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C'est une femme qui ne perd pas le nord. Au sens propre. Observer l'Arctique et les glaciers est son métier. Installée dans l'archipel du Svalbard, cette glaciologue est un témoin privilégié de l'endroit de la planète où les effets du réchauffement climatiques se voient de façon spectaculaire et où se joue l'avenir de l'humanité. Sa vie dans les pôles, son combat pour le climat, elle raconte dans un livre, Sentinelle du climat. A quoi assiste-t-elle depuis l'Arctique ? Comment trouve-t-elle la force de continuer à alerter contre le dérèglement climatique, quand le monde ensemble regarde ailleurs ? Qui sont les acteurs les plus réfractaires à la lutte ? Cette semaine, Rebecca Fitoussi reçoit Heidi Sevestre dans « Un monde, un regard », au dôme Tournon. Année de Production :

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Transcription
00:00Générique
00:22C'est sûrement le cœur un peu serré que notre invité a quitté son paysage féerique pour venir jusqu'à nous aujourd'hui.
00:29Après sa haute Savoie natale, elle a élu domicile sur l'une des îles du Svalbard, archipel norvégien au bord de la mer du Groenland.
00:36Je vous propose de vous projeter un peu, peut-être même de fermer les yeux.
00:40Imaginez l'un des endroits les plus au nord de la planète.
00:43Imaginez un manteau blanc qui recouvre tout.
00:46Imaginez cette neige, cette glace partout.
00:48Et avec elle, ces reflets d'un bleu hypnotique.
00:51C'est là que notre invitée vit les trois quarts de l'année quand elle ne part pas explorer d'autres lieux magiques de la planète.
00:57Des lieux menacés.
00:58Oui, car elle est glaciologue.
01:00Un métier et une science relativement récent qui lui permettent d'être au chevet de nos glaciers,
01:04de prendre leurs ponds, leurs températures, leurs constantes,
01:07tel un médecin qui vérifierait l'état de santé de ses malades.
01:10Des glaciers en souffrance qui fondent sous l'effet du réchauffement climatique.
01:14C'est pour ça qu'elle alerte et qu'elle fait de la pédagogie.
01:17Inlassablement.
01:19Avec nous, avec les entreprises, avec les écoles, mais aussi avec les élus,
01:22ceux qui votent, décident, négocient.
01:25Trouve-t-elle des oreilles attentives ?
01:27Le combat est-il parfois dur à porter ?
01:29Lassant ?
01:30Perdu d'avance ?
01:31Posons-lui toutes ces questions.
01:33Bienvenue dans un monde d'un regard.
01:34Bienvenue à vous, Heidi Sevestre.
01:35Merci d'avoir accepté notre invitation ici, au Dôme Tournant, au Sénat.
01:39Glaciologue, membre internationale du Club des Explorateurs
01:42et du programme de surveillance et d'évaluation de l'Arctique,
01:45vous avez publié « Sentinelle du climat » chez Harper Collins.
01:48Vous préféreriez, j'imagine, être dans vos glaciers que d'être avec nous aujourd'hui.
01:53Je le dis un peu en souriant, mais est-ce que ce n'est pas un peu usant, fatigant ?
01:57Je suis très heureuse d'être avec vous aujourd'hui, bien sûr.
02:00C'est vrai que c'est important, quand on est glaciologue,
02:02de passer un moment de l'année sur les glaciers,
02:04de récolter les meilleures données possibles.
02:06Mais c'est aussi extrêmement important d'être présente
02:09pour rendre ces connaissances accessibles à tout le monde.
02:11De temps en temps, c'est vrai qu'il faut que je descende des glaciers
02:14et que j'aille à la rencontre des élus du grand public pour essayer de faire bouger tout ça.
02:17Vous trouvez des oreilles attentives, vraiment, en ce moment ?
02:20Beaucoup. Vraiment, au niveau local, au niveau régional,
02:24c'est assez formidable ce qui est en train de se passer.
02:27Je fais partie de ces convaincus qui réalisent que ce changement,
02:31cette grande transition de laquelle on parle,
02:34se fera au niveau local ou ne se fera pas.
02:37Au niveau des territoires, des communes, des agglos,
02:41on rencontre partout en France des warriors du climat,
02:45des personnes qui ont réalisé, pour donner de la robustesse à leur territoire,
02:49il faut prendre ce sujet à bras-le-corps, il faut travailler sur le climat,
02:53il faut travailler sur l'énergie, sur la biodiversité.
02:55Donc oui, on a des oreilles attentives et on espère que ces oreilles attentives
02:59transforment l'essai et nous rendent opérationnelles, on va dire,
03:03toutes ces connaissances que l'on va leur apporter.
03:05Vous parlez du local, c'est vrai que vous agissez notamment à Caen.
03:09Là-bas, on a peur de la montée des eaux, par exemple ?
03:11Déjà, on parle d'une agglomération qui bosse à fond sur cette transition,
03:16qui a bien compris depuis longtemps que oui, le retrait du trait de côte,
03:19la hausse du niveau des mers, que le Groenland et l'Antarctique,
03:22qui leur paraissent si loin, pour eux, c'est vraiment une réalité de tous les jours.
03:25Et je pense que leur maître mot, c'est vraiment l'anticipation.
03:28Ils ont compris que ce n'est pas quelque chose qu'il faut travailler en 2050 ou en 2100,
03:32c'est quelque chose qui est tout de suite, maintenant, présent.
