Y aura-t-il un « avant » et un « après » procès Pélicot ? Durant 4 mois, 51 hommes ont été jugés à Avignon pour avoir violé Gisèle Pélicot, droguée à son insu par son mari. S'ils ont tous été condamnés, la société française fait face à un enjeu historique. En refusant le huis-clos, Gisèle Pélicot a brisé le silence qui entoure les victimes de viol. Aujourd'hui, une victime sur dix seulement dépose plainte. Et 94% des plaintes pour viol sont classées sans suite. Alors y a-t-il des failles dans l'arsenal législatif ? A l'instar de nombreux pays européens, comme la Suède, l'Espagne, ou l'Allemagne, certains parlementaires veulent inscrire le consentement dans la loi à l'image de la sénatrice Mélanie Vogel. Le chef de l'Etat, y est favorable. Mais la question divise. Notamment chez les féministes. Année de Production :
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00:00...
00:11Applaudissements
00:13-"Décembre 2024, après quatre mois de procès,
00:17Gisèle Pellicot est devenue une icône
00:19pour les femmes du monde entier.
00:21En refusant le huis clos,
00:23elle a brisé le silence qui entoure les victimes de viols."
00:27Cris de joie
00:29-"J'ai voulu, en ouvrant les portes de ce procès,
00:33que la société puisse se saisir des débats qui s'y sont tenus.
00:38Je n'ai jamais regretté cette décision."
00:41-"Au terme du procès, 51 hommes sont condamnés
00:46pour avoir violé Gisèle Pellicot, droguée à son insu par son mari.
00:50...
00:52Y aura-t-il un avant et un après Mazan ?
00:55Des parlementaires, comme la sénatrice Mélanie Vogel,
00:58souhaitent inscrire le consentement dans le code pénal
01:01pour mieux punir les agresseurs.
01:03-"Si on viole en France,
01:05on a 99,4 % de chances qu'il ne nous arrive rien."
01:09Musique sombre
01:11-"On me disait, vous n'avez pas dit oui, vous n'avez pas dit non,
01:15mais qui nous dit que... Vous n'avez pas dit oui ?"
01:18...
01:19-"Les trois quarts des plaintes pour viols
01:21aboutissent à un classement sans suite.
01:24Y a-t-il des failles dans l'arsenal législatif ?
01:26-"Le consentement,
01:28il est partout dans l'enquête,
01:30il est partout dans nos débats judiciaires,
01:33mais il n'est toujours pas dans la loi."
01:35-"Doit-on inscrire le consentement dans la loi,
01:38comme l'ont fait la Suède et d'autres pays d'Europe ?"
01:41-"La loi, elle est passée en 2018 en Suède
01:43et il y a eu un changement de société énorme."
01:46...
01:48-"J'ai confiance, à présent,
01:50en notre capacité à saisir collectivement
01:53un avenir dans lequel chacun,
01:56femmes et hommes, puissent vivre en harmonie,
01:59dans le respect et la compréhension mutuelles."
02:02Musique douce
02:05...
02:14-"Choquée par le calvaire enduré par Gisèle Pellicot,
02:17Lilou, 20 ans, a décidé d'agir.
02:19Membre du collectif féministe Les Amazones d'Avignon,
02:23elle participe à des actions dans les rues de la ville."
02:26Musique douce
02:28-"Ils sont en train de me poser la banderole,
02:30et à quatre, avec les ficelles,
02:32ils vont l'accrocher entre les différents remparts."
02:35...
02:40Là, du coup, il y a le palais de justice
02:43où se fait le procès tous les jours,
02:45et l'idée, c'est vraiment que la banderole soit visible
02:4820 ans pour chacun,
02:50pour exiger cette peine-là pour tous les accusés.
02:54...
02:59On a décidé de coller des phrases, justement,
03:01des accusés et certaines aussi de leurs avocats,
03:04pour qu'elles soient connues et visibles telles quelles
03:08du grand public, pour montrer vraiment l'absurdité.
03:11On considère les crimes de viol comme insupportables,
03:14et donc, la suite logique de notre pensée, c'est l'action,
03:17et donc l'action de rue, et donc de coller les phrases des accusés
03:21et d'exiger la peine maximale, parce que c'est aussi
03:23en tant que citoyenne, en tant que militante féministe,
03:26parce que, finalement, derrière ça,
03:28c'est qu'est-ce qu'on veut construire comme société ?
