À 8h20, Alain Aspect, prix Nobel de physique 2022 et auteur de "Si Einstein avait su" aux éditions Odile Jacob est l'invité du Grand Entretien de Nicolas Demorand et Léa Salamé. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-09-janvier-2025-7550420
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00:00Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin un physicien, professeur à l'institut d'optique
00:12de Paris-Saclay, professeur à l'école polytechnique, directeur de recherche et mérite au CNRS
00:18et prix Nobel de physique 2022.
00:21Il publie « Si Einstein avait su » chez Odile Jacob et vous pouvez dialoguer avec
00:27lui au 01 45 24 7000 et sur l'application de Radio France.
00:33Alain Aspé, bonjour.
00:34Alain Aspé, bonjour.
00:35Alain Aspé, bonjour.
00:36Et bienvenue sur Inter.
00:37Vous publiez donc ce livre savant et passionnant intitulé « Si Einstein avait su » chez
00:43Odile Jacob.
00:44D'ailleurs, il y a deux ans, en 2022, lorsque vous aviez reçu votre prix Nobel, les journaux
00:51avaient titré « Le physicien qui a donné tort à Einstein ». Vous nous direz que c'est
00:56peut-être un peu plus compliqué que ça.
00:58Mais avant d'entrer dans le livre, un souvenir, on vous avait reçu en 2022, au lendemain
01:04de l'attribution de votre Nobel et Léa avait brillamment essayé d'expliquer vos
01:10travaux en physique quantique.
01:12Ce fut un échec et un coup magistral, mais je ne vais certainement pas faire le mariole.
01:18Dites-nous ce que ça a changé pour vous ce prix Nobel, Alain Aspé, ce que ça change
01:25dans la vie d'un chercheur d'être Nobel ?
01:28Alors, je ne peux pas répondre de façon générale, j'ai eu le prix Nobel assez tard
01:31dans ma carrière, puisque j'étais déjà officiellement retraité du CNRS depuis pas
01:36mal d'années.
01:37Donc, ce que ça change, c'est que vous êtes extrêmement sollicité, donc vous êtes obligé
01:43de sélectionner les activités que vous faites et je dois dire que progressivement, j'ai
01:48décidé de donner la priorité à l'explication de la science au grand public, d'où par
01:54exemple ce livre « J'ai envie de parler au grand public » parce que j'ai constaté
01:58qu'il y a un public intéressé par la science.
02:01Quand je vais faire des conférences grand public, j'étais récemment à Amiens, j'avais
02:05mille personnes dans la Maison de la Culture, Amiens, c'est quand même pas la capitale,
02:09certes on a un président qui vient de là, mais c'est pas la capitale du monde quand
02:12même.
02:13À l'île d'Oléron, l'été dernier, des centaines de personnes et donc il me semble
02:17qu'il y a un public qui est prêt à écouter parler de science.
02:20Et justement ce livre est savant, mais vous l'adressez à un public non spécialiste,
02:24au grand public qui souhaite vous l'écrivez en savoir un peu plus sur la façon dont la
02:28physique change notre vision du monde.
02:30En fait, vous n'avez pas peur de vulgariser, vous n'avez pas peur de parler, parce que
02:36je veux dire, il y a parfois les spécialistes qui veulent parler qu'aux autres spécialistes
02:39et vous, vous avez clairement envie de dire « maintenant je veux ouvrir, je veux parler
02:43aux jeunes, je veux parler aux plus grands nombres ». D'ailleurs quand vous aviez
02:45reçu votre Nobel il y a deux ans, vous étiez adressé immédiatement aux jeunes en disant
02:50« allez-y, lancez-vous dans la science, il n'y a pas assez de scientifiques en France
02:53et la société en a besoin ». C'est ça maintenant votre mission ?
02:56Oui absolument, parce que le besoin est plus criant que jamais que les jeunes aillent vers
03:01la science.