03:35Donc oui, j'ai la chance de pouvoir les rencontrer,
03:37de travailler avec eux et d'essayer d'avancer ensemble
03:39pour justement anticiper ces changements qui arrivent.
03:41C'est intéressant parce que vous, vous parlez notamment des climato-j'menfoutistes.
03:45Nous, on connaissait plutôt, le grand public connaît plutôt les climato-sceptiques.
03:48Quelles différences et lesquelles sont les plus difficiles à convaincre, finalement ?
03:53Oui, c'est vrai que je pense qu'il y a un peu un ventre mou, comme ça, dans notre société,
03:58de personnes qui, pour tout un tas de bonnes raisons, ont autre chose à faire, je pense,
04:02que de se concentrer, de mettre toute leur énergie sur le climat ou sur la biodiversité,
04:07qui ont tout simplement le train de la vie qui leur emmène vers d'autres priorités.
04:12Et c'est des personnes qui vont peut-être moins s'intéresser à ces sujets-là,
04:15mais au contraire, on a besoin de tout le monde.
04:17Et je pense que ça, c'est vraiment la majorité, en fait.
04:19Quand je vois ma famille, quand je vois mes parents,
04:21c'est vraiment des moments parfois difficiles de leur dire,
04:23« Attendez, moi, ces sujets sur lesquels je travaille, ce sont des sujets importants
04:27et si on ne les prend pas à bras-le-corps, ça risque d'être un peu plus compliqué à l'avenir. »
04:31Donc je pense que ce ventre mou de la société,
04:33il faudrait qu'on y soit un petit peu plus attentif,
04:36il faut qu'on soit beaucoup plus présent.
04:38Une de mes plus grosses difficultés aujourd'hui,
04:40mais c'est un vrai challenge,
04:42c'est comment aller là où nous, on n'est pas invité.
04:45Et pour tout un tas de raisons.
04:47Mais c'est important pour nous, justement, d'aller peut-être dans ces territoires
04:50où on n'a peut-être pas tout à fait réalisé ce qui était en train de se passer.
04:52Où, par exemple ?
04:54Je pense qu'il y en a encore beaucoup, des territoires peut-être justement
04:57qui ne font pas face au retrait du trait de côte,
05:00des territoires qui sont peut-être loin de la montée des eaux,
05:03des territoires qui, pour l'instant, ont peut-être eu cette chance
05:06de ne pas subir les foudres du changement climatique,
05:08donc il y en a encore.
05:10Même au niveau des entreprises, peut-être qu'il y a encore des entreprises
05:12qui ne réalisent pas tout à fait ce qui est en train de se passer.
05:14C'est pour ça que nous, en tant que scientifiques,
05:16on a besoin d'un petit coup de main pour être là où on n'est pas invité,
05:19et essayer d'embarquer tout le monde,
05:21et de montrer que ça peut être assez enthousiasmant finalement
05:24de travailler sur ces sujets-là,
05:26de se créer un avenir plus désirable que ce qu'on envisage aujourd'hui.
05:29Je sais que vous avez un tempérament très positif
05:31et que vous vous refusez à la désespérance.
05:34Vous dites qu'il y a une part de déni face au changement climatique
05:37parce que la situation est inédite.
05:39Et si ce n'était pas du déni ?
05:41Et s'il y avait presque un comportement suicidaire de l'être humain
05:44qui se dit après tout, en tout cas de la génération actuelle,
05:47qui se dit après tout, je me fiche de ce qui se passera après ?
05:50C'est une grosse question.
05:52C'est vrai que ça me travaille beaucoup ce sujet.
05:54Nous, c'est vrai que les connaissances qu'on amène,
05:56il faut être assez réaliste, c'est ultra flippant.
05:59Que ce soit ce qui se passe au niveau du Groenland, de l'Antarctique,
06:02du permafrost, de la banquise, des glaciers de montagne,
06:05des tempêtes qui sont de plus en plus destructrices.
06:08Et nous, en tant que scientifiques, on a à cœur de montrer la réalité
06:12de ce qu'on observe, de ce qu'on mesure sur le terrain.
06:15Mais je comprends aussi tout à fait que parfois,
06:17on accueille ces données-là avec un mécanisme de protection
06:21qui nous dit... Là, je sature...
06:24D'informations anxiogènes.
06:26D'informations sur le sujet entre la géopolitique, le climat,
06:29l'université, la difficulté de la vie de tous les jours.
06:32Je sature, je ne veux plus en entendre parler.
06:34Il y en a d'autres pour des raisons, peut-être, j'allais dire politiques,
06:38qui refusent qu'on... Ils ont peut-être l'impression
06:41qu'on leur rimpose, qu'on va leur rimposer une nouvelle façon de vivre,
06:44qu'on va leur sacrifier certaines libertés.
06:46Ça, c'est une des raisons principales du climato-scepticisme
06:49aujourd'hui en France, d'après les dernières études.
06:51Pour tout un tas de raisons, je comprends que ce soit
06:53des connaissances difficilement acceptables.
06:55Mais malheureusement, ces connaissances-là ne vont pas disparaître.
06:58Aujourd'hui, si on ne s'attaque pas à la lutte contre le changement climatique,
07:01à la lutte contre l'érosion du vivant, malheureusement,
07:04quoi qu'on en pense, les choses ne vont faire que s'empirer.
07:07Donc nous, on a à cœur de diffuser ces connaissances,
07:09pas pour sacrifier des libertés ou pour embêter tout le monde.
