• il y a 11 heures
Avec Olivier Babeau, professeur des universités et essayiste, auteur de "L'Ère de la flemme", aux éditions Buchet-Chastel

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##SUD_RADIO_VOUS_EXPLIQUE-2025-01-16##

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Transcription
00:00Le Grand Matin Sud Radio, 7h-9h, Jean-Jacques Bourdin.
00:04Je peux vous dire que sur Sud Radio, le débat s'est déjà engagé entre Françoise de Gaulle et Olivier Babaut.
00:09Olivier Babaut est notre invité. « L'ère de la flemme ». Bonjour d'abord.
00:13Bonjour. Merci de votre invitation.
00:14« L'ère de la flemme », c'est le titre de votre livre.
00:16« Comment nous et nos enfants avons perdu le sens de l'effort », chez Boucher-Chastel.
00:20Mais pourquoi avez-vous lu ? Pourquoi écrire ce livre ?
00:25Qu'est-ce qui vous a tout à coup incité à écrire ce livre ?
00:28D'abord parce que c'est un sentiment que j'avais, puis beaucoup de gens m'en parlaient en me disant
00:31« Ah non mais vraiment ! »
00:32Des gens qui étaient des employeurs, qui étaient obligés de faire travailler des gens plus jeunes.
00:36Et puis plus généralement, des gens qui étaient scandalisés du fait que quand ils faisaient une invitation,
00:4050% des gens qui avaient répondu « oui » ne viennent pas.
00:42Vous savez, on appelle ça des « no shows ».
00:43Mais ça, ça fait partie de la flemme aussi.
00:45Le fait de ne plus s'habiller, c'est aussi le fait de ne pas vouloir se gêner.
00:48D'ailleurs, on dit le « sans gêne ».
00:50C'est exactement ça, la fin de la politesse, le fait d'essayer de faire un effort
00:55pour que les autres nous voient d'une certaine façon, le laisser aller.
00:58Et puis évidemment, c'est le but.
00:59On ne répond plus au téléphone, on ne répond plus aux SMS.
01:01Exact.
01:02Tiens, les responsables politiques.
01:04Petite parenthèse, les responsables politiques à qui on écrit,
01:08sans cesse, nous, pour dialoguer avec eux, pour les inviter,
01:11ils ne répondent plus.
01:12Ils ne prennent même pas le temps, deux secondes.
01:14Moi, je réponds à un SMS, quand on m'envoie un SMS.
01:17Mais regardez, c'est le pire.
01:18Aujourd'hui, de plus en plus de gens n'écrivent même plus
01:20parce qu'il faut faire l'effort de synthétiser ce qu'on a à dire.
01:23Ils font un vocal.
01:24Et le vocal, c'est vraiment, je dis au fil de l'eau ce que j'ai à dire
01:27parce que je ne veux même pas me forcer à faire la synthèse
01:30et encore moins à l'écrire parce que, de toute façon, aujourd'hui, on peut dicter.
01:33Et bien tout ça, pour moi, ça fait partie du même phénomène.
01:36Il y a quelque chose qui s'est cassé dans notre rapport à l'effort
01:38depuis en gros une génération.
01:39Oui, mais là, Olivier Babaud, vous parlez de la technologie.
01:42Vous dites que c'est la technologie qui nous a encouragés.
01:45Ça encourage.
01:46Qui nous a encouragés au moindre effort.
01:48Mais ça existait avant.
01:49Ça avait commencé avec Mai 68, ça s'est accentué dès le Covid.
01:52Ça y est, Mai 68.
01:53Je crois vraiment.
01:54François, réfléchis sur Olivier Babaud.
01:56Autrefois, c'est-à-dire pendant des milliers d'années,
01:59des dizaines de milliers, l'histoire de l'humanité,
02:01c'était l'histoire de son rapport à l'effort.
02:02Pour survivre, il fallait un effort extraordinaire
02:05pour survivre dans un monde qui était cruel et difficile.
02:07Pour appartenir à la société.
02:08La société, elle ne te donnait pas une place comme ça.
02:10Il fallait que tu occupes la place que la société avait décidée pour toi.
02:14Ton conjoint, ton métier, là où tu habitais, ta religion,
02:17tout ça, c'était imposé par la société.
02:19Et puis, se réaliser, c'était des exemples énormes.
02:21C'était le saint, c'était le héros, c'était la personne exceptionnelle.
