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Le budget de la sécurité sociale doit faire 8 milliards d'économie en 2025. "Être remboursé à 100% quand on a des revenus supérieurs à la moyenne, est-ce vraiment indispensable?" a lancé Eric Lombard sur un plateau de télévision.

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00:00Mais d'abord, le choix d'Amélie Rosic, le ministre de l'économie, a lancé un pavé dans la mare hier.
00:05Une petite phrase qui ne vous a pas échappé, Éric Lombard a évoqué la possibilité d'être remboursé de ses frais de santé en fonction de ses revenus.
00:14Je répète, être remboursé de ses frais de santé en fonction de ses revenus.
00:18Et vous vous posez cette question ce soir, à quoi joue Bercy ?
00:22Tout simplement. D'abord, je vais donner un peu de contexte.
00:2452 milliards d'euros, c'est l'effort que doit faire la France dans le projet de budget.
00:29Dans la dernière copie du gouvernement, on parle de 25 milliards d'euros d'économie.
00:33Au total, à l'intérieur de ces 25 milliards, plus de 8 milliards de coupes dans le budget de la sécurité sociale.
00:39Comment ? Allègements de cotisations patronales, les fameuses 7 heures non rémunérées qu'il faut travailler pour financer l'autonomie, entre autres choses.
00:47On verra si le texte survit à la commission mixte paritaire ce jeudi.
00:50Et au milieu de tout ça, Éric Lombard lance cette petite phrase, hier, sur un plateau de télévision, regardez.
00:56« Être remboursé à 100% quand on a des revenus supérieurs à la moyenne, est-ce vraiment indispensable ? »
01:03Voilà, tout simplement. Une question de rien du tout, dites comme ça, mais qui en soulève une beaucoup plus essentielle,
01:09parce que c'est en fait la remise en cause, tout simplement, de l'universalité du système.
01:14Je rappelle, rembourser la santé en fonction des revenus, c'est renverser la structure même de la sécurité sociale telle qu'elle a été construite.
01:20Et penser, après la seconde guerre mondiale 1945, fondée sur un principe, l'universalité, ça veut dire quoi ?
01:26On contribue en fonction de ses moyens et on reçoit en fonction de ses besoins.
01:31Si on conditionne le remboursement des frais de santé aux revenus, c'est un peu la double peine,
01:35puisque les Français les plus aisés sont déjà ceux qui contribuent le plus au financement du système,
01:41notamment sur leurs revenus via les cotisations.
01:43Si, in fine, ils ne bénéficient pas des mêmes droits, à la fin, vous imaginez que le modèle ne tient plus.
01:50Et pourtant, certains parmi vous y sont franchement favorables.
01:55« C'est pas aberrant non plus qu'on mette ça par rapport aux revenus, c'est pas totalement aberrant. »
02:00« Je pense que ça pourrait être quelque chose à faire et quelque chose d'intéressant,
02:03parce qu'en fait aujourd'hui tout est remboursé et on se rend même pas compte de la chance qu'on a,
02:06parce qu'on voit même pas le budget qu'on aurait dû dépenser par rapport à toutes nos dépenses de santé en fait. »
02:12« Je trouve ça injuste, c'est pas normal. C'est pas normal qu'on s'en prenne un bas.
02:18Déjà, il faut travailler gratuitement, c'est un peu ça. »
02:23« Ah oui, je suis d'accord. C'est-à-dire que les gens qui ont des petits salaires, comme nous, les retraités,
02:28on devrait être plus remboursés que les gens qui vivent bien. Je trouve que ce serait normal. »
02:34« On voit qu'il y a débat, vraiment, il y a débat avec des Français qui sont d'ailleurs plutôt partants,
02:38en tout cas ceux qu'on a interrogés là. Évidemment, ça n'a pas valeur de sondage,
02:41c'est quand même parlant. Est-ce que la discussion ce soir est vraiment sur la table ? »
02:46« Alors, aucune trace dans le PLFSS, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2025,
02:51confirmé par l'entourage du Premier ministre. Et le cabinet d'Éric Lombard m'assure ce soir
02:56qu'il s'agissait d'un point de réflexion dans le cadre d'une interview. Voilà le texte. »
03:02« Aucun débat n'est interdit, mais ce n'est ni une idée, ni un projet, ni une proposition du ministre. »
03:07« C'est ce qu'on appelle un ballon d'essai en politesse. Un ballon d'essai à la fin, ça devient une mesure. »
03:11« Ou alors ça éclate. C'était une manière de rappeler que les plus aisés bénéficient des mêmes droits
03:16que les plus modestes. »
03:17« Si je traduis dans mes mots, qu'est-ce que ça veut dire ? C'est une façon de faire taire l'argument
03:21selon lequel c'est toujours les mêmes qui payent pour les autres. Vous voyez ce que je veux dire ?
03:25À savoir les riches pour les pauvres. C'est vrai, sauf qu'en contrepartie, nous avons tous les mêmes droits.
03:31Donc OK, l'entourage du ministre éteint la polémique, mais ce n'est pas la première fois
03:35qu'un membre du gouvernement jette ce petit gros pavé dans la mare.
03:39Mars 2024, Bruno Lemaire est alors ministre de l'Économie et il dit ceci.
03:43« Désolé, le médicament, ça ne peut pas être open bar. Regardez tous les médicaments
03:47que vous accumulez dans votre pharmacie. Ça a un coût, c'est vous qui payez.
03:50C'est le contribuable qui paye. »
03:51« Est-ce qu'on peut imaginer des remboursements selon les revenus, par exemple ? »
03:54« Je suis ouvert à tous les débats. La personne qui, elle, est en bonne santé
03:58et qui consomme des médicaments ou qui fait beaucoup d'analyse médicale,
04:02elle doit sans doute contribuer davantage. Il s'agit juste de mettre un principe
04:06de responsabilité et de choix dans la dépense publique. »
04:10Il va donc beaucoup plus loin qu'Aric Lombard.
04:14Et dans la foulée, sa sortie fait un tollé général.
04:18Elle ne sera d'ailleurs jamais reprise, jusqu'à hier.
04:20On a bien compris que ce n'était pas dans le projet immédiat du gouvernement.
04:22Mais techniquement, est-ce que c'est facile ? Est-ce que c'est possible ?
04:25Non, enfin, c'est possible. En tout cas, il faut réformer l'intégralité du système.
04:29Vous l'avez bien compris. Et pourquoi pas, après tout ?
04:32Mais ce n'est pas une décision qu'on peut prendre et qu'on peut intégrer,
04:35de toute façon, dans le cadre d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale.
04:39Ça, c'est une certitude.
04:41« Si on rend le système injuste pour les riches, on tue l'universalité du système.
04:48Parce qu'un jour ou l'autre, les riches vont aller vers leur propre système
04:52de protection sociale, et ils sont capables de le faire aujourd'hui,
04:55avec des assureurs privés et un système de prise en charge privé.
04:59Donc, soit on garde un système universel public-privé,
05:03avec un financement majoritairement public,
05:05et là, on peut envisager de conserver un système unique,
05:09soit on a un système à autant de vitesses qu'il peut y avoir de classes sociales.
05:14Si on remet en cause le système, il faut un débat démocratique.
05:18Si on va vers un modèle à plusieurs vitesses à l'anglaise,
05:21avec un filet de sécurité pour tout le monde,
05:23mais des qualités qui dépendront de votre capacité à financer le système. »
05:27Qu'est-ce qu'il dit Frédéric Bizart ?
05:29C'est assez simple.
05:30Si on commence par s'attaquer à ceux qui sont les plus aisés,
05:34et donc à dérembourser in fine,
05:37ceux qui sont les plus modestes finiront aussi par en pâtir,
05:40et c'est la qualité générale des soins qui s'en trouvera affectée.
05:44En tout cas, c'est un choix politique.
05:46Oui, c'est un choix politique, et c'est un choix que d'autres États ont fait.
05:49On peut prendre deux extrêmes.
05:51Le choix le plus libéralisé, c'est-à-dire c'est aux États-Unis.
05:54Jusqu'en 2013, pas d'assurance médicale obligatoire pour personne.
05:582013, un dispositif pour les plus faibles, les personnes âgées,
06:01les personnes sans ressources, etc.
06:03C'est Obama.
06:04C'est Obama.
06:05Mais la plupart des Américains, plus de 58%, ont des assurances privées,
06:09et une grande partie d'entre eux dépensent en moyenne 500 dollars par mois
06:14pour ces assurances, qui comprennent d'énormes franchises,
06:17et qui ne couvrent pas toutes les dépenses privées,
06:19puisqu'un grand nombre de faillites sont causées par des dépenses médicales
06:23qu'on ne peut pas assumer.
06:25Et la France, qui est bien connue pour son taux de dépenses publiques
06:29en faveur de la sécurité sociale, est plutôt pas mal classée en Europe.
06:32Quelques pays du Nord font mieux que nous,
06:34c'est-à-dire qu'ils dépensent moins et assurent plus.
06:36Donc, l'universalité, c'est un des principes de base.
06:39Guillaume ?
06:40J'ai une petite question, déjà.
06:41Est-ce que c'est constitutionnel ?
06:43Est-ce qu'on peut, ça je sais pas,
06:45ça serait pas une rupture d'égalité là-dessus ?
06:48Et ensuite, une question plus politique,
06:50c'est qu'on voit que le ministre dit non, c'est un projet,
06:54mais nous, ce qu'on entend dans les coulisses du pouvoir,
06:58c'est quand même que, vu le niveau de déficit de la France,
07:01en réalité, ce sont ces questions-là qui vont réellement se poser
07:04lors de la prochaine élection présidentielle.
07:06Que ce ne seront pas des petits ajustements,
07:08avec quelques millions par-ci, quelques millions par-là,
07:10comme on le voit dans le projet de finances pour cette année,
07:13mais que ça sera des choix drastiques, on le remandera,
07:15avec ce type de questions très clivantes,
07:17mais c'est là-dessus qu'on ira.
07:19Ça veut dire que les petits ballons d'essai d'aujourd'hui
07:21deviendront peut-être des grandes propositions de demain ?
07:23En tout cas, c'est quelque chose pour entrer dans les esprits.

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