07:12Au contraire, pour essayer d'anticiper et de protéger
07:15le plus de personnes possibles.
07:17Nous, ce qu'on essaie de faire, c'est de préserver la vie humaine.
07:20Derrière chaque glacier, derrière chaque iceberg...
07:22Il n'y a pas d'intérêt personnel.
07:23Il n'y a pas d'intérêt personnel.
07:24Non, franchement, nous, on aimerait mieux rester sur nos glaciers
07:26et continuer à récolter des données.
07:28Mais là, on est en train de réaliser que, vraiment,
07:30c'est des enjeux considérables qui sont en cours aujourd'hui.
07:33Et pour anticiper ces changements, pour préserver un maximum de vie humaine,
07:36il faut vraiment attaquer le problème.
07:38Mais est-ce que le monde scientifique a des reproches à se faire ?
07:40Je vous pose la question parce que, vous dites vous-même,
07:42je pense que la science du climat est encore trop difficile d'accès.
07:45La communauté scientifique se réveille et fait des efforts monumentaux
07:48pour aller diffuser partout ces connaissances à tout le monde.
07:51Mais est-ce que les scientifiques n'ont pas trop tardé à alerter l'opinion ?
07:54C'est aussi, je me fais l'avocat du diable,
07:56il s'agit d'aller chercher du côté du monde scientifique ce qui a pu pêcher.
07:59Pourquoi les gens ont tant de mal à accepter votre message ?
08:02Je pense que, déjà, d'être scientifique, de récolter des données,
08:06de publier des rapports, c'est déjà un énorme engagement.
08:08Je crois que tous les scientifiques travaillent à 3 000 % de leur temps
08:11rien qu'en faisant ça, rien qu'en faisant ce qu'on leur demande de faire.
08:15Mais ensuite, moi, j'ai rien inventé.
08:17Quand on voit des Claude Lorius, dès les années 60, 70,
08:21qui était déjà à essayer de partager ses connaissances auprès du grand public,
08:26auprès des décideurs et des décideuses politiques,
08:28auprès des entreprises,
08:29inlassablement qu'il faisait cette communication scientifique,
08:32qu'il sortait vraiment des sentiers battus en tant que scientifique.
08:35Donc, on n'a rien inventé aujourd'hui.
08:37C'est vrai que je suis très heureuse de voir que ma communauté se mobilise encore plus.
08:40Mais, je suis d'accord, on a vraiment encore plus d'efforts à faire.
08:44Je ne veux pas me tirer une balle dans le pied en disant ça,
08:48mais je pense qu'on a déjà énormément de connaissances sur le climat
08:51et ces connaissances sont déjà suffisantes pour échanger avec les élus,
08:56avec les collectivités, avec le grand public, avec les entreprises, avec les décideurs.
08:59On a déjà assez de connaissances pour partager des messages forts.
09:03Mais ces connaissances-là, on n'en manque pas.
09:06Ce dont on manque aujourd'hui, je pense,
09:08c'est une autre façon de communiquer sur ces connaissances-là.
09:11Je n'ai jamais vu un chiffre, un graphe, un tableau
09:15qui allait convaincre tout le monde du jour au lendemain de changer sa façon de faire.
09:20Je pense que c'est beaucoup plus par l'émotion,
09:22c'est par des histoires humaines, par des récits.
09:25C'est par ce langage qu'on a tous en commun, d'où que l'on vienne,
09:28qu'on peut vraiment faire bouger les choses.
09:30Donc, en tant que scientifique, je pense qu'il faut qu'on accepte
09:33de montrer qu'on a aussi un petit cœur qui bat.
09:35Et ce petit cœur qui bat, je pense qu'il va beaucoup plus toucher
09:38les personnes auxquelles on s'adresse.
09:40Et je pense d'avoir ce lien, de tisser ce lien d'humain à humain,
09:44c'est vraiment, j'espère, de façon pas naïve,
09:47j'espère que ça va nous permettre d'aller de l'avant
09:50et de vraiment de motiver le passage à l'action.
09:52Alors, comment y vont ces glaciers, docteur ?
09:54Je file la métaphore médicale que j'ai commencée en introduction.
09:57Quel est le diagnostic ?
09:58C'est terrible.
09:59En fait, j'ai vraiment du mal à trouver les mots
10:02qui seraient justes pour décrire la situation dans laquelle on est.
10:05C'est absolument terrible aujourd'hui.
10:08Et que ce soit nos glaciers de montagne, qui sont dans les Alpes, dans les Pyrénées,
10:12que ce soit les Grandes Calottes polaires, le Grand Atlant de l'Antarctique,
10:15que ce soit le permafrost, le sol gelé en permanence,
10:17quel que soit l'aspect de la cryosphère que l'on regarde aujourd'hui,
10:21la cryosphère, c'est toutes ces régions de neige et de glace,
10:24franchement, ça ne va pas fort.
10:25Et j'aimerais un jour, en fait, je me posais la question ce matin,
10:28je me disais, j'aimerais un jour, je ne sais pas dans combien de temps ça arrivera,
10:31mais si on arrive à transformer l'essai,
10:33j'espère qu'un jour je pourrais dire que ça va mieux.
10:36Mais là, pour l'instant, on n'y est pas.
10:38La situation est apocalyptique.
10:39Et malheureusement, plus on perd ces glaces,
10:42plus ça affecte des populations humaines.
10:44Donc là, on est vraiment dans le dur.