03:3194 % des plaintes pour viol sont classées sans suite.
03:35Alors, comment apporter une réponse judiciaire plus efficace ?
03:39Frappée par le retentissement international
03:42de l'affaire Pellicot, Mélanie Vaugelle
03:45vient assister au procès.
03:47La sénatrice a rédigé une proposition de loi
03:50pour ajouter le consentement à la définition pénale du viol.
03:54Car, actuellement, il est défini comme tout acte de pénétration
03:58imposé par la violence, la contrainte,
04:00la menace ou la surprise.
04:02Pas un mot sur le consentement.
04:09Le fait de démontrer qu'il n'y avait pas de consentement
04:12ne suffit pas à qualifier un viol.
04:14C'est la brèche dans laquelle peuvent s'engouffrer
04:17les avocats de la défense et les accusés.
04:19Si on leur demande si, à un moment donné,
04:22vous avez communiqué avec elles,
04:24elles vous ont dit qu'elles souhaitaient ça,
04:26personne ne dit oui.
04:27Donc, en fait, on voit bien que,
04:29quelque part, de leur discours,
04:31ils admettent tout à fait qu'ils n'ont jamais reçu
04:34le consentement de Gisèle Pellicot.
04:36Face à telle défense, la société se rend compte
04:39de cette brèche qui existe
04:41et qu'on ne veut plus tolérer, en fait.
04:44Violeurs, on vous croit !
04:46Victimes, on vous croit !
04:48Violeurs, on vous croit !
04:50Cris de la foule
04:52Ajouter le consentement dans le code pénal
04:54permettrait aussi de lutter contre la culture du viol,
04:58selon Mélanie Vogel.
04:59Cris de la foule
05:00La culture du viol, c'est un ensemble
05:03d'éléments dans une société
05:05permissifs sur le viol.
05:08Et si on n'était pas dans une société
05:11où la culture du viol est forte,
05:13on ne pourrait pas avoir ce genre d'affaires.
05:16Si ça a duré 10 ans,
05:18s'il y a eu autant de viols,
05:20si ça a été fait avec autant de facilité,
05:22c'est parce que la culture du viol existe.
05:25Cris de la foule
05:27Solidarité avec les femmes du monde entier !
05:32A Paris aussi, la culture du viol
05:34et la question du consentement sont devenues centrales,
05:37notamment chez les jeunes.
05:39Beaucoup de gens jouent sur la limite
05:41qu'il y a entre le oui et le non
05:43pour justifier leurs actions,
05:45alors qu'il y a un non et un non.
05:47C'est bien que cette définition soit claire.
05:49Une définition plus précise.
05:51On en a besoin, même moi qui veux être juge,
05:53on en a besoin pour pouvoir juger.
05:55Pour répondre à ce besoin,
05:57la sénatrice Mélanie Vogel veut que l'absence de consentement
06:00devienne un élément constitutif du viol.
06:03Il n'est aujourd'hui pas défini
06:05comme étant ce qui met la limite
06:07entre un viol et un rapport sexuel,
06:09alors que,
06:10pour le vol, l'effraction de domicile, etc.,
06:14ça va s'en dire, quelque part.
06:16Si je vous prends votre téléphone
06:18parce que vous l'avez laissée sur la table,
06:20aucun policier ne va vous demander
06:22ce que vous avez crié quand elle a pris votre téléphone,
06:25ce que vous êtes défendu.
06:27Tout le monde comprend bien
06:28que je n'ai aucune raison de prendre votre téléphone
06:31si vous ne me l'avez pas donné.
06:33Pourtant, la modification du code pénal
06:36ne fait pas consensus chez les parlementaires
06:38y compris chez cette députée,
06:40qui a, elle-même, été victime de viol.
06:42Le mot consentement, en fait, il est très ambigu.
06:45Ca dit aussi quelque chose de l'ordre du rapport de force.
06:49Vous voyez ? C'est-à-dire qu'à la fin,
06:51pour un faisceau de raisons,
06:53on a choisi d'accepter une proposition
06:55qui vient de l'extérieur,
06:57mais elle peut être extrêmement contrainte.
07:00Cet accaissement peut être extrêmement contraint.
07:03Reste le constat, accablant,
07:05que 6 % seulement des victimes portent plainte.
07:13Clémence est l'une d'entre elles.