03:02Et donc effectivement ce livre, il essaie de s'adresser à un public qui est prêt
03:08à se concentrer un petit peu.
03:09Vous n'allez pas lire mon livre en écoutant l'émission du matin, il faut vraiment se
03:14concentrer dessus.
03:15Et par ailleurs ce livre a une double structure, c'est-à-dire il y a un texte de base qui
03:19normalement est accessible à tout le monde, il n'y a pas besoin d'avoir fait des études
03:23scientifiques.
03:24Et puis comme quand même ce livre dans une certaine mesure transmet quelques-unes des
03:28idées que j'ai développées au cours de ma carrière, il y a un deuxième niveau de
03:33lecture avec des sections qu'on appelle compléments ou encadrées, ou des notes de bas de page
03:38qui sont indiquées pour les experts et les expertes.
03:41Là ça s'adresse davantage aux gens qui ont fait quelques études supérieures, mais
03:46on a le texte de base qui ne s'adresse pas à des gens qui sont spécialistes.
03:51Alain Aspé, au cœur de ce livre il y a une controverse scientifique entre ces deux titans
03:56de la physique que furent Albert Einstein et le danois Niels Bohr, au sujet d'un concept
04:03l'intrication quantique.
04:05C'est sur ce sujet que vous avez remporté le prix Nobel.
04:10Quelle importance, commençons par là, avaient ces deux figures pour le jeune chercheur que
04:16vous avez été ?
04:17Alors pour le jeune chercheur que j'étais, c'était manifestement les deux grands héros
04:23de l'émergence de la physique du XXe siècle.
04:26Et quand je prends connaissance de l'article de John Bell qui explique, un, qu'il y a eu
04:32un débat entre Bohr et Einstein sur l'intrication qui n'a jamais été tranchée et qu'on va
04:40pouvoir le trancher par une expérience, je pense que c'est le plus beau sujet qu'on
04:44puisse offrir à un jeune chercheur et je décide que je vais travailler là-dessus.
04:50Vous décidez que vous allez travailler là-dessus, c'est ça qui est intéressant et qui dit
04:54beaucoup aussi, qui nous fait réfléchir, c'est que vous décidez, vous vous dites
04:58cette controverse scientifique entre ces deux titans, je vais essayer de la trancher.
05:02En gros, Einstein ne croyait pas à l'intrication quantique et Bohr disait si ça existait.
05:07Vous dites, je vais essayer de le faire.
05:09Et vous allez voir cet homme que vous venez de citer qui s'appelle John Bell, qui avait
05:13fait un test pour montrer que ça marchait.
05:16Et vous allez le voir à Genève, on est en 1975, vous êtes tout jeune et vous lui
05:20dites, voilà, moi je vais lancer mes travaux sur ça.
05:22Et là il vous dit, surtout pas, ça n'intéressera personne, ne perds pas ton temps, fais autre
05:28chose.
05:29Vous lui dites, si je vais y aller.
05:30C'est un peu plus subtil que ça.
05:31Il me pose la question, excusez-moi Léa, je vais vous donner des cours particuliers.
05:37Léa Salamé Non, j'adore, j'adore à chaque fois,
05:38Mathieu Noël va l'utiliser pendant toute l'année, donnez-moi des cours particuliers.
05:41Jean-Bel, c'est un peu plus subtil que ça, il me pose la question, est-ce que vous avez
05:46un poste stable ? Et je ne comprends pas pourquoi il me pose cette question, mais il se trouve
05:51que j'ai un poste stable parce que je suis enseignant-chercheur à l'école normale supérieure
05:55de Cachan.
05:56Donc je dis que j'ai un poste stable, mais je dis, mais pourquoi posez-vous cette question
06:00Il me dit, vous savez, sur ce sujet, les gens qui s'attaquent à ce sujet, on les considère
06:05comme des « crackpots » en anglais, des cafetières fêlées.