10:46Oui, vous dites, si le Groenland et l'Antarctique venaient à disparaître,
10:49c'est 65 m d'élévation du niveau des mers partout sur la planète.
10:53On a quand même du mal à imaginer ce que ça veut dire.
10:55C'est ça.
10:56En fait, on a du mal à s'imaginer à quel point ces régions ultra lointaines,
11:00on parle de régions qui sont à des milliers de kilomètres de nous,
11:03à quel point elles peuvent nous impacter,
11:05elles nous impactent déjà au quotidien.
11:07Le Groenland et l'Antarctique, c'est monumental.
11:10Le Groenland, c'est 3-4 fois la taille de la France.
11:12L'Antarctique, c'est 25 fois la taille de la France.
11:15Complètement recouverts de glaces.
11:17Forcément, aujourd'hui, ces deux calottes polaires
11:19réagissent au changement climatique.
11:21Et en réagissant au changement climatique,
11:23un des impacts principaux, c'est la hausse du niveau des mers.
11:26Même si on perd une partie du Groenland et de l'Antarctique,
11:29on parlait de Caen, de la Nouvelle-Aquitaine,
11:32du Nord de la France, de l'aéroport de Nice,
11:35on parle des Pays-Bas, du Bangladesh.
11:37Vraiment, la Terre entière va être impactée par ça.
11:39Et quand on parle de la probabilité que d'ici 2050,
11:43il pourrait y avoir un milliard de personnes déplacées
11:45à cause du changement climatique,
11:47on a du mal à réaliser tellement que ces chiffres sont gigantesques.
11:50Mais dans la vie de tous les jours, qu'est-ce que ça veut dire ?
11:52Même en France, des territoires agricoles grignotés,
11:55des espaces touristiques qui ne sont plus là,
11:58des personnes dans notre propre pays
12:00qui vont devoir se déplacer, trouver refuge ailleurs.
12:03Un vrai problème de logistique aussi,
12:05ça veut dire que nos ports, nos aéroports
12:07vont être directement menacés par ça.
12:09Vraiment, notre vie de tous les jours va être affectée
12:11par le Groenland et par l'Antarctique.
12:13Et ça, c'est des choses qu'il faut préparer dès maintenant.
12:15Donc se mettre tout le monde autour de la table,
12:17tous les acteurs de ces territoires et au-delà,
12:19et de se dire ensemble, voilà, comment on anticipe,
12:21comment on se prépare à des choses
12:23qui vont arriver quoi qu'on fasse.
12:25Et puis les glaciers sont comme des climatiseurs pour la planète.
12:28Vous dites, la banquise en Arctique joue un rôle
12:30de stabilisateur du climat mondial.
12:32C'est un couvercle blanc qui réfléchit le rayonnement solaire
12:35et nous évite une partie de la chaleur du soleil.
12:37Ça veut dire que sans les glaciers, à terme, on grille ?
12:40Cette banquise, en fait, elle est complètement dingue.
12:42Il faut réaliser qu'on a quelque chose qui marche gratuitement.
12:45Voilà, toute l'année, elle fait super bien son travail.
12:47Surtout pendant l'été, dans l'Arctique, autour du pôle Nord,
12:50il fait jour 24 heures sur 24.
12:52L'Arctique, c'est avant tout, comme vous l'avez très bien décrit,
12:55c'est un bassin océanique, c'est un océan qui est très foncé.
12:58Et sur cet océan, bim, on a ce couvercle blanc.
13:01Et ce couvercle blanc, comme par magie,
13:03il renvoie une grande partie des rayons du soleil, 90 %,
13:06il s'en débarrasse en direction de l'espace.
13:08Et donc, c'est le meilleur climatiseur de la planète.
13:11C'est ce qui permet de garder une partie de notre planète relativement froide.
13:14Et malheureusement, aujourd'hui, cette banquise,
13:16on est en train de l'atomiser.
13:18Elle est posée sur un océan qui se réchauffe.
13:20Même dans l'Arctique, on a des canicules sous-marines
13:22qui grignotent la banquise par-dessous.
13:24On a des canicules au niveau de l'air.
13:26Moi, où j'habite, parfois, on a des 20, 23 degrés,
13:28ce qui est apocalyptique dans ces régions-là.
13:30Et donc, cette banquise était vraiment en train de fondre par les deux bouts.
13:33Et là, en 40 ans, on a perdu à peu près 75 % de son volume.
13:36Donc, c'est complètement fou.
13:38Et malheureusement, les dernières études scientifiques
13:40nous montreraient que peut-être,
13:42alors j'espère que ça ne se produira pas aussi vite,
13:44mais c'est possible que d'ici les décennies 2040,
13:47on risque de voir les premiers mois d'été sans banquise dans l'Arctique,
13:51le moment où elle est aussi importante.
13:53Donc, qu'est-ce que ça veut dire ?
13:55Ça veut dire déjà que, malheureusement,
13:57on a déjà tellement émis de gaz à effet de serre
13:59qu'on arrive très proche de l'irréversible, de l'inévitable.
14:02Mais ça veut dire qu'il ne faut pas lâcher le morceau,
14:04qu'il faut tout faire pour protéger la banquise le reste de l'année,
14:07mais aussi qu'il va falloir se préparer au fait que, oui,
14:10si cette banquise disparaît,
14:12ça veut dire que notre météo, ici, en France, de tous les jours,
14:15va être de plus en plus perturbée.