07:15Violée par deux hommes, après une sortie en boîte de nuit,
07:18elle n'a pas été en mesure de dire non.
07:23Ca va faire bientôt trois ans
07:25que, lors d'une sortie en boîte avec des amis,
07:30j'ai voulu sortir avec des amis.
07:33J'ai voulu sortir pour aller chercher un sandwich.
07:37Et j'ai fait la rencontre de deux personnes.
07:41Je me souviens avoir marché avec eux.
07:45Ensuite, cette montée dans une voiture...
07:52Ils m'ont donné un verre.
07:54La voiture s'est mise à rouler.
07:57Et je me souviens d'un point, et trou noir après,
08:02et je me réveille dans un appartement
08:05que je ne connais absolument pas,
08:07dans un lit...
08:11en train de subir une agression,
08:14sans vraiment réaliser, sur le coup,
08:18ce qui était en train de se passer.
08:23J'étais dans un état assez bizarre.
08:25Je voyais ce qui se passait sans pouvoir réagir,
08:29sans pouvoir ressentir, comme un poupée, un pantin.
08:34On voit ce qui se passe, on voit son corps bouger,
08:37mais on ne peut pas réagir.
08:41On subit juste sans pouvoir réagir.
08:49Je voulais absolument rentrer chez moi.
08:54Quand j'ai retrouvé mon amie, plus je marchais,
08:57plus elle m'attendait au loin,
08:58et plus j'avais l'impression de retrouver mon corps.
09:04Plus je marchais, plus les larmes montaient,
09:07plus les douleurs arrivaient,
09:09et plus je réalisais petit à petit ce qui m'était arrivé.
09:14Accompagnée de ses parents,
09:16Clémence part déposer plainte au commissariat.
09:22J'avais honte.
09:23Je me souviens avoir honte, de parler de douleurs aussi.
09:28Je ne pouvais pas forcément m'asseoir.
09:30J'avais même mes parents qui pleuraient.
09:35Un gros sentiment de honte,
09:36et même de raconter ça à des inconnus,
09:39ce n'était pas facile.
09:41J'ai été convoquée plusieurs fois là-bas.
09:44C'était très difficile, ça, aussi, de voir tout le temps.
09:47Dès que j'y allais pour un rendez-vous,
09:49il fallait que je reprenne tout de A à Z.
09:51Il y a un jour, on me convoque.
09:54Lorsqu'on montait l'escalier,
09:56j'ai vu qu'il y avait une distance
09:58qu'il n'y avait pas eu les autres fois.
10:01Ils m'ont assise dans leur bureau,
10:03là où s'étaient passés les entretiens précédents.
10:07Ils étaient persuadés que je mentais.
10:10Ils faisaient en sorte de me faire craquer
10:14en me disant des choses vraiment horribles.
10:18Que j'étais une fille facile,
10:20que je sautais sur tout ce qui bougeait,
10:22que j'avais cherché ce qui m'était arrivé.
10:24Ils ont dit que j'assumais juste pas
10:27d'avoir pu faire un plan à trois
10:29et que vis-à-vis de mes parents, j'avais honte.
10:31Selon l'avocate de Clémence,
10:33le passé des victimes est encore trop souvent
10:36scruté à la loupe par les enquêteurs
10:39pour questionner leur récit.
10:41C'est le PV d'audition de Clémence.
10:45C'est une policière, une enquêtrice
10:48qui l'a interrogée,
10:49notamment sur ses pratiques sexuelles,
10:52sur sa vie, de manière relativement détaillée
10:57et de manière intrusive
10:59et, on peut dire aussi, culpabilisante.
11:02Elle lui demande pour quelles raisons,
11:04au Portugal, couches-tu avec deux hommes différents ?
11:07Là encore, elle est très intrusive sur sa vie sexuelle,
11:11qui est sans rapport avec les faits, en l'occurrence.
11:14Ensuite, elle la culpabilise sur l'alcool.
11:18Elle lui demande si elle aime le sexe sauvage.
11:21Là encore, on est dans le jugement moral,
11:24le jugement de valeur,
11:25qui n'a pas lieu d'être avec une victime de violence sexuelle.
11:28C'est la loterie.
11:29On peut avoir des policiers ou des magistrats
11:32qui sont bien formés et qui interprètent
11:35les réponses de l'agresseur ou de la victime,
11:38mais parfois, on voit bien que ça se retourne contre la victime.
