INTROSPECTION du 30 janvier 2025
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Soumiya, vous êtes donc présidente depuis bientôt trois ans à la Chambre de commerce,
00:08en plus de votre job, ça on l'a compris.
00:10Qu'est-ce qui s'y passe ? Quel est votre rôle ? Quels sont vos enjeux et vos objectifs ?
00:17Alors, l'intérêt de présidents d'établissements publics comme la Chambre de commerce de l'industrie de Paris,
00:22c'est que ce sont des élus entrepreneurs dans la vraie vie qui viennent et qui ont une vision
00:28et qui ensuite travaillent avec des équipes, une équipe de salariés de la Chambre.
00:33Et dès que je suis arrivée il y a trois ans, j'ai lancé ma feuille de route autour de trois « i ».
00:39Mais on va parler du « i » qui est le plus important pour moi, c'est le « i » de l'inclusion.
00:43Et l'inclusion, ça passe aujourd'hui depuis trois ans par plusieurs programmes.
00:48D'abord de travailler en recrutement diversifié, c'est-à-dire qu'on accompagne toutes les entreprises du territoire
00:56à recruter autrement et avoir un candidat et une candidate à travers ses compétences et son savoir-être
01:02plutôt que sa différence, son origine, son handicap ou ses QPV.
01:07Parce que je vous rappelle qu'il y a 230 quartiers politiques de la ville en Ile-de-France.
01:11Ce sont des quartiers où il y a quatre fois moins de chances d'accéder à un entretien d'embauche.
01:15Il y en a 22 à Paris. Donc on fait des sittings dans les quartiers, dans le 19e, dans le 18e,
01:21avec les groupes qui veulent recruter autrement et les équipes de la Chambre.
01:25Ça, j'en suis très fière.
01:27Deuxièmement, il n'y avait que 25 %, il n'y a toujours que 25 % de femmes qui entreprennent à Paris,
01:34à peu près 30 % en France et donc c'est déjà 20 % de moins puisque les hommes sont majoritairement des entrepreneurs.
01:41Donc j'ai lancé un grand programme pour accompagner l'entreprenariat au féminin en Ile-de-France et plus largement en France.
01:49Parce que je considère que, comme moi, la liberté des femmes passe aussi par la liberté d'entreprendre.
01:56Parce que cette liberté d'entreprendre, elle permet d'accéder aussi, finalement tout simplement, à son autonomie financière.
02:04Et qu'aujourd'hui, dans des situations où les femmes sont de plus en plus monoparentales,
02:08où il y a beaucoup de grandes difficultés, elles sont les premières à être licenciées.
02:12Et donc il faut aider et pousser les femmes à créer leur entreprise, à oser.
02:17Et donc je l'ai fait. Aujourd'hui, en deux ans, on a accompagné une centaine de femmes sur un programme qui s'appelle « Boost entrepreneur au féminin ».
02:26Et ça, c'est mon action à la Chambre de commerce.
02:30Mais parallèlement à ça, mon engagement en faveur de la diversité et des femmes, il est depuis que je suis toute petite et adolescente.
02:38Parce que la FMD que j'ai co-fondée, c'était justement pour lutter contre toutes les discriminations.
02:46Et tous les engagements que j'ai pu avoir en faveur des femmes, ça a été justement non pas pour les rendre encore plus victimes ou se poser en victime,
02:56mais plutôt pour être dans la débrouillardise et se lever le matin en disant « On est des femmes comme les hommes, en fait, et comme les autres.
03:05Et on a le droit de prendre notre place là où on est. Et on ne l'a pas encore suffisamment prise. »
03:11Oui, vous savez de quoi vous parlez. Vous pensez, Soumya, qu'on est encore dans un monde très misogyne ? Ça progresse ?
03:18Alors, on est toujours dans un monde très misogyne, mais surtout très pernicieux, en fait.
03:25Pourquoi ?
03:26Parce que tout se fait de manière très insidieuse. Parce que je pense que les hommes sont assez mécontents.
03:35Notamment, plus on tutoie le pouvoir et plus les femmes sont absentes. Et moins les femmes appréhendent le pouvoir, moins elles ont les codes du pouvoir,
03:47et plus c'est difficile pour elles. Donc aujourd'hui, les hommes qui sont à la tête et qui détiennent le pouvoir en France sur le plan économique,
03:54sur le plan politique, sur le plan des institutions, voient toujours d'un mauvais œil les femmes arriver.
03:59Donc on doit, nous-mêmes, aujourd'hui, créer nos codes. Et grâce à la fraternité entre les femmes, qu'on appelle la sororité.
04:06La fameuse sororité, oui.