14:17Et ça veut dire aussi que l'Arctique va se réchauffer encore plus rapidement,
14:21ça va encore plus catalyser le réchauffement du Groenland,
14:24le réchauffement du permafrost.
14:26Et donc, tout ça risque d'emballer encore plus le changement climatique.
14:29Concrètement, qu'est-ce qu'il faut faire ?
14:31Quel est le traitement radical à adopter ?
14:34Alors, pour nous, pour la cryosphère, pour les glaciers, la banquise,
14:38tout ce qu'on vient d'évoquer,
14:40c'est directement lié aux émissions de gaz à effet de serre.
14:43Donc, énergie fossile, déforestation, destruction d'habitats.
14:47Donc, pour nous, si on ne parle que du climat,
14:49qui n'est finalement qu'une petite partie du problème aujourd'hui,
14:52eh bien, il faut absolument favoriser les énergies renouvelables,
14:56un nouveau mix énergétique.
14:58Il faut essayer d'utiliser moins d'énergie.
15:00J'enfonce des portes ouvertes, mais ces portes ouvertes, elles sont importantes.
15:02Vous dites essayer de moins utiliser,
15:03mais est-ce que finalement, ce n'est pas mettre un terme aux énergies fossiles ?
15:06Point.
15:07Très clairement.
15:08Alors, c'est quand même notre souhait, évidemment.
15:10J'étais à la COP 29 et on essayait de continuer à pousser ça,
15:13l'élimination progressive des énergies fossiles.
15:15Ce qui était assez fascinant, parce qu'à Bakou, en Azerbaïdjan,
15:18il y avait quand même des pavillons dans cette COP 29
15:20qui nous montraient les énergies fossiles dans la vie de tous les jours,
15:23littéralement, en texto.
15:25Ça m'a fait sourire ou pleurer, je ne sais pas trop où j'étais à ce moment-là.
15:28Mais oui, évidemment, il faut vraiment qu'on arrive
15:30à un terme de ces énergies fossiles.
15:32Là, vraiment, on est en train d'exploser
15:34notre consommation d'énergie fossile au niveau mondial.
15:36Donc, il faut qu'on atteigne un pic et que ça diminue très, très vite.
15:39Mais quand vous dites quand, c'est qui et comment, en fait ?
15:42Est-ce que moi, en tant que citoyenne, quand je quitte cette interview,
15:45j'ai quelque chose à faire pour ça ?
15:46Vous, comment vous faites ?
15:47Qu'est-ce qu'il faut faire ? Qu'est-ce qu'il faut dire aux Français ?
15:49Ce qui est très beau, en fait, dans cette aventure du climat,
15:51moi, je la vois vraiment comme ça.
15:52Je la vois comme une aventure où on peut vraiment tous participer à ça.
15:55C'est qu'on a tous un rôle à jouer, en fait.
15:57D'où que l'on vienne, quoi que l'on fasse, on peut tous jouer un rôle.
16:01Alors, je vais faire une petite préface par rapport à ça.
16:04C'est qu'on sait très bien qu'aujourd'hui,
16:07ce sont les plus riches, les plus privilégiés,
16:09des personnes comme moi aussi.
16:11Je suis privilégiée.
16:12J'ai un toit sur la tête, je mange trois repas par jour.
16:14J'ai la chance de pouvoir voyager aussi pour mon travail.
16:17C'est à ces personnes-là qu'on emprunte le carbone la plus importante
16:19et c'est à ces personnes-là de faire l'effort le plus important.
16:22Ce n'est pas à des personnes qui sont ultra vulnérables,
16:24qui ont pas un toit sur la tête, qui ne mangent pas trois repas par jour.
16:27Ce n'est pas à ces personnes-là de faire un effort, très clairement.
16:29Mais aujourd'hui, oui.
16:30Si on est citoyen, déjà, la première chose qu'on peut faire,
16:33pour moi, c'est crucial,
16:34c'est de continuer à s'éduquer sur ces sujets-là.
16:37Alors, souvent, les gens me disent
16:39« Mais on sait, on sait que les glaciers fondent,
16:41on sait que la planète se réchauffe. »
16:42Oui, mais en fait, on a du mal encore à réaliser
16:44l'ampleur de ce qui est en train d'arriver.
16:46Donc, continuer à s'éduquer,
16:48continuer à suivre les travaux scientifiques, c'est crucial.
16:50Parce qu'ensuite, ça va nous permettre de prendre les bonnes décisions.
16:53Si on n'a pas cette fondation de connaissances,
16:55on peut vite partir dans tous les sens
16:57et faire des raccourcis,
16:58prendre des mauvaises solutions, de la maladaptation.
17:00Donc, pour moi, l'éducation est vraiment cruciale.
17:03Ensuite, en tant que citoyen, on peut s'engager.
17:06Alors, s'engager, c'est un vague mot.
17:08Mais s'engager, ça veut dire quoi ?
17:09Ça veut dire, parfois, participer au sein de sa commune,
17:12au sein de son entreprise, au sein de son école.
17:14Essayer de participer à ce beau mouvement,
17:16de protéger le vivant, d'économiser de l'énergie,
17:19de favoriser des énergies renouvelables, par exemple.
17:22Ça peut valoir donner de son temps,
17:24donner un petit peu de son argent
17:25pour des organisations qui existent déjà,
17:27qui font très bien ce travail.
17:28Et ensuite, ce qui est considérable aujourd'hui,
17:30c'est de bien comprendre que rien n'est acquis aujourd'hui.
