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Retrouvez William Leymergie entouré d’experts, du lundi au vendredi en direct dès 12h30, pour une émission dédiée aux problématiques de notre quotidien.

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00:00...
00:05Doragui, je rappelle que vous êtes journaliste,
00:07chroniqueuse, entre autres, sur Europe 1,
00:10et écrivaine de temps en temps.
00:12Il faut expliquer de quoi parle ce spectacle-là,
00:14car c'est un spectacle.
00:16C'est un spectacle, c'est un seul en scène,
00:18un one-woman show, comme on dit,
00:20mis en scène par Isabelle Nanty.
00:23Ca s'appelle Je change de file.
00:25Ca fait référence à la file à l'aéroport.
00:27Quand on est étranger, on va dans la file All Passports,
00:31c'est écrit, et l'autre file, c'est UE,
00:33l'Union européenne.
00:35Votre vie change totalement, complètement.
00:38La vue, le regard des gens change complètement
00:40quand on passe d'une file à l'autre.
00:42Quand vous êtes arrivée, vous aviez quel âge ?
00:45Je raconte mon histoire.
00:47Je suis arrivée à l'âge de 10 ans, en France.
00:49Je parlais pas français.
00:51Jusqu'à ce que je devienne complètement française.
00:54Je raconte, en fait, ce qui fait souvent peur,
00:57ce qui pose souvent question.
00:58On parle beaucoup d'immigration, d'intégration,
01:01d'exil, on parle beaucoup de l'Iran,
01:03de tous les pays où il n'y a pas forcément une démocratie.
01:07Je trouve qu'on parle trop mal de la France.
01:09On ne dit pas à quel point et on ne réalise pas
01:12à quel point c'est une chance de vivre dans un pays démocratique.
01:16On parle trop mal de la France, en France.
01:18Les Français, notamment.
01:19En France, on parle mal de la France.
01:22Ailleurs, ça reste un rêve.
01:23Quand on regarde de l'extérieur la France,
01:26on se dit qu'ils ont de la chance de vivre
01:28dans un pays démocratique.
01:30Qu'est-ce qu'on vous disait dans votre famille ?
01:33Il a fallu partir un peu vite.
01:35Il a fallu partir pour deux raisons.
01:37Il y avait non seulement la Révolution, en 79,
01:39mais il y a eu la guerre, en 81,
01:41qui opposait l'Iran à l'Irak,
01:43et qui a fait près d'un million de morts.
01:46C'est énorme.
01:47Qu'est-ce que vous saviez de la France ?
01:49Vous aviez 10 ans.
01:50Dans votre famille, on disait
01:52qu'on allait dans un pays, qu'on allait bien s'accueillir ?
01:56Alors, je connaissais plein de chansons en phonétique,
01:59sans comprendre un mot, notamment...
02:01Donnez, donnez, donnez, donnez.
02:03On ne savait pas ce que c'était, mais on adorait.
02:06On chantait plein de chansons où on collait des bouts de son.
02:09Ma mère, elle connaissait, elle aimait beaucoup la France.
02:13Mon père préférait l'Angleterre où il avait grandi.
02:16Ma mère, elle a dit non.
02:17J'ai trois filles, je ne veux pas qu'elles grandissent
02:20dans un pays où on va leur imposer quoi que ce soit.
02:23Je veux que mes filles grandissent dans un pays libre.
02:26Je ne veux pas que l'exemple soit Churchill,
02:28mais Victor Hugo.
02:30C'est comme ça qu'on est arrivés ici.
02:32Vous parlez très bien le français et vous faites un spectacle.
02:35C'est pas votre vocation, ça ?
02:37J'étais journaliste chez vous à Télématin
02:40et c'est Isabelle Nanty qui m'a forcé la main.
02:42C'est mon ange gardien.
02:44Pas une seconde, j'ai pensé qu'un jour,
02:46je pourrais monter sur scène.
02:48Elle m'a poussée, elle m'a engueulée
02:50et donc elle m'a mise sur scène.