06:09Je dis, ah oui ? Et oui, il me dit, les gens considèrent qu'il faut être un peu fou
06:12pour s'attaquer à ce sujet.
06:13Mais puisque vous avez un poste stable, discussons du sujet.
06:17Et là, au contraire, il m'encourage, il me dit, oui, l'expérience que vous voulez faire,
06:21si vous arrivez à la faire, elle est vraiment très intéressante.
06:23Et donc c'est l'une des leçons à tirer de cette histoire, il faut donner des moyens
06:27à la recherche fondamentale, même si on ne voit pas tout de suite l'intérêt à court terme.
06:33Ça montre aussi que les jeunes chercheurs doivent accepter de prendre des risques.
06:39Oui, alors tout ce que vous venez de dire, et je fais un commentaire sur la recherche
06:44fondamentale et les applications, je cite dans le livre, et je peux vous donner un nombre
06:51incroyable d'exemples, où il s'écoule littéralement des décennies entre les recherches fondamentales
06:57et les applications qui vont changer la société.
07:00Je n'en cite qu'un exemple.
07:02Le transistor et le laser sont développés dans les années 50.
07:06Ils sont basés sur les découvertes de la physique quantique des années 20.
07:11Et il faudra encore deux ou trois décennies pour que ça ait un vrai impact sur la société,
07:17en nous donnant à la société l'information et la communication.
07:20Donc à chaque étape, c'est une ou deux décennies.
07:23Et donc il faut savoir que c'est comme ça, et il n'y a pas moyen d'accélérer.
07:27Il n'y a pas moyen d'accélérer, il faut des moyens, parce que ça met du temps justement
07:32de trouver, pour les révolutions que ça donne, le transistor, l'ordinateur, c'est
07:36grâce aussi à la physique, ce qui se passe avec l'intelligence artificielle, ce qui
07:39se passe avec l'ordinateur quantique, c'est des termes qui pouvaient sembler barbares
07:44il y a 30 ans, qui maintenant sont rentrés et ont changé nos vies et nos sociétés.
07:46Il faut des moyens.
07:47On avait la directrice générale de Pasteur, Yasmine Belkaïd, en octobre dernier à ce
07:51micro qui disait « la France n'investit pas assez dans son écosystème de recherche
07:55». Il y a 0,3% d'investissement en France pour la recherche fondamentale, contre 1%
07:59en Allemagne.
08:00On va atteindre un point de non-retour, il est temps de se réveiller parce que la France
08:03a des scientifiques extraordinaires.
08:05Et ça, c'est le message que tous les scientifiques nous disent quand ils sont à ce micro.
08:10C'est que oui, ça coûte cher et ça prend du temps, mais après, on risque vraiment
08:15de décrocher par rapport aux Etats-Unis sur l'intelligence artificielle, que ce soit
08:18la France ou l'Europe.
08:19On voit bien qu'il y a un risque de décrochage massif sur la technologie et sur les sciences.
08:23Donc, ça sert à quelque chose l'argent ?
08:25Oui, absolument.
08:26Alors, le seul commentaire que je puisse faire, c'est que bien sûr, on a besoin d'argent,
08:30mais ouvrons les yeux.
08:31Notre ministre va peut-être changer à nouveau d'ici un mois.
08:35Le budget de la France, c'est ce qu'il est et donc, il faut plutôt se poser le problème
08:41à long terme.
08:42Je pense que la France a commis une erreur majeure, c'est de ne pas profiter des embellies
08:47économiques pour mettre de l'argent de côté, comme l'Allemagne, par exemple, a su le faire
08:51en mettant des milliards à la disposition des instituts Max Planck.
08:54Et ensuite, quel que soit le gouvernement, ils ont des crédits qui leur permettent d'assurer
09:00une continuité.
09:01Le point clé, c'est attention, en recherche, il ne faut pas tout arrêter du jour au lendemain.