17:32On le voit, on est en train de glisser dans le mauvais sens
17:35dans plein de domaines différents.
17:36Et donc, il faut absolument continuer à utiliser sa voix.
17:39Et sa voix, on l'utilise de plein de façons différentes.
17:41On l'utilise sur les réseaux sociaux.
17:43Mes étudiants me le rappellent quotidiennement.
17:45On l'utilise quand il s'agit de voter,
17:47que ce soit de voter pour des élections nationales,
17:49régionales, départementales,
17:50mais aussi au sein de son entreprise.
17:52On a plein de moments au cours de sa vie
17:54où on peut élire des personnes qui nous représentent.
17:56Parce que, soyons réalistes, en tant que citoyens,
17:58on peut résoudre une partie du problème,
18:00mais le reste, c'est vraiment dans la main de nos gouvernements.
18:03Et donc, les gouvernements,
18:04il faut qu'on continue à leur mettre la pression.
18:06Parce que, parfois,
18:08je parle des gouvernements en général sur Terre,
18:10mais on a l'impression qu'ils sont un petit peu déconnectés
18:12de ce qui se passe.
18:13Donc, il faut qu'on continue à exprimer notre voix,
18:15à exprimer notre mécontentement quand il est là,
18:17et de leur montrer qu'on veut vraiment que les choses changent.
18:20On n'y arrivera clairement pas sans eux.
18:22Donc, les gouvernements sont indispensables.
18:24– C'est intéressant parce qu'on dit souvent en Europe
18:26que nos petites actions quotidiennes sont des gouttes d'eau
18:28par rapport à ce qui se passe dans des pays comme la Chine, par exemple.
18:30Et vous, vous répondez à quelque chose que j'ai trouvé intéressant
18:32et un peu nouveau.
18:33En Chine, ça bouge aussi.
18:35Nous arrêtons de nous donner des excuses comme
18:37c'est la Chine le problème, c'est l'Inde, c'est les États-Unis.
18:40On commence à balayer devant sa porte et on avance.
18:42Ça veut dire que ça bouge en Chine, peut-être même plus qu'en Europe ?
18:45– Ça bouge. En fait, la Chine risque d'atteindre,
18:47ces prochaines semaines, ces prochains mois, son pic
18:49d'émissions de gaz à effet de serre.
18:51Elle risque enfin de voir ses émissions diminuer.
18:53Donc, c'est formidable.
18:54Moi, j'ai eu la chance de beaucoup interagir aussi avec les scientifiques.
18:57Les glaciologues chinois, ils sont très nombreux.
18:59Avec, évidemment, le plateau tibétain, l'Himalaya.
19:01Ils sont très présents en Antarctique aussi.
19:03Et c'est des scientifiques qui sont assez forts
19:06pour exprimer leurs dernières observations auprès du gouvernement
19:09et d'expliquer, par exemple, à leur gouvernement
19:11qu'une rivière qui descend des glacis de l'Himalaya,
19:14c'est pas juste une rivière, c'est pas juste une ressource en eau,
19:16c'est un pilier de l'économie de leur pays.
19:19Et donc, ça, c'est fort.
19:20Je trouve la transformation qu'ils sont en train d'opérer en Chine,
19:22bon, pour tout un tas de raisons.
19:24Cette transformation peut se faire très rapidement en Chine
19:26par rapport à leur système politique.
19:28Je ne souhaite pas d'avoir des dictatures vertes,
19:30évidemment, partout sur Terre,
19:32mais les choses peuvent aller très vite en Chine.
19:34Et donc, justement, ils sont en train de réaliser
19:36l'importance de leurs glacis, l'importance de la neige,
19:38l'importance de leurs rivières.
19:39Ils ne sont pas plus vertueux que l'Europe, pour l'instant ?
19:41Alors, l'Europe est vraiment en train d'avancer très, très fortement.
19:44Et franchement, alors, c'est pas facile, parfois,
19:46les entreprises où on se pète un peu,
19:48de voir qu'on leur demande plus de transparence
19:50sur leurs chaînes de valeurs, sur leurs émissions de gaz à effet de serre.
19:53Mais on a besoin de ça.
19:54Et moi, je suis très heureuse de voir que l'Europe,
19:56vraiment, est en train de pousser dans le bon sens
19:58la lutte contre le changement climatique.
19:59J'ai un document à vous proposer, Heidi Sevestre,
20:01livré par nos partenaires, les Archives nationales.
20:03C'est l'affiche d'une campagne publicitaire
20:05pour les sports d'hiver en France, à Courchevel.
20:07Elle date de 1955, à une époque où le manque de neige
20:10n'était pas du tout un sujet.
20:12Là, il y en a.
20:13Vous avez confié qu'en feuilletant les albums de famille,
20:15vous avez réalisé à quel point les paysages savoyards
20:17avaient changé en quelques décennies.
20:19Ce paysage, par exemple, là, c'est plus le même aujourd'hui.
20:22C'est plus du tout ça.
20:24Non, mais ça me touche de voir ça, quoi.
20:26C'est vraiment, c'est toute l'histoire d'où je viens, en fait,
20:29de ces montagnes qui ont énormément gagné, finalement,
20:32grâce aux pratiques du ski, grâce aux sports d'hiver,
20:34grâce aux stations.
20:36Et aujourd'hui, malheureusement, on voit que ces activités-là
20:39sont vraiment mises à mal par le changement climatique.