02:53Elle m'a inscrite au cours Florent, de force.
02:57J'étais là, je crois qu'il y a un problème,
02:59je suis journaliste, pas comédienne.
03:01Non, tu feras ça, tu feras ci.
03:03Jusqu'à ce qu'un jour, elles disent,
03:05tu as deux sketchs et il te reste un mois
03:08pour écrire le reste de ton spectacle
03:10puisque j'ai réservé le petit Palais des Glaces
03:13pour ton showcase.
03:14On va regarder un petit extrait.
03:16Vous allez voir à quoi ça ressemble.
03:19Pas une Française en claquant des doigts.
03:21Il faut beaucoup d'efforts pour s'intégrer,
03:23pour s'adapter au pays, pour apprendre la langue.
03:26Il faut aussi beaucoup d'amour pour ce pays qui nous accueille.
03:29C'est la rentrée scolaire 83, j'ai 10 ans,
03:32je ne parle pas un mot de français.
03:33Passer de Téhéran à Paris, ça change.
03:36Téhéran, c'était la guerre, les missiles solaires,
03:39les bruits des bombes.
03:40Et d'un coup, d'un coup, Paris.
03:43S'il y a un moment dans la vie d'une femme iranienne
03:47c'est la danse iranienne.
03:49Dehors, la danse iranienne est le CV de vie privée d'une femme iranienne.
03:53Musique rythmée
03:55...
04:00-"Danse iranienne", ça ?
04:01-"La danse iranienne". Ca a encore changé.
04:04La danse iranienne avec les 2 années qu'on vient de passer.
04:07Puisqu'on intègre la vie de chaque Iranienne, je peux vous dire...
04:11Dans ce spectacle, vous riez de nous au travers,
04:14que vous avez observé attentivement,
04:17mais vous riez de vous aussi.
04:19Il me semble que c'est une double déclaration d'amour,
04:22à la France, qui vous a accueillis,
04:24et à l'Iran, qui vous a créés.
04:27C'est exactement ça.
04:29En fait, il ne faut pas effacer, quand on est, je pense, exilé,
04:32il ne faut pas tenter d'effacer ses origines.
04:35Il n'y a rien de plus beau que d'additionner des cultures.
04:39Il faut simplement aimer les deux.
04:41Et surtout, quand on habite dans une démocratie,
04:44quand on a la chance de vivre dans une démocratie,
04:46il faut être reconnaissant.
04:48Je pense que cette reconnaissance-là
04:51me rend profondément heureuse et optimiste.
04:55Vous avez appris le français, en partie, écoutez bien.
04:58Elle l'a dit, je connaissais des chansons comme ça,
05:01mais elle regardait la télé.
05:03Elle a appris grâce à Muriel Robin. Expliquez ça.
05:06C'est vrai, parce qu'à la télé, à ce moment-là,
05:08les sketches de Muriel Robin passaient,
05:11mais je ne comprenais pas ce qu'elle disait.
05:13Je ne savais pas ce que c'était, une humoriste, rien.
05:16Pour moi, c'était une façon de parler français.
05:19Tout le monde l'écoute, personne ne l'interrompt,
05:22et en plus, tout le monde a l'air d'apprécier.
05:24Je me suis mise à parler avec sa voix
05:26pensant que c'était une manière de parler français.
05:29Pendant 2 ans, j'ai parlé comme ça,
05:31pensant qu'il fallait parler pour bien parler français.
05:34C'était ma langue de défense.
05:36Dès qu'on m'embêtait à l'école,
05:38j'avais trouvé l'astuce de Muriel Robin.
05:40Face à des vannes,
05:41elle ne parle pas bien français,
05:43il suffisait de dire,
05:45mais oui.
05:46Rires
05:47Mais oui, bien sûr, coupé court à la vanne de l'autre.
05:50C'était extraordinaire.
05:51Ca m'arrive encore, un peu stressée,
05:54la voix de Muriel Robin qui arrive.
05:56Je salue.
05:57Elle le sait, la Mimu, elle le sait.