09:06Il ne faut pas faire du stop and go, comme on le disait, ça demande du long terme, même
09:11s'il faut accepter quelques sacrifices parce que le budget de la France, c'est ce qu'il
09:14est.
09:15Il ne faut pas massacrer un secteur ou un autre.
09:17On l'a entendu, Alain Asselet, dans vos propos, depuis la lecture de Jules Verne, depuis votre
09:21enfance, vous êtes persuadé que la recherche fondamentale et la recherche appliquée ne
09:28s'opposent pas.
09:29Au contraire, l'idée que vos travaux puissent déboucher sur des applications, cette idée-là
09:35vous séduit, vous porte ?
09:37Elle me réjouit.
09:38Elle me réjouit absolument.
09:40Quand j'ai passé ma thèse en 1983, je pensais avoir tranché un débat purement théorique
09:47voire philosophique.
09:48Et dix ans après, on vient m'expliquer que ça peut servir à la cryptographie quantique.
09:53J'en croyais pas mes oreilles.
09:55Donc le jeune chercheur qui avait inventé cette méthode m'explique qu'en regardant
09:58la description de mes expériences, il a eu l'idée d'utiliser les photons intriqués
10:03pour faire de la cryptographie quantique.
10:05Alors c'est quoi, là je suis obligée de vous arrêter, cours particulier, c'est quoi
10:08la cryptographie quantique ?
10:10Alors vous m'avez interrompu, j'étais en train de commencer à l'expliquer.
10:13Prenez son envol !
10:16La cryptographie quantique, c'est la possibilité pour des partenaires amis d'échanger des
10:21messages en empêchant l'ennemi de lire le message.
10:25C'est ce qui est à l'œuvre sur nos téléphones portables et dans le réseau internet pour
10:29qu'en principe les ennemis ne puissent pas lire votre numéro de carte bleue ou de nombreuses
10:36autres informations intéressantes.
10:37Le problème, c'est que dans la cryptographie classique, on fait l'hypothèse que l'adversaire
10:42n'a pas un niveau technologique ou mathématique très supérieur au neutre.
10:48Par technologique, je veux dire s'il a des ordinateurs mille fois plus puissants, il
10:51va pouvoir décoder.
10:52Ou s'il a un théorème mathématique que nous ignorons qui permet de factoriser rapidement
10:56les nombres, il va pouvoir décoder.
10:59En cryptographie quantique, la sécurité repose sur les bases mêmes de la physique
11:04quantique.
11:05Alors vous allez me dire, elle n'est pas éternelle.
11:06D'accord.
11:07Mais tant qu'on n'a pas trouvé de faille dans la physique quantique, la méthode cryptographique
11:11garantit de façon absolue que personne ne peut aller lire le message que vous voulez
11:17écrire.
11:18Et elle est devant nous, cette technologie ?
11:19Elle est déjà utilisable, non pas sur nos ordinateurs standards ou sur nos portables
11:26standards, mais oui, aujourd'hui, elle est opérationnelle.
11:29Et je pense qu'elle est déjà à l'œuvre, par exemple, entre centres de données.
11:34Et c'est ça qui va nous permettre de sécuriser nos données, qui est une des grandes questions
11:39des prochaines années.
11:40Qu'on ne rentre pas dans notre intimité, dans l'intimité de nos vies et de nos données
11:43sur nos ordinateurs.
11:44Ça, c'est grâce à l'ordinateur quantique que vous êtes en train de développer.
11:49Vous croyez aux startups, vous appelez les jeunes à monter des startups, vous-même,
11:56vous vous êtes lancé dans les startups sur le tard, vous êtes cofondateur de la startup
11:59PASCOAL qui développe un ordinateur quantique et qui a levé 100 millions d'euros début
12:032024.
12:04Qu'est-ce que ça va être la prochaine révolution ?
12:08Qu'est-ce que ça va nous permettre, au-delà de sécuriser nos données ?