20:42Et c'est vrai que ça n'a plus rien à voir aujourd'hui.
20:44Non seulement le peu de glacis qu'il doit y avoir sur cette image
20:47ont dû considérablement changer,
20:49mais aussi qu'on voit qu'au niveau du manteau neigeux,
20:52malheureusement, année après année,
20:54on reçoit de moins en moins de neige dans nos montagnes.
20:56Et donc, ça pose toute une question
20:58sur l'avenir de ces activités
21:00qui sont difficiles à remplacer
21:02par rapport à la quantité,
21:04par rapport à l'économie, tout simplement,
21:06ou par rapport à l'argent que ces activités rapportent.
21:08Là, c'est assez triste de le dire,
21:10mais c'est un petit peu un couteau tiré en ce moment
21:12dans nos montagnes, surtout dans les Alpes.
21:14Et je suis très heureuse de voir
21:16qu'il y a des organisations qui essaient, justement,
21:18de fédérer tous les acteurs de la montagne
21:20pour qu'on arrive à avancer ensemble.
21:22En fait, la meilleure chance qu'on peut donner à ces montagnes,
21:24c'est de regarder vers l'avenir.
21:26C'est tout simplement de les préparer
21:28pour le fait que, oui, on a de moins en moins de neige
21:30et, au bout d'un moment, peut-être qu'il n'y aura
21:32plus assez de neige, plus assez d'eau
21:34pour continuer à faire cette pratique de sport d'hiver.
21:36Donc, qu'est-ce qu'on fait ? Et donc, on a besoin
21:38de se fédérer et de collaborer tous ensemble pour avancer.
21:40Une image qui vous rappelle votre chez-vous.
21:42Alors, ça ne s'invente pas, vous êtes glaciologue,
21:44vous êtes une amoureuse de la montagne
21:46et vous vous appelez Heidi. Et c'est par hasard,
21:48vos parents ont été bercés par les histoires
21:50de cette petite fille héroïne qui rejoint
21:52les montagnes suisses pour aller vivre avec son grand-père.
21:54Vos parents, eux-mêmes amoureux de la montagne,
21:56ont choisi de vous donner le prénom de cette héroïne de roman.
21:58Plus tard, votre maman organisera aussi
22:00des randonnées chasse au trésor
22:02en pleine nature, ce qui vous rendra à votre tour
22:04amoureuse de cette nature, dans laquelle
22:06vous apprenez à résoudre des énigmes.
22:08Tout cela a commencé là.
22:10Votre métier, votre choix, votre passion, tout vient de là.
22:12Je pense que oui.
22:14Ma mère, maintenant qu'elle est à la retraite,
22:16elle était bibliothécaire, donc elle m'a vraiment baignée
22:18dans les récits d'Heidi.
22:20Et puis j'avais l'impression de lire mon histoire,
22:22que j'étais la petite fille des montagnes, avec mon grand-père,
22:24avec mes chèvres, qui étaient prêtes à défendre
22:26les fangs, les biches,
22:28les sangliers des montagnes,
22:30à corps et à craie.
22:32Et je pense que ça m'a donné des belles valeurs, en fait,
22:34ce contact avec la nature, cet émerveillement
22:36par rapport à une nature qui est considérablement
22:38importante dans notre vie de tous les jours.
22:40Donc je pense très sincèrement que tout vient de là.
22:42À l'allure de celle que vous êtes aujourd'hui, quel conseil donneriez-vous
22:44à la petite fille que vous étiez ?
22:46Qu'est-ce que vous lui diriez avant qu'elle ne se lance dans la vie ?
22:48Franchement, je referais exactement la même chose.
22:50Je lui dirais, vas-y, n'aie pas peur.
22:52Parce que même si j'ai grandi dans un tout petit village,
22:54et je pense que je me mettais
22:56beaucoup de limites.
22:58Et il m'a fallu
23:00beaucoup de temps pour réaliser que ces limites étaient
23:02juste dans ma tête. Et c'était vraiment à moi
23:04d'essayer de sortir de ma zone de confort.
23:06Et je l'explique beaucoup à mes étudiants.
23:08Maintenant, je leur montre ce graphe avec la zone
23:10de confort, et je leur dis,
23:12en fait, tout autour, c'est là où la magie
23:14opère. Donc je leur dis,
23:16dès que vous sortez de votre zone de confort, c'est là où la magie
23:18va opérer. Et en fait, ça a été vraiment
23:20une réalisation qui m'a pris
23:22du temps. Mais aujourd'hui, tous les jours,
23:24je le confirme que dès qu'on sort de sa zone de
23:26confort, dès qu'on accepte de se faire
23:28un petit peu peur, et bien, parfois, la magie opère.
23:34J'ai des photos à vous proposer, maintenant.
23:36Ça fait partie des rituels de cette émission.
23:38Évidemment, vous l'avez déjà vue un peu, du coin de l'œil.
23:40Photo de Donald Trump,
23:42réélu à la tête des États-Unis.
23:44Une réaction par chaos sur Kamala Harris.
23:46Il rafle tout. Il n'est pourtant pas du tout
23:48le plus convaincu par le dérèglement climatique.
23:50Quelle a été votre première pensée
23:52quand vous avez su que c'était
23:54lui, le président des États-Unis ?
23:58C'était terrible. Vraiment.
24:00En fait, on a
24:02déjà vu ce que c'était que Trump, élu
24:04à la tête des États-Unis. Nous, on a
24:06tous un peu de PTSD, comme on dit,
24:08de post-traumatic stress,
24:10de traumatisme profond.