05:59Oui, Mimu, elle le sait, elle a été extraordinaire.
06:02Elle est venue voir le spectacle, me voir en loge,
06:04elle a dit, j'ai trouvé ça formidable,
06:07si tu veux écrire un spectacle pour qu'on joue ensemble.
06:10Il faut me le dire avec la voix de Muriel.
06:12J'ai trouvé ça formidable,
06:13tu veux qu'on fasse un spectacle à deux, on le fait.
06:16Tu vas venir faire la première partie
06:19de notre spectacle à l'Olympia.
06:21Voilà, donc j'ai fait...
06:22Elle a joué avec...
06:24Il nous reste combien de temps ?
06:26Pierre Palmade et Michel Larocque.
06:28Juste pour terminer, pourquoi vous ne faites pas une tournée ?
06:31Je suis sûr que ça amuserait nos amis un peu partout.
06:34C'est vrai, j'avais commencé une tournée juste avant le Covid
06:37et ça a été avorté par le Covid.
06:39Là, j'aimerais beaucoup, j'aimerais bien reprendre un peu...
06:42Je n'ai pas joué, d'ailleurs, dans les grandes villes françaises.
06:46Je trouve que c'est pas mal d'aller déclarer un peu d'amour
06:49à la France et à ce qu'elle représente en ce moment.
06:52Vous êtes quand même néanmoins dans ce spectacle,
06:55c'est fait pour sourire, vous l'avez compris,
06:57mais vous êtes très attentive à ce qui se passe là-bas.
07:00Ce n'est pas un spectacle politique.
07:02Si on parle d'une vie de quelqu'un qui est né en Iran,
07:05c'est forcément politique.
07:07C'est pas possible.
07:08On grandit avec des histoires politiques.
07:10En plus, avec la révolte de ces jeunes gens et de ces jeunes femmes.
07:14Bien sûr. Alors, évidemment, je vais en parler aussi,
07:18parce que ces femmes iraniennes, depuis deux ans,
07:21sont exemplaires, sont extraordinaires
07:23de force, de courage,
07:26parce qu'elles sont seules, sans armes,
07:28à se battre contre une dictature et une barbarie sans nom.
07:31Et elles continuent.
07:33Donc, on en entend moins parler,
07:35évidemment, mais franchement, elles sont toujours là.
07:38Elles circulent sans voile.
07:40Vous l'avez vue, celle qui vient de chanter, cette jeune femme ?
07:44Incroyable.
07:45En France, on ne se rend pas compte
07:47quand on voit une nana chanter dans une salle.
07:49Vous arrivez à avoir des contacts ?
07:51Bien sûr, toujours.
07:53Il n'y a jamais de coupure de contacts.
07:55Elle ne connaît pas tout le monde.
07:57Il lui faut un agent qui lui dit
07:59qu'elle va aller dans telle ville.
08:01On aura tous un peu de temps bientôt.
08:03Voilà.
08:04Avec grand plaisir. Venez, on fait ça.
08:07On fait une tournée pour déclarer l'amour à la France.
08:12Qui est en désamour, je trouve, et que ça ne mérite pas.
08:15La France, vous aime bien.
08:17Et aussi, on parle de...
08:18J'adore votre culotte.
08:20William adore.
08:21C'est les expressions...
08:22Ma mère essayait de bien parler français
08:25et elle foirait toutes les expressions.
08:27Il faut appeler un chat un chat, mais elle en a tellement.
08:30Vous en retrouverez quelques-unes
08:32dans le spectacle, avec plaisir.
08:34Bon, bonne route.
08:35Je rappelle que ça s'appelle
08:37Je change de fil.
08:38C'est mis en scène par Isabelle Nanty.
08:40Il y a une représentation exceptionnelle.
08:43A Paris, une représentation exceptionnelle
08:45le 12 janvier au Théâtre de l'oeuvre.
08:47Si vous passez par là, comme on dit à la télé.
08:50Merci de votre visite. Au revoir, petite Sarah.

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