12:11Je ne sais pas, parce que toute l'histoire, encore une chose, je suis un passionné d'histoire,
12:14des sciences et des techniques.
12:15Toute l'histoire nous montre que les prévisions ne servent qu'à une chose, c'est à voir
12:20qu'on n'avait pas bien prévu.
12:22Pour revenir dans mon implication dans les startups, c'est un petit peu à l'insu de
12:27mon plein gré, comme aurait dit le célèbre coureur cycliste.
12:30C'est parce que pendant toute ma carrière, j'ai expliqué à mes jeunes collaborateurs
12:35« Écoutez, moi, je n'ai pas de bonnes idées d'application, mais si vous avez des bonnes
12:38idées, il faut y aller.
12:39Ce n'est pas se salir les mains, bien au contraire.
12:42Si nos recherches fondamentales peuvent servir à quelque chose, il faut y aller.
12:45» Et comme ils ont écouté ce discours, quand mes élèves ont eu l'idée de créer
12:49une startup, ils sont venus me voir en me disant « Alors, c'était du baratin ou pas
12:53ou tu nous soutiens vraiment ? » Alors, dans un certain nombre de cas, le soutien, ça
12:57veut dire qu'ils veulent un petit peu d'argent pour les aider à démarrer et tout ça.
13:00Mais effectivement, ils m'ont pris au jeu en me disant « Tu nous as dit de créer
13:04des startups, eh bien, tu viens avec nous.
13:05Et vous y allez.
13:06Ah oui.
13:07Et vous levez de l'argent.
13:08Ben oui, enfin, je contribue.
13:10Oui.
13:11Non, non, mais c'est aussi intéressant.
13:12C'est-à-dire que si on ne le fait pas, si on n'attend que de l'argent public, on va
13:17décrocher.
13:18Il est clair qu'heureusement qu'il y a des startups comme Candela, Pascal et autres,
13:24parce qu'on avait le potentiel de créer ces startups.
13:27Les Américains auraient déjà développé quatre startups dans notre situation.
13:31Il a fallu qu'il y ait un déclic.
13:32Encore une fois, un de mes anciens étudiants qui, lui, était à la tête d'un fonds d'investissement
13:36qui est venu me dire « Mais qu'est-ce que vous faites ? Vous avez le potentiel de faire
13:39des startups.
13:40» Je dis « Va voir les jeunes.
13:41Dis-leur aux jeunes.
13:42» Et c'est comme ça que ça s'est enclenché.
13:43On va passer à un aspect au standard où nous attend Marc de la ville d'Amiens dont
13:48vous parliez tout à l'heure.
13:49Bonjour Marc.
13:50Bonjour monsieur.
13:51J'ai une question par rapport au GPS.
13:54Le GPS, pour être précis, doit intégrer la vitesse linéaire des satellites par rapport
14:02à la vitesse linéaire de la Terre.
14:04Il doit aussi intégrer les distances entre les satellites et la Terre.
14:09Est-ce qu'on n'est pas dans le cas des deux frères Weinstein dont l'un est dans un avion
14:14qui va à la vitesse de la lumière et l'autre qui est sur Terre pour que la précision soit
14:19bonne ?
14:20Merci Marc pour cette question qui me semble d'un très bon niveau.
14:23Alain Aspé vous répond.
14:25Oui, alors vous m'entraînez sur un terrain qui n'est pas tout à fait le mien puisque
14:28c'est la relativité et non pas la physique quantique.
14:30Mais je peux quand même répondre à votre question.
14:32Oui, cet effet existe.
14:33Il a un impact totalement… qui est extrêmement petit.
14:38Mais il est pris en compte.
14:39Il y a même des effets de relativité générale, c'est-à-dire la façon dont le champ de
14:44pesanteur perturbe très légèrement la propagation des signaux.
14:49Et tout ça est pris en compte par les ingénieurs dans les algorithmes qui sont à l'intérieur
14:54des GPS.