11:42Si on intégrait la notion de consentement
11:45dans la définition du viol,
11:47à ce moment-là, ça amènerait les enquêteurs
11:49à systématiquement poser la question à l'agresseur
11:54de savoir comment il s'est anquis du consentement de la victime.
11:59Et selon sa réponse, on pourra en tirer qu'en réalité,
12:03il ne s'est absolument pas soucié du consentement de celle-ci
12:07et qu'il ne peut pas y avoir de malentendu.
12:11Non, c'est non.
12:12Oui, c'est oui, mais rien, c'est aussi...
12:15Parce qu'on ne dit rien, c'était mon cas à moi.
12:18Je n'étais pas dans la capacité de parler ou de dire quoi que ce soit.
12:22Quand on a quelqu'un qui est totalement bourré ou drouillé,
12:27ce n'est peut-être pas pour autant que la personne, elle veut.
12:30Je pense que oui, c'est bien de mettre cette notion de consentement.
12:34C'est important, parce que je pense qu'il joue sur ça aussi,
12:38la partie adverse sur le fait qu'elle n'a pas dit oui,
12:41mais elle n'a pas dit non non plus.
12:45Musique douce
12:48Alors, faut-il introduire le consentement dans le code pénal ?
12:52Réunis au Sénat pour débattre de la question,
12:54politiques et professionnels du droit sont divisés.
12:59Je suis un magistrat depuis plus de 20 ans.
13:02Il m'est souvent arrivé de dire aux victimes,
13:04madame, je vous crois,
13:06mais je ne peux pas, avec les éléments de la procédure
13:09et les exigences de la loi, condamner l'auteur.
13:13S'agissant du viol et de l'agression sexuelle,
13:15je n'arrive pas à expliquer l'état actuel de notre droit français,
13:19si ce n'est en me référant à l'histoire
13:21et aux préjugés sexistes et patriarcaux.
13:23Il faudrait, selon moi, définir le consentement,
13:26un accord libre et volontaire à un acte particulier,
13:29qui doit être donné à l'instant T,
13:31qui peut être tiré pour les activités suivantes.
13:34Ce n'est pas parce que j'ai accepté des caresses,
13:37des attouchements, que je suis d'accord pour la pénétration.
13:40Qu'est-ce que cela changerait dans la pratique de l'enquête ?
13:44Si nous changeons la loi et que nous posons
13:46la vérification de l'accord,
13:48les prévenus qui disent qu'elles étaient d'accord,
13:51qu'elles ne s'étaient pas débattues,
13:53on pourrait les condamner.
13:55Je suis un peu en colère de ce que je viens d'entendre,
13:59de ce débat.
14:00Vous dites, monsieur Lavallière,
14:02et je vous crois que vous avez reçu des femmes,
14:05pour leur expliquer que vous avez bien fait.
14:07Effectivement, dire à quelqu'un,
14:10je vous crois,
14:11mais je n'ai pas pu condamner l'auteur,
14:14c'est hyper important.
14:15C'est ce que je faisais.
14:16C'est ce qu'il faut continuer à faire
14:19plutôt que de changer la loi.
14:20Pardon, mais en plus, foutez-nous la paix avec les lois.
14:24On n'est pas du tout plus avancés
14:27en ajoutant la notion de consentement.
14:30Ils vont dire que, bien sûr,
14:32elle m'a dit que oui, elle était complètement d'accord.
14:36Bien sûr, je me suis réassurée de son consentement.
14:39Elle me l'a dit.
14:40Elle m'a dit, mais oui, vas-y.
14:42Et là, vous allez faire quoi ?
14:44On va se retrouver exactement dans la même situation ?
14:47Musique douce
14:50En France, la question du consentement
14:52suscite la controverse.
14:54Pourtant, à l'étranger, d'autres pays ont réécrit leur loi.
15:00C'est le cas de la Suède.
15:02Depuis 2018, pour tout acte sexuel,
15:04un accord volontaire doit être clairement exprimé
15:07de manière verbale ou physique.
15:09Sans preuve du consentement,
15:11le viol peut enfin être caractérisé.
15:16Patrick Alm est juge
15:17au tribunal du district de Solna, près de Stockholm.
15:21Avec cette définition du viol élargi,
15:27une victime n'a plus besoin de prouver
15:29qu'elle a subi des violences, qu'elle a été frappée.