02:24Aujourd'hui, ces trois piliers, survivre, appartenir, se réaliser,
02:28aujourd'hui, ils sont donnés sans effort.
02:30Ils sont donnés facilement.
02:31Il n'est plus nécessaire de s'arracher la couenne pour y arriver aujourd'hui.
02:35Alors, il y a un passage que j'ai beaucoup aimé dans votre livre,
02:38passage consacré au plaisir.
02:40Les différentes qualités de plaisir.
02:42La pauvreté des plaisirs.
02:44Les plaisirs s'appauvrissent.
02:46C'est Huxley qui remarquait ça
02:49et qui était désolé parce qu'il disait qu'il y avait des plaisirs de qualités différentes.
02:54Ce n'est pas la même chose de manger un burger
02:56et puis d'apprécier la grande cuisine.
02:58Ce n'est pas la même chose de binge-drinker de l'alcool
03:02et puis d'apprécier du vin.
03:06Et en fait, finalement, tout ça, on peut le mettre dans plaisir, jouissance.
03:10Mais en fait, il y a des qualités.
03:12Parce qu'il y a le plaisir immédiat.
03:14Il y a le truc le plus facile.
03:15Le sucre, le gras, ça fait plaisir à tout le monde.
03:17C'est fait pour ça.
03:18Le mécanisme de la récompense, il est extrêmement rapide.
03:20En revanche, il y a des plaisirs qui sont beaucoup plus lents,
03:23qui sont plus rapides, qui sont plus lents à acquérir,
03:26mais après qui sont d'une qualité beaucoup plus importante.
03:29Je ne vais pas apprendre à jouer d'un instrument.
03:31Vous allez travailler pendant des années.
03:32C'est dur, surtout pour ceux qui vous écoutent.
03:34Et au bout d'un moment, vous avez accès à un plaisir
03:37qui est sans commune mesure avec juste celui qui est l'auditeur.
03:40Parce que faire de la musique, ça n'a rien à voir avec le fait de l'écouter.
03:43Oui, je suis d'accord avec vous, Olivier Babaud.
03:45Mais regardez, il y a de plus en plus de personnes qui font du jogging.
03:50Il y a de plus en plus de personnes qui bougent.
03:53Vous me dites, on est figé sur son canapé.
03:56Oui, on est souvent figé sur son canapé.
03:58Regardez les chiffres.
03:59Malheureusement, c'est la progression de la sédentarisation.
04:02On est de plus en plus sédentaires.
04:04On bouge de moins en moins.
04:05Vous savez que les jeunes ont perdu un quart
04:07de leur capacité pulmonaire depuis les années 90.
04:09Depuis les années 90, les jeunes ont perdu au 1600 mètres,
04:12en moyenne, 90 secondes.
04:131 minute 30 au 1600 mètres.
04:15C'est énorme.
04:16On sort beaucoup moins qu'avant.
04:17On voit moins ses amis en vrai.
04:19D'ailleurs, les jeunes font moins l'amour aussi.
04:21Et ce n'est pas que les jeunes.
04:22Mais de façon générale, on a l'impression qu'il y a plus de gens
04:24qui vont à la salle.
04:25Ça n'est plutôt une exception.
04:26On est globalement beaucoup plus sédentaires qu'on ne l'était autrefois.
04:30Et puis, je ne parle même pas de quand on était chasseurs-cueilleurs
04:32où on marchait tous 15 kilomètres par jour minimum.
04:35Ce qui devait entretenir la forme d'ailleurs.
04:37C'est un vrai danger pour la civilisation dite moderne ?
04:42Je crois que notre grande erreur, c'est qu'on a mis la valeur travail de côté.
04:46Bon, à la limite, OK.
04:47Parce qu'effectivement, c'est le fameux droit à l'appareil.
04:50Il y a travail et travail.
04:51Oui, c'est le droit à l'appareil.
04:53Il y a travail dans de bonnes conditions et travail dans de mauvaises conditions.
04:56Il y a du travail aliénant.
04:57Il y a du travail qui vous casse le corps.
04:59Et il n'y a aucune raison, à ce moment-là, de vouloir l'arrêter.
05:02Ce n'est pas du tout un problème.
05:03En revanche, l'effort, je crois que c'est quelque chose
05:05qui nous fait vivre dans toute la vie, y compris dans nos loisirs.
05:08Oui, l'effort, ce n'est pas le travail systématiquement.
05:10Il y a de l'effort dans le travail.
05:12Mais il y a de l'effort au moins autant dans les loisirs.