14:55Retour au standard.
14:56Bonjour Bruno.
14:57Oui, bonjour.
14:58Merci de prendre mon appel.
14:59Je vous en prie.
15:00Oui, j'appelais pour dire que moi je suis ingénieur docteur en physique et je suis
15:08toujours effaré du très faible niveau de culture et de connaissances techniques et
15:14scientifiques de l'ensemble de la population.
15:17Et en particulier, ce qui me semble beaucoup plus grave, des décideurs politiques ou dans
15:22les grands entreprises, c'est très souvent des gens qui ont fait HEC, l'ENA ou Sciences
15:28Po et qui ont des niveaux très faibles et qui sont pourtant appelés à faire des arbitrages,
15:34à prendre des décisions.
15:35Et j'aurais aimé avoir votre opinion et votre commentaire là-dessus et sur les moyens
15:41d'en sortir et s'il ne faudrait pas faire quelque chose pour élever globalement notre
15:46niveau de culture.
15:47Merci Bruno pour cette question.
15:49Alain Astré.
15:50Merci monsieur.
15:51Vous me permettez d'abonder dans quelque chose que je répète souvent.
15:56Oui, il est essentiel d'avoir une culture scientifique générale.
16:00Il faut distinguer entre l'éducation scientifique pour les gens qui deviendront des scientifiques
16:04et des ingénieurs et puis la culture générale.
16:07Et cette culture générale, elle passe d'abord par des cours de culture scientifique générale
16:11au lycée, dans les organismes dont vous venez de parler, HEC, je rajouterais les
16:17Sciences Po.
16:18Et puis j'ai face à moi des journalistes, les écoles de journalisme.
16:22Je suis scandalisé qu'il n'y ait pas de cours de culture scientifique générale suffisamment
16:28poussés dans les écoles de journalisme.
16:30Encore une fois, il faut distinguer les cours de culture générale scientifique et les cours
16:35spécialisés.
16:36Oui, vous avez raison.
16:37Vous avez raison, les cours pour les journalistes en science ne sont pas bons, ce n'est pas
16:44au niveau.
16:45Et même depuis l'école, vous le dites, il faudrait que la science ait autant d'importance
16:49dans la culture générale que Victor Hugo, les humanités, l'histoire, la littérature
16:56ou l'histoire de la peinture.
16:57Oui, je crois que nous sommes tous d'accord.
16:59Mais enfin, je l'ai déjà dit pour commencer, un côté optimiste des choses, c'est de
17:05voir qu'il y a une fraction non négligeable du public qui est intéressée.
17:08Encore une fois, les centaines de milliers de followers sur les chaînes YouTube de vulgarisation
17:13scientifique, tout ce public que j'ai lorsque je donne des conférences générales, ça
17:19me rend optimiste malgré tout.
17:21Blandine est au standard et nous appelle de Paris.
17:24Bonjour, bienvenue.
17:25Bonjour.
17:26On vous écoute.
17:27Bonjour, je voulais vous demander, demander à votre invité, s'il était envisageable
17:34d'avoir un grand centre de recherche européen, puisque j'entends que la recherche allemande
17:40a des crédits que la France n'a pas, qu'en revanche, nous avons de très bons chercheurs.
17:44Donc, est-ce qu'on pourrait un peu mutualiser tout ça pour être à la hauteur de la mondialisation
17:49qui nous entoure, quoi qu'on en dise ?
17:51Merci, Blandine.
17:52Alain Aspé vous répond.
17:53Alors, vous soulevez un point qui est extrêmement intéressant.
17:56Mais sachez qu'il y a effectivement de l'argent européen et en fait, cet argent européen
18:02a un impact extrêmement important sur la recherche française.
18:06Il y a ce qu'on appelle le Conseil européen de la recherche qui donne des crédits de
18:12très haut niveau.