15:33Quand la victime a peur de dire non
15:37ou qu'elle n'exprime pas suffisamment son opposition,
15:44la nouvelle loi prend désormais en compte ce genre de plaintes.
15:49Musique douce
15:51...
15:53Un constat partagé par cette avocate.
15:55Avant de défendre des victimes de viols et d'agressions sexuelles,
15:59elle a été procureure pendant 20 ans.
16:01...
16:04Il y avait des affaires de viols
16:07où il n'était pas possible de prolonger les poursuites,
16:10dans les cas de sidération, par exemple,
16:13où la victime ne réagit pas,
16:16ce qui arrive assez souvent chez les victimes de viols.
16:20Vous ne pouviez pas poursuivre l'auteur
16:23parce qu'on ne pouvait pas établir la contrainte.
16:26Les procureurs étaient obligés de classer ces affaires
16:30et ça concernait un grand nombre de cas.
16:32Moi-même, j'ai fait ça quand j'étais procureure.
16:35A l'époque, intégrer le consentement à la loi
16:38ne lui semblait pas utile.
16:41Je n'étais pas contre l'idée, mais j'étais sceptique.
16:46Je ne pensais pas que ça ferait une grande différence.
16:49Je pensais que notre législation, à l'époque, était plutôt efficace
16:52et j'étais une procureure assez offensive.
16:55Je craignais aussi que les gens soient déçus
16:57et je ne pensais pas qu'il y aurait plus de condamnations.
17:00Mais je réalise aujourd'hui que j'avais tort.
17:03J'avais tellement tort.
17:08Selon une étude suédoise, 70 % des victimes de viols
17:11sont dans un état de sidération lors de l'agression.
17:15Comme paralysées, elles sont dans l'incapacité de se débattre
17:18ou d'exprimer leur opposition.
17:21La nouvelle législation suppose que le procureur doit montrer
17:29qu'il y a eu un accord explicite de la part de la victime.
17:34Ce qui suppose que si la victime est sous l'effet de la sidération
17:39ou est très ivre, il y a absence de consentement,
17:42car la victime n'a pas pu l'exprimer.
17:49Nathalie, 29 ans, a été violée en 2019 chez son tatoueur.
17:56La nouvelle loi venait d'entrer en vigueur,
17:58ce qui l'a poussée à porter plainte.
18:01A aucun moment, Nathalie n'a trouvé la force
18:04de repousser son tatoueur.
18:11Ca a commencé quand j'ai senti que sa main
18:15se rapprochait énormément de mes parties intimes.
18:18J'ai donc commencé à écrire par SMS à une amie
18:21pour lui dire que le tatoueur était très près de mes parties génitales.
18:27Je trouvais que c'était très embarrassant
18:29qu'il ne se rende pas compte alors qu'il était concentré sur le tatouage.
18:33Du coup, j'ai écrit,
18:34« Imagine, il ne se rend même pas compte lui-même
18:37qu'il a sa main posée là. »
18:38Mais après, c'est allé crescendo jusqu'à ce qu'il me viole.
18:43J'avais vraiment honte jusqu'à ce que je porte plainte,
18:45mais cette honte s'est dissipée pendant l'enquête, petit à petit.
18:52On n'a absolument jamais remis en question mon récit.
18:55Evidemment qu'on m'a demandé si j'avais été claire
18:58dans mon langage corporel,
18:59mais jamais je n'ai eu le sentiment
19:01que les enquêteurs remettaient en question ma parole.
19:04Ce qui m'a poussée à porter plainte,
19:06c'est que je savais que j'avais une chance de pouvoir être entendue.
19:10Je n'aurais jamais porté plainte
19:12s'il n'y avait pas eu la loi sur le consentement.
19:15Musique douce
19:19...
19:23Cindy Falquet est franco-suédoise.
19:26Elle a participé activement au changement de législation
19:29en tant que militante féministe.
19:31Musique d'ambiance
19:34...
19:42...
20:01On fait des contrats, ici, en Suède,
20:03qu'on va avoir dans les relations sexuelles ?
20:05On ne fait pas de contrats.
20:07C'était l'argument de l'opposition tout le temps
20:10pour rendre l'argumentation des pro-consentement ridicule.
20:14Il n'y a pas de contrat.