05:14Et d'ailleurs, les gens qui vantent la paresse, en général,
05:17ce qu'ils vantent, c'est l'osium, c'est le loisir studieux.
05:20C'est plutôt le fait de ralentir,
05:21l'effet d'essayer de se regarder soi-même, de faire de l'introspection.
05:25Et bien ça, en réalité, ça demande un effort dingue.
05:27Il y a un grand pianiste qui s'appelle André Achis.
05:29Le plus dur, c'est de faire silence dans le monde d'aujourd'hui.
05:33Freiner, c'est ça qui est difficile.
05:35Accélérer, c'est la voie de la facilité aujourd'hui.
05:37Donc le vrai effort, c'est celui qui arrive à s'arrêter.
05:40Ça, c'est de l'effort, ce n'est pas de la paresse.
05:42Le problème ne vient-il pas du fait que finalement,
05:45on obtient tout plus vite qu'avant ?
05:47Et plus rapidement ?
05:49Non, je ne crois pas.
05:51Je crois très profondément.
05:53Autrefois, pour avoir un livre, il fallait aller le chercher,
05:56il fallait halluciner, il fallait le commander pendant longtemps.
05:59Aujourd'hui, tout est à un clic de distance.
06:01On n'imagine pas, parce qu'on est tous très jeunes ici dans ce studio,
06:05mais on est un peu du monde d'avant.
06:07Je me souviens quand il fallait aller à la bibliothèque François Mitterrand,
06:10il fallait avoir une carte de chercheur.
06:12Quand je faisais ma thèse, il fallait attendre que le livre arrive.
06:14Donc ça se gagnait.
06:16L'extrait du livre que tu voulais, ça se gagnait.
06:18Aujourd'hui, le fait que tout soit à un clic de distance
06:21et qu'une infinité de contenus choisis pour te plaire par l'algorithme
06:26soient à un clic de distance, ça change absolument tout.
06:29Quelque part, ça perd l'intérêt, c'est trop facile.
06:32Vous êtes pessimiste ?
06:34Moi, je suis fondamentalement optimiste sur l'homme.
06:36L'homme a toujours eu un rapport compliqué aux technologies
06:38qui à la fois l'augmente...
06:40Vous débloquez la civilisation romaine et vous dites qu'elle est un peu morte de cela.
06:43L'Empire romain est mort de cela ?
06:46Je crois que l'Occident, c'est-à-dire que les vieilles démocraties
06:49sont entrées en crise profondément, une crise de lassitude,
06:52une crise du confort.
06:54Le confort, paradoxalement, c'est ce qui est censé te rendre plus fort
06:56alors qu'en fait, il nous amolie.
06:58D'autres civilisations, d'autres zones ne sont pas du tout dans ce moment-là.
07:01Elles sont encore dans le moment où elles se lèvent
07:03avec la rage au ventre tous les matins.
07:05Et nous, on est un peu fatigués parce qu'on a toujours connu le confort,
07:08on a toujours connu la prospérité et on la prend pour acquis,
07:11on la tient pour acquis.
07:12On ne voit pas pourquoi il faudrait bosser pour ça.
07:14Donc oui, je suis un peu inquiet.
07:15Bien, Olivier Babaud, merci. L'ère de la flemme.
07:17Comment nous et nos enfants avons perdu le sens de l'effort ?
07:20Chez Bûcher-Chastel, vous partagez ou pas, Françoise ?
07:23Non, pas du tout.
07:25Mais j'aime beaucoup Olivier Babaud, parce qu'au moins, on n'est pas d'accord.
07:28Mais sur la lecture, Françoise, on est d'accord.
07:29Non, mais sur la lecture, oui.
07:30Moi, je pense que le vrai problème, c'est qu'il faut vraiment
07:32encourager les jeunes générations à lire par tout moyen.
07:35Si vous avez des solutions, vous nous les donnez.
07:38En tout cas, je pense qu'un ministre de la Culture
07:40ou une ministre de la Culture devrait engager.
07:42Mais c'est ce qu'a dit Bayrou.
07:43Mais il a tout à fait raison.
07:44Là-dessus, il a raison.
07:45Ça, c'est sa formation.
07:46Parce que c'est ce qu'il a sorti.
07:47Puis c'est ce qu'il a sorti aussi de sa condition,
07:49la condition de sa famille.
07:50Il faut lire.
07:51Les amis, lisez.
07:52Même un livre par mois, lisez.
07:54Écoutez de la musique classique.

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