De la peur à la liberté, du doute à la confiance, elle partage son parcours avec nous.
Merci à Lyah pour sa confiance et pour son témoignage.
Retrouvez-la sur son compte Instagram : https://www.instagram.com/lyah_renar/
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AmusantTranscription
00:00J'étais dans la vie et dans le corps d'une jeune femme de 25 ans,
00:04sauf qu'en âge mental, mon âge est évalué à 4 ans
00:07dans le sens où je m'émerveillais de tout, j'apprenais tout en fait.
00:10Je m'appelle Lilia, j'ai 35 ans,
00:12mais je ne me suis pas toujours appelée ainsi, je m'appelais Yasmine
00:15parce que j'ai perdu la mémoire en 2013 totalement.
00:19Donc avant j'avais un marié, je suis toujours maman des jumeaux
00:22qui avait 3 ans à l'époque et aujourd'hui qui en fait 13 ans.
00:24A priori j'ai fait une chute dans la baignoire la veille
00:27du jour où je me suis réveillée sans mes souvenirs.
00:29Je n'ai pas voulu aller à l'hôpital et je me suis endormie
00:31et c'est le matin au réveil et c'était le blackout.
00:34Je ne me souvenais de plus rien.
00:35Je ne sais pas où je suis.
00:36Au début ils pensaient que je rigolais,
00:38parce que quand je les ai vues, j'ai crié.
00:40Et ça les a réveillées parce qu'ils dormaient
00:41et ils sont venus tout de suite un petit peu apeurés
00:44et ils m'ont appelée maman.
00:45Et ça aussi, ce mot, je me demandais pourquoi ils m'appelaient maman.
00:48Je ne me souviens pas de ma grossesse,
00:49d'ailleurs ça a été l'un des proies les plus lourdes à porter de mon mariage non plus.
00:53Donc je suis complètement perdue, déboussolée, apeurée
00:55parce que du coup j'ai quelqu'un qui dort à côté de moi
00:57que je ne reconnais pas non plus.
00:58Donc au début, je pensais qu'on m'avait kidnappée
01:00et ça a été terrifiant.
01:02Donc à ce moment-là, je n'ai qu'un seul choix,
01:04c'est me fier à cet homme qui me tend la main
01:06et qui me dit qu'il va m'aider, qu'il va trouver une solution,
01:09qu'il va appeler les pompiers.
01:10Il me parlait mais je ne comprenais pas tout ce qu'il me disait.
01:13Donc je ne reconnaissais pas ce qu'était un portable.
01:15J'avais du mal à comprendre ce qu'il faisait
01:18avec ce petit appareil dans la main.
01:21Un chargeur, je ne savais pas ce que c'était.
01:23Un téléphone portable, je ne savais pas ce que c'était.
01:25La télé, je ne savais pas ce que c'était.
01:26Et c'est lui qui a tout géré en fait, qui a appelé les pompiers,
01:29qui a répondu aux questions des pompiers.
01:30Ça a été une deuxième source d'angoisse
01:32puisqu'arrivé à l'hôpital, il n'était pas encore arrivé.
01:35Donc on me posait les questions
01:36et du coup je ne pouvais pas y répondre.
01:38Tout ce qui ramenait à mon identité,
01:39à tous les souvenirs que j'avais, s'était effacé.
01:41Après cet épisode, j'ai été emmenée à l'hôpital.
01:44On me fait beaucoup de tests.
01:45On me fait voir mes proches par Skype.
01:48Donc mes parents qui étaient à la Martinique,
01:50ma sœur, mon frère.
01:52Donc on essaie progressivement de me faire voir du monde,
01:56mais sans trop le faire,
01:58puisque le médecin disait que ça pouvait avoir l'effet inverse,
02:00donc me bloquer davantage.
02:01On m'a simplement laissée rentrer
02:03en me préconisant de voir un neurologue
02:05et en me disant que de toute façon,
02:07ils pensaient que c'était transitoire en fait.
02:09À un moment donné, on m'a prescrit des antidépresseurs
02:11parce que du coup, ça induisait un état de déprime,
02:14de dépression latente
02:16puisque je faisais des crises d'angoisse,
02:19des terreurs nocturnes
02:21parce que j'avais un trou noir.