20:16Par contre, il y a une attention qui est portée
20:18à la personne avec qui on va avoir une relation sexuelle
20:21et un intérêt mutuel à ce qu'il y ait un vrai consentement.
20:24Il faut juste parler.
20:25...
20:28...
20:30La loi est passée en 2018 en Suède
20:33et il y a eu un changement de société énorme.
20:36Beaucoup plus de plaintes ont été déposées pour viol,
20:39parce que les viols ont augmenté,
20:41parce que la honte a changé de camp.
20:43Musique douce
20:46...
20:48En modifiant sa loi sur le viol,
20:50la Suède a vu le nombre de condamnations augmenter de 75 %.
20:54...
20:57En France, à défaut d'avoir changé la loi,
20:59on mise sur un meilleur accueil des victimes
21:02lors du dépôt de plaintes.
21:03On a toujours tous ces exemples qui nous perturbent,
21:06des fois où on se dit qu'on aurait pu faire mieux.
21:09Donc moi, je suis plus sur le terrain aujourd'hui,
21:11donc ma mission, c'est un peu d'aider mes collègues
21:14à aller plus loin dans ces procédures
21:17et à être capables de mieux les traiter.
21:19Tout passe par la formation, c'est une évidence.
21:21...
21:28Salut, filles !
21:29...
21:31Prêtes ?
21:33Allez.
21:34C'est parti.
21:35Fabienne Boulard forme les policiers déjà en poste
21:38au recueil de la parole des victimes de violences sexuelles.
21:41Tout comme à l'accueil, aussi.
21:43Cet après-midi, vous allez voir que c'est compliqué
21:46pour une victime de déposer plainte.
21:48L'idée, c'est vraiment qu'elle n'ait pas à raconter son histoire
21:51à l'accueil du commissariat,
21:53parce que, encore une fois, c'est absolument pas confidentiel
21:56et l'accueil d'un commissariat n'est pas fait pour être confidentiel.
22:00Si c'est viol, agression sexuelle, violence conjugale
22:03ou intra-familiale, elle montre le rond orange.
22:05Là, ça veut dire que pour les personnes à l'accueil,
22:08vous avez pour consigne de ne lui poser aucune question
22:11et de l'envoyer vers un collègue qui va la prendre en charge
22:15et elle pourra commencer à raconter son histoire
22:19de manière confidentielle.
22:21La formation met l'accent sur les stéréotypes de genre.
22:25La société met toujours le doute sur les victimes de violences sexuelles.
22:30En première intention,
22:32il y a toujours le doute sur les victimes.
22:34Pourquoi elle est allée là ?
22:36À son âge, quand même, elle est en boîte de nuit,
22:39alors qu'elle a des enfants.
22:40Pourquoi elle est habillée comme ça ?
22:42Quand quelqu'un va dire, je me suis fait voler ma voiture,
22:46on va dire, oh, mon pauvre !
22:47On ne va pas dire, tu l'avais garée où ?
22:50Ah ouais, dans un endroit où... Ouais, d'accord, OK.
22:53Tu voulais charger de bagnole, dis-le.
22:55Mais jamais on dit ça.
22:56Pourquoi on met toujours le doute sur les victimes de violences sexuelles ?
23:00Pour lutter contre les préjugés,
23:02les policiers sont invités à travailler
23:05avec la psychologue sur un cas pratique,
23:07celui d'une femme traumatisée par ce qui lui est arrivé à 18 ans
23:11avec un homme beaucoup plus âgé.
23:13Quand il arrive dans sa chambre et qu'il lui propose ça,
23:17Barbara est d'accord.
23:18Donc elle imagine une histoire d'amour plutôt...
23:22plutôt belle, avec de l'attention, etc.
23:24Et en fait, quand il arrive dans sa chambre,
23:27il lui demande de se déshabiller, ce qu'elle fait automatiquement.
23:31Il se déshabille aussi et ils ont un rapport sexuel.
23:34Sauf que pendant ce rapport sexuel-là,
23:36il y a quand même beaucoup de brutalité.
23:38Barbara va en sortir traumatisée.
23:40On se demande pourquoi. Elle était d'accord.
23:43Sauf que deux choses, deux éléments importants pour nous.
23:46Après le rapport, monsieur se rhabille, il va partir,
23:49et il lui dit deux choses.
23:51Je peux faire mieux.
23:52Et j'espère que tu ne diras pas déposer plainte.