24:12Moi, je travaille pour une institution qui s'appelle
24:14le Conseil de l'Arctique. Les États-Unis en font partie.
24:16Et ça a été particulièrement compliqué
24:18pour nous de continuer à faire notre travail, de parler
24:20du changement climatique pendant cette période-là.
24:22Et là, on sait que ça risque d'être encore pire.
24:24Donc, ma première pensée, c'était
24:26ça va être terrible pour le climat, évidemment.
24:28On dit toujours changement climatique
24:30ou dérèglement climatique pour justement lutter
24:32contre le discours climatique ?
24:34J'avoue, j'aime pas du tout rentrer dans ces débats
24:36trop tatillons.
24:38Nous, au Conseil de l'Arctique, on essaie de pas
24:40utiliser le mot crise climatique parce que justement
24:42ça polarise un petit peu trop.
24:44Moi, j'aime bien dérèglement climatique
24:46parce que c'est vrai qu'on peut encore avoir
24:48de temps en temps des vagues de froid
24:50par-ci, par-là, qui sont si terribles
24:52pour notre agriculture. Donc, peut-être que dérèglement,
24:54en anglais, on dit climate
24:56weirding, ça devient weird, ça devient bizarre.
24:58Et je pense que c'est un terme qui décrit
25:00très bien ce qui est en train de se passer.
25:02J'ai une autre photo à vous proposer. Elle a choqué
25:04toute l'Europe. Ce sont les inondations
25:06monstres qui ont frappé, début novembre
25:082024, la région de Valence, en Espagne.
25:10Plusieurs centaines de morts et de disparus,
25:12plusieurs milliards d'euros de dégâts.
25:14On dit que l'Europe va être
25:16le continent le plus touché par
25:18le dérèglement climatique et
25:20que ça va se compter en centaines
25:22de victimes et en centaines
25:24de milliards d'euros de dépenses. Pourquoi l'Europe ?
25:26C'est vrai que malheureusement, notre
25:28continent, c'est vraiment un des continents qui se réchauffe
25:30le plus vite sur Terre, pour tout un tas de raisons,
25:32notamment à cause de sa proximité
25:34avec l'Arctique et les courants océaniques.
25:36C'est un petit peu technique,
25:38mais on est vraiment dans un cocktail
25:40de conditions qui font que ce continent
25:42se réchauffe vraiment très vite.
25:44On le ressent déjà en plein fouet. Malheureusement,
25:46ce qui s'est passé en Espagne,
25:48c'est horrible à dire, mais
25:50ça risque de devenir de plus en plus fréquent,
25:52de plus en plus violent.
25:54Ça risque de nous coûter de plus en plus cher.
25:56Tant qu'on n'attaque pas le problème à la source,
25:58ça va devenir, au bout d'un moment,
26:00irréparable, ce genre de dommage.
26:02Absolument terrible, ce genre de phénomène,
26:04mais j'espère qu'on va apprendre de ça.
26:06J'espère qu'on va apprendre que lutter contre
26:08le changement climatique,
26:10c'est un investissement pour l'avenir.
26:14J'ai une dernière question qui est en lien
26:16avec le lieu dans lequel nous sommes, à Edith-Sévestre.
26:18Nous sommes entourés de quatre statues
26:20qui représentent chacune une vertu.
26:22Il y a la sagesse, la prudence,
26:24la justice et l'éloquence.
26:26Laquelle de ces vertus avez-vous envie
26:28de défendre aujourd'hui, ou laquelle
26:30vous caractérise, vous, peut-être ?
26:32En entendant ces quatre valeurs,
26:34je pense qu'une qui est considérablement
26:36importante aujourd'hui, c'est la justice,
26:38dans le sens où le changement climatique
26:40est vraiment une injustice sociale.
26:42Il y a quelques mois à peine,
26:44j'étais en Ouganda, sur les glaciers
26:46de l'Est de l'Afrique.
26:48Il y a des tout petits glaciers entre
26:50l'Ouganda et la République démocratique du Congo.
26:52J'ai rencontré ces populations extraordinaires
26:54sans lesquelles on ne pourrait pas faire
26:56des expéditions sur ces glaciers-là.
26:58Ces populations-là, très sincèrement,
27:00c'est négligeable qu'elles ne soient même pas
27:02dans les tableurs, dans les rapports scientifiques.
27:04Mais ces populations-là, elles se prennent
27:06le changement climatique, mais d'une façon
27:08tellement, tellement violente.
27:10C'est terrible. Et quand j'ai vu ça,
27:12ça m'a brisé le cœur à un niveau de dingue.
27:14Je me suis dit que ce n'était pas possible,
27:16parce que ces populations-là ont une injustice
27:18sociale tellement considérable.
27:20C'est pour ça aussi qu'on se bat.
27:22Pour moi, la lutte contre le changement climatique,
27:24c'est aussi la lutte contre l'injustice sociale.
27:26C'est aussi pour ça qu'on continue.
27:28Merci infiniment, Heidi Sevestre, d'avoir été notre invitée
27:30dans Un Monde à Regard. Merci beaucoup à vous
27:32de nous avoir suivies et de nous suivre chaque semaine.
27:34Émission à retrouver en podcast
27:36et en replay
27:38sur notre plateforme publicsena.fr.
27:40À très vite. Merci beaucoup.
27:42Merci.

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