02:23Alors cette espèce de renaissance
02:25ou de naissance pour moi,
02:27parce qu'il y a une différence de perception,
02:29je ne dirais pas compliquée,
02:31mais assez particulière
02:33parce que je me retrouvais face à un monde
02:35qui m'effrayait à certains moments
02:37et en même temps qui m'inscrivait.
02:39Donc j'avais envie de tout découvrir.
02:41Alors c'est vrai qu'au début,
02:43je ne sortais pas trop justement
02:45parce que ma famille avait fait le choix de me protéger un peu.
02:48Donc je ne sortais pas trop,
02:49donc je vivais beaucoup par procuration,
02:51c'est-à-dire je découvrais le monde par procuration
02:53en regardant des séries,
02:54en regardant des films
02:56et du coup, j'ai découvert
02:58mes premiers pas dans le monde ont été faits comme ça.
03:00Et après, je me suis très vite rendue compte
03:02que j'avais un décalage,
03:03c'est-à-dire que j'étais dans la vie
03:05et dans le corps d'une jeune femme de 25 ans,
03:07sauf qu'en âge mental,
03:09mon âge était évalué à 4 ans
03:11dans le sens où je m'émerveillais de tout,
03:13j'apprenais tout en fait.
03:14Souvent, les personnes me disaient
03:15mais du coup, tu ne te souviens plus de ta première fois,
03:17de ton premier baiser, de ton premier béquin,
03:19de tes années d'école,
03:21ben non.
03:22Donc ça, je le vivais
03:24mais dans le sens où
03:26je ne savais pas trop comment faire,
03:27les gens me regardent comme une adulte
03:29mais parfois dans une conversation,
03:30on pouvait très vite se rendre compte
03:32qu'il y avait des trous en fait.
03:35Mais j'ai très vite été confrontée justement
03:37à la dureté de notre société
03:39puisque dans les années qui ont suivi,
03:41j'étais limite en plein cœur de tout ça.
03:44Donc j'ai vu que le monde aussi
03:45pouvait être très méchant, très dur
03:47et puis je fais partie de la communauté noire
03:49donc au début,
03:50c'était des mots qui étaient abstraits pour moi,
03:52je ne comprenais pas pourquoi
03:53les gens faisaient un focus dessus
03:55et puis j'ai été confrontée au racisme.
03:57À un moment donné,
03:58la question est venue,
03:59ben en fait, qui suis-je à nouveau
04:00mais dans cette société ?
04:01Comment je me positionne ?
04:02En qualité de quoi je parle ?
04:04Qu'est-ce que ça implique d'être une femme ?
04:05Qu'est-ce que ça implique d'être une femme noire ?
04:07Qu'est-ce que ça implique d'être une mère ?
04:09Qu'est-ce que ça implique de travailler ?
04:10À un moment donné,
04:11je ne trouvais plus de réponse dans le médical.
04:13Ce qui s'est passé,
04:15c'est qu'il y a eu la naturopathie
04:16donc les méthodes plus naturelles et alternatives
04:18et c'est là vraiment
04:19où j'ai trouvé un environnement
04:21où je pouvais expérimenter et apprendre
04:23tout en ayant la bienveillance
04:25des autres autour en fait.
04:26Et ce qui s'est passé,
04:27c'est que j'ai essayé de reprendre
04:28dans mon ancien travail
04:29puisque j'étais en arrêt maladie
04:31sauf que j'avais perdu cette expertise
04:33et puis en plus de ça,
04:34il y avait un aspect émotionnel
04:36qui a été encore plus bloquant
04:37puisque les personnes de mon travail,
04:40encore une fois,
04:41j'ai été à un moment donné
04:42comme une bête de foire
04:43donc quand j'ai voulu reprendre,
04:44ça m'a bloqué
04:45parce que les gens venaient
04:46pour m'interroger,
04:47pour me demander
04:48est-ce que c'était vrai ?
04:49Comment ça se passait ?
04:50Et à ce moment-là,
04:51le rapport humain
04:52était très compliqué pour moi
04:53c'est-à-dire que
04:54quand je me retrouvais
04:55face à des personnes
04:56qui me connaissaient,
04:57j'étais prise de tétanie,
04:58littéralement.
