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00:00L'invité d'ici matin, à 8h moins le quart, des ex-salariés d'Alpine Aluminium se retrouvent au tribunal face à leur ancienne entrepreneur.
00:07Repreneur, pardon.
00:08La procès aujourd'hui à Annecy, donc d'un côté deux hommes d'affaires poursuivis notamment pour escroquerie,
00:13et de l'autre 52 salariés qui sont partis civils.
00:17Alpine Alu a fermé en 2020 et depuis 5 ans ses salariés attendent des explications.
00:22Marie-Ameline, bonjour.
00:23Bonjour.
00:23Alors vous suivez cette affaire pour ici au Pays de Savoie, c'est un procès qui pourrait faire jurisprudence
00:29parce que c'est la première fois que les repreneurs d'une entreprise en difficulté
00:33comparaissent devant un tribunal correctionnel.
00:35Oui, parce que c'est vrai que dans l'histoire, il y a beaucoup de reprises d'entreprises qui capotent.
00:40Mais celle-là, c'est la première fois qu'elle se termine devant un tribunal correctionnel
00:45où les repreneurs sont poursuivis.
00:46Et ça, les salariés d'Alpine Aluminium franchement n'y croyaient pas, ils l'espéraient.
00:51Depuis 5 ans, ils attendaient quand même qu'ils rendent des comptes ces deux repreneurs.
00:56Et écoutez, David Correia, il a été informaticien pendant 17 ans à Alpine Aluminium.
01:00Effectivement, très étonné.
01:03Face à des personnages comme ça, on s'est rendu compte des liens qu'ils pouvaient avoir avec des gens au placé.
01:08Donc on s'imagine qu'ils sont intouchables quelque part.
01:10Donc non, on n'imaginait pas ça.
01:12Donc ils seront 52, alors 50 anciens salariés.
01:15Et il y aura aussi la scope, puisque depuis 2015, cette entreprise Alpine Aluminium
01:20était une scope, c'est-à-dire une société coopérative de production.
01:23Il y avait eu déjà des difficultés, beaucoup de propriétaires successifs.
01:26Et puis c'était les salariés qui eux-mêmes avaient pris des parts, avaient repris leur entreprise.
01:30Eh bien, ils seront 50 tout à l'heure sur le branc des partis civils.
01:33Il y aura la scope aussi, en tant que personnes morales.
01:36Et puis l'union régionale des scopes, donc ça fait 52 partis civils.
01:39Alors Marion, on va remonter un peu l'histoire pour que tout le monde comprenne bien.
01:42Cette affaire commence en décembre 2019 au tribunal de commerce d'Annecy.
01:48Avec deux repreneurs, puisque depuis l'été 2019, Alpine Aluminium, la scope,
01:53est en dépôt de bilan, a déposé le bilan.
01:55Elle est en liquidation judiciaire, donc la procédure de commerce suit son cours.
01:59Deux repreneurs sont sur les rangs.
02:01Un grec, Cosmos, un groupe industriel, soit dit en passant, florissant aujourd'hui,
02:07qui avait promis, et c'est important aussi, de reprendre tous les salariés.
02:10Ils étaient 85 à ce moment-là.
02:12Et puis en face, deux hommes d'affaires français,
02:15Franck Suppliçon et Alain Samson, les deux hommes qui se retrouvent aujourd'hui devant le tribunal,
02:20eux ne reprennent pas tous les salariés.
02:22Ils n'en reprennent que 49 sur les 85.
02:25Ils promettent d'investir et de relancer l'activité sous un an.
02:28Au final, et malgré beaucoup de réserves, ce sont les français qui sont choisis.
02:32Et c'est à partir de là que les déconvenus et les poursuites en vont s'enchaîner,
02:36donc pour ces deux repreneurs.
02:37Oui, parce qu'ils ont gardé 49 salariés.
02:39Mais six mois plus tard, il n'y a plus de salariés.
02:42Ils les ont tous licenciés pour des pseudos, moi je dis des fausses fautes graves,
02:46parce qu'on en a apporté l'épreuve sur l'antenne de France Bleu Pays de Savoie à cette époque-là.
02:50Et ils ont vendu toutes les machines six mois plus tard.
02:53Au lieu de relancer l'activité, ils l'ont complètement démembrée.