23:56Et trop.
23:58Et évidemment, elle n'ira pas porter plainte.
24:01Pourquoi, à votre avis ?
24:03Pour moi, il n'y a rien. C'est deux rapports consentis.
24:06Ce que je vois de votre histoire...
24:08Je vais voir une petite bobo parisienne...
24:11Une petite bobo parisienne qui a eu un cadre...
24:13Je vais le dire plus lentement.
24:15Une bobo parisienne qui a eu un cadre, qui a fini à Sciences Po.
24:19Oui, peut-être qu'elle n'a pas eu beaucoup d'amour
24:22vis-à-vis de ses parents.
24:23Derrière, elle commence sa vie, elle fait des erreurs,
24:27comme tout le monde ici.
24:28Il n'y a pas de problème.
24:30Elle se rend compte qu'au final,
24:31peut-être que je n'étais pas vraiment consentante,
24:34mais en même temps, j'ai dit oui.
24:36Mais pénalement, moi, de mon côté, en tant que plaintier,
24:39ou quelqu'un qui va faire une audition,
24:42j'accueille madame, je prends sa plainte,
24:44vous êtes victime de viol, il n'y a pas de souci.
24:47Il va me dire concrètement, ben oui,
24:49mais moi, je lui ai posé la question,
24:53elle m'a dit oui, nous nous sommes déshabillés tous les deux,
24:56on a eu un rapport sexuel, pas de souci.
24:58Pénalement, moi, de mon côté, je ne peux rien faire, en fait.
25:02Même si elle était d'accord,
25:04je pense qu'elle n'était pas d'accord d'être brutalisée
25:07pendant un rapport, elle s'y attendait peut-être pas.
25:09L'idée, là, ce que je voudrais bien, cet après-midi,
25:12c'est que vous sortiez un peu de votre cadre.
25:15C'est un peu pour ça que, physiquement,
25:17on vous a sortis de votre cadre de police,
25:19c'est pour ça que vous venez dans l'association.
25:22C'est élargi, c'est...
25:23Il n'y a pas de...
25:24C'est toi qui as raison, c'est toi qui as...
25:27C'est pas ça, on confronte nos points de vue,
25:29c'est ça qui fait avancer les choses.
25:31Là, ils ont compris, pour la plupart,
25:33ce qui se passe dans la tête d'une victime,
25:36pourquoi c'est compliqué, pourquoi c'est difficile,
25:39ça demande autant de temps.
25:40A partir de là, le policier va comprendre les hésitations,
25:43et du coup, ils vont...
25:45Enfin, quelque part, ils vont se comprendre.
25:47Il va y avoir de la bienveillance par rapport à son attitude,
25:51de l'empathie, et là, on aura des procédures
25:53qui arriveront à des condamnations des auteurs.
25:56Depuis le mouvement MeToo, les dépôts de plaintes augmentent.
25:59Pourtant, le nombre de condamnations
26:02ne progresse pas.
26:03Pour faire régresser un phénomène infractionnel
26:05aussi massif que les violences sexuelles,
26:08il faut pas seulement avoir une peine sévère.
26:10Ca, ça suffit pas, ça n'a jamais dissuadé personne.
26:13Il faut un taux de judiciation très élevé,
26:16c'est-à-dire la certitude d'être pris.
26:18Si, quand vous commettez quelque chose,
26:20vous êtes sûr d'être pris, ça vous dissuade.
26:23Il faut accepter d'ouvrir un peu plus la définition,
26:26d'ouvrir le nombre d'affaires de contentieux
26:28et d'inciter les femmes à déposer plainte
26:31sans risquer d'être classées sans suite.
26:33Ce sera dur pendant la période d'ouverture,
26:35mais ensuite, il y aura une régression du phénomène infractionnel.
26:39La santé des femmes sera meilleure,
26:41les hommes et les femmes seront meilleurs
26:43et surtout, on aura fait quelque chose d'essentiel
26:46pour la dignité des femmes.
26:51Emmanuel Macron, lui-même, s'est dit favorable
26:54à l'idée d'introduire le consentement
26:56dans la définition pénale du viol, mais cela n'a pas abouti.
27:00En Europe, nombreux sont les pays qui ont adopté cette approche,
27:04une approche pragmatique,
27:05visant à lutter contre l'impunité des agresseurs.
27:08Contre les viols !