04:59Et je savais que
05:00ce que j'avais vécu
05:01m'avait poussé en fait
05:02de façon très intuitive et instinctive
05:04à développer une intelligence émotionnelle
05:06et de l'empathie pour les autres.
05:07Donc j'avais envie d'aider
05:08comme on m'avait aidé.
05:09À part ce changement de travail,
05:12il y a d'autres changements
05:13qui m'ont aidée
05:14à passer à autre chose
05:15et à être vraiment
05:16dans cette dynamique de construction.
05:17Il y a déjà eu
05:18mon changement de prénom
05:19parce que pour la première fois,
05:21quand on m'appelait,
05:22je me reconnaissais
05:23parce que c'est moi
05:24qui l'ai choisi entre guillemets.
05:25Je crois qu'il s'est plutôt imposé à moi.
05:28Mais en tout cas,
05:30j'ai choisi de l'incarner
05:31et du coup,
05:32je me sentais plus en phase.
05:34Je n'avais plus cette sensation
05:35d'être une usurpatrice
05:36comme j'ai pu l'être avant.
05:38Et je me sentais plus libre
05:40de créer ce que j'avais envie
05:42et d'être qui j'avais envie d'être.
05:44Ensuite, j'ai changé aussi
05:45de lieu de résidence.
05:46J'ai eu mes premières amitiés,
05:48mes premières vraies relations.
05:50Ce que je voulais à ce moment-là,
05:51c'était vivre.
05:52Et cette année,
05:53j'ai pris conscience
05:54que toutes ces années,
05:55j'ai moi-même dû faire
05:56un processus de deuil
05:57par rapport à ce passé oublié
05:58que je ne retrouverais peut-être pas
06:00parce qu'au début,
06:01je pensais que je l'avais retrouvé.
06:02Mais au final,
06:03on m'a appris encore
06:04une faculté du cerveau
06:05à fabriquer des souvenirs
06:06par rapport à des récits
06:07quand on vit certaines situations
06:09qui nous poussent à croire
06:10que c'est la seule solution
06:11pour qu'on puisse aller mieux.
06:12Et oui, pour moi,
06:13c'est véritablement
06:14un processus de deuil
06:15à me dire,
06:16j'ai été cette femme
06:17mais ça ne conditionne pas
06:18qui je suis aujourd'hui.
06:20Et je dirais même
06:21qu'aujourd'hui,
06:22je suis en train de faire le deuil
06:23de la femme amnésique
06:24que j'ai été.
06:25C'est-à-dire que je ne me considère
06:26plus comme cela aujourd'hui,
06:27pas parce que j'ai retrouvé
06:28mes souvenirs
06:29mais parce que je ne veux plus
06:31m'identifier à la maladie.
06:33Je ne veux plus m'identifier,
06:34je ne veux plus me limiter à ça
06:36et je ne veux plus
06:37que ce soit un frein aussi
06:38dans mon évolution.
06:39Donc j'apprends
06:40le deuil de cette femme apeurée,
06:42de cette femme perdue,
06:44de cette femme
06:46qui a ce trou béant en fait.
06:48Parce qu'après dix ans,
06:49effectivement,
06:50j'ai acquis des souvenirs,
06:52même si je sais aujourd'hui
06:54que c'est très fébrile
06:55et que tout peut s'effacer
06:56en une nuit,
06:57mais c'est un processus
06:59de deuil particulier.
07:00Je crois que mes plus beaux souvenirs,
07:02c'est déjà d'avoir voyagé
07:05parce que je me souviens,
07:07mon premier voyage,
07:08ça a été une croisière
07:09et j'étais émerveillée
07:11par l'immensité
07:12qu'on pouvait se retrouver
07:14en quelques heures
07:15dans un pays
07:16dont on ne maîtrise pas la langue.
07:18On pouvait échanger avec des gens
07:20sans pour autant parler
07:21la même langue qu'eux.
07:22Donc ça, ça a été
07:23l'un de mes plus beaux souvenirs
07:24parce que ça me faisait découvrir
07:26le monde d'une autre façon.