02:56Et puis ils ont fait de cette entreprise une coquille vide.
03:00Et c'est là que les ennuis commencent, parce qu'effectivement,
03:02la procureure va ouvrir une enquête, alertée par la presse,
03:05par d'anciens salariés qui ont commencé à déposer plainte.
03:08Et puis ensuite, la cession de l'entreprise est annulée en 2022,
03:12confirmée par la Cour d'appel de Chambéry.
03:15Donc ça veut dire que déjà les repreneurs,
03:17ils ont perdu leur investissement de 2 millions d'euros,
03:20puisque maintenant on va payer les créanciers avec.
03:23Et c'est là que les plaintes pénales se poursuivent.
03:25Et on va arriver au procès d'aujourd'hui pour escroquerie, pour faux en écriture,
03:30donc avec deux hommes qui se retrouvent à rendre des comptes aujourd'hui.
03:34Et alors justement, Marie, quels sont les enjeux de ce procès aujourd'hui ?
03:37Alors tout l'enjeu, c'est de prouver, pour les avocats des partis civils notamment,
03:42et pour le procureur, de dire que dès 2019, en décembre 2019,
03:47quand il s'engage à reprendre Alpine Aluminium,
03:51donc un projet de reprise, c'est écrit, il y a des engagements écrits,
03:54un certain nombre de lignes, et ils disent, voilà, on en reprend 49,
03:57sous un an, on va faire telle chose, sous un an, on va réembaucher des salariés.
04:02Donc tout est listé, et avec des pénalités.
04:04Par exemple, s'ils licencient des salariés dans cette période-là,
04:07alors qu'ils se sont engagés à les reprendre,
04:09eh bien, est-ce que dès décembre 2019, tous ces engagements,
04:13ils avaient déjà en tête que c'était une supergerie,
04:15et qu'ils n'avaient pas du tout l'intention de les tenir ?
04:19Donc c'est là qu'il y a escroquerie au jugement.
04:22C'est parce qu'ils ont promis des choses qu'ils savaient pertinemment
04:25qu'ils n'avaient pas l'intention de tenir.
04:27Eux, leur position, c'est quoi justement, aux deux repreneurs depuis le début ?
04:30Ils disent, nous on est de bonne foi, on pensait vraiment réinvestir ?
04:34Alors ce qui est sûr, ce qu'ils vont mettre en avant,
04:36c'est qu'en 2020, rappelez-vous, 2020, c'est le Covid.
04:39Donc quand ils reprennent cette entreprise, effectivement,
04:41quelques mois plus tard, c'est le Covid, c'est le confinement.
04:44Donc ils vont mettre en avant la difficulté à relancer une entreprise
04:47quand tout est fermé.
04:48Mais en face, on va leur rétorquer que c'est pas pour ça qu'il faut
04:51vendre les machines et puis tout brader.
04:53Ils vont mettre en avant aussi qu'on leur a fait des injonctions.
04:57En gros, on leur a caché des choses, qu'il y avait vraiment beaucoup de dégâts,
05:00qu'il fallait dépolluer cette entreprise et que finalement,
05:03ils n'avaient pas les moyens pour faire tout ça.
05:05Donc il leur a été caché des choses.
05:07Et puis ce qui va être très intéressant de voir, c'est qu'il y a deux hommes
05:09aujourd'hui, deux hommes qui n'ont pas les mêmes intérêts dans l'affaire,
05:12qui n'ont pas eu non plus le même rôle, parce que celui qu'on a toujours vu
05:15à Annecy, c'est Franck Suppliçon, c'est lui le chef d'orchestre
05:18de tous les licenciements, tout ce qui s'est passé dans l'entreprise.
05:22Alain Samson, c'est vraiment un homme d'affaires,
05:26c'est vraiment un industriel, c'est lui qui avait l'argent.
05:29Franck Suppliçon, il avait le réseau politique, les appuis.
05:33Il s'est très bien parlé, il s'est très bien mené les affaires.
05:36Donc lui, il parlait et Alain Samson agissait.
05:39Donc je pense qu'il se dit dans les couloirs aujourd'hui
05:43que les deux défenses pourraient s'opposer pour se charger l'un l'autre.
05:48Merci Marie, vous restez bien sûr avec nous.