18:13Moi, j'ai bénéficié de ça pendant les dernières années où je dirigeais mon groupe,
18:17avant qu'on me mette à la retraite.
18:19Donc, ce que vous dites étant fait à l'œuvre via des mécanismes de financement, avoir
18:26un grand centre.
18:28Quand on a des disciplines comme la mienne qui s'effectuent dans des petits laboratoires,
18:32je pense que c'est très bien que les laboratoires restent petits.
18:36Alors, ils ont un gros avantage, ces crédits européens, c'est qu'ils vous forcent à
18:40collaborer avec d'autres laboratoires européens.
18:42Et ça aussi, c'est la survie de l'Europe, cette collaboration entre laboratoires européens.
18:47Alain Aspé, quel regard vous avez sur la figure de la personne d'Elon Musk ?
18:51A la fois fascinant avec ses satellites, ses fusées, ses puces implantées dans le cerveau,
18:57ses robots, son développement de l'intelligence artificielle, et puis on le voit ces derniers
19:00temps, il va devenir un homme politique, il va rentrer au gouvernement et il intervient
19:03dans les débats politiques des autres pays, en Grande-Bretagne, en Allemagne, il soutient
19:07l'AFD.
19:08Il vous fascine ou il vous inquiète, Musk ?
19:10Ah non, il ne me fascine pas, enfin il me fascine par ses succès technologiques.
19:16Non, non, il m'inquiète au plus haut point.
19:18Je ne comprends pas qu'on n'agisse pas plus fortement.
19:24L'Europe doit réagir fortement à ses interventions face à des élections, comme en Allemagne,
19:32etc.
19:33Et je crois que l'Europe a les moyens de réagir, car l'Europe est un marché de plusieurs
19:37centaines de millions de personnes qui utilisent son réseau, etc.
19:42Je pense que s'il y avait une volonté à l'Europe de réagir, on a tous les moyens
19:47de le faire.
19:48De ce point de vue-là, je regrette quand même beaucoup que Thierry Breton, qui avait
19:51montré sa capacité à être solide face à ces choses-là, je regrette qu'il ne soit
19:56plus commissaire.
19:57Alain Aspès, plus généralement, quand on dézoome, avez-vous le sentiment que le domaine
20:02des faits, des faits vérifiés scientifiquement, des faits faisant autorité, que ce domaine-là
20:10recule aujourd'hui ? Que ce soit sur les vaccins, la propagation du complotisme ? Vivons-nous,
20:17vivons-vous une crise de la rationalité ?
20:20Alors, je ne suis pas sociologue, je ne suis pas capable de répondre à votre question.
20:24Tout ce que je peux dire, c'est que je m'efforce d'expliquer que nous avons absolument besoin
20:30de la rationalité, de la méthode scientifique.
20:33Je vais vous prendre un exemple.
20:34Le technoscepticisme de la part de gens qui disent « Ah oui, pour régler les problèmes
20:40de la planète, il faut surtout s'éloigner de la science ». Pas du tout ! Comment savons-nous
20:45que c'est l'impact de l'homme qui a provoqué le réchauffement climatique ?
20:49Vous ne levez pas le matin en le découvrant.
20:52Il a fallu 10, 15 ans, 20 ans de travaux des meilleurs laboratoires de météorologie du
20:57monde pour aboutir à la conclusion que si vous ne mettez pas l'action humaine dans
21:03les modèles, vous n'arrivez pas à rendre compte de l'échauffement que nous voyons
21:07depuis, on va dire, le début, la fin des années 90, quelque chose comme ça.
21:12C'est la science qui permet de prendre conscience des problèmes et je suis intimement persuadé
21:18qu'il faut s'appuyer sur la science pour régler les problèmes et c'est le discours
21:21que je tiens aux jeunes quand je vais dans les lycées, je leur dis « Vous ne réglerez
21:25pas les problèmes de la planète contre la science.
21:27Faites de la science, ça vous permettra de régler les problèmes ! ».