07:28Un autre beau souvenir,
07:29c'est quand j'ai eu
07:31la reconnaissance officielle
07:32de mon prénom.
07:33J'ai été signé mon acte de naissance
07:35et ça, ça a été merveilleux.
07:37Et un souvenir avec mes enfants,
07:38mais je ne saurais pas
07:39lequel est le meilleur,
07:40mais ce sont tous ces souvenirs
07:42où mes enfants et moi,
07:43on s'amuse,
07:44on part à l'aventure,
07:45où je me sens intégrée,
07:47où je me sens reconnue,
07:48où je me sens avoir ma famille à moi.
07:51C'est vrai que la relation
07:52avec les enfants,
07:53est-ce que j'ai appris
07:54à les aimer,
07:55à apprivoiser ce sentiment
07:56d'être maman ?
07:57On m'a posé la question une fois,
07:58est-ce que c'était
07:59de l'instinct maternel ?
08:00C'est quelque chose
08:01que je n'ai pas vécu
08:02parce que je n'ai pas ressenti
08:03tout de suite cet instinct maternel.
08:04Par contre,
08:05à un moment donné,
08:06j'ai dû faire le choix
08:07d'apprendre à les aimer,
08:08d'apprendre à les accepter,
08:09d'apprendre à les intégrer.
08:10Mais très vite,
08:11j'ai ressenti
08:12ce besoin d'engagement,
08:14et j'ai choisi de rester
08:15et d'apprendre
08:16à m'occuper de mes enfants.
08:17Et je crois que c'est avec eux
08:18que j'ai vraiment compris
08:20le sens du mot aimer.
08:21Et puis,
08:22j'ai pris la décision
08:23d'apprendre à connaître
08:24ma famille filiale.
08:25J'ai découvert des tantes,
08:27des cousines,
08:29et ça a pris nevant.
08:30L'amour,
08:31les sentiments amoureux,
08:32l'attachement,
08:33même le désir aussi,
08:35c'est très déstabilisant,
08:37mais très particulier.
08:38Et je me souviens qu'en fait,
08:40lorsqu'il y a eu cette séparation
08:42avec mon ex-mari,
08:45je disais tout le temps
08:46à mes amis,
08:47j'aimerais bien savoir
08:48ce que ça fait
08:49de commencer une relation.
08:50Et quand on s'est séparés,
08:51j'ai eu cette opportunité
08:52de connaître
08:53un début de relation.
08:54J'ai su ce que ça faisait
08:55d'être courtisée,
08:56d'être draguée,
08:58de commencer une relation
08:59les premiers mois.
09:01C'était une découverte,
09:02ça fait partie intégrante
09:03de ma construction personnelle,
09:05dans le sens où j'ai découvert
09:06une lia que je ne connaissais pas.
09:08J'ai découvert
09:09que j'étais romantique.
09:10La durée de cette relation
09:11m'a amenée à un niveau supérieur
09:12de connaissance de moi-même
09:13et m'a montré
09:14que j'avais envie de vivre ça,
09:16alors que pendant longtemps,
09:17je me disais que je ne suis pas
09:19faite peut-être
09:20pour les relations amoureuses.
09:21Et j'ai appris à ce moment-là
09:23que je ne savais pas aimer
09:24et que j'avais envie
09:25d'apprendre à aimer,
09:26c'est ce que j'ai fait.
09:27J'ai la sensation
09:28que l'amnésie est une voie
09:30de compréhension de soi
09:31et de l'autre
09:32et de la vie.
09:33Et au final,
09:34ce qui était une tragédie
09:35ou un traumatisme
09:36devient un vrai levier
09:37en fait d'humanité.
09:40Mais au final,
09:41ce que j'en retiens,
09:42c'est que l'amnésie m'a
09:43littéralement appris à aimer,
09:44à aimer la vie,
09:45à aimer les autres
09:46et à comprendre
09:47qu'on ne sait pas tout.
09:48Et même ce qu'on pense savoir,
09:50parfois on le remet en question
09:51et ce n'est pas qu'on s'est trompé,
09:53c'est simplement qu'à ce moment-là,
09:54on avait besoin
09:55de ce niveau de connaissance
09:56et puis après,
09:57on remet tout en question
09:58pour aller plus loin.