04:07Mais c'est bien de l'appeler fraternité, puisque c'est le terme que la majorité emploie. Et il faut non pas singer les hommes, comme moi j'ai dû le faire pendant très longtemps,
04:20quand j'ai créé ma boîte dans la tech.
04:21Leur ressembler pour qu'ils nous considèrent.
04:25Et ce chemin, ce n'est pas dans l'autocensure, ce n'est pas dans la victimisation, ce n'est pas dans la singerie non plus.
04:32C'est cette voie qui est la nôtre et dont l'économie a besoin. Et plus il y aura de femmes dans l'économie, plus l'économie sera durable et sera soutenable.
04:41Parce qu'elles ont conscience de ce que sont les générations futures, je le dis vraiment, j'en suis persuadée.
04:49Elles sont mères ou elles ne le sont pas, mais elles ont conscience que le monde change et que ces grandes transformations, notamment environnementales,
04:56vont bouleverser notre planète et notre économie. Et elles sont plus conscientes de ça.
05:01Et moi, je le vis tous les jours. Ce n'est pas business uniquement pour le business, ça doit être une croissance qui doit tenir compte de cette...
05:10De la complémentarité des genres.
05:12Oui, de cette complémentarité, de cette durabilité de ces écosystèmes et surtout des générations qui arrivent.
05:18Alors, vous êtes une femme dans la tech. Il n'y a pas assez de femmes dans la tech.
05:22Non, il y en a très peu.
05:24Pourquoi elles n'ont pas pris cette voie, selon vous ? Pourquoi il y a ce vide ?
05:28Ce qui est dramatique, c'est que depuis 15 ans, ces femmes disparaissent de plus en plus de la tech.
05:33C'est-à-dire qu'elles y vont et qu'elles n'y restent pas ?
05:35Elles étaient plus nombreuses il y a 15 ans que maintenant.
05:38Mais pourquoi ?
05:40L'une fait de plus, c'est multifactoriel. La raison principale, c'est l'école, c'est la famille, c'est l'environnement social.
05:48Ça, c'est très important parce que les parents ne vont pas systématiquement proposer à leur fille de devenir ingénieure.
05:55Ce n'est pas quelque chose de... Il y a beaucoup d'autocensure, il y a peu de rôle-modèle, mais on y travaille beaucoup.
06:04On y travaille beaucoup.
06:05Parce qu'on peut être dans la tech, et j'en connais, sans être ingénieure.
06:08Mais évidemment, bien sûr, ce n'est pas uniquement lié... Moi-même, je ne suis pas ingénieure.
06:12Mais ce que je veux dire, c'est que la force, l'inertie aujourd'hui dans la tech, des profils qui dominent la tech,
06:20que ce soit dans les GAFAM, dans les boîtes de tech, c'est que tout a été fait par les hommes, pour les hommes.
06:28Je ne dis pas que ce n'est pas bien, même s'il y a beaucoup de biais quand on développe les algorithmes.
06:31Oui, on voit.
06:32On voit qu'on a oublié parfois les femmes au passage.
06:34Bien sûr.
06:35C'est qu'il faut pouvoir faire sa place et mettre les femmes au-devant de postes de direction, opérationnels, dans le commerce,
06:48dans les développements, dans la data, dans la cyber, dans toutes ces... Dans l'IA, il n'y a que 5% de femmes dans l'IA.
06:56Mais il faut évangéliser un maximum pour rendre ces métiers méconnus un peu attractifs.
07:01Oui, bien sûr.
07:02Est-ce que la Chambre de commerce fait des choses...
07:03Alors, la Chambre de commerce le fait. Je le fais aussi dans mon syndicat, le syndicat qui s'appelle Numéum, qui est le Syntec numérique.
07:09Je préside la commission formation avec FAMAT numérique.
07:13On mobilise beaucoup, mais on voit qu'on dérange parce qu'en fait, en ne parlant que de ce sujet systématiquement,
07:19on a un parterre de gens qui sont des gens qui sont convaincus.
07:23Il faut aller déplacer ce centre de discussion et aller dans les COMEX, aller dans les CODIR, aller dans les instances où il n'y a que des hommes.
07:31Aujourd'hui, moi, je veux changer de discours. Je ne veux plus parler du sujet des femmes dans un environnement où il n'y a que des femmes.
07:39Ce n'est pas jamais sans elles, ça ne va être jamais sans eux.
07:43Je ne sais pas si tu connaissais cette... Vous connaissiez, pardon.
07:47Ce mouvement qui était de dire qu'il n'y a pas de table ronde, il n'y a pas de table ronde ou d'événement sans qu'il n'y ait pas une femme autour du panel.
07:58Oui, oui, j'ai bien connu ce mouvement.
07:59On va faire une pause et puis on va revenir sur un sujet qui vous anime beaucoup et qui m'anime aussi d'ailleurs.
08:05A tout de suite !