05:51Et maintenant, l'antenne est à vous.
05:54Si vous voulez réagir, vous nous appelez dès maintenant au 0806 00 10 10.
05:59Vous-même ou un proche avez vécu la fermeture brutale d'une entreprise.
06:02Venez témoigner ce matin.
06:04Et on est avec Jean-Yves, bonjour Jean-Yves.
06:07Bonjour.
06:08Alors vous êtes un ancien lamineur d'Alpine Aluminium.
06:11Jean-Yves, vous avez travaillé 22 ans sur le site de Crans-Gevrier,
06:15où vous étiez aussi délégué syndical.
06:17Vous serez parti civil aujourd'hui.
06:22Qu'est-ce qui vous a le plus affecté, Jean-Yves, dans cette affaire ?
06:27Moi, ce qui m'a le plus affecté, c'est de voir l'usine dans l'état où elle est actuellement.
06:33C'est-à-dire que monsieur Suppliçon a ferraillé toutes les machines.
06:38Il a vidé entièrement les locaux.
06:40C'est devenu une ruine.
06:42Il n'y a plus de possibilité de revenir sur un site industriel.
06:46Et il a escroqué tous les salariés qui étaient soi-disant repris.
06:51Moi, j'étais licencié dès le départ, dans la première vague de licenciés.
06:56Je faisais partie des 36 personnes qui étaient licenciées tout de suite.
07:01Et les 49 qui devaient reprendre leur travail n'ont jamais repris leur travail.
07:05On leur a promis des choses et c'était du vent.
07:09C'est un gâchis.
07:12Ça n'a pas de sens.
07:14Pour moi, ça n'a pas de sens.
07:16Jean-Yves, c'est Marie-Ameline.
07:20Tous les salariés aujourd'hui ont ce même sentiment d'amertume.
07:24Parce que cette entreprise aussi, on parle souvent d'une entreprise historique.
07:28C'est une vraie histoire industrielle, de vrais savoir-faire qui ont disparu avec cette reprise ratée.
07:35Oui, c'est 250 ans d'histoire de l'aluminium.
07:40C'est quelque chose d'unique qui était en France.
07:46On aurait pu faire un centre de formation pour des écoles.
07:50Il y avait plein de choses à faire dans cette usine.
07:53Et on a tout cassé.
07:55C'est vraiment dommage.
07:57Il y avait une usine qui était à reprendre.
08:01On avait trouvé quelqu'un qui était fiable,
08:04qui reprenait la totalité des salariés, qui réinvestissait dans les locaux.
08:08Cette personne, c'est un grec.
08:12À l'époque, on l'a un peu dit, le grec n'a pas les moyens, il ne va pas réussir.
08:19En fin de compte, cette personne, c'est Cosmos, ses deux frères.
08:25Ils ont doublé leur chiffre d'affaires depuis.
08:28En fin de compte, il y a eu le Covid.
08:31Mais ils continuent à tourner et leur entreprise fonctionne très bien.
08:34Jean-Yves, juste en quelques mots, qu'est-ce que vous espérez aujourd'hui de ce procès ?
08:40Moi, ce que j'espère vraiment, c'est que la justice se fasse
08:45et que M. Samson soit aussi condamné au même titre que M. Suppliçon.
08:50M. Samson, c'est quelqu'un qui a beaucoup d'argent sur des comptes.
08:55C'est lui qui finance un peu les opérations de M. Suppliçon.
09:01Parce que M. Suppliçon n'est pas solvable.
09:03C'est quelqu'un qui est juste un donneur d'ordre dans les entreprises.
09:09M. Samson, par contre, il était venu au tribunal de commerce
09:13avec un compte en banque très rempli.
09:16Il y avait plus de 100 millions d'euros sur un compte.
09:18Il nous l'a montré. Il s'en est un peu vanté pour avoir l'affaire.
09:23En fin de compte, on voit bien à quoi a servi son argent.
09:27Merci beaucoup, Jean-Yves. Vous faites partie des 52 parties civiles.
09:31Vous serez présent, tout à l'heure, au tribunal correctionnel d'Annecy.
09:36Merci Marie. Bonne journée à vous.
09:38On se retrouvera demain dans les éditions.
09:40On va suivre ce procès et on racontera demain ce qui s'est passé.