• il y a 16 heures
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Transcription
00:00Avant de crever, le capitalisme, dans sa perversité fondamentale,
00:06et la bureaucratie, dans son dogmatisme obtus,
00:11feront chier encore pas mal de monde.
00:14Ce qu'il recherche systématiquement, c'est de détruire du collectif.
00:17Il ne peut pas vivre autrement, le capitalisme.
00:19C'est-à-dire en repérant des choses qui sont collectives.
00:22La dernière fois, c'était la terre.
00:23Maintenant, la terre est totalement privatisée.
00:25Il reste quelques forêts parties par là.
00:27Maintenant, c'est l'herbe, bientôt, qui va être privatisée.
00:29C'est la vie qui est privatisée.
00:31C'est l'information qui est privatisée, etc.
00:33Donc, il ne peut vivre qu'en progressant en détriment du collectif.
00:38L'armée de l'herbe
00:41L'armée de l'herbe
00:45Une nuit, je passe à Carmela, à Carmela
00:50Une nuit, je passe à Carmela, à Carmela
00:56C'était quand même un homme d'une très grande finesse intellectuelle.
01:00Des convictions et des cris du cœur.
01:04Mais en même temps, il était profondément tolérant.
01:08Un économiste de renom qui a fait partie de ses victimes.
01:14L'armée de l'herbe
01:18L'armée de l'herbe
01:26On se souvient tous de ce qu'on faisait ce 7 janvier 2015.
01:30Juste avant qu'on apprenne l'attentat à Charlie.
01:33Moi.
01:34Elle.
01:38Bernard m'a appelé.
01:39Il était sur la route, en fait.
01:40Il allait à Charlie.
01:42Et il sortait du métro.
01:45J'entendais le bruit de la sacoche quand il marchait.
01:48Et je lui dis que j'étais très embêtée
01:50parce que je devais faire un papier
01:53sur le livre de Michel Houellebecq,
01:55Soumission, qui sortait ce matin-là.
01:58Et Bernard me dit
02:00pourquoi est-ce que tu ne ferais pas sur le rapport aux femmes dans le livre
02:02puisque c'est ce dont nous avions parlé
02:05pendant pas mal de jours avant.
02:10On se quitte très tendrement.
02:12Il me dit à tout à l'heure, mon amour.
02:14Il raccroche.
02:16C'est la dernière fois que j'ai entendu sa voix.
02:19Et je sais que ce matin-là,
02:21il y avait la couvre du journal qui était sur Houellebecq.
02:24Est-ce que vous avez démarré la conférence de rédaction
02:26avec Michel Houellebecq ?
02:29Je crois, oui, plus ou moins.
02:31En tous les cas, c'est venu assez vite, je pense.
02:34Parce que c'était un peu
02:36la polémique du moment.
02:38Tout de suite, il y a les clivages traditionnels
02:40qui se sont fait jour, c'est-à-dire ceux qui étaient
02:42pro-Houellebecq, anti-Houellebecq
02:44et puis ceux qui étaient entre deux.
02:46Mais c'est vrai que Bernard défendait Houellebecq
02:48parce que, en fait, il disait
02:50ce bouquin me fait marrer, en fait.
02:52Ça le faisait marrer.
02:54Il y avait quelque chose pour malicieux dans le livre qui lui plaisait.
02:56Quelque chose d'un peu
02:58un peu malin, un peu pervers,
03:00un peu fouteur de merde.
03:04Bernard se marrait en en parlant, en fait.
03:18Pendant quelques jours,
03:20les morts de Charlie sont devenues le symbole
03:22de la France et de la liberté.
03:24Le président parlait d'eux,
03:26ont manifesté pour eux.
03:28Les proches, eux,
03:30se sentaient un peu dépossédés.
03:34Parmi eux, mon ami Hélène Fresnel.
03:36C'est par elle que je fréquentais Bernard.
03:40Elle me proposa d'assister
03:42aux obsèques et qu'elles se déroulèrent
03:44dans la stricte intimité,
03:46près de Toulouse, région natale
03:48de la famille Maris.
03:52Je vous lis ça, c'est le texte
03:54que j'avais écrit pour l'enterrement
03:56de Bernard.
04:00Il y a l'horreur,
04:02il y a la consternation,
04:04il y a l'indignation que nous partageons tous,
04:06il y a cette sidération
04:08que le temps, une semaine déjà,
04:10n'entame pas.
04:12Mais je voudrais dire quelques mots de Bernard Maris
04:14autrement qu'en tant que victime d'attentat.
04:16Je ne peux pas le faire en qualité
04:18d'ami de longue date,
04:20ni même d'ami très proche,
04:22mais d'ami récent,
04:24d'ami qui était en train de devenir un ami.
04:26Et une des choses dont égoïstement je ne me console pas,
04:28c'est que cette amitié n'ait pas eu le temps de mûrir.
04:30Elle était bien partie pourtant.
04:32Je l'écoutais déjà le matin
04:34à France Inter.
04:36J'aimais ses prises de bec amicales avec Dominique Seux.
04:38Je le lisais parfois dans Charlie Hebdo
04:40et j'avais remarqué que j'étais très souvent,
04:42presque toujours, d'accord avec lui.
04:44Surtout quand il expliquait l'économie
04:46à laquelle je ne comprends rien
04:48et ce qu'il disait c'est que j'avais raison de ne pas comprendre
04:50que c'était fait pour ça.
04:54Lors de cette cérémonie, parmi les proches,
04:56les amis, la famille, j'ai fait une découverte.
04:58Bernard Maris avait une vision singulière
05:00de l'économie.
05:02Bien plus singulière que celle dont je me souvenais
05:04moi qui l'avais rencontrée
05:06dans le rôle du pourfendeur de la mondialisation.
05:10Il y a deux grosses multinationales
05:12qui sont Chiquita et Dole
05:14qui produisent 80% des bananes dans le monde
05:16et qui ont déjà 35% des marchés européens.
05:18C'était sur France 5, dans l'émission Econoclast
05:20où je faisais mes débuts de journaliste télé.
05:22Ce sont les résultats exceptionnels.
05:24Je me souviens qu'il était toujours un peu distrait,
05:26sans humour, voire presque désinvolte
05:28lors des conférences de rédaction.
05:30Mais en plateau, il était le professeur Maris.
05:34Là, je le regarde avec admiration, non ?
05:36Un peu inquiète quand même.
05:38Et s'il m'interrogeait
05:40sur Chiquita et Dole ?
05:50Avant d'être professeur à la télévision,
05:52Bernard Maris a eu quelques générations
05:54en tant qu'étudiant, en chair et en os.
05:56C'était à la fac de Toulouse.
05:58Jean-Pierre Bell y était,
06:00sur les bancs de l'amphi de droit.
06:06Bernard était surtout repéré
06:08comme ceux capables de franchir
06:10certaines lignes
06:12et sortir de cette orthodoxie,
06:14déjà,
06:16de l'enseignement
06:18que nous apprenions
06:20à l'université des sciences sociales de Toulouse.
06:22Et donc, d'être capables
06:24d'ouvrir à de nouveaux horizons.
06:26Donc, nous, et notamment pour nous,
06:28les jeunes étudiants en droit,
06:30nous l'avions repéré
06:32comme un franc-tireur,
06:34quelqu'un qui était proche de nous.
06:36Quelqu'un qui m'a permis de comprendre
06:38qu'on pouvait aimer le droit,
06:40aimer l'économie et, en même temps,
06:42être fidèle à ces idées
06:44qui avaient peut-être des perspectives d'avenir
06:46pour ceux qui ne pensaient pas
06:48dans la ligne de ce que nous appelions,
06:50les économistes. Eh bien, oui, c'est fait.
06:52Les économistes au-dessus de tout soupçon,
06:54aux éditions Alba Michel. Mme Harris, bonjour.
06:56Vous êtes vous-même économiste, ça tombe bien.
06:58Vous êtes même docteur d'État
07:00et science économique. Et pourtant,
07:02vous avez écrit ce livre avec une mitraillette
07:04et vous dites que l'économie
07:06est une élucubration auto-entretenue.
07:08Oui, hélas, je crois que l'économie
07:10est une élucubration auto-entretenue
07:12depuis assez longtemps, d'ailleurs,
07:14depuis une quarantaine d'années.
07:16On produit des choses absolument invérifiables.
07:18On raconte des lois qui sont
07:20absolument sans fondement.
07:22Si je vous suis bien, donc, l'économie ne sert strictement
07:24à rien, sauf à entretenir
07:26les économistes. Largement à entretenir
07:28les économistes, qui ont un côté assez sympathique
07:30et d'ailleurs assez comique, qu'il faut souligner
07:32et que j'essaie de souligner, qui sont des gens
07:34assez pédants, assez pontifiants, qui font penser
07:36un petit peu aux médecins de Molière
07:38avec leur bonnet pointu, qui racontent des choses
07:40complètement invérifiables.
07:49J'ai découvert Bernard, moi,
07:51quand il a sorti son livre,
07:53c'était en 1990 et c'était
07:55un petit événement, en tout cas pour moi,
07:57c'était un événement.
07:59Je suis journaliste économique, j'avais été édite
08:0120 ans au Monde.
08:03J'en avais créé la tribune avec d'autres,
08:05j'avais créé la tribune en 1984
08:07et ce journal se voulait un petit peu
08:09un journal économique sérieux,
08:11mais pas orthodoxe.
08:13Et lui, dans son livre, dénonçait justement
08:15cette forme d'entretenue,
08:17et surtout, il mettait en cause
08:19les économistes,
08:21c'est-à-dire les économistes
08:23qui à l'époque tenaient,
08:25et c'est encore vrai maintenant pour partie,
08:27mais à l'époque tenaient vraiment
08:29le haut du panier, c'était des économistes
08:31qui nous racontaient à peu près
08:33et pratiquement tous la même chose.
08:35C'était extrêmement pesant.
08:37Bernard a beaucoup contribué
08:39à faire qu'on explique
08:41ce dont les économistes
08:43parlent vraiment,
08:45parce que derrière les équations mathématiques,
08:47au fond, il y a des choses
08:49qui se comprennent.
08:51Est-ce que la libéralisation est bonne ou mauvaise ?
08:53Est-ce que la croissance augmente ou ralentit ?
08:55Est-ce que la rigidité salariale
08:57est cause du chômage ?
08:59Est-ce que ce qu'on voudra ?
09:01Et derrière ce langage,
09:03il y a des choses simples,
09:05concrètes, dont les enjeux sont considérables.
09:07Et le travail de pédagogie
09:09qu'a fait Bernard
09:11très tôt pour démystifier
09:13cette science
09:15qui ne serait scientifique
09:17que parce qu'elle est incompréhensible du profane,
09:19a beaucoup contribué
09:21à faire que l'économie devienne
09:23un objet dont on parle.
09:29Pédagogue mais aussi rebelle,
09:31Bernard Maris s'en prend à la tradition économique.
09:33Spécialement au concept d'homo economicus,
09:35cet individu rationnel
09:37censé arbitrer minutieusement
09:39entre ses plaisirs et ses peines.
09:41C'est l'existence de cet être
09:43improbable et disons inhumain
09:45qu'il conteste en s'appuyant sur Keynes,
09:47le grand économiste
09:49qui est le premier à proposer des politiques alternatives.
09:53Il appartient
09:55à ce courant de penseurs,
09:57on va dire hétérodoxe,
09:59qui en partie a annoncé des changements
10:01importants dans la manière dont les économistes
10:03eux-mêmes se sont représentés
10:05cet homo economicus.
10:07Il est dans la tradition
10:09keynesienne mais du Keynes original,
10:11du Keynes de départ.
10:13Le Keynes qui oppose au modèle
10:15de cet homo economicus rationnel,
10:17celui au contraire d'esprits animaux
10:19ou comme des oies, tout le monde tourne la tête
10:21à peu près exactement en même temps.
10:39Bernard Marys,
10:41est-ce qu'avec ce livre,
10:43un, vous ne vous êtes pas fait beaucoup d'ennemis
10:45et deux, vous n'avez pas signé la branche sur laquelle vous êtes assis ?
10:47Beaucoup d'ennemis, oui, là j'en suis assez ravi.
10:49Par contre je me suis fait quelques amis
10:51et j'essaie de resituer l'économie
10:53sur son bon chemin, sur son droit chemin.
10:55Je pense que le droit chemin de l'économie
10:57c'est plutôt l'histoire et la politique.
10:59Ça confirmait des intuitions qu'on pouvait avoir
11:01lorsqu'on n'était pas soi-même
11:03ou économiste de métier ou économiste de formation.
11:05C'est à ce moment-là que
11:07je me suis arrangé pour avoir son téléphone
11:09et que je l'ai rencontré et on a déjeuné ensemble.
11:13Très vite, j'ai vu qu'on avait un certain nombre
11:15de points d'intérêt communs
11:17quand il m'a parlé de la chanson de l'Ebre
11:19qui est une chanson de la guerre d'Espagne
11:21parce qu'à Toulouse, il était,
11:23je l'ai appris après, comme de grand compte,
11:25il était dans une série de socialistes
11:27où il y avait des combattants républicains
11:29de la guerre civile
11:31qui chantaient le passage de l'Ebre
11:33et le recito de l'Ebre, c'est une chanson
11:35et on le chantait.
11:37Dans le restaurant, on la chantait.
11:57Toulouse était la capitale
11:59de l'Espagne républicaine en exil.
12:01Toute notre génération
12:03qui a vécu
12:05ces années-là
12:07a cohabité
12:09avec les Espagnols
12:11qui étaient très présents
12:13sous de multiples formes à Toulouse
12:15et nous avions
12:17beaucoup de lieux de solidarité
12:19avec les jeunes Espagnols.
12:23Quand on côtoyait Bernard de près,
12:25il était impossible de ne pas se retrouver
12:27plongé à un moment ou à un autre
12:29dans une atmosphère espagnole.
12:31Il aimait ce pays,
12:33en maîtrisait la langue, la culture
12:35et y avait vécu quelque temps
12:37avant de revenir à Toulouse,
12:39sa terre natale à laquelle
12:41il restait viscéralement attaché.
12:45Il était très fidèle à ses racines
12:47occitanes
12:49et à son histoire.
12:51Le Sud a été martyrisé par le Nord.
12:53Ça a commencé en France
12:55et maintenant c'est dans le monde entier.
12:57Il s'enracinait
12:59dans cette terre de France,
13:01dans cette terre du Sud,
13:03dans cette terre occitale
13:05et ça, ça lui donnait
13:07et de la joie et de la force.
13:11Il souhaitait que ses cendres
13:13soient dispersées sur le canal du Midi.
13:15Il passait ses vacances en Ariège
13:17dans le chalet familial
13:19à Aix-les-Thermes,
13:21skiait dans les Pyrénées
13:23et se promenait sur le col du Chioulat.
13:25Il y était encore à l'hiver 2014.
13:31Il évoquait souvent
13:33ses promenades dans la nature,
13:35la pêche dans les rivières
13:37avec son grand-père paternel,
13:39la cueillette de champignons
13:41dans le bois d'Aune,
13:43à côté de Muray,
13:45le village où il avait grandi.
13:47Il était élève à l'école Clément-Ader
13:49où son père, instituteur, enseignait.
13:51Ce père dont la figure de résistant
13:53a été hantée.
13:59Une grande partie de l'énergie créatrice
14:01de Bernard est née
14:03de cette identification
14:05à ce père pour lui héroïque
14:07et qu'il était certainement
14:09mais certainement aussi idéalisé.
14:11Et un des grands regrets de Bernard,
14:13c'est qu'il n'a jamais pu être
14:15résistant en arme.
14:17Je crois que là aussi
14:19nous sommes marqués
14:21par quelque chose
14:23que nous n'avons pas vécu
14:25mais qui a beaucoup pesé.
14:27Nous avions aussi à prouver
14:29à nos parents
14:31que nous étions dans leur pas
14:33et que nous avions aussi
14:35la capacité de nous élever
14:37dans des combats
14:39peut-être pas aussi durs
14:41que ce qu'eux avaient vécu
14:43mais être dans une forme
14:45de fidélité à la résistance.
14:47La résistance peut s'exprimer
14:49sur le plan politique,
14:51résister à la pensée unique.
14:53On le dit provocateur,
14:55c'est à la neige qu'il fait un pied de nez.
14:57Citoyen écolo, il continue
14:59de circuler en vélo à sa façon.
15:01Je vais passer en son interdit,
15:03ça ne fait rien.
15:05Un économiste aberré façon Tati.
15:07Un économiste distingué
15:09ce jour-là
15:11par le très sérieux nouvel économiste
15:13pour son travail atypique
15:15à la tête du LEREP,
15:17dirigé derrière les murs
15:19de ce bâtiment rouge Toulousain.
15:21C'est un aspect très intéressant
15:23dans ce laboratoire
15:25qui s'est toujours préoccupé
15:27de l'aspect humain de l'économie.
15:29C'est pour ça qu'on est très versé
15:31dans le régional et dans le social.
15:33C'est pour ça qu'on s'intéresse
15:35à des problèmes très modernes
15:37comme l'environnement,
15:39comme l'écologie,
15:41comme les problèmes de l'eau.
15:43Je crois que c'est le seul moyen
15:45de s'intéresser à l'économie
15:47de la littérature, de la psychologie,
15:49en se disant que l'économie
15:51peut être partagée par tout le monde.
15:53Ce n'est pas uniquement
15:55une affaire de spécialiste.
15:57Quand aujourd'hui, on vous dit
15:59que sur le plan économique,
16:01tel truc n'est pas possible,
16:03on a l'impression qu'on part de l'économie
16:05et qu'on l'impose aux hommes.
16:07Bernard partait des hommes.
16:09Il était déçu de ce qu'on faisait
16:11de l'économie.
16:13Il était déçu par la place
16:15considérable qu'avait pris l'économie.
16:17Et surtout, l'économie de gestion.
16:19L'économie du...
16:21Un État se gère comme un ménage.
16:23Il faut...
16:25Ça, oui, il était déçu.
16:29C'est l'histoire d'un frustré de l'économie
16:31qui va s'intéresser à la politique.
16:37L'histoire aussi d'un Toulousain
16:39qui monte à Paris.
16:41Il s'y installe dans le Nord
16:43et se prend à rêver
16:45d'écrire dans un journal.
16:47Après quelques articles
16:49publiés par Le Monde,
16:51il frappe à la porte du tout jeune Charlie Hebdo
16:53ressuscité par Cabu et Val.
17:01Cabu et moi,
17:03on avait envie
17:05qu'un économiste
17:07s'adresse à un public non averti.
17:09On trouvait Bernard très sympathique
17:11et talentueux.
17:13Et on a
17:15sympathisé, on l'a présenté
17:17à cette petite rédaction
17:19qui...
17:21qu'il faut qu'on peut le dire
17:23aujourd'hui parce qu'on s'en fout,
17:25qui était très hostile à Bernard.
17:27Parce que ses papiers étaient illisibles.
17:29Les autres nous disaient
17:31« Ses papiers nous tombent des mains,
17:33on n'y comprend rien, ça fait chier,
17:35qu'est-ce que ça fout dans le journal,
17:37il est marrant, il est pas marrant,
17:39ça nous emmerde l'économie. »
17:41Donc on était emmerdés,
17:43Cabu et moi,
17:45et on discutait avec Bernard,
17:47on lui disait « Essaye de parler
17:49plus simplement,
17:51je sais pas, bref, on essayait
17:53de le décoincer, quoi. »
17:55Et on a une idée, on lui dit
17:57« Écoute, imagine
17:59que t'as des petits neveux débiles
18:01qui comprennent rien,
18:03c'est comme dans
18:05les bandes dessinées de pilotes
18:07ou les histoires de l'oncle Paul,
18:09mais tu vas être oncle Bernard
18:11et tu vas raconter l'économie
18:13à tes petits neveux cons.
18:15Donc tu vas leur parler un langage
18:17un peu enfantin, tu vas essayer
18:19de les faire marrer parce que sinon
18:21ils accrocheront pas, ils vont se faire chier.
18:23Parle à des enfants, t'expliques
18:25l'économie à des enfants. »
18:27Et ça l'a fait rigoler, il a dit
18:29« Ah oui, je vais essayer. »
18:31Et la première chronique
18:33c'est que ça, c'est tout.
18:37Pendant plus de vingt ans,
18:39les petits neveux se font expliquer le monde
18:41comme il va.
18:43Comment l'endettement de la France l'amènera
18:45leur retraite ? Pourquoi nous, les Français,
18:47sommes les cocus de la croissance américaine ?
18:49Oncle Bernard verse dans l'ironie
18:51avec ce pleuron sur les patrons
18:53où il dénonce le capitalisme à la française
18:55qui garantit l'impunité des dirigeants
18:57incompétents.
18:59Dans sa rubrique « Les grands fauves »,
19:01il insulte aussi à Carlos Ghosn,
19:03le coskiller de Renault,
19:05ou à Jean-Claude Trichet, patron de la BCE
19:07qualifié de « crétin ».
19:09« Il insulte à l'étif,
19:11il serait un tocard,
19:13de minable. En plus, je pense que c'était des mecs
19:15qu'après il rencontrait, à mon avis,
19:17dans le cadre de son travail universitaire.
19:19D'ailleurs,
19:21on avait voulu en faire un bouquin
19:23mais l'avocat nous avait dit
19:25« Que vous le fassiez en...
19:27Toutes les semaines passent encore.
19:29Vous êtes poursuivant en justice pour injure.
19:31Si vous faites un bouquin, vous êtes poursuivant en justice
19:33parce que vous allez avoir des problèmes. »
19:41– Bernard Lariche, j'ai commencé à le connaître
19:43en le lisant dans ses chroniques
19:45de Charlie Hebdo, d'Oncle Bernard.
19:47L'économiste que je suis
19:49aimait avoir ce regard décalé
19:51sur l'économie et par la suite
19:53on a demandé
19:55à ce qu'il nous soutienne pendant l'élection municipale
19:57de 2001 et c'est là qu'a commencé
19:59la relation d'amitié entre nous deux.
20:01Et puis on avait fait des trucs assez sympathiques
20:03donc voilà, c'était une vraie campagne écologiste
20:05comme il les aime
20:07et donc ça lui a plu et après
20:09on lui a bien sûr demandé d'être candidat
20:11pour l'élection. Ça allait de soi
20:13d'un petit engagement, un engagement un peu plus conséquent.
20:15– Comme tout le monde est concerné
20:17il y a souvent peu d'actions qui sont faites
20:19donc par rapport à ce type de crise
20:21il faut des nouvelles formes de régulation.
20:23– Ça se passe comme ça chez les Verts parisiens.
20:25Les campagnes au coin du zinc ont refait le monde
20:27avec les gens du quartier.
20:29Le candidat dans le quartier c'est l'oncle Bernard
20:31Bernard Maris pour l'état civil
20:33décapant chroniqueur économique Charlie Hebdo.
20:37– Il a l'air motivé non ? Bernard en candidat
20:39autour des zincs du 10ème arrondissement.
20:44C'est parce que cette campagne est conviviale bien sûr
20:46mais surtout qu'elle lui permet enfin
20:48de donner corps à ses idées écolo.
20:51– Je trouve que c'était un écologiste folklorique.
20:54Je crois qu'aucun de ses amis n'a été privé
20:58d'une tirade sur la bagnole.
21:00Sa haine de la bagnole, c'est comme ça qu'il disait.
21:04– Il y avait des comportements consuméristes
21:06qui le mettaient hors de lui
21:08et il pensait que l'écologie peut-être pouvait
21:10apporter quelque chose d'autre.
21:12– Une critique importante de Bernard Maris
21:14de l'économie c'est de partir
21:16donc de la question écologique.
21:18Et notamment la question de la décroissance,
21:20la question de la raréfaction des ressources naturelles.
21:24Dire que dans un monde où les ressources sont finies,
21:28la croissance infinie est impossible,
21:30ça fait partie de l'analyse rationnelle
21:34que tout économiste devrait avoir.
21:37Malheureusement que peu d'économistes ont.
21:39Donc lui, il était quand même à ce moment-là
21:43de mettre en adéquation son discours
21:46avec son action politique.
21:54– Est-ce la chance des débutants ?
21:56Ou son style rafraîchissant ?
21:58Toujours est-il que Bernard réalise un bon score.
22:01Plus de 10% dans sa circonscription.
22:03Un des meilleurs résultats écolos à ses législatives.
22:08– Je crois que c'est la seule fois où à mon avis
22:10il s'est engagé dans sa partie.
22:12C'était pas un homme politique Bernard
22:14donc les trucs d'appareil c'était pas son truc.
22:19– La déception s'est faite de manière un peu en douceur.
22:25Donc il s'est moins impliqué.
22:28Il a été aussi très déçu par les écologistes de 2012
22:35sur l'entrée au gouvernement de Cécile Dufault et de Pascal Canfin.
22:41Parce qu'ils ne comprenaient pas
22:43ce que faisaient les écologistes dans le gouvernement.
22:45Ils ne font plus d'écologie.
22:47On n'a pas le ministère de l'Environnement.
22:49Donc il y avait une sorte de déception sur le fait
22:53qu'ils pensaient qu'on avait abandonné les questions écologiques.
22:56– En même temps, il voyait bien qu'il n'y avait pas
22:59de contre-projet alternatif à gauche.
23:03C'était un projet critique mais projet alternatif.
23:06Même maintenant, on a du mal à le voir se dessiner.
23:14– Il est déçu, il s'éloigne.
23:17Mais qu'on ne l'imagine pas sortir par la petite porte
23:19et sur la pointe des pieds.
23:21Sa déception politique concerne l'ensemble de la gauche
23:24et il l'a écrit dans un livre, encore une fois un livre,
23:27plaidoyer impossible pour les socialistes.
23:30Un règlement de compte parfaitement assumé
23:32vis-à-vis du parti dominant de la gauche
23:34un règlement de compte qui l'accompagne de visites
23:36dans les sections PS, ici à Ramonville, dans sa région chérie.
23:41– Si vous permettez, je vais vous lire la première phrase de ce livre
23:44qui est assez sévère, je reconnais.
23:47Aimons-nous le capitalisme ?
23:50Il faut croire que les socialistes l'aiment
23:52puisqu'il s'emploie le sauver de la crise, du chômage,
23:55de la faible croissance et même du prix de l'essence.
23:58Nous fumons, nous sommes encore socialistes,
24:01nous rêvons encore.
24:03Donc c'est à partir de là que je me suis dit,
24:05au fond, pourquoi je suis socialiste ?
24:07Pourquoi ai-je été socialiste ?
24:09Pourquoi sans doute le suis-je encore ?
24:11Une question que je me suis posée dans ce livre aussi,
24:13c'est pourquoi le peuple ne vote pas socialiste ?
24:16On n'a jamais réussi à mettre en branle cette fraternité,
24:20c'est-à-dire ce grand moment socialiste
24:22qui ferait que l'altruisme finalement
24:24dépasserait les égoïsmes des individus.
24:28Il règle ses comptes avec le Parti socialiste
24:30qui était sa famille d'origine, quand je dis ça,
24:33parce que son père était dans une section socialiste de Muray
24:36où il y avait Vincent Torriol,
24:38où il y avait des gens comme ça,
24:40où il y avait aussi des républicains espagnols.
24:42Et ce livre dit parfaitement bien, à mon avis,
24:46le positionne parfaitement bien au regard de la gauche.
24:49Les communistes, vraiment, il ne les aime pas, ça peut dire.
24:52Il a plus de sympathie pour les communistes
24:54qu'il n'a pas pour les communistes.
24:56Il a plus de sympathie pour les anarches
24:58parce que le mouvement anarchiste en Espagne
25:00était très puissant pendant la guerre civile.
25:02Mais les socialistes, non.
25:04C'est des gestionnaires,
25:06les gestionnaires, laissons les gestionnaires entre eux.
25:08Dire j'étais socialiste, je suis socialiste,
25:11tout dépend aussi du cheminement du Parti socialiste.
25:14Il ne fera pas la même route que les socialistes
25:18sur des terrains qu'il ne sent pas.
25:20Mais au bout du compte, il sera de ce camp-là.
25:24C'est sa famille, c'est les gens qu'il soutiendra.
25:28Quand on est à deux, on se dit les choses franchement,
25:30on est libérés, on n'a personne autour.
25:32Ça ne le gênait pas du tout de lui dire
25:34mais tu sais, de toute façon, je suis avec vous.
25:36François Hollande, Bernard Mariste,
25:38économiste, écrivain, nous a rejoints pour un débat.
25:42Vous croyez à la faisabilité du programme socialiste
25:45et en particulier les propositions de François Hollande ?
25:48Je crois que j'ai à peu près tout compris, en fait.
25:50J'ai quelques éclaircissements à lui demander.
25:53Beaucoup de gens de gauche doutent de l'euro aujourd'hui,
25:55pensent que l'euro n'est pas une bonne chose pour la France.
25:57Comment vous faites pour favoriser la compétitivité
25:59des entreprises françaises en restant dans l'euro ?
26:02D'abord, deux tiers de nos échanges sont dans la zone euro.
26:05Ce qui frappe dans cet extrait,
26:07c'est le ton très neutre de Bernard Mariste.
26:09Il questionne le candidat Hollande presque avec bienveillance.
26:12On est alors à quelques semaines de la présidentielle.
26:15On va avoir une évaluation de l'euro
26:17beaucoup plus élevée que nous avons besoin.
26:19Vous faites un pari sur votre capacité à modifier
26:21le fonctionnement de l'Europe.
26:23Cette archive nous surprend.
26:25Elle ne lui ressemble pas.
26:27Pourquoi cette attitude ?
26:29C'est d'abord le franco-allemand.
26:31Il ne voulait pas le gêner.
26:33Il était plutôt bienveillant,
26:35dans le sens où, au contraire,
26:37il souhaitait qu'il réussisse.
26:40Vous voulez faire payer une éco-taxe aux entreprises.
26:42Deux questions.
26:44D'abord, ça pour la compétitivité, vous croyez que c'est bon, d'une part.
26:46Et d'autre part, pourquoi pas faire payer aussi
26:48tous les Français, si c'est une éco-taxe ?
26:50Vous savez, tout impôt est payé
26:52en dernier ressort par les Français.
26:54Je ne suis pas contre.
26:56Est-ce que ce n'est pas un peu anticompétitif ?
26:58C'était un homme ambivalent.
27:00Il pouvait être extraordinairement agressif
27:02dans ses papiers vis-à-vis des patrons,
27:04des mecs, des puissants, de la Banque de France,
27:06de la BCE.
27:08En face, en face-à-face, en interview,
27:12il n'était pas dans son élément.
27:14L'interview,
27:16la contradiction violente,
27:18le débat violent,
27:20le débat frontal, la question frontale
27:22qui dérange, ce n'était pas son style.
27:24Il n'était pas comme ça.
27:28Mais alors, c'est encore votre encadré de l'année,
27:30Angela Merkel.
27:32Elle était déjà votre encadré 2011, Bernard.
27:34Alors, amie Franzosen,
27:36pourquoi suis-je encore, pour vous, la femme de l'année,
27:38comme l'année dernière, comme l'année prochaine,
27:40comme tous les ans pendant cent ans ?
27:42Parce que vous me mangez dans la main,
27:44parce que vous admirez l'Allemagne,
27:46parce que sans l'Allemagne, vous êtes perdus,
27:48sans nos voitures, sans notre bière,
27:50sans nos saucissons.
27:52Adulé par la gauche, adoubé par la droite,
27:54recentré par le centre, engulé par les angles,
27:56aimé des ouvriers, aimé des patrons,
27:58aimé de moi-même, moi qui suis commissaire
28:00à l'investissement et auteur du rapport
28:02éponyme, je suis, je suis, je suis...
28:04Vous êtes Louis Gallois.
28:06Et oui, Gallois le gentil.
28:08Je le voyais tous les samedis matins,
28:10et on se prenait un petit café et on discutait
28:12tous les samedis matins, donc j'écoutais, même souvent,
28:14dans son cabine, quand il faisait ses portraits,
28:16qui étaient extraordinairement personnels,
28:18parce que c'était extrêmement écrit.
28:20Et puis, c'était à la fois,
28:22c'était poétique,
28:24c'était tendre,
28:26il pouvait y avoir des coups de griffe absolument
28:28terribles. Le jour où il avait fait le portrait
28:30d'Arnaud Lagardère, avec sa nouvelle
28:32épouse mannequin, là, bon, c'était
28:34extrêmement drôle.
28:36Jade, la mère de ma fille, Jade, mon amour,
28:38mon amour de trente ans de moins que moi,
28:40et de trente centimètres de plus.
28:42Cinquante avec les talons.
28:44Jade qui fit de moi un homme, alors que
28:46je n'étais qu'un fils. Oui,
28:48un fils à papa, et même le fils unique à papa.
28:50Papa est mort brutalement en 2003,
28:52et me voilà à la direction de ADS
28:54depuis mai 2012, grâce à
28:56mon frère, mon frère Nicolas Sarkozy.
28:58Lui aussi, trente centimètres
29:00de moins que son épouse.
29:02C'était pas un tiède, c'était un homme
29:04de conviction.
29:06Seul face au micro,
29:08Bernard-Marie se débride et oublie
29:10sa prévention.
29:12Il n'a plus peur, ni besoin de dissimuler
29:14l'autre Bernard, ce Bernard contestataire
29:16qui s'était si longtemps abrité
29:18derrière le pseudonyme d'Oncle B.
29:22Ça l'a protégé, en fait.
29:24Je sais pas dans quelle mesure,
29:26ça l'a protégé
29:28jusqu'à quand, c'est-à-dire que jusqu'à quand
29:30cette invention de
29:32Oncle Bernard a fonctionné.
29:34Jusqu'à quand les gens ont cru qu'il y avait deux personnes,
29:36que c'était deux personnes différentes.
29:38À partir de quand les gens ont commencé à comprendre
29:40qu'en fait c'est le même.
29:42Mais nous on savait que c'était le même.
29:44Pour les autres, on se disait
29:46ça marche encore cette espèce d'escroquerie
29:48où on fait croire que c'est Bernard,
29:50mais en fait c'est Bernard-Marie.
29:54Je me souviens très bien de l'ami
29:56qui, dans un café autour de la place
29:58du Capitole à Toulouse, m'a un jour
30:00expliqué qu'Oncle Bernard, c'était Bernard-Marie.
30:02Ce qui était une surprise pour moi,
30:04c'est qu'il puisse se commettre,
30:06si je puis dire, j'étais lecteur de Charlie Hebdo
30:08et je ressemblais beaucoup
30:10à un lecteur de Charlie Hebdo,
30:12y compris sur le plan physique,
30:14donc ce n'était pas un problème pour moi.
30:16Mais de le voir, lui,
30:18qui était tout de même quelqu'un de
30:20construit, structuré,
30:22très loin du libertaire
30:24qu'on pouvait imaginer parmi
30:26l'équipe de Charlie Hebdo,
30:28j'espère que personne n'en voudra,
30:30collaborer à un journal comme celui-là.
30:32Bernard est quelqu'un
30:34qui venait de province,
30:36qui voulait réussir.
30:38Il voulait réussir.
30:40Il y avait une part de lui
30:42qui voulait réussir,
30:44soit comme économiste distingué,
30:46par moments,
30:48soit comme saletain banque,
30:50ce qui n'allait pas toujours ensemble.
30:52Des fois, il y avait une disjonction
30:54chez Bernard,
30:56plus que chez d'autres.
30:58Mais il a eu besoin, c'est pour ça
31:00qu'il a eu besoin de ce pseudonyme,
31:02ça l'a libéré.
31:04Ça a libéré l'artiste.
31:06Il me disait,
31:08vous savez, Henri,
31:10le meilleur moment pour écrire,
31:12pour moi,
31:14c'est le matin,
31:16je me lève tôt, vers 6h,
31:18avant 9h, le téléphone ne sonne pas,
31:20et pendant 3h, j'écris.
31:22Je suis seul,
31:24il n'y a aucun bruit autour de moi,
31:26j'écris, et après je suis étonné
31:28parce que j'écris, ça sort de moi.
31:38Bernard n'était pas ce qu'on appellerait
31:40un bobo, véritablement.
31:42Je pense que c'était un homme de gauche,
31:44certainement, avec des goûts
31:46très bourgeois, classiques.
31:48Il jouait au golf,
31:50et il habitait,
31:52avait longuement habité
31:54le 16e,
31:56pour ma part, j'ai grandi,
31:58pas très loin de là où il habitait
32:00pas mal d'années de sa vie.
32:02C'est vaste,
32:04c'est vert,
32:06c'est un peu vieux.
32:08Oui, ce n'est pas désagréable,
32:10c'est un lieu
32:12un peu rêvé, fantasmé,
32:14tout ça, comme toutes
32:16ces zones,
32:18ces lieux un peu,
32:20frontaliers, calmes.
32:22Je me moquais parfois
32:24de son arrondissement de mes mères à Chien-Chien,
32:26mais lui aimait ce quartier.
32:28Flâner dans
32:30les librairies de l'avenue Mozart,
32:32se promener dans les allées du bois de Boulogne,
32:34les jardins du Ranelag,
32:38il aimait aussi les pharmacies
32:40où se pressait la clientèle
32:42cossue des retraités du 16e.
32:44Il avait atterri dans ce cocon
32:46moelleux pour l'amour de Sylvie,
32:48fille de l'écrivain Maurice Genevoix,
32:50journaliste et éditrice,
32:52morte en septembre 2012.
32:56Bernard était un homme aimant.
32:58Quand on les voyait ensemble,
33:00on se disait qu'ils avaient l'air
33:02bien ensemble, qu'ils avaient l'air
33:04de s'aimer.
33:06Bernard était un petit peu
33:08un petit garçon face à Sylvie.
33:10Il épouse
33:12Sylvie,
33:14il épouse un monde.
33:16C'est la fille d'un écrivain
33:18célèbre,
33:20institutionnelle presque.
33:22Elle était charmante.
33:24C'était la fille de Maurice Genevoix
33:26qui est l'ancien secrétaire
33:28perpétuel
33:30de la Canuille française.
33:32C'est tout bête.
33:34Elle habitait dans le 16e,
33:36dans un appartement qui ressemblait
33:38à un hôtel particulier.
33:40Chez elle, il y avait des pièces
33:42de maître, des impressionnistes.
33:44C'est bien naturel, bien normal.
33:46Je ne connais pas beaucoup de gens
33:48qui avaient des vraies monnaies,
33:50des manets ou un pissarro.
33:52Je n'en connais pas, même, je crois.
33:54Donc voilà, c'était
33:56un changement réel.
33:58Et je pense que
34:00quand ils organisaient des déjeuners,
34:02on faisait des déjeuners pas placés, mais presque.
34:04On invitait un cinéaste, un auteur,
34:06un acteur.
34:08C'était un autre monde
34:10de mon point de vue.
34:18Moi, la question que je me posais,
34:20et que je ne lui ai pas posée,
34:22parce que ça n'aurait pas été très décent,
34:24même à un ami,
34:26c'était comment il vivait ça,
34:28cette modification, ce changement,
34:30ce changement presque de statut social.
34:34Vous savez, Bernard,
34:36c'est la contradiction incarnée,
34:38c'est le paradoxe permanent.
34:40A la fois, il aimait bien,
34:42et ses collègues de l'université
34:44de Toulouse m'en ont parlé aussi,
34:46il aimait bien être avec eux,
34:48et toujours pareil,
34:50du vin, de la nourriture,
34:52du tabac, et des discussions
34:54enflammées. Et il aimait bien aussi
34:56s'en aller être tout seul.
34:58Il pouvait à la fois,
35:00sur la nomination
35:02du président du Sénat, son ami Jean-Pierre Bell,
35:04siéger au Conseil général
35:06de la Banque de France,
35:08et être un membre dirigeant d'Attac.
35:12Membre du Conseil scientifique d'Attac,
35:14l'association altermondialiste
35:16contre l'hégémonie de la finance,
35:18Bernard surprend son monde en acceptant,
35:20fin 2011, de rejoindre la Banque de France,
35:22temple de l'orthodoxie monétaire.
35:26Cette nomination incongrue
35:28est l'œuvre d'un de ses vieux compagnons toulousains,
35:30le socialiste Jean-Pierre Bell,
35:32devenu entre-temps président du Sénat.
35:36Ça a été un énorme plaisir
35:38pour moi d'appeler Bernard,
35:40en lui disant, écoute,
35:42je dois nommer à la Banque de France,
35:44j'ai pensé à toi, parce que je pense
35:46que tu es celui qui peut le plus amener.
35:48Pas simplement parce qu'il était
35:50proche d'idées
35:52que je ressentais moi-même,
35:54mais surtout parce que je savais
35:56qu'il allait empêcher
35:58un espèce de ronronnement,
36:00d'une pensée unique,
36:02d'une orthodoxie.
36:04Une traversée du mur assez formidable,
36:06quand même assez étonnante, surprenante.
36:08Quand j'ai appris qu'il était à la Banque de France,
36:10je me suis dit que c'était un gag.
36:12Il n'est pas entré à la Banque Rothschild
36:14pour faire du business.
36:16Mais c'est vrai que c'est toujours pareil,
36:18à gauche ou même au journal,
36:20les gens font une vision un peu monolithique
36:22des choses, monochrome, vous êtes sur des rails
36:24et il ne faut pas en sortir.
36:26C'est vrai que Bernard, des fois, il naviguait comme ça,
36:28les gens ne comprenaient pas très bien ce qu'il faisait.
36:30Qu'il ait accepté, ça me remplit de bonheur,
36:32parce que je vois que c'est quelqu'un
36:34qui est absolument affranchi de tous les préjugés
36:36dans un sens ou dans un autre.
36:38On verra bien.
36:40Il ne va pas perdre son âme,
36:42parce qu'il va siéger dans quelque chose
36:44qui, justement, est réservé, normalement,
36:46à des économistes spécialisés dans le domaine.
36:48Ça ne le gêne pas, il y va,
36:50bonjour, c'est moi.
36:52Je vais vous dire ce que je pense,
36:54et si ça ne vous plaît pas, c'est le même prix.
36:56C'est une démarche qui montre
36:58son envie
37:00de fréquenter tous les lieux.
37:02On vous prend pour qui
37:04quand vous êtes au Conseil général de la Banque de France ?
37:06Vous êtes l'économiste ?
37:08Non, je ne suis pas l'économiste.
37:10D'abord, je connais l'économie,
37:12donc ils ne peuvent pas trop dire n'importe quoi devant moi.
37:14Ça, ça les embête un peu.
37:16Je ne suis pas dupe du discours économique.
37:18Mais,
37:20pour un anarchiste,
37:22qui crache un peu dans la soupe,
37:24qui, après tout,
37:26est, bien sûr,
37:28un bobo,
37:30qui vitupère l'époque,
37:32mais qui est bien content
37:34de gagner bien sa vie.
37:36Ce qui est vrai, je ne dis pas le contraire.
37:38Mais, après tout,
37:40je devrais me taire
37:42pour cette raison, mais je ne crois pas.
37:44En fait, ça le faisait un peu marrer de faire chier le monde.
37:46Donc, des fois, quand il prenait des positions
37:48où il allait dans des directions un petit peu inattendues
37:50et puis que les gens réagissaient,
37:52ça le faisait marrer, en fait.
37:54Tu sais avec qui je bouffe, ce soir ?
37:56L'Indreno.
37:58Non.
38:00J'aime découvrir de nouveaux mondes,
38:02m'avait-il confié.
38:04Il jouait un jour sur les grines fréquentées
38:06par les rentiers qu'il dénonçait,
38:08déjeunait le lendemain dans un bistrot de quartier
38:10avec la bande des amis de Charlie.
38:12Il circulait d'une sphère à l'autre
38:14avec gourmandise et légèreté.
38:18Il incarnait, pour moi,
38:20une position qui est vraiment d'humour.
38:22C'est-à-dire qu'il n'y avait pas
38:24vraiment d'humour.
38:26Il n'y avait pas vraiment d'humour.
38:28Il n'y avait pas vraiment d'humour.
38:30D'humour au sens de la capacité
38:32de se prendre soi-même
38:34comme objet d'ironie.
38:36C'est différent, l'humour et l'ironie.
38:38L'humour, c'est la capacité
38:40justement de retourner
38:42l'ironie dans sa dimension agressive
38:44contre soi.
38:46Et donc, je pense que
38:48si vous voulez, ce qu'on ne percevait pas,
38:50c'est peut-être qu'il y avait
38:52de mélancolique ou de désespéré
38:54d'une certaine manière
38:56chez Bernard.
38:58C'était, pourrait-on dire,
39:00un retournement contre soi
39:02de ce que contenait
39:04justement de pessimisme
39:06son développement
39:08théorique dans l'économie.
39:22Le capitalisme traîne en lui
39:24des pulsions
39:26qu'il arrive à retenir, à contenir
39:28et qui le font se transcender
39:30dans le travail, dans l'accumulation,
39:32dans la recherche de richesses
39:34perpétuelles.
39:36Avoir une technique de plus en plus
39:38forte
39:40qui lui permet de gagner du temps,
39:42c'est ça le capitalisme, c'est toujours une course
39:44perpétuelle sur le temps.
39:46Il s'oblige à avoir des besoins
39:48qu'il n'arrive jamais à satisfaire,
39:50c'est-à-dire qu'au fur et à mesure
39:52il y a toujours des besoins nouveaux
39:54qui apparaissent, donc il est dans la frustration
39:56perpétuelle et au bout du compte
39:58il sait qu'il sera l'homme
40:00le plus riche du cimetière.
40:04Ainsi pour Bernard, l'analyse du capitalisme
40:06n'est pas l'étude de la richesse,
40:08ni même de la pauvreté, ni de la croissance,
40:10ni du chômage.
40:12Ce qui l'intéresse dans le capitalisme,
40:14c'est la pulsion de mort. Comme si oncle Bernard
40:16se prenait pour le psy d'un grand malade,
40:18le capitalisme.
40:23Une grande phrase de Bernard c'était
40:25l'homme n'est pas mu par la raison
40:27mais par les passions.
40:29Il a trouvé là
40:31une description
40:33des passions.
40:35Une parmi d'autres, mais une théorie
40:37des passions. La psychanalyse c'est une théorie
40:39des passions qu'on peut appeler pulsion,
40:41mais c'est ça. Et ça l'a aidé
40:43à comprendre beaucoup de choses
40:45et le rapport avec l'économie
40:47c'est plus précisément
40:49dans le caractère
40:52de ceux qui veulent
40:54tout absorber,
40:56l'avidité orale,
40:58et tout conserver,
41:00la rétention anale.
41:02Il trouvait là un parfait modèle
41:04du capitalisme qu'il a hissé.
41:06Par exemple, une des phrases de Bernard aussi,
41:08c'est de dire, on pense que
41:10finalement,
41:12l'argent n'est que
41:14le voile
41:16des échanges pacifiés
41:18entre humains, alors que
41:20l'argent est le voile
41:22de la mort et de la violence. Et ça, ça me parait
41:24très vrai. Bernard était persuadé
41:26que l'être humain,
41:28il le regrettait
41:30bien entendu, que l'être humain aime
41:32la guerre.
41:34Que l'être humain aime
41:36la mort. La mort de l'autre.
41:38Et il citait ce tableau
41:40de Goya,
41:42je ne sais pas si c'est un tableau,
41:44une esquisse,
41:46où il y a deux hommes qui se battent à mort
41:48dans
41:50des sables mouvants.
41:52On comprend que
41:54de toute façon, s'ils continuent
41:56à se battre, ils vont mourir tous les deux. Mais ils préfèrent
41:58continuer à se battre que
42:00de cesser et de se sauver l'un de l'autre.
42:02Je crois qu'il a essayé
42:04toujours de ramener, moi c'est comme ça que
42:06je l'ai entendu, toujours essayer de ramener
42:08l'économie dans le champ des sciences sociales.
42:10Et dans le champ des sciences sociales,
42:12il y a bien sûr la psychanalyse.
42:14Alors, la grande question c'est,
42:16qu'est-ce qui fait qu'il s'est orienté vers l'économie,
42:20alors que
42:22toutes ses références,
42:24tous ses ouvrages, toutes ses paroles,
42:26vont toujours faire autre chose que l'économie ?
42:28Il semble que
42:30ce qui l'intéresse
42:32ne soit jamais là où il se trouve.
42:38Qui aurait pu imaginer
42:40que l'on trouve Bernard dans un film de Jean-Luc Godard ?
42:42Quand le cinéaste
42:44qu'il admirait lui fit la proposition,
42:46il accepta très vite, malgré sa peur
42:48de jouer à l'acteur.
42:50Il faisait beaucoup, beaucoup penser
42:52à des personnages de la période
42:54des films muets,
42:56avec des gaucheries et en même temps
42:58parfois une adresse surprenante.
43:00Mais peut-être qu'il était extrêmement à l'aise
43:04et serein dans son territoire
43:08et que ça le branlait
43:10parfois d'en sortir.
43:12Normal,
43:14l'argent a été inventé pour ne pas regarder
43:16les hommes dans les yeux.
43:24Jean-Luc Godard avait embarqué
43:26Bernard et Elia sur le navire Costa Concordia
43:28qui fit quelques années plus tard
43:30naufrage sur les côtes italiennes.
43:32Plongé au cœur de l'industrie du loisir,
43:34au milieu de milliers de touristes,
43:36les deux hommes jouaient leur propre rôle
43:38dans le film.
43:40Ils s'étaient croisés dans les coursives du paquebot
43:42et s'étaient instinctivement reconnus
43:44et trouvés.
43:46Bernard parlait d'Elias avec tendresse,
43:48il espérait le revoir en janvier 2015.
43:54Bernard était quelqu'un d'extrêmement drôle.
43:56Il était très angoissé
43:58à devoir retenir son rôle,
44:02de tenir ses dialogues.
44:06Il s'est enfermé dans sa cabine
44:08et qu'il étudie son rôle.
44:10Mais il avait de l'humour.
44:14Vous savez, l'autodérision
44:16est une forme supérieure du rire.
44:18C'est peut-être la plus élevée.
44:24Bernard aimait la salamandre,
44:26long métrage post-68ard d'Alain Tanner.
44:28Dans cette scène,
44:30il y a la forêt,
44:32les bois qui craquent sous les pas
44:34et les rires désespérés.
44:38Avant de crever,
44:40le capitalisme
44:42dans sa perversité fondamentale
44:44et la bureaucratie
44:46dans son dogmatisme obtus
44:48feront chier
44:50encore pas mal de monde.
44:52Ah !
44:54Que le bonheur est proche !
44:56Ah !
44:58Que le bonheur est lointain !
45:04Le film est un condensé des questionnements
45:06et des questions existentielles qu'il animait.
45:08Cinéphile depuis toujours,
45:10il osait aussi de plus en plus clairement afficher
45:12son goût pour la littérature en général
45:14et Michel Houellebecq en particulier.
45:18Vous voulez comprendre l'économie ?
45:20Lisez l'extension du domaine de la lutte de Houellebecq.
45:22Vraiment, vous comprenez ce que c'est que la compétition
45:24et la méchanceté humaine ?
45:26Ce qu'on évoque à la fin du livre, c'est la possibilité du nul.
45:28Le roman de Houellebecq, mais qui est vraiment
45:30quelque chose de très concret, c'est-à-dire qu'on peut imaginer
45:32des gueules toutes riches.
45:34Des gens qui végéteraient dans le bidonville
45:36et dans la pauvreté.
45:38Quand j'ai lu La carte et le territoire, je me suis dit
45:40mais c'est pas vrai, il parle encore une fois de choses,
45:42de problèmes que les économistes ont traités depuis des années
45:44et il en parle tellement bien !
45:46Il parle de la question du travail dans La carte et le territoire.
45:48Mais quelle question essentielle !
45:50Tout ce qui fait l'économie moderne,
45:52qui est indiscuté par personne,
45:54j'appellerais le libéralisme, c'est au volet.
45:56Tout à coup, il y a un homme
45:58qui s'en sert comme une sorte de musique
46:00et qui porte ses personnages.
46:04C'est un livre très agréable parce que
46:06c'est agréable de découvrir que quelqu'un
46:08que vous ne connaissiez pas vous a lu avec tant d'attention.
46:10C'en est même stupéfiant.
46:12Et il l'a bien lu ?
46:14Oui, oui. Tout ce qu'il dit sur moi est vrai.
46:20Ce que dit Bernard dans ce livre,
46:22qu'un écrivain autrefois balzac,
46:24aujourd'hui Welbecq,
46:26qui a ce type de...
46:30disons une vision assez large de la société,
46:32ce moment
46:34de l'histoire,
46:36de la civilisation, des mentalités
46:38qu'on est en train de vivre,
46:40j'ai l'impression que Welbecq en est
46:42vraiment le grand peintre.
46:46Bernard avait besoin de sentir
46:48des figures tutélaires d'écrivains
46:50veillés sur lui.
46:52Avant Emmanuel Carrère et Michel Welbecq,
46:54il y eut Maurice Genevoix, son beau-père
46:56dont il défendit ardemment la mémoire,
46:58avec puis sans Sylvie.
47:00Le fantôme
47:02de l'auteur de « Ceux de 14 »
47:04lui donne la force de muer pour la première fois
47:06dans une nouvelle peau, celle
47:08d'analyste littéraire avec
47:10« L'homme dans la guerre » Maurice Genevoix
47:12face à Ernst Jünger,
47:14un essai qu'il publie en 2013.
47:18Les lecteurs de Charlie Hebdo furent les premiers témoins
47:20de cette passion littéraire.
47:22À l'étroit, dans sa rubrique écho,
47:24Bernard-Marie s'accouche d'une chronique culturelle
47:26au titre olympien, « Arts et lettres ».
47:28Il y critique
47:30des livres d'histoire, des essais, puis des romans.
47:32De plus en plus de romans.
47:42Je crois qu'il avait fait un peu le tour
47:44de l'économie et que le
47:46cynisme économique actuel
47:48le lassait.
47:50Voir
47:52des grands patrons
47:54agir comme ils le font,
47:56partir avec des stock options
47:58monumentaux et puis
48:00mettre des gens au chômage,
48:02enfin tout ce système économique
48:04mondial, etc., ça devait
48:06lui peser. Et continuer
48:08à en parler encore et encore
48:10et continuer à l'analyser sur le plan
48:12des sciences humaines,
48:14ça l'amenait probablement à des conclusions
48:16que l'on n'avait pas prévues.
48:18Ça l'amenait probablement à des conclusions
48:20pas très marrantes et je pense
48:22qu'il était peut-être allé au bout
48:24aussi de ce qu'il avait envie
48:26de donner dans ce domaine-là, alors que
48:28la littérature et le roman
48:30en particulier, je pense vraiment au roman,
48:32c'était un domaine
48:34qu'il lui aurait donné
48:36une deuxième jeunesse. Je pense qu'il avait
48:38un grand désir de littérature,
48:40enfin de littérature, je veux dire
48:42d'écrire de la littérature pour son compte,
48:44qu'il a commencé
48:46à le faire. Il avait publié deux romans
48:48qu'il jugeait pas
48:50absolument aboutis et je pense qu'il avait le désir
48:52d'en écrire un à un moment qui lui donne
48:54vraiment satisfaction.
48:56Je pense sincèrement
48:58qu'il n'avait pas encore
49:00surmonté cette espèce de
49:02un peu de trop grand respect pour la littérature
49:04qui fait que tu écris avec, tu vois,
49:06tout à coup un surmoi
49:08omniprésent que tu te dis,
49:10que tu mets ta cravate, quoi,
49:12pour écrire.
49:14Alors que quand il est...
49:16J'ai l'impression pour l'instant
49:18qu'il y a plus de littérature
49:20dans des livres d'économie qu'a fait Bernard
49:22parce que précisément il ne se souciait pas
49:24de la littérature qu'il avait.
49:26Là, qu'il écrivait en se disant
49:28je sais ce que... au fond qu'il écrivait
49:30comme il enseignait, comme il parlait,
49:32tout ça avec beaucoup de naturel
49:34et qu'il n'avait pas encore, je te dis, surmonté
49:36cette espèce de trop grand respect
49:38de la chose écrite
49:40au sens littéraire.
49:42J'espère que ça serait...
49:44ça serait venu sans doute, c'est triste aussi de se dire ça.
49:46Il aurait pu écrire, pourquoi pas,
49:48je sais pas, il aurait pu faire un...
49:50écrire un portrait de...
49:52un portrait de femme, pourquoi pas.
49:54Il aurait pu aller, encore une fois,
49:56se donner ce...
50:00se mesurer à ça.
50:02Ce portrait de femme,
50:04c'était exactement ce à quoi Bernard travaillait.
50:06Celui d'une jeune femme fragile
50:08et de ses rapports avec trois frères.
50:12Comme quoi,
50:14je l'ai deviné un petit peu.
50:18Il avait publié trois romans,
50:20mais il n'était pas à la hauteur de son ambition.
50:22Il rêvait d'en écrire un bon, disait-il,
50:24d'être considéré comme un écrivain,
50:26pas comme un économiste.
50:32Moi j'ai eu la vocation,
50:34quand j'avais 20 ans, je voulais changer le monde.
50:36Et puis je pensais que
50:38l'économie ferait avancer les choses
50:40ou donnerait du progrès
50:42ou plus de bonheur.
50:44Et puis le temps passe.
50:46Et puis je me suis rendu compte que
50:48les mots de l'économie
50:50étaient...
50:52dangereux et étaient mauvais.
50:54Ils faisaient de nous des êtres
50:56qui passaient à côté de la vie.
50:58Keynes lui-même le disait.
51:00L'économie, ça doit être derrière, ça ne doit pas être devant.
51:02Or l'économie, on la met devant dans notre vie,
51:04c'est elle qui nous conduit.
51:06Il vaut mieux que ce soit des romans qui nous conduisent,
51:08il vaut mieux que ce soit la poésie qui nous conduise
51:10ou l'amour des autres.
51:14Lors de la cérémonie à Roqueville,
51:16Raphaël, son fils,
51:18a lu à son père un poème qu'il aime,
51:20L'espérance d'André Chédide.
51:24J'ai ancré l'espérance
51:26aux racines de la vie.
51:28Face aux ténèbres, j'ai dressé des clartets,
51:30planté des flambeaux à la lisière des nuits.
51:34Des clartets qui persistent,
51:36qui glissent entre ombre et barbarie.
51:40Des clartets qui renaissent,
51:42des flambeaux qui se dressent sans jamais dépérir.
51:46J'enracine l'espérance dans le terreau du cœur,
51:48j'adopte toute l'espérance en son esprit frondeur.
52:06J'enracine l'espérance dans le terreau du cœur,
52:08j'adopte toute l'espérance en son esprit frondeur.
52:14J'enracine l'espérance dans le terreau du cœur,
52:16j'adopte toute l'espérance en son esprit frondeur.
52:20J'enracine l'espérance dans le terreau du cœur,
52:22j'adopte toute l'espérance en son esprit frondeur.
52:26J'enracine l'espérance dans le terreau du cœur,
52:28j'adopte toute l'espérance en son esprit frondeur.
52:32J'enracine l'espérance dans le terreau du cœur,
52:34j'adopte toute l'espérance en son esprit